Image de soi et identification

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Présentation du matériel clinique

Un corps sous tension.

L’agitation

Le corps de Lorenzo est pris d’une agitation permanente, il arrive dans le bureau très agité. Je l’entends souvent arriver dans le couloir en parlant très fort ainsi qu’en tapant dans les murs. Il tape très fort à la porte et l’ouvre de façon quasi-systématique avec un grand fracas en criant très fort « bonjour ». Ceci sans qu’on lui ait donnée l’autorisation de rentrer. Ensuite il se précipite sur la chaise du bureau où il s’affale et semble parfois lâcher prise. Pendant nos rencontres il peut se montrer très agité corporellement, il saute sur sa chaise, tourne sur lui même et circule dans l’espace avec la chaise. Je me rappelle d’un entretien où il prenait une règle et venait « scier » la table avec, ainsi que la fenêtre. Il a « scié » les meubles pendant un moment puis à trouver des ciseaux avec lesquels il a fait semblant de me couper la jambe. Durant cet épisode il était extrêmement agité.

Les tremblements

Pendant les entretiens avec Lorenzo, j’ai remarqué que ses mains étaient prises de tremblements importants lorsqu’il était face à l’ordinateur. Sa main au repos au-dessus de la souris d’ordinateur était prise de secousses. Même au repos, lorsqu’il semble se relâcher, le corps semble sous tension.
Peu de temps après cette observation, j’ai effectué des recherches sur son traitement médicamenteux. J’ai appris que le Lepticur faisait partie de la classe pharmaco thérapeutique des antiparkinsoniens anticholinergiques et il est en général prescrit en cas d’apparition de symptômes dûs à l’utilisation de certains médicaments comme les neuroleptiques. Ces tremblements sont-ils dus à la prise d’un traitement ou bien à ce corps sous une tension qui est évacuée par cette agitation corporelle?

L’énurésie

Lorenzo présente une énurésie nocturne qui n’est pas constante. La première fois que j’en ai entendu parler, c’est à la journée institutionnelle de l’ITEP Pro où le veilleur de nuit est intervenu pour faire part de la façon dont il gérait cette énurésie. Lorenzo demande à être réveillé la nuit pour aller aux toilettes, le veilleur de nuit le réveille donc chaque nuit. Lors d’une réunion, la maîtresse de maison avait également abordé ce problème au niveau des linges qui étaient souillés. Il est souvent revenu de la part des professionnel que cette énurésie apparaissait lors de changements de prise en charge, lorsqu’il ne va pas bien et surtout lorsqu’il n’est pas en possibilité de mettre en mots ce mal-être.
J’étais donc au courant de cette énurésie nocturne mais j’ignorais que ce symptôme pouvait être diurne. Un lundi, Lorenzo est arrivé très agité et le pantalon mouillé à l’entrejambe. Il me dira spontanément « c’est la pluie ». Ce jour-là, je l’ai senti très angoissé et il a demandé a appelé son éducatrice de la MECS. Dans un premier temps, au téléphone, il était très préoccupé par l’achat d’un nouveau téléphone. En effet, on le lui avait volé un mois plus tôt. Il craignait de ne pas avoir de téléphone afin que celui-ci lui serve de réveil pour son stage qui débutait le 20 mars. Sa famille d’accueil voulait lui acheter un téléphone le 30 mars. Ce téléphone semble également lui servir afin d’écouter de la musique lors des trajets en transport en commun. Dans un deuxième temps, il a évoqué sa préoccupation de ne pas passer le week-end chez sa mère car elle sortait de l’hôpital. Il se questionnait sur la personne qui allait l’accueillir cette fin de semaine. L’éducatrice lui a signifié qu’il allait chez sa soeur mais Lorenzo avait en tête que sa mère souhaitait qu’il aille chez son père. L’éducatrice l’a rassuré en lui assurant qu’il passerait le week-end chez sa soeur et que c’était convenu avec elle. Cet épisode m’a beaucoup questionnée sur la fonction de l’énurésie pour ce jeune qui semblait être en lien avec cette angoisse avec laquelle il était en prise.

