Idéologies contemporaines de l’action culturelle

La culture Concept vaste et multiface s’il en est un, la culture peut être abordée sous plusieurs angles.

Avant d’être nommée puis érigée en système social, économique et politique concret, la culture a toujours été une composante abstraite de nos façons d’être et d’agir, unifiante relativement aux uns mais différenciatrice face aux autres; un pilier de notre identité, faisant écho au modèle de culture de Dumont (1968). Amorçons donc un plongeon de l’idéel au réel en citant la définition qu’en fait l’UNESCO (1982) : «La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances». Cette définition à teneur anthropologique dépasse largement ce qui est généralement entendu par l’expression de sens commun «culturel» et en révèle du même coup la portée. Le lien entre les deux conceptions est effectivement fort et bilatéral. Celui-ci est bien exploré par la sociologie 1 de l’art1, où les arts et les lettres (domaines d’intervention du sens commun «culturel ,,) constituent la quintessence de cet ensemble de traits sociaux distinctifs. Prenons cependant un instant pour nous arrêter sur l’identité, qui elle semble être centrale dans la littérature traitant de culture.

On trouve dans les écrits sociologiques deux familles de définitions de l’identité; l’une dite «personnelle», ou subjective – l’identité du sujet en fonction de sa représentation de lui-même et de sa conscience de soi. L’autre est dite «sociale », ou objective. Elle désigne l’identité du sujet en fonction de ses référents externes, dont les autres membres de ses groupes d’appartenance sociale. Une synthèse efficace sur le sujet est offerte par Ferréol et al. (2009). Ces définitions ont récemment été repiquées, notamment par Alex Muchielli (2006), qui, lui, avance que ces différents niveaux de conscience de soi et d’appartenance sont tous intereliés dans la complexité et actifs parallèlement. Il s’agirait donc bien de «noyaux identitaires». Cette acception concorde bien avec la multitude des «noyaux» d’oeuvre ou de pratique artistiques qu’une personne peut entretenir tout au cours de sa vie. Selon Poirier et al., ces différents éléments artistiques et expressions culturelles deviennent identitaires en ce qu’ils permettent «la création de liens symboliques, de sens partagé et débattu» (2012, p.154).

Le point focal de notre recherche, lui, se trouve précisément à ce niveau d’analyse: nous nous concentrons sur la partie de la culture qui est dite artistique. Teillet catalogue plusieurs des activités qu’elle recoupe, aussi diversifiées que: la production d’oeuvres, leur diffusion, leur protection ou leur conservation, la formation des artistes, le financement des institutions et des projets artistiques, le soutien aux artistes émergents et l’encouragement apporté par l’État, sous différentes formes, aux pratiques artistiques en amateur (2009). Ne nous reste donc qu’à ajouter la perspective, en fonction des orientations du présent projet de recherche: nous souhaitons examiner les questions de cette culture artistique du point de vue de l’usager, du citoyen. Car en se concentrant sur la dimension artistique du système culturel, ses implications sociales, identitaires, ainsi que son potentiel d’action émancipatrice autant qu’aliénante demeurent des préoccupations bien réelles et qui doivent être prises en considération. Plus près de cette posture réflexive, Poirier et al. proposent justement une définition de la culture qui est en forte correspondance avec cette perspective, résolument contemporaine puisqu’élargie aux pratiques culturelles virtuelles et médiatisées et prenant en considération le sens inféré à l’objet ou à la pratique. Il qualifie donc la culture comme suit: «la création et la circulation d’oeuvres et de textes qui possèdent du sens, de la signification pour les individus en tant que créateurs, récepteurs et diffuseurs actifs culturellement» (Poirier et al. , 2012, p.8. Inspiré de Raymond Williams, 1969, 1976, 1981 , 1990, 2001). Or, tant cette définition, ses éléments que les conceptions précédemment vues sont le fruit de décennies d’évolution idéologique et sociopolitique. Puisque les transformations du système culturel qui ont court actuellement sont bel et bien la continuité des transformations passées, il apparaît pertinent de traiter des principaux changements qui ont ainsi modelé notre conception de la culture artistique. Quelles transformations caractérisent donc l’évolution du champ de la culture, au Québec comme ailleurs?

