Hydrogels injectables pour la prévention des adhérences tissulaires

Critères pour la conception d’hydrogels injectables et propriétés

Etant donné que les tissus de notre corps possèdent des caractéristiques et des fonctions très différentes, il est important de pouvoir caractériser adéquatement les matériaux qui vont les remplacer. De plus, la nature chimique et le mécanisme de formation du gel influencent fortement la compatibilité du biomatériau à contenir des cellules viables. Les paramètres primordiaux qui définissent la structure et les propriétés biologiques et mécaniques des hydrogels sont les suivants: Propriétés de gonflement : le taux de gonflement à l’équilibre d’un hydrogel détermine sa capacité à absorber l’eau, et influence notamment ses propriétés mécaniques. Les propriétés de gonflement sont gouvernées par le type de polymère, sa concentration, la densité de réticulation et les facteurs environnementaux tels que la température, le pH et la force ionique (Ebara et al., 2014; Shetye et al., 2015). En effet, les chaînes polymériques interagissent avec les molécules d’eau et tendent à se dilater.

Au contraire, le réseau polymérique, réticulé physiquement ou chimiquement, applique des forces attractives qui retiennent les chaines. L’équilibre est atteint lorsque les forces de répulsion et d’attraction se compensent (Ebara et al., 2014). Propriétés mécaniques : l’hydrogel doit pouvoir résister aux contraintes corporelles sans pour autant être fragile et cassant. De plus, en ingénierie tissulaire, on cherche généralement à remplacer le tissu cible par un biomatériau ayant des propriétés mécaniques équivalentes. Comme les tissus mous, les hydrogels présentent un caractère viscoélastique qui rend délicate la caractérisation de leurs propriétés mécaniques. En effet, dans l’hydrogel, la phase liquide peut se déplacer au sein du réseau polymérique et les propriétés mécaniques dépendent alors notamment de la vitesse de déformation, du temps et de la température. La rigidité des hydrogels est communément évaluée à titre comparatif grâce à leur module élastique (module d’Young) par des essais en cisaillement et/ou en compression, et plus rarement en tension (Ebara et al., 2014; Sivashanmugam et al., 2015). La rigidité des gels peut être influencée par de nombreux paramètres tels que la concentration en polymère, la méthode de préparation, le taux de gonflement et le mode et degré de réticulation (Ebara et al., 2014). Cinétique de gélification : un temps de gélification relativement court permet d’éviter la fuite de l’hydrogel hors du site dans lequel il est injecté, mais il doit cependant être suffisamment long pour permettre la migration du liquide jusqu’au site d’intérêt. La rhéologie permet d’évaluer le module de conservation G’ et le module de perte G » en fonction du temps. G’ représente la composante élastique en cisaillement et la portion réversible de la déformation, alors que G’’ représente la composante visqueuse de la solution en cisaillement et la portion irréversible de la déformation suite à une sollicitation. Lorsque G’< G’’, le matériau possède des propriétés attribuables aux liquides et lorsque le processus de gélification commence, G’ va dépasser G’’, le matériau possédant alors des propriétés qui se rapprochent des solides (J. Cho, Heuzey, Bégin, & Carreau, 2006).

Porosité: la porosité est un des paramètres les plus importants pour assurer la migration, l’attachement et la prolifération des cellules ainsi que pour le transport des nutriments et l’incorporation de médicaments. La taille de pores idéale est cependant encore débattue et dépend du type cellulaire (de quelques micromètres à quelques centaines de micromètres) (Loh & Choong, 2013). Différentes techniques existent pour créer de la porosité (réticulation, lyophilisation, gaz CO2) et l’analyse de la morphologie des gels peut être évaluée par microscopie électronique à balayage (Sivashanmugam et al., 2015). Cependant, cette technique présente des limites car elle analyse un hydrogel sec dont la structure et la porosité peuvent avoir été modifiée par le procédé de séchage (lyophilisation). Biocompatibilité : étant donné qu’ils vont être en contact avec des tissus humains, il est important que les hydrogels n’engendrent pas de réponses inflammatoires ou immunitaires. Pour cela des tests de cytotoxicité et de toxicité in vivo sont exigés. La biocompatibilité se définit comme l’absence de réponses adverses de l’hôte aux niveaux local et systémique, ainsi qu’une réaction biologique appropriée pour l’application ciblée.