Inhibition émotionnelle et du discours

Lors des rencontres avec Lorenzo, je me suis confrontée à de nombreux silences de sa part. Il parle peu ou pas de lui. Lorsque je l’interroge sur ces activités du week-end, par exemple, j’obtiens comme seule réponse « ahah ». J’en conclu que je n’obtiendrais pas plus d’information de sa part ce jour là. Après ce lundi, où il était très angoissé vis à vis de l’endroit ou il passerait le week-end. Le lundi suivant je lui ai demandé si son week-end s’était bien passé et s’il avait été chez sa soeur. Il m’a rétorqué «Oui, pourquoi tu me demandes ça ? ». Je lui ai alors rappelé qu’il avait l’air préoccupé la semaine passée et que je souhaitais savoir s’il avait trouvé une solution qui lui convenait pour ce fameux week-end. Il n’a rien dit de plus. Il a écouté un morceau de RAP et m’a demandé si je pouvais le télécharger pendant qu’il allait aux toilettes. Une fois revenu il a demandé à aller jouer au foot avec les autres jeunes qu’il apercevait par la fenêtre. Lorenzo, lorsqu’il est mis à mal se replie sur lui même et ne dit aucun mot de son état. Il semble dénué d’émotion hormis lorsqu’il plaisante ou fait des blagues. Son agitation corporelle semble être la seule façon qu’il ait trouvée d’exprimer cet indicible. Son aller aux toilettes, après m’avoir délivré une information sur lui, m’a questionnée sur la possible tension qui avait pu le saisir lui et son corps.

Entre victime et agresseur

Le bouc émissaire.

Lors de réunions, d’entretiens, ou lorsque je circulais au sein de l’ITEP Pro, j’ai remarqué que Lorenzo était régulièrement alpagué par les autres jeunes de l’institution parfois sans aucune raison apparente. Les jeunes le rejettent. Ils s’en prennent à lui à coup d’injures, de menaces et de bousculades, quotidiennement et il ne semble pas se révolter face à ces agressions. Il subit ces attaques, qui semblent faire partie de son quotidien, sans rien dire. Sa simple présence semble relever d’un insupportable pour les autres jeunes qui trouvent comme unique solution que la violence verbale ou physique à son encontre. Les autres jeunes sont capable de pointer le fait que Lorenzo les agacent. Par exemple : lorsque nous étions en salle informatique, un jeune s’est rué sur lui puis se tenant tout contre lui, l’a alors menacé de le « défoncer » s’il revenait l’embêter. Ces phénomènes de rejet et d’agressivité se répètent encore et encore.

Une victime passive

En plus de ces épisodes où il est pris à parti, j’ai assisté à un événement où il s’est montré particulièrement passif face à une agression que j’ai vécue comme très impressionnante.
Un lundi où je recevais Lorenzo, un autre jeune a fait irruption dans le bureau alors que nous venions tout juste de nous installer. Ce jeune, que je nommerai Baptiste, lui a arraché ses lunettes, a ensuite vidé la poubelle sur lui puis a tenté de l’étrangler avec un câble d’ordinateur. J’ai dû intervenir afin que cette agression cesse. Dans cette situation, je suis parvenue à conserver mon calme et j’ai été désarçonné par son mutisme pendant et après l’agression. Il était impossible de mettre en mots tout ce qui s’est produit sur ce court instant. Le lendemain, nous sommes parvenues avec la psychologue à reprendre l’incident mais c’est à travers mon discours que Lorenzo a pu en dire quelque chose. Il n’est certes, pas parvenu à initier le discours quant à ce qui s’était passé mais il a pu acquiescer ou repréciser les informations que j’ai pu transmettre à la psychologue pour qu’elle puisse remplir la fiche incident qui allait être remise au responsable de l’ITEP Pro.
Face à toutes les agressions qu’il subit par ses pairs, très violentes pour certaines, il reste très passif.
Il ne réagit pas, ne dit rien, ne se défend pas ou très peu, par exemple lors de la scène d’agression avec l’étranglement il a dû dire une seule fois « arrête ». Effectivement, lorsque l’on a repris l’événement pour faire une fiche incident le lendemain avec la psychologue, il a dit qu’il s’était défendu alors que, de ce que j’avais pu observer, ce n’était pas tellement le cas. Il considérait s’être défendu par le simple fait d’avoir demandé d’arrêter une fois. Lorsque j’ai évoqué ce manque de réaction avec la psychologue, elle m’a répondu que c’était comme ça à chaque fois que les autres s’en prenaient à lui, ce que j’avais également remarqué à plusieurs occasions.