Idéologies contemporaines de l’action culturelle

Nous verrons dans cette section les deux principales phases de l’évolution contemporaine de la conception de la culture et de «l’action culturelle» à la même période que l’établissement de la première politique culturelle du Québec: la démocratisation culturelle et la démocratie culturelle. Nous survolerons ensuite l’animation culturelle et ses formes plus particulières de médiation et de médiaction culturelles. Historiquement, à partir du XIXe siècle et jusqu’à la moitié du XXe siècle, on dénote un élargissement progressif de la notion même de culture (Poirier et al., 2012). Sa conception débordera du carcan des beaux arts et de la culture dite classique QU cultivée. Avec l’arrivée des moyens de communication de masse Uournaux, radio, etc.), on perçoit une distinction entre cette haute culture puis la basse culture. L’industrialisation vient ensuite provoquer la légitimation, par la force du nombre, de la seconde, devenue culture populaire. Ces forces évolutives continuent d’agir et de définir l’organisation de nos systèmes culturels alors que durant la deuxième moitié du XXe siècle on en vient à reconnaitre la dimension sociale de la culture. Le début du XXle siècle marque finalement une révolution politique considérable alors qu’on admet enfin la culture comme une valeur autonome et pas seulement une marchandise (Wolton, 2006). Ce virage est d’autant plus important que la mondialisation et le développement des technologies de l’information et des communications transforment radicalement notre rapport aux autres cultures, d’où la signature de la Convention internationale sur la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO en 2005. Les phases de démocratisation et de démocratie culturelles que nous verrons chevauchent donc cette époque d’évolution de la notion de culture, approximativement des années 1950 à nos jours.

Démocratie culturelle Caune traite dans son ouvrage La démocratisation culturelle: une médiation à bout de souffle (2006) du relatif échec de la démocratisation culturelle. D’abord, car elle se fait ultimement porteuse de violence symbolique, en termes bourdieusiens, mais aussi car elle a fini par être dénaturée par les intérêts marchands de l’industrialisation à laquelle elle a fini par être assimilée. Caune relate toutefois que suite aux mouvements sociaux de 1968, les intervenants qui oeuvrent principalement à la macrodiffusion culturelle en France se concentrent désormais également sur l’individu récepteur et infèrent un sens à leur action. L’action culturelle renouvelée poursuit donc une seconde visée, celle de démocratie culturelle: permettre la prise de parole pour l’épanouissement de la personne, la prise de conscience pour le développement de l’esprit critique ainsi que la reconnaissance de l’identité culturelle de tout un chacun. Il s’agit d’un fait de communication sociale par le biais du phénomène artistique (Caune, 1992). Encore une fois, on offre du côté des pouvoirs publics, des définitions plutôt élaborées de la notion.

En France, à l’occasion d’un décret, le ministre de la Culture Jack Lang formule la démocratie culturelle comme étant: le fait de «permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer, d’examiner librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix; de préserver le patrimoine culturel, national et régional ou des divers groupes sociaux au bénéfice de la collectivité tout entière» (Lang, 1982 dans Desmoulins, 2004, p.10). Au congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) de 1999, Lise Santerre, du MCC, soutient que l’idéologie de la démocratie culturelle «reconnaît la portée sociale de la culture qui peut contribuer à la revital isation du lien social, au renforcement de l’identité culturelle, à l’intégration de groupes minoritaires ou des exclus. La démocratie culturelle privilégie la participation active à la vie culturelle, notamment via les pratiques en amateur,> (p. 9). Elle renchérit que la démocratie culturelle: Défend la diversité des formes d’expression, des plus nobles aux plus marginales. Elle dénonce la supériorité d’une forme de culture sur les autres, toutes possédant une valeur propre. Pour les tenants de cette approche, celle de l’avenir, semble-t-il, encourager le décloisonnement entre les disciplines, de même que les échanges entre les cultures étrangères, traditionnelles, locales et minoritaires, est une condition de développement du potentiel créateur de la communauté (UNESCO, 1995), essentielle au renouvellement des approches (Watanabe, 1996) et au maintien du lien entre les arts et les différents aspects de la vie quotidienne (Adams, 1995). Puis conclut en disant que le modèle:

