Hydratation du ciment portland

Ces travaux de thèse ont été réalisés dans le cadre d’une collaboration entre l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) et le LMDC (Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions). Cette thèse s’inscrit dans le cadre du projet ODOBA (Observatoire de la Durabilité des Ouvrages en Béton Armé) et du consortium CONCRETE, visant à prolonger la durée de vie des ouvrages nucléaires de 40 à 60 ans par l’intermédiaire d’actions préventives. Environ 75% de l’électricité produite en France provient des centrales nucléaires. La prolongation de la durée d’exploitation de ces installations devient donc un enjeu économique et sociétal important. Cependant les exigences en termes de sûreté ne concernent pas uniquement la stabilité mécanique de ces ouvrages mais également le maintien du confinement en cas d’accident grave. Ainsi le taux de fuite d’une enceinte de confinement, confectionnée en béton précontraint, est vérifié tous les 10 ans. Dans ces ouvrages, le risque d’apparition de Réaction de Gonflement Interne (RGI) ne peut pas être écarté. Ces réactions sont maintenant connues depuis une trentaine d’années et se rencontrent principalement dans les ouvrages massifs tels que les barrages, les centrales nucléaires et les ponts. On distingue deux pathologies, la Réaction Sulfatique Interne (RSI) et la Réaction Alcali-Silice (RAS). Ces deux pathologies nécessitent un fort taux d’humidité pour se développer. La RSI a lieu lorsque le béton subit une élévation de température importante (>65°C). Cette élévation de température engendre la dissolution de l’ettringite primaire qui recristallise par la suite sous forme massive et comprimée. La RAS est caractérisée par la formation d’un gel silico-alcalin, qui est le produit de la réaction entre la silice (partiellement cristallisée) contenue dans les granulats et les alcalins provenant du ciment. Ces deux réactions provoquent une expansion du béton pouvant gravement altérer les propriétés mécaniques de l’ouvrage et ainsi conduire à sa ruine.

HYDRATATION DU CIMENT PORTLAND

L’hydratation du ciment Portland concerne principalement quatre éléments, les silicates tricalciques, les silicates dicalciques, les aluminates tricalciques et les alumino-ferrites tétracalciques. Leur hydratation va conduire à la formation de silicates de calcium hydratés (C-S-H) en grande quantité, de Portlandite (CH) et d’aluminates de calcium hydratés (C-AH).

LA RÉACTION SULFATIQUE INTERNE

Il existe deux réactions sulfatiques, l’une dont l’origine des sulfates est externe, appelée « réaction sulfatique externe (RSE) » et l’autre dont la provenance est interne, appelée « réaction sulfatique interne (RSI)».  Cette pathologie se retrouve dans les ouvrages massifs dont la température du béton s’est retrouvée élevée à un moment de son histoire.

Dans le cas d’un échauffement au jeune-âge c’est l’exothermie des réactions d’hydratation du ciment qui est à l’origine de la montée en température, pouvant dépasser les 80°C. La RSI se caractérise par la formation d’ettringite différée provoquant un gonflement du béton, réduisant grandement les propriétés mécaniques de l’ouvrage .

Les différents types d’ettringite

On distingue trois types de formation d’ettringite :
● l’ettringite de formation primaire,
● l’ettringite de formation secondaire,
● l’ettringite différée.

L’ettringite de formation primaire
L’ettringite primaire est un produit issu des réactions d’hydratation entre le régulateur de prise (gypse, hémihydrate et anhydrite), l’aluminate tricalcique (C3A) et l’eau. Cette formation, se faisant pendant la prise du béton dans les espaces libres, n’induit pas de gonflement du béton. Elle s’avère même bénéfique en contribuant à la cohésion de la pâte et en comblant la porosité. On retrouve cette ettringite sous forme aciculaire (figure I-2) (Godart et al., 2009).

L’ettringite de formation secondaire
La formation secondaire d’ettringite est régie par des phénomènes de dissolution/précipitation dépendant de certaines conditions thermodynamiques liées au pH, à la température et à la concentration en alcalins. Elle résulte des réactions chimiques entre l’aluminate tricalcique déjà présent dans le matériau et un apport extérieur de sulfate et d’eau. Cette pathologie, appelée réaction sulfatique externe peut se retrouver dans les ouvrages sous-terrain, en contact avec le sol, mais également au niveau des piles de pont en contact avec l’eau de mer. Dans le cas où il n’y a pas d’apport d’agents agressifs extérieurs, l’ettringite peut cristalliser sous forme aciculaire sans endommager le matériau, en prenant place dans les espaces libres du béton.

