Impact de Eucalyptus camaldulensis sur la diversité génétique

Les Eucalyptus, confinés à l’origine en Australie, sont devenus les essences de reboisement les plus plantées au monde en raison de la qualité de leur bois, de leur croissance rapide et de leur adaptation aux conditions extrêmes (sécheresse, froid, salinité etc.). En 2000, la superficie totale des plantations de Eucalyptus en Inde, au Brésil, en Afrique et en Europe atteignait 18 millions d’hectares (FAO, 2000). Cet engouement est aussi dû à de nombreuses autres qualités de cette essence, qui répondent largement aux attentes des sylvi-agriculteurs, des forestiers et des industriels.

Au Sénégal, le déficit pluviométrique récurrent, la pression démographique sur les terres cultivables (FAO/CSE, 2003) combinés au pâturage, concourent synergiquement à une dégradation des terres, à une disparition du couvert végétal et à une perte concomitante de la fertilité des sols (UNESCO/FAO, 1990). Pour faire face à cette situation des mesures ont été initiées dont l’introduction d’essences améliorantes exotiques d’origine australienne des genres Pinus spp., Eucalyptus spp., Casuarina spp. et Acacia spp. Le choix de ces espèces s’explique généralement par leur capacité d’adaptation aux zones d’introduction. Cette adaptation est généralement attribuée à des pressions de sélection qui les ont maintenues dans des milieux à fortes contraintes tout au long de leur évolution. De plus, ce sont des espèces qui présentent des caractéristiques sylvicoles intéressantes : croissance rapide et production élevée de matière végétale.

Le genre Eucalyptus a ainsi occupé une place prépondérante dans les programmes d’introduction des essences exotiques au Sénégal. La recherche forestière a ainsi mené plusieurs études afin de sélectionner les meilleures espèces et les provenances. C’est ainsi que, plus de 70 espèces de Eucalyptus, 120 provenances Eucalyptus camaldulensis Dehn, 30 provenances de Eucalyptus microtheca Muell. et 20 provenances de Eucalyptus terticornis ont été testées depuis 1967, dans différentes stations expérimentales dispersées à travers le Sénégal (Giffard, 1969 ; Hamel, 1981). Les résultats de ces travaux ont permis de proposer des provenances adaptées selon les conditions climatiques de chaque site et en même temps de favoriser une petite industrie de bois dans certaines localités. Cependant, la recherche forestière s’est plus intéressée à l’aspect purement production des plantations et à leur adaptation laissant de coté les aspects essentiels concernant l’évolution des sols sous Eucalyptus. Pourtant, parmi tous les facteurs influençant la productivité des peuplements végétaux, le sol (en tant que réacteur biologique) est celui qui est le plus directement modifié par les sylviculteurs.

La Zone aride, contraintes climatiques, édaphiques et reboisement de Eucalyptus comme solution 

En zone aride et semi-aride, les contraintes majeures à la production végétale sont la pauvreté des sols, la faiblesse et l’irrégularité des pluies. A cela s’ajoute la surexploitation des terres (expansion de l’aire des cultures, surpâturage) et l’avancée de la salinité qui conduisent à la désertification et à la dégradation des sols. Les sols dégradés sont continuellement soumis à l’érosion et à un appauvrissement en éléments minéraux et organiques dont l’azote et le phosphore. A ce jour, la baisse de la fertilité des terres en zone aride reste aussi prononcée qu’il y a trente ans (Liniger et al., 2011). Pourtant, malgré ces contraintes édapho-climatiques, on trouve dans la zone sahélienne des espèces très adaptées formant des peuplements plus ou moins denses. Généralement ces peuplements sont des légumineuses et particulièrement des acacias sahéliens. Au Sénégal, A. seyal, A. albida et A. senegal sont les espèces les plus fréquemment rencontrées. Ces espèces supportent des conditions climatiques très difficiles, en partie grâce à leur aptitude à fixer l’azote atmosphérique, propriété qui leurs permettent de coloniser des sols pauvres et impropres à la croissance de la plupart des autres végétaux. Mais, vers les années 1970, la recherche forestière dans son programme d’amélioration génétique a entrepris l’introduction des essences exotiques australiennes dans les campagnes de reboisements (Acacias australiens, Casuarina equisetifolia, Eucalyptus camaldulensis etc.). C’est dans ce cadre que E. camaldulensis a été introduit massivement au Sénégal et a connu un grand succès dans les programmes de reboisement.