Qui peut paraître à priori mieux adapté au champ des activités socioculturelles qu’au domaine des arts, réhabilite en effet des formes d’expression appartenant au monde du loisir, du divertissement ou à des genres considérés comme mineurs, mais qui ne sont pas incompatibles avec des exigences de qualité. Il reconnaît la portée sociale de la culture qui peut contribuer à la revitalisation du lien social, au renforcement de l’identité culturelle, à l’intégration de groupes minoritaires ou des exclus. Enfin, la démocratie culturelle privilégie la participation active à la vie culturelle, notamment via les pratiques en amateur. Ces pratiques offrent des avantages au plan de l’épanouissement personnel, de la fréquentation des oeuvres et de l’innovation, sans compter leurs retombées économiques non négligeables. Peu directive quant au choix des contenus à encourager, la démocratie culturelle met un plus fort accent sur l’expression des préférences et par conséquent, privilégie les interventions favorables au libre-choix et à la diversité.

Elle encourage la « multidisciplinarité », le recours à des équipements peu coûteux et polyvalents ainsi que l’intégration de la culture à des champs d’activité (tourisme, santé, etc.) et à des lieux (usine, bar, etc.) non culturels. (p.9 Alors que les objectifs et modalités de la démocratisation et la démocratie culturelle diffèrent sensiblement, plusieurs acteurs et chercheurs près du MCC prônent depuis un certain temps leur intégration. Rebondissant sur les propos de Garon et Santerre (1999), Claude-Edgar Dalphond (2009) clame que: L’adoption d’un nouveau paradigme, d’une nouvelle façon d’envisager l’action culturelle paraît souhaitable. Une vision systémique, globale et intégrée de la culture serait compatible avec les acquis de la démocratisation culturelle. Elle permettrait de tirer parti des possibilités maintenant offertes par la participation des citoyens et des milieux locaux dans la mise en place de moyens innovateurs pour assurer la construction identitaire du Québec. Cette nouvelle perspective offrirait certainement des possibilités inédites pour relever les défis qu’impose l’avenir et servirait au mieux l’intérêt public en culture. (p.108)

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Table des matières

Sommaire
Table des matières
Liste des tableaux et figures
Remerciements
Avant-propos
Introduction
Chapitre 1 : Thématique de recherche
1.1 La culture
1.2 Idéologies contemporaines de l’action culturelle
1.3 Rapport État-culture
Chapitre 2 : Problématique générale
2.1 Le système culturel québécois
Chapitre 3 : Problématique spécifique
3.1 Le loisir culturel
3.2 Problème spécifique de recherche: le besoin d’initier un dialogue
3.3 Questions et objectifs de recherche
Chapitre 4 : Recension des écrits et cadre conceptuel
4.1 L’approche systémique
4.2 Concepts: structure et fonctionnement du système
4.3 Concept: secteurs
4.4 Concept exploratoire: facteurs d’intégration
Chapitre 5 : Méthodologie
Chapitre 6 : Présentation des résultats
6.1 Base de données intégrale
6.2 Analyse factorielle initiale
Chapitre 7 : Discussion
7.1 Analyse des résultats
7.2 Proposition de scénarios
7.3 Pistes de réflexion
Conclusion
Références
Appendices

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