Identités : de la marque comme dispositif à la marque dispositive

Pourquoi l’homme s’habille-t-il ?

   L’existence de l’homme n’est alors validée que par le regard d’autrui. Celui-ci ne verra jamais tous les organes qui font de lui un être vivant. Il ne voit son corps que par l’intermédiaire d’autrui. Le regard porté au corps, ne se réduit pas qu’à une possibilité de prise de conscience de soi mais offre aussi une lecture du monde. En regardant un corps on pourra y découvrir un âge, un sexe, un lieu, un récit, un signe, une multitude d’éléments qui font sens. Le corps donnera aussi à voir qui est « l’autrui » que nous évoquions quelques lignes plus haut. Il pose les bases de l’existence de l’Être, l’homme est un être dans le monde qui par son corps s’insère en lui pour y affirmer son existence. Cette relation à autrui révèle une existence individuelle de l’homme mais également une existence collective. Le corps est ce lien au monde dont l’homme est le propriétaire. Il construit ainsi un ensemble de signes, de règles reconnaissables et acceptés par d’autres propriétaires qui lui permettent alors de se déplacer dans l’espace et le temps. Pourquoi l’homme s’habille-t-il ? Pour répondre à cette question, il semble pertinent dans un premier temps de s’intéresser au corps qui est la fondation sur laquelle repose une parure et qui sans ce socle vivant pour la porter ne serait qu’un simple signifiant muet, dépourvu de tout décodeur de sens. Fontanille, nous dira que c’est : « Dans cette perspective que le corps n’est qu’un adjuvant de la communication, un instrument, un accessoire dont use le sujet d’énonciation pour renforcer, redoubler, compléter ce qu’il dit ». Le corps est questionné dans l’espace public car il se donne à voir. Bien que le terme « espace public » fasse référence en tout premier lieu à Kant, c’est sur la description faite par Jurgen Habermas dans sa thèse intitulée L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (1962) que nous nous sommes penchés. Dans cet ouvrage, Habermas décrit : « le processus au cours duquel le public constitué d’individus faisant usage de leur raison s’approprie la sphère publique contrôlée par l’autorité et la transforme en une sphère où la critique s’exerce contre le pouvoir de l’État.» Nous avons voulu mettre en lien Fontanille et Habermas pour servir notre propos selon lequel l’homme va se construire une image pour se mettre en scène et utilise son corps pour « renforcer », « compléter ce qu’il dit ». Sachant que le corps va être soumis à la critique, au débat puisqu’il circule dans un lieu où est l’opinion publique en fait usage. Le corps va pouvoir alors agir comme étant un moyen efficace de communication. Il va permettre de créer le débat, suscité la curiosité. D’ailleurs, notre travail de recherche a bien été initié par cette curiosité provoquée par le corps habillé des black dandys. Un  corps tantôt qualifié de : « Corps-sujet, corps-objet, corps dans l’espace, corps voilé, dévoilé, obèse, cadavre, tantôt corps en souffrance. De la mise en peinture à la mise en bière, en passant par la mise en scène artistique, théâtrale, sportive ou sociale, le corps s’expose, s’incarne, se donne à voir et à penser. Le corps communique dans sa chair (corps tourmenté, anéanti, déformé), dans ses interactions (objet de rejet, d’humiliation, de tensions ou de désirs), dans son rapport à la société (terrorisme, inhibition, peur, plaisir), son traitement médiatique (forme, genre et apparence), sa relation au public (rejet social, dangerosité, émotions). Même le corps passif signifie. Les représentations esthétiques, individuelles, médiatiques, symboliques, les logiques identitaires et sociales, les mises en scène de soi, la physiognomonie sont autant d’entrées pour analyser le jeu social, les rituels, les codes construits autour de notre relation au corps. » nous explique Béatrice Galinon-Melenec, et Fabienne Martin-Juchat. Nous venons de mettre en lumière le corps comme étant un témoin de l’existence, un objet physique fait de chair et sang. Un décodeur du monde en tant qu’il est médiateur,  adjuvant de la communication. Un support qui fait aussi langage. Une prise de parole qui peut se faire seule, mais ce qui nous intéresse dans cette étude est la jonction qu’il opère avec le vêtement. C’est en lisant « Identités visuelles » de Jean Marie Floch, que nous avançons cet argument selon lequel l’usage de l’objet « vêtement » passe d’une signification à une autre dans son cycle de vie. Cela commence par le vêtement et sa fonction critique, l’homme va s’habiller pour répondre à un besoin primaire, se vêtir. Le vêtement prend une fonction d’enveloppe du corps, de protection, de parure dont a besoin le corps comme support.