Dans le cas d’un apport de sulfate venant de l’extérieur et en présence d’eau, l’ettringite cristallise sous forme massive et comprimée (figure I-3) pouvant engendrer un gonflement du matériau (Godart et al., 2009).

L’ettringite de formation différée
On parle d’ettringite différée dans le cas où le béton a subi une élévation de température de plus de 65°C au jeune âge, ce qui peut survenir en particulier dans les ouvrages massifs (barrages, centrales nucléaires). A une telle température, l’ettringite ne cristallise pas pendant la prise, au contact de l’eau et à température ambiante mais elle peut cristalliser par la suite et engendrer de la fissuration. Dans ce cas il n’y a pas d’apport de sulfate externe, toutes les molécules nécessaires à la formation d’ettringite sont déjà présentes dans le béton (Godart et al., 2009).

Les mécanismes physico-chimiques 

La Réaction Sulfatique Interne (RSI) se caractérise par la formation d’ettringite différée dans le matériau cimentaire, après durcissement du béton et sans apport externe de sulfate. Cette réaction nécessite la présence de trois principaux facteurs :
● des ions sulfates,
● de l’eau,
● une élévation de la température au jeune âge et/ou tardive.

La source de sulfates
Les réactions d’hydratation du ciment sont sensibles et varient en fonction de la température. Les sulfates contenus dans le ciment ne réagissent pas tous pour former de l’ettringite primaire ; de plus avec une élévation de température la solubilité de l’ettringite augmente, ce qui se traduit par une plus grande concentration en ions sulfates dans la solution interstitielle du béton. La solubilité de l’ettringite est également fonction de la concentration en alcalin de la solution interstitielle ; en effet, en présence d’une grande concentration d’alcalin et à des températures supérieures à 65°C, le domaine de stabilité de l’ettringite est fortement réduit. A plus haute température, entre 70 et 90°C, une grande part des ions sulfates (SO4 2- ) obtenue par dissolution de l’ettringite primaire est adsorbée par les C-S-H, une autre part des sulfates se retrouve sous forme de cristaux nanométriques de monosulfoaluminate de calcium. Cette capacité d’adsorption des ions sulfates par les C-S-H s’accroît avec le rapport C/S des C-S-H et cette dernière augmente avec une élévation de la température (Fu et al., 1994). Du fait de la faible liaison entre les C-S-H et les ions sulfates, au cours du temps, ces derniers peuvent être relâchés faisant augmenter la concentration en sulfate de la solution interstitielle (Godart et al., 2009).

La pression osmotique
Selon Metha, en présence de chaux, la formation d’ettringite différée se fait sous forme colloïdale c’est-à-dire sous forme de nano-cristaux de grande surface spécifique (Metha, 1973). Seule l’ettringite colloïdale est susceptible de créer une grande expansion. En effet, les particules colloïdales d’ettringite de grande surface spécifique et chargées négativement attirent les molécules d’eau qui les entourent. Ce flux d’eau est dû à la différence d’énergie entre la solution interstitielle et l’eau contenue dans le gel d’ettringite. En effet, le niveau d’énergie est plus faible à l’intérieur du gel. Ce phénomène provoque une forte absorption d’eau qui conduit à un gonflement important.

Le gonflement homogène
Selon Scrivener, après l’échauffement au jeune âge du béton (traitement thermique à 80°C pendant 16h) une grande quantité d’ions sulfates et d’aluminates sont présents dans les C-SH (Scrivener et al., 1993). Après retour à température ambiante, l’ettringite se reformerait sous forme de petits cristaux autour des C-S-H qui ensuite se propageraient dans les pores du béton. Les C-S-H ayant une répartition homogène dans la matrice cimentaire et la formation d’ettringite se faisant autour de ces derniers, un gonflement homogène du béton serait provoqué. Ce gonflement engendrerait des fissures à l’interface pâte/granulat. Ce n’est qu’après cette fissuration que l’ettringite se formerait dans ces espaces. Les forces à l’origine de l’expansion seraient liées à la pression de cristallisation des plus petits cristaux dans les plus petits pores des C-S-H externes.