Une position d’agresseur

Au moment de cet échange avec la psychologue, elle m’a indiqué que Lorenzo adoptait une attitude de victime passive face aux agressions de ses pairs, mais elle m’a notamment informée qu’avec sa mère et ses soeurs, Lorenzo se situait davantage du côté de l’agresseur. Sur le compte rendu de l’entretien d’admission à l’ITEP Pro, il est noté qu’il a des difficultés relationnelles avec ses soeurs.
Lorenzo et sa mère s’accordent à dire qu’il y a « des jours avec et des jours sans ». Lorenzo peut être agressif verbalement voire physiquement avec celles-ci. Lors de l’une de nos rencontres, Lorenzo m’a raconté que pendant le week-end chez sa mère il avait rebouché les trous qu’il avait faits dans le mur en donnant des coups de poing. Je lui ai dit qu’il devait être très énervé pour donner des coups de poings dans le mur, il m’a répondu « oui », rien de plus. Cette information qu’il m’a délivrée m’a laissé supposer qu’au domicile familial il pouvait se trouver dans des états de violence importants. Une violence, ce jour-là, qui était tournée vers lui mais qui aurait pu s’adresser à sa mère ou à ses soeurs. Dans un compte rendu de la Maison Départementale des Personnes Handicapées datant de 2012, les parents notent que Lorenzo peut faire des « crises de violence » et qu’il souhaiterait « être l’enfant unique ». En 2013, dans un bilan psychologique adressé à la Commission des Droit et de l’Autonomie des Personnes Handicapées, il est observé qu’il y a des difficultés au domicile familial et que « certaines situations sont rapidement vécues comme injustes » par Lorenzo. Ces éléments concernant la situation familiale laissent à penser que quelque chose se joue au niveau de la position de Lorenzo dans la famille. Il semblerait qu’il présente une certaine jalousie à l’égard de ses soeurs et de la façon dont elles sont investies par la mère.

L’auto-agressivité

Lors de nos rencontres j’ai pu constater que Lorenzo présentait des blessures aux mains régulièrement. Une fois il avait frappé contre les parois du taxi et avait des sortes de griffures, une autre fois entre le pouce et l’index de chaque mains il y avait deux grosses croûtes. Intriguée par ces lésions situées à un endroit inhabituel pour se blesser, je l’ai questionné sur l’origine de ses blessures. À mes interrogations, il a répondu « ça me gratte ». Ces croûtes paraissaient récentes et je les avais déjà remarquées quelques entretiens auparavant. En les observant, j’ai eu l’impression qu’il s’acharnait sur ses blessures comme s’il semblait rouvrir les plaies régulièrement et que ce geste pouvait s’apparenter à de l’automutilation. Ces lésions semblent être plus marquées quand il parait être moins bien comme avant le retour au domicile familiale pour les vacances de Noël.

Image de soi et identification

Le mauvais objet

Lorenzo semble être perçu comme le mauvais objet, que ce soit par ses pairs ou par sa mère. Les autres jeunes de l’ITEP Pro nomment régulièrement leur insupportable d’être en la présence de Lorenzo. Tout geste ou toute parole de sa part est vécu comme une provocation. Il est perçu comme un sujet persécutant par ses pairs. Ils ont une vision très négative de Lorenzo. De cela, en ressort beaucoup de violence à son à son égard tant verbale que physique. Les éducateurs évoquent souvent en réunion la relation difficile de Lorenzo à l’autre, aux autres. Il paraît très compliqué de gérer la présence de Lorenzo sur certains temps comme les temps de pause ou les temps d’internat. Face à ses agressions, il subit sans réagir, comme s’il acceptait le rôle de souffre-douleur que les autres lui attribuent. Par ce manque de protestation, il m’a donné l’impression qu’il s’identifiait à l’image que les autres lui renvoyaient.
Dans son dossier, j’ai lu les notes suite à un appel du psychologue avec l’éducatrice de la MECS. Il y était noté que : « Près de sa famille Lorenzo a la place du mauvais objet. Il est toujours pointé du doigt par la mère. Cela reste compliqué en famille. ». Dans les transmissions de la psychologue de l’ITEP à la psychologue de l’ITEP Pro j’ai pu relever que « La mère se préoccupe de son enfant seulement sur un versant dénigrant.». Lors d’une conversation avec ma tutrice de stage, nous échangions sur les relations compliquées qu’entretenaient Lorenzo avec ses pairs et sa place de bouc émissaire, elle m’a indiqué que cette place de mauvais objet était également visible au domicile familial.
Lors d’une rencontre de Lorenzo et sa mère avec quelques professionnels de l’ITEP Pro pour son Projet Personnalisé d’Accompagnement, la psychologue lui a proposé que je sois présente car je le voyais régulièrement. Lorenzo a refusé. La psychologue m’a transmis sa décision tout en me signifiant qu’il fallait que je l’attende pour notre rencontre hebdomadaire du lundi car il serait en retard. Elle m’a expliqué que son refus était probablement dû au fait que sa mère tenait généralement des propos négatifs à l’égard de son fils. Au départ j’étais un peu désappointée par son choix mais suite aux propos de la psychologue, j’ai interprété son choix comme une volonté de conserver une belle image auprès de moi. Ces écrits et ces échanges m’ont beaucoup interrogée sur les relations de Lorenzo avec sa mère, la place qu’elle lui attribuait au sein de la famille et notamment sur la manière dont il faisait avec ce rôle de mauvais objet.