Dans le cas où l’hydrogel sert de matrice pour injecter des cellules, il faut également qu’il permette une bonne survie et prolifération cellulaires. Biodégradabilité : la vitesse de dégradation doit être comparable à la vitesse de régénération du tissu natif. Une dégradation trop lente empêcherait le tissu de se réparer et une dégradation trop rapide occasionnerait une perte des propriétés du tissu qui doit être remplacé. La capacité des hydrogels à se résorber peut être provoquée par voies enzymatique, hydrolytique ou environnementale (pH, température, etc…). Dans les sections suivantes, nous décrirons deux applications particulièrement intéressantes, la prévention des adhérences tissulaires et la régénération du cartilage, pour lesquelles il n’existe pas encore de traitements efficaces qui puissent être appliqués en chirurgie miniinvasive. Nous préciserons les critères du cahier des charges d’un hydrogel injectable idéal pour ces deux applications. Par la suite, nous détaillerons plus particulièrement les hydrogels de chitosane et leur potentiel pour ces applications.

Adhérences tissulaires : incidence et pathophysiologie

Les adhérences tissulaires sont des processus pathologiques qui consistent en l’union des surfaces opposées d’une blessure. Celles qui nous intéressent ici sont les adhérences intrapéritonéales qui sont un fardeau pour la santé publique. Elles se produisent suite à des chirurgies pelviennes et abdominales (cholécystectomie, gastrectomie, appendicectomie, etc) et apparaissent dans 67% à 93% des cas et jusqu’à 97% lors de chirurgies gynécologiques ouvertes (Alonso, Alves, Watanabe, Rodrigues, & Hussni, 2014; Diamond & Freeman, 2001; Ergul & Korukluoglu, 2008; Gao et al., 2013; Liakakos, Thomakos, Fine, Dervenis, & Young, 2001; Ward & Panitch, 2011). Ces adhésions sont des liaisons entre les surfaces des cavités péritonéales ou pelviennes formées durant la cicatrisation; elles peuvent se présenter sous forme de films fins de tissus conjonctifs jusqu’à d’épais tissus fibreux vascularisés (Hellebrekers, Trimpos-Kemper, Trimbos, Emeis, & Kooistra, 2000). Les adhérences intrapéritonéales peuvent aboutir à des complications sérieuses telles que des occlusions intestinales, des douleurs chroniques, des infections, et un risque d’infertilité (Alonso et al., 2014; Cheong, Laird, Shelton, Ledger, & Cooke, 2001; Ergul & Korukluoglu, 2008; Gao et al., 2013; Hellebrekers et al., 2000; Kamel, 2010; Liakakos et al., 2001). En effet, on estime à 40% le nombre d’occlusions intestinales liées à des adhérences tissulaires et 60 à 70% touchent l’intestin grêle (Cheong et al., 2001; Schnuriger et al., 2011). Opérer sur des tissus adhérés s’avère alors très risqué : perte de sang, dommages graves aux organes, augmentation du temps de chirurgie et des risques associés. Les adhérences postopératoires sont une grande cause de frustrations chez les chirurgiens car l’origine de leur formation est, encore de nos jours, mal comprise. Connaître les mécanismes de formation des adhérences est cependant indispensable pour développer des stratégies efficaces afin de les prévenir.