Le gonflement au niveau de l’interface pâte-granulat 

Selon Diamond, la théorie du gonflement homogène est incomplète et ne prend pas en compte l’influence des granulats sur le mécanisme d’expansion de l’ettringite différée (Diamond, 1996). Il s’appuie sur le fait, que dans une zone donnée, la fissuration à l’interface entre la pâte et le granulat n’est pas valable sur tous les granulats et que la fissuration ne se fait pas sur tout le tour du granulat ; il apparaît donc une fissuration hétérogène. Il explique ainsi que la formation d’ettringite différée se fait dans les zones déjà fissurées qui peuvent être liées par exemple au retrait du béton. Cette formation d’ettringite dans les zones fissurées et dans les vides d’air provoquerait une expansion par pression de cristallisation. Il a également montré que l’apparition d’ettringite différée à l’ITZ (Interfacial Transition Zone) dépend du type de granulat. Pour des granulats calcaires, aucune expansion significative n’a été notée contrairement à l’utilisation de granulats siliceux.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I. CHAPITRE I: ETAT DE L’ART
I.1 INTRODUCTION
I.2 HYDRATATION DU CIMENT PORTLAND
I.2.1 La notation cimentaire
I.2.2 La réaction d’hydratation du C3S
I.2.3 La réaction d’hydratation du C2S
I.2.4 La réaction d’hydratation du C3A (en présence de sulfate)
I.3 LA REACTION SULFATIQUE INTERNE
I.3.1 Les différents types d’ettringite
I.3.1.1 L’ettringite de formation primaire
I.3.1.2 L’ettringite de formation secondaire
I.3.1.3 L’ettringite de formation différée
I.3.2 Les mécanismes physico-chimiques
I.3.2.1 La source de sulfates
I.3.2.2 La précipitation de l’ettringite
I.3.3 Les théories d’expansion
I.3.3.1 La pression de cristallisation
I.3.3.2 La pression osmotique
I.3.3.3 Le gonflement homogène
I.3.3.4 Le gonflement au niveau de l’interface pâte-granulat
I.3.3.5 La double couche électrique
I.3.3.6 Le couplage des théories
I.3.4 Les paramètres influents
I.3.4.1 Les paramètres de formulation
I.3.4.2 Les paramètres environnementaux
I.3.5 Les modèles numériques liés à la RSI
I.3.5.1 Les modèles statiques
I.3.5.2 Les modèles thermodynamiques
I.3.5.3 Les modèles cinétiques
I.4 LA REACTION ALCALI-GRANULAT
I.4.1 Les différents types de réaction
I.4.2 Les mécanismes de la réaction alcali-silice
I.4.2.1 L’approche topochimique
I.4.2.2 Le processus de dissolution-précipitation
I.4.3 Les théories d’expansion
I.4.3.1 La double couche électrique
I.4.3.2 La pression osmotique
I.4.3.3 La pression de cristallisation
I.4.3.4 La dissipation du gel
I.4.3.5 Le gonflement des corps poreux
I.4.3.6 Le gonflement granulaire
I.4.3.7 L’anisotropie de l’alcali-réaction
I.4.4 Les paramètres influents
I.4.4.1 Les paramètres de formulation
I.4.4.2 Les paramètres environnementaux
I.4.5 Les modèles numériques liés à la RAS
I.4.5.1 Les modèles basés sur l’expansion du béton
I.4.5.2 Les modèles basés sur la pression interne
I.4.5.3 Les modèles basés sur la diffusion-réaction des ions
I.4.6 Le couplage des pathologies
I.5 L’APPROCHE PERFORMANTIELLE
I.5.1 Les indicateurs de durabilité
I.5.2 Les indicateurs de durabilité et les réactions de gonflement interne
I.6 CONCLUSION
II. CHAPITRE II : PROGRAMME EXPERIMENTAL
II.1 INTRODUCTION
II.2 MATERIAUX D’ETUDE
II.2.1 Constituants de base
II.2.1.1 Ciments
II.2.1.2 Granulats
II.2.1.3 Adjuvant
II.2.2 Formulations de béton