Puis la mode et les imaginaires qui construisent …

   La mode, selon Barthes, est le vide. Un vide qui se propage en proliférant des signes telle une rumeur. Elle est machine à produire des significations. La mode est un système de signes vides où le vêtement est perpétuellement en quête de signification. Le vêtement est constamment en proie à des interprétations subjectives. Dans « Mythologies », Barthes montre que la mode contient des éléments d’aliénation qui se trouve dans son discours. Selon lui, la mode ne renvoie pas à un sens précis mais elle a de la signification. Pour Roland Barthes, la mode est un ensemble de codes subtils mais qui incompris font de l’homme une victime. Elle présente en ce sens un caractère autoritaire, on parle dès lors de « fashion victim». Nous avons souligné à quel point le vêtement est porteur de signes dans la société dans laquelle il circule. Il est un marqueur social qui donne des informations sur l’individu qui le porte mais également sur la société pour laquelle il sert de reflet. Les hommes en font aussi usage comme un moyen de communication, un langage non verbal. « Les vêtements nous ont donné l’individualité, les distinctions, la politique sociale, les vêtements ont fait de nous des Hommes, ils menacent de faire de nous des Porte-habits. »  Le corps de l’homme n’est-il alors qu’un médium ? Un simple support où les fabricants de vêtements s’amuseraient à exposer en se plaçant sous l’égide de la mode ? Ou encore un objet sur lequel il est pertinent d’investir ? Nous tenterons de répondre à ces interrogations tout au long de cette étude. Sans toutefois le réduire qu’à ces états, nous constatons que la jonction du vêtement et du corps fait sens. Et nous comprenons que cette évolution de perception du vêtement va servir les intérêts de celui qui le fabrique et le vend tout autant que celui qui l’achète et le porte. Selon Baudrillard, « le corps devient notre plus bel objet de consommation ». Nous avions identifié l’homme comme propriétaire de ce corps communicant, lui permettant de prendre conscience de son existence au travers du regard d’autrui, et de se mettre en scène pour décliner son identité. En nous appuyant sur l’analyse de Floch, dans « Identités visuelles », nous pouvons affirmer que la dualité vêtement-corps a d’abord eu une valeur critique. Elle répondait à un besoin primaire : se protéger. Se protéger du froid, des intempéries. Puis elle acquiert une valeur pratique : revêtir un vêtement agréable, qui épouse les formes. La notion de confort fait alors son apparition. Pour ensuite atteindre une valeur utopique avec la mode. Un moyen de se donner à voir qui dépasse la valeur d’usage, laissant ainsi toute sa place à l’influence marchande. Une mode qui se renouvelle à chaque fois. « Dans une discipline (la médecine, la botanique…), à la différence du commentaire, ce qui est supposé au départ, ce n’est pas un sens qui doit être découvert, ni une identité qui doit être répétée ; c’est ce qui est requis pour la construction de nouveaux énoncés. Pour qu’il y ait discipline, il faut donc qu’il y ait possibilité de formuler indéfiniment, des propositions nouvelles ». Une mode apparaît pour chasser celle qui existe. Les médias annoncent tantôt une mode du court, puis du long etc… L’utilisation de cette citation de Foucault est une façon pour nous de supposer que la mode est un discours en elle-même. La mode va donc développer des énoncés à chaque saison et va sortir des collections capsules, collections éphémères en phase avec les différentes périodes de l’année. « Pendant des siècles, il y a eu autant de vêtements que de classes sociales. Chaque condition avait son habit, et il n’y avait aucun embarras à faire de la tenue un véritable signe […]. Ainsi, d’une part, le vêtement était soumis à un code entièrement conventionnel mais, d’autre part, ce code renvoyait à un ordre naturel, ou mieux encore, divin. Changer d’habit, c’était changer à la fois d’être et de classe, car l’un et l’autre se confondaient. Cependant, en fait, la séparation des classes sociales n’était nullement effacée : vaincu politiquement, le noble détenait encore un prestige puissant, quoique limité à l’art de vivre ; et le bourgeois avait lui-même à se défendre, non contre l’ouvrier (dont le costume restait d’ailleurs marqué), mais contre la montée des classes moyennes. Il a donc fallu que le vêtement trichat, en quelque sorte, avec l’uniformité théorique que la Révolution et l’Empire lui avaient donnée, et qu’à l’intérieur d’un type désormais universel, on réussit à maintenir un certain nombre de différences formelles, propres à manifester l’opposition des classes sociales. C’est alors qu’on a vu apparaître dans le vêtement une catégorie esthétique nouvelle, promue à un long avenir : le détail. Puisque l’on ne pouvait plus changer le type fondamental du vêtement masculin sans attenter au principe démocratique et laborieux, c’est le détail (« rien », « je ne sais quoi », « manière ») qui a recueilli toute la fonction distinctive du costume : le nœud d’une cravate, le tissu d’une chemise, les boutons d’un gilet, la boucle d’une chaussure ont dès lors suffi à marquer les plus fines différences sociales ; dans le même temps, la supériorité du statut, impossible désormais à afficher brutalement en raison de la règle démocratique, se masquait et se sublimait sous une nouvelle valeur : le goût, ou mieux encore, car le mot est justement ambigu : la distinction. Un homme distingué, c’est un homme qui se sépare du vulgaire par des moyens dont le volume est modeste mais dont la force, en quelque sorte énergétique, est très grande. Comme, d’une part, il ne prétend se faire reconnaître que de ses semblables, et comme, d’autre part, cette reconnaissance repose essentiellement sur des détails, on peut dire qu’à l’uniforme du siècle, l’homme distingué ajoute quelques signes discrets, qui ne sont plus les signes spectaculaires d’une condition ouvertement assumée, mais de simples signes de connivence. » Le point de vue du sociologue se retrouve dans les propos de nos interviewés. Diego M, 30 ans, nous dira qu’un homme distingué est celui qui « sait sortir de la masse sans pour autant être excentrique. »