La Figure 1.2 résume les processus menant aux adhérences tissulaires. La membrane péritonéale est constituée de cellules mésothéliales (le mésothélium), qui sont très sensibles au moindre traumatisme et sécrètent des interleukines (IL2 et IL6) et différents facteurs de croissance et marqueurs tumoraux (TGFβ et TNFα) (Alonso et al., 2014). Lorsque ce tissu subit une agression, la réponse vasculaire entraîne un processus complexe qui fait intervenir plusieurs types cellulaires, cytokines, facteurs de coagulation et protéases (Alonso et al., 2014; Cheong et al., 2001; Kamel, 2010; Schnuriger et al., 2011; Ward & Panitch, 2011). L’agrégation des plaquettes active le début de la coagulation tandis que la libération de cytokines au sein de cet environnement inflammatoire stimule la migration cellulaire. La réaction inflammatoire qu’induit la blessure provoque la formation d’un exsudat riche en fibrine qui fait partie du processus de réparation tissulaire, en fournissant une matrice pour la propagation des fibroblastes et des nouveaux vaisseaux sanguins, tout en connectant les tissus abîmés entre eux (Alonso et al., 2014; Hellebrekers et al., 2000). Cependant, la dissolution de la fibrine lors de la fibrinolyse est une étape clé dans la formation des adhésions. Ce processus clôture la coagulation, sert à empêcher la formation de thrombose et encourage la guérison. Cependant, si elle ne se produit pas durant les 5 à 7 jours suivant l’opération, la matrice de fibrine temporaire va perdurer et devenir plus organisée pour ensuite former des adhérences (Alonso et al., 2014; Cheong et al., 2001; Hellebrekers et al., 2000; Kamel, 2010; Liakakos et al., 2001).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1.CONTEXTE BIOMÉDICAL ET ÉTAT DE L’ART
1.1Biomatériaux injectables pour des applications médicales
1.1.1Introduction aux hydrogels
1.1.2Critères pour la conception d’hydrogels injectables et propriétés
1.2Hydrogels injectables pour la prévention des adhérences tissulaires
1.2.1Adhérences tissulaires : incidence et pathophysiologie
1.2.2Les stratégies de prévention existantes et leurs limites
1.2.3Cahier des charges de la barrière idéale
1.3Hydrogels injectables pour la régénération du cartilage
1.3.1Anatomie et incidence de l’arthrose
1.3.2Pathophysiologie
1.3.3Stratégies de traitement existantes et leurs limites
1.3.4Vers la régénération du cartilage
1.3.5Cahier des charges du produit idéal
1.4Les hydrogels de chitosane
1.4.1Le chitosane
1.4.2Les hydrogels de chitosane
1.4.3Avantages et limites des hydrogels de chitosane du LBeV pour la prévention des adhérences tissulaires et la régénération du cartilage
1.5Les hydrogels de chitosane-collagène
1.5.1Le collagène
1.5.2Avantages et limites des hydrogels de collagène
1.5.3Les hydrogels de chitosane-collagène
1.6Résumé du contexte et objectifs de l’étude
CHAPITRE 2MATÉRIEL ET MÉTHODES
2.1Préparation des hydrogels de chitosane
2.1.1Purification du chitosane
2.1.2Solubilisation du chitosane
2.1.3Préparation des agents gélifiants
2.1.4Préparation des hydrogels de chitosane
2.2Synthèse des hydrogels de collagène et chitosane-collagène
2.2.1PureCol® EZ gel
2.2.2Préparation des hydrogels de chitosane-collagène
2.3Présentation et préparation du produit JointRep™
2.4Caractérisations mécaniques
2.4.1Étude rhéologique
2.4.2Injectabilité et étalement sur une surface
2.4.3Propriétés mécaniques en compression non-confinée
2.4.4Cinétique de dégradation
2.5Caractérisation physicochimique
2.5.1Microscopie Électronique à Balayage (MEB)
2.5.2pH et Osmolalité
2.6Relargage de l’héparine
2.7Évaluation de la viabilité cellulaire In vitro
2.7.1Encapsulation cellulaire
2.7.2Viabilité cellulaire par coloration Alamar Blue
2.7.3Essais Live/Dead
2.8Modèle In vivo pour la prévention des adhérences tissulaires
2.8.1Protocole expérimental
2.8.2Analyse des adhérences
CHAPITRE 3RÉSULTATS
3.1Évaluation du potentiel d’hydrogels de chetane pour la prévention des adhérences tissulaires
3.1.1Caractérisations In vitro
3.1.2Essais In vivo
3.2Caractérisation In vitro du produit JointRep™ pour la régénération du cartilage
3.2.1Étude rhéologique
3.2.2Propriétés mécaniques en compression non-confinée
3.2.3pH et Osmolalité
3.2.4Évaluation de la morphologie et de la porosité par MEB
3.3Caractérisation des hydrogels de chitosane-collagène
3.3.1Étude rhéologique
3.3.2Propriétés mécaniques en compression non-confinée
3.3.3pH et Osmolalité
3.3.4Évaluation de la morphologie et de la porosité par MEB
3.3.5Évaluation de la viabilité cellulaire In vitro
CHAPITRE 4DISCUSSIONS, LIMITES ET PERSPECTIVES
4.1Évaluation du potentiel d’hydrogels de chitosane pour la prévention des adhérences tissulaires
4.2Caractérisation du produit JointRep™ pour la régénération du cartilage
4.3Caractérisation d’hydrogels de chitosane-collagène
CONCLUSIONS

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