II.2.3 Malaxage et mise en place
II.3 MATURATION
II.3.1 Protocole accéléré pour la RSI
II.3.1.1 Traitement thermique
II.3.2 Cycles humidification/séchage
II.3.3 Protocole accéléré pour la RAS
II.3.4 Cas de la concomitance des pathologies
II.4 PROTOCOLES D’ESSAIS DE CARACTERISATION
II.4.1 Avancement des RGI
II.4.1.1 Suivi d’expansion et de masse
II.4.1.2 Microscope Electronique à Balayage
II.4.2 Essais chimiques
II.4.2.1 Analyse de la solution interstitielle : mesure du pH et de la teneur en alcalin
II.4.2.2 Teneur en Portlandite
II.4.2.3 Diffraction aux rayons x
II.4.3 Essais mécaniques
II.4.3.1 Résistance en compression
II.4.3.2 Module statique
II.4.3.3 Module dynamique acoustique linéaire
II.4.3.4 Module dynamique acoustique non linéaire
II.4.4 Essais physiques
II.4.4.1 Porosité accessible à l’eau
II.4.4.2 Perméabilité au gaz
II.4.4.3 Migration des chlorures en régime non stationnaire
II.4.4.4 Résistivité électrique
II.5 CARACTERISATION DES BETONS A L’ETAT SAIN
II.5.1 Caractérisation à l’état frais
II.5.2 Caractérisation à l’état durci
II.5.2.1 Suivi des bétons de référence au cours du temps
II.5.2.2 Caractérisation des bétons à l’état initial
II.6 CONCLUSION
III. CHAPITRE III : CARACTERISATION DES BETONS ATTEINTS DE RGI
III.1INTRODUCTION
III.2DEMARCHE ADOPTEE
III.2.1 Echéances de caractérisation
III.2.2 Seuil de détection
III.3PRESENCE DES RGI
III.3.1 Cas de la RSI
III.3.1.1 Variation de longueur et de masse
III.3.1.2 Evolution de la microstructure et des produits formés
III.3.2 Cas de la RAS
III.3.2.1 Variation de longueur et de masse
III.3.2.2 Evolution de la microstructure et des produits formés
III.3.3 Cas du couplage
III.3.3.1 Variation de longueur et de masse
III.3.3.2 Evolution de la microstructure et des produits formés
III.3.4 Synthèse
III.4EVOLUTION DES PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES ET MECANIQUES SOUS DEGRADATION DE RGI
III.4.1 Evolution des propriétés chimiques
III.4.1.1 Teneur en alcalin
III.4.1.2 pH de la solution interstitielle
III.4.1.3 Teneur en Portlandite
III.4.1.4 Diffraction aux Rayons X
III.4.1.5 Synthèse
III.4.2 Evolution des propriétés mécaniques
III.4.2.1 Resistance en compression
III.4.2.2 Module statique
III.4.2.3 Module dynamique en acoustique linéaire
III.4.2.4 Module dynamique en acoustique non linéaire
III.4.2.5 Synthèse
III.4.3 Evolution des propriétés physiques
III.4.3.1 Porosité accessible à l’eau
III.4.3.2 Perméabilité aux gaz
III.4.3.3 Migration des ions chlore
III.4.3.4 Résistivité électrique
III.4.3.5 Synthèse
III.5CONCLUSION
IV. CHAPITRE IV : PROPOSITION D’UN INDICATEUR DE DURABILITE
IV.1 INTRODUCTION
IV.2 INDICATEUR DE DURABILITE ET RGI
IV.2.1 Détection des RGI
IV.2.1.1 Cas de la RSI
IV.2.1.2 Cas de la RAS
IV.2.1.3 Cas du couplage
IV.2.2 Corrélations entre expansion, endommagement et indicateurs de durabilité
IV.2.2.1 Corrélation entre l’expansion et l’endommagement
IV.2.2.2 Corrélation entre l’endommagement et les indicateurs de durabilité
IV.3MODELISATION DE LA PERMEABILITE AU GAZ
IV.3.1 Modèle empirique simplifié
IV.3.2 Modèle théorique
IV.3.2.1 Répartition des granulats
IV.3.2.2 Ouverture de fissure
IV.3.2.3 Perméabilité au gaz
IV.3.2.4 Résultats du modèle
IV.4PROPOSITION D’UNE METHODE DE DIAGNOSTIC DES RGI
IV.5CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE

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