Un imaginaire british

   Elle crée du simulacre notamment avec toute cette construction autour de l’imaginaire « British », à commencer par son nom : The Kooples traduit en français « les couples », cenom affiche une certaine résonance avec des noms de groupes musicaux rock’n’roll tels que The Doors, The Cure. Les frères Elicha, français d’origine apprécient le style anglais et vont nous conter une histoire qui débute dans la célèbre rue de Saville Row, rue connue pour ses tailleurs de costumes sur mesure. Les boutiques The Kooples peuvent être reconnues à distance de par leurs devantures boisées couleur noire, ce qui marque une similitude avec les pubs britanniques.

Penser le dispositif grâce à Foucault, Agamben

   Dans le livre « Surveiller et punir » Foucault présente la notion de dispositif, il désigne initialement des opérateurs matériels du pouvoir, c’est-à-dire des techniques, des stratégies et des formes d’assujettissement mises en place par le pouvoir. Il s’agit des mécanismes de domination qui sont étudiés par le philosophe. C’est en ce sens qu’il utilise la notion de « dispositifs ». Ceux-ci sont par définition de nature hétérogène il s’agit tout autant de discours que de pratiques, d’institutions que de tactiques mouvantes. C’est ainsi qu’il en arrivera à parler selon les cas de « dispositifs de pouvoir », de « dispositifs de savoir », de « dispositifs disciplinaires », de « dispositif de sexualité », etc.) Cette approche ayant une connotation négative dénonce un jeu de pouvoir, un contrôle social voire une aliénation. Hugues Peeters et Philippe Charlier lors du colloque international organisé par le Grems, diront que « nous assistons à une revalorisation de cette dimension » sans toutefois occulter la dimension du pouvoir.En effet, nous assistons à un basculement des comportements, où le rapport à l’objet n’est plus le même, marquant le passage d’une société traditionnelle avec une dualité dans les rapports à une société contemporaine, où règne une interdépendance entre l’objet et le sujet. Nous retrouvons le terme « dispositif » dans plusieurs domaines : militaire, judiciaire, policier, médical ce qui présuppose qu’ils aient tous un point commun : le contrôle.

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Table des matières

Remerciements
Introduction
Définition de la problématique et hypothèses
Plan d’expérimentation
Méthodes d’analyse et précautions rédactionnelles
1. De la marque comme dispositif
1.1. La marque : un dispositif qui s’invite dans le corps social pour y créer et proposer de l’identité 
1.1.1. A l’origine un corps et un vêtement
1.1.2. Puis la mode et les imaginaires qui construisent
1.1.3. … Un terrain fertile pour que la marque The Kooples y crée de l’identité
1.2. …avec la mise en place d’une panoplie
1.2.1. Penser le dispositif grâce à Foucault, Agamben
1.2.2. Une multitude de dispositifs : le site internet, l’espace marchand mais pas que
1.2.3. Entre stratégies et tactiques : Un récit
2. … A la marque dispositive
2.1. Trivialité : le pouvoir circule entre la marque et le consommateur
2.1.1. Qui sont les acteurs ? et qui détient le pouvoir ?
2.1.2. Une panoplie qui met l’accent sur un aller-retour entre la marque  et le consommateur
2.1.3. Un goût de déjà vu, un passé revisité
2.2. Instrumentalisation et appropriation
2.2.1. Un vêtement instrumentalisé par la marque, un prétexte
2.2.2. Un consommateur-acteur : le Black dandy
2.2.3. …qui use de la circulation du pouvoir et la transforme en revendication politique
3 Conclusion
Bibliographie
Table des annexes
Annexe 1 : Interview de Laura Zhang, assistante Relations presse et Images The Kooples
Annexe 2 : Interview de Diego Mangala, 31 ans, développeur
Annexe 3 : Interview de Philippe Morkos, 33 ans, DirecteurAnnexe 4 : Photos de Black dandys
Annexe 5 : Pyramide de Maslow
Annexe 6 : Analyse sémiologique de l’espace marchand The Kooples
Annexe 7 : Analyse stratifiée du site internet www.thekooples.fr
Annexe 8 : Extrait du dossier de presse du collectif STREET ETIQUETTE pour présenter le projet Black IVY
Résumé
Mots clés

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