La « dêchetisation »

Dans un échange avec la psychologue de l’ITEP, j’ai pu lire que les objets de Lorenzo sont très vite réduits en « déchets » lorsqu’il séjourne au domicile de la mère par exemple pour ses vêtements qui, soit ne reviennent pas, soit reviennent en lambeaux. Il peut notamment se présenter avec des vêtements sales ou encore troués. La famille d’accueil fera la demande pour qu’il ne ramène pas ses affaires au domicile maternelle. La maîtresse de maison de l’ITEP Pro a remarqué que Lorenzo ne range pas ou ne nettoie pas sa chambre d’internat, qui parfois se retrouve dans un très mauvais état.
Elle use régulièrement de stratagèmes pour essayer de lui faire prendre part au ménage et rangement de sa chambre mais il a du mal à rester présent à ces occasions.
A son retour de vacances au domicile de la mère, Lorenzo m’a dit qu’il avait passé de bonnes vacances. Il n’avait que son sac de cours. Il nous a montré un sac plastique qui contenait ses sousvêtements sales. Il nous a dit qu’il n’était pas repassé dans sa famille d’accueil avant de revenir à l’ITEP Pro. La psychologue lui a proposé de l’accompagner afin de déposer ce sac plastique à l’internat mais il a refusé. Ce jour-là il a été impossible pour lui de se rendre en Atelier « soustraitance ». Il a erré dans l’institution et faisant intrusion dans le bureau bien que nous lui avions signifié que nous ne pouvions l’accueillir ce matin là. Il faisait des allers-retours dans le bureau et nous disait « je me fais chier ». Rappelons que Lorenzo est énurétique et qu’il gardait ses sous- vêtements sales dans la poche de son manteau. Les week-end en famille sont souvent associés à l’apparition d’un mal-être chez ce jeune, existerait-il un lien avec le fait de conserver sur lui cet objet « déchet » ?

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Table des matières

Introduction 
Partie I : Présentation du dispositif de recherche
I. Présentation du lieu de stage
II. Contexte de la rencontre
1) Lorenzo, une rencontre spontanée
2) L’installation d’un Transfert et d’une recherche
3) Le contre-transfert
4) Anamnèse et portrait de Lorenzo
III. Problématique et hypothèses
Partie II : présentation du matériel clinique
I. Un corps sous tension
1) L’agitation
2) Les tremblements
3) L’énurésie
4) Inhibition émotionnelle et du discours
II. Entre victime et agresseur
1) Le bouc émissaire
2) Une victime passive
3) Une position d’agresseur
4) L’auto-agressivité
III. Image de soi et identification
1) Le mauvais objet
2) La « dêchetisation »
3) Du mimétisme à la fusion
IV. Un milieu familial défaillant
1) Une mère défaillante
2) Un père maltraitant
V. Un rapport aux objets singulier
1) L’objet de l’autre
2) La destruction d’objet
3) Ses objets et l’autre
4) Construction et déconstruction
Partie III : articulation théorico-clinique
I. Un environnement familial créant un enfant abandonnique
1) Un père absent mais présent
2) Le désinvestissement maternel
3) Lorenzo, un enfant abandonnique
II. L’agir comme solution psychique à un environnement défaillant
1) L’instabilité psychomotrice
2) Les conduites antisociales
3) La violence envers soi
III. Un adolescent « presque » comme les autres
1) La réactualisation des traumatismes
2) La relations à l’autre et les identifications : investissement et désinvestissement
3) Un abandon en cours de symbolisation
Conclusion
Bibliographie

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