Taxonomie et botanique de E. camaldulensis 

Eucalyptus provient du grec eu (bien) et kaliptos (couvert) car les pétales et sépales sont soudés en un opercule recouvrant étamines et pistil, dont les variations au sein du genre permettent de classer les espèces. Eucalyptus est aussi dénommé gommier rouge pour faire allusion à la gomme résineuse rouge que les arbres exsudent quand ils sont blessés. Les Eucalyptus sont des angiospermes dicotylédones qui appartiennent à la famille des Myrtacées, qui compte 90 genres et environ 3000 espèces. Selon la classification de Pryor et Johnson (Pryor et Johnson, 1971), le genre Eucalyptus comprend 7 sous-genres (Corymbia, Blakella, Eudesmia, Gaubaea, Idiogenes, Monocalyptus et Symphyomyrtus) et environ 700 espèces. Leur nombre précis a évolué au fil des études taxonomiques.

Le fruit est une capsule (opercule) lignifiée qui est mûre au bout d’un an (Fig.1 d et e). Elle contient des graines en général petites qui sont dispersées par le vent (Fig. 1e). La plupart des Eucalyptus ont des feuilles persistantes mais quelques espèces tropicales perdent leurs feuilles à la fin de la saison sèche. L’écorce des arbres de nombreuses espèces est lisse et s’exfolie ou se détache par plaques (Fig. 1).

Les plantations de Eucalyptus : origine, répartition dans le monde et inquiétudes écologiques 

Les espèces du genre Eucalyptus sont des arbres forestiers originaires d’Australie. La plupart des espèces répertoriées sont originaires de l’île de Tasmanie et de l’île principale d’Australie, seule quelques espèces ont pour origine l’Indonésie .

Mais depuis la fin des années 1980, les Eucalyptus sont transportés dans le monde pour des programmes de reboisement ou dans des programmes de production industrielle (FAO, 2000). En 2009, les estimations faisaient état de plus de 20 millions d’hectares dans le monde (Fig. 3a et b), majoritairement représentés en Asie (8.4 millions ha) et en Amérique (7.5 millions ha). En Afrique, la superficie des plantations est estimée à 2.4 millions hectares dont 63000 au Sénégal (Fig. 3b). Il est possible que Eucalyptus soit maintenant devenu le genre le plus planté en termes de nombre de plants par an. Ce développement à grande échelle des Eucalyptus a engendré une polémique entre les industriels et les associations de protection de la nature (société civile, ONG, scientifiques). En effet, l’incidence de ces plantations sur l’environnement et leur durabilité fait l’objet d’un débat très controversé qui s’est amplifié ces dernières années. Les anti-Eucalyptus craignent que les plantations gérées de manière intensive entrainent la compaction des sols, la diminution de la teneur en matière organique, l’acidification et la diminution de la disponibilité d’éléments minéraux (Powers 1999; Cannell 1999; Powers et al., 2005) ainsi qu’un assèchement de nappes phréatiques et une baisse de niveau des rivières. Des recherches ont ainsi été entreprises afin d’apporter des réponses au questionnement des uns et des autres. Ainsi au Congo, comme au Brésil des études sur le bilan de carbone, d’azote, et d’eau à travers le projet « EucFlux » (CIRAD, UMR Eco&Sols 2008) ont abouti à la conclusion que les plantations de Eucalyptus modifient profondément les cycles biogéochimiques dans les écosystèmes d’introduction (Maquere, 2008a et b ; Laclau et al., 2010).

Impact de Eucalyptus sur le sol 

Le sol constitue l’interface entre la surface de la terre et le socle rocheux. C’est un milieu complexe structuré et hétérogène. Le sol est une ressource naturelle, non ou lentement renouvelable, constitué d’une fraction organique et d’une fraction minérale, qui représente l’ensemble des produits d’altération physico-chimique de la roche mère. Le sol abrite des milliers d’organismes vivants qui influencent ses caractéristiques physicochimiques (pH, C/N, teneur en éléments minéraux, potentiel redox) et organiques. Parmi ces organismes, les microorganismes tels que les algues, bactéries, champignons, nématodes et protozoaires forment la majeure partie de la population. La plupart d’entre eux dépendent de la matière organique comme source de carbone. Les Eucalyptus par leur matière organique, leurs racines (action mécanique) et leurs exsudations racinaires (Swift et al., 1979) modifient les propriétés physico-chimiques (Farley et al., 2008) du sol tant au niveau microporosité que macroporosité (Keller et Zengler, 2004). Ces modifications peuvent engendrer des répercussions sur la diversité, l’activité, l’abondance et la répartition des microorganismes telluriques. Plusieurs travaux ont souligné l’effet allélopathique des Eucalyptus sur le sol (del Moral et Muller, 1970; Inderjit, 2001).

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Table des matières

1° INTRODUCTION GENERALE
2° Chapitre 1 : ETAT DES CONNAISSANCES
2.1. La Zone aride, contraintes climatiques, édaphiques et reboisement de Eucalyptus comme solution
2.2. Taxonomie et botanique de E. camaldulensis
2.3. Les plantations de Eucalyptus : origine, répartition dans le monde et inquiétudes écologiques
2.4. Impact de Eucalyptus sur le sol
2.5. Les communautés microbiennes
2.5.1. Rôle des communautés microbiennes telluriques dans l’équilibre de l’écosystème
2.5.1.2. Origine, diversité et biologie de la symbiose mycorhizienne arbusculaire
2.5.1.2. a. Avantage de la symbiose mycorhizienne et son rôle écologique
2.5.1.2. b. Les champignons Mycorhiziens médiateurs de la coexistence des plantes
2.5.1.2. c. Phylogénie des Gloméromycètes
2.5.1.3. La symbiose rhizobium-légumineuse
2.5.1.3. a. Classification des rhizobiums
2.5.1.3. b. Les légumineuses, répartition, importance économique et écologique
2.6. Promotion de l’utilisation des biotechnologies
2.7. Méthodes d’études des micro-organismes telluriques
2.7.1. Approche quantitative : la biomasse microbienne
2.7.2. Approche qualitative : les activités enzymatiques
2.7.2.1. Caractérisation des communautés microbiennes par la diversité catabolique (catabolic response profile, CRP)
2.7.2.2. Caractérisation des communautés microbiennes par La PCR-T/DGGE
2.7.2.3. Caractérisation des communautés microbiennes par la PCR/RFLP
2.7.2.4. Le séquençage
2.7.3. Limites des méthodes utilisées pour analyser la structure et la fonction des communautés microbiennes du sol
2.8. Relation entre diversité, stabilité et qualité des sols et des écosystèmes
2.8.1. Les indices de diversité
2.8.1.1. L’indice de diversité de Shannon-Weaver
2.8.1.2. L’équitabilité (evenness)
2.8.1.3. Indice de Simpson-Yule
2.9. Conclusion
3° Chapitre 2 : IMPACT DE EUCALYPTUS CAMALDULENSIS SUR LES CARACTERISTIQUES CHIMIQUES ET MICROBIOLOGIQUES DES SOLS
3.1. INTRODUCTION
3.2. Démarche expérimentale
3 .2.1. Présentation des zones d’étude
3 .2.1.b. Le Sénégal Oriental
3 .2.1.c. Les Niayes
3.2 .1.d. La Casamance
3 .2.1.e. La Vallée du fleuve
3 .2.2. Echantillonnage
3 .2.3. Analyses chimiques des sols
3 .2.3.1. Extraction et dosage de polyphénols des sols
3 .2.3.2. Biomasse microbienne totale des sols
3 .2.3.3. Activité enzymatique
3.2.3.4. Diversité et profils de réponse catabolique
3 .2.3.5. Structure des communautés microbiennes
3.2.4. Analyse statistique
3.3. RESULTATS
3.3.1. Diversité fonctionnelle (activité catabolique et enzymatique)
3.3.2. Diversité génétique
3.3.3. Analyse de corrélation entre les variables mesurées
3.4. DISCUSSION
3.5. CONCLUSION
4°) Chapitre 3 : INFLUENCE DES SOLS DE PLANTATIONS DE E. CAMALDULENSIS SUR LE DEVELOPPEMENT DES ESPECES D’ACACIAS SAHELIENS ET L’ARACHIDE
4.1. INTRODUCTION
4.2. MATERIEL ET METHODES
4.2.1. Les sols
4.2.2. Substrat de culture et matériel végétal
4.2.3. Dispositif expérimental
4.2.4. Paramètres mesurés
4.2.5. Analyse statistique
4.3. RESULTATS
4.3. 1.a. Analyse en composante principale de l’effet couvert
4.3.1.b. Effet âge sur la croissance (PA et PR), la mycorhization et la nodulation des Acacias sahéliens
4.3.2. Influence des sols sous Eucalyptus sur la croissance, la mycorhization et la nodulation d’A. hypogea
4.3.2.a. Analyse en composante principale de l’effet couvert
4.3.2.b. Effet âge sur la croissance (PA et PR), la mycorhization et la nodulation de Arachis hypogea
4.4. DISCUSSION
4.5. CONCLUSION
5° CONCLUSION GENERALE

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