Homogénéisation des faisceaux de tubes immergés

Le dimensionnement et la maintenance des centrales nucléaires représentent des enjeux de performance et de sûreté majeurs pour les installations du parc électrique français. En ce sens, il est essentiel d’être en mesure de prédire le comportement thermo-mécanique des composants de réacteurs afin de contrôler leur tenue au cours du temps. Les informations obtenues par mesures sur maquettes réduites sont progressivement complétées par des calculs numériques en mécanique: cela permet d’envisager une gamme variée de scénarii de fonctionnement dans des délais raisonnables. Néanmoins, les ruptures technologiques attendues par le déploiement des «nouvelles générations» de réacteurs et l’évolution des critères de sûreté constituent autant d’éléments qui nécessitent constamment d’enrichir les modèles de calculs afin de pérenniser et/ou de garantir leurs capacités prédictives.

La simulation numérique en mécanique a connu un essor considérable grâce au récent déploiement des architectures de calcul massivement parallèles, soit du High Performance Computing (HPC). Pour des temps de calculs toujours plus courts, de nombreuses applications industrielles bénéficient d’une quantité de données scientifiques de plus en plus importante. Néanmoins, plusieurs obstacles liés au « big data » restent à franchir pour envisager une simulation fidèle et détaillée de certains systèmes complexes de grande dimension. Les milieux dits hétérogènes ou multi phasiques sont particulièrement concernés par cette problématique. Il s’agit par exemple des matériaux composites, des milieux poreux ou encore des mélanges de fluides non-miscibles. Dans les réacteurs nucléaires, certains composants sont considérés comme hétérogènes ou poreux: tel est le cas des générateurs de vapeur et cœurs de réacteur, constitués de larges arrangements de tubes immergés. Ces systèmes mettent en jeu des phénomènes physiques complexes, impliquant des interactions entre mécanismes d’origine et de nature différentes: cela peut concerner la neutronique, la thermique, l’hydrodynamique, ainsi que la vibration ou la corrosion des structures solides.

Problème à l’échelle microscopique

Les systèmes concernés par cette étude se présentent comme des arrangements de structures élancées en immersion dans un fluide suffisamment dense et visqueux pour que son écoulement impacte la vibration de ces dernières (Figure 1.1). De ce fait, le problème défini à l’échelle du milieu continu est gouverné par un système d’équations couplées, définies dans chaque sousdomaine fluide Ωf et solide Ωs : la dynamique du fluide est gouvernée par les équations de Navier-Stokes pour un écoulement incompressible, et la dynamique d’une structure correspond à celle d’un oscillateur harmonique non-amorti dans le vide.

Jacquelin et al. [30] appliquent cette méthode pour modéliser le comportement dynamique d’un faisceau de 16 assemblages de REP, tous sollicités par un signal de force sinusoïdal ou quelconque. La dynamique des assemblages est en interaction avec celle d’un fluide très peu dense – de l’air – dont l’écoulement est supposé incompressible, irrotationnel et de viscosité négligeable. Chaque assemblage représente une structure élémentaire, gouvernée par le modèle de poutre d’Euler Bernouilli et l’enjeu réside dans la modélisation des forces de contact, l’écoulement ayant peu d’impact sur la dynamique vibratoire des tubes considérés. Dans le cadre des mêmes hypothèses que Jacquelin et al. [30] sur l’écoulement, Hammami [23] opte pour l’homogénéisation de l’interaction fluide-structure pour modéliser les mouvements d’assemblages au sein du cœur d’un RNR-Na. Le problème est considéré dans le plan de la section droite des assemblages, chacun gouverné par un modèle d’oscillateur harmonique. Le modèle homogénéisé est validé à partir des essais sismiques en eau et en air de la maquette cœur Rapsodie  . L’étude de sensibilité du modèle à la nature du fluide met en évidence la nécessité de décrire fidèlement l’évolution de la pression moyenne avoisinant les structures. L’adéquation entre le modèle de Hammami [23] – particulièrement en eau – et les mesures expérimentales est qualitativement encourageante et représente un progrès important pour ce type d’approche. L’hypothèse de linéarisation inhérente à la méthode restreint la restitution fidèle de l’écoulement, en particulier si des phénomènes de transport convectif (phénomènes non-linéaires) sont impliqués de manière significative. Pour cette raison, l’homogénéisation asymptotique ne fait pas l’objet d’une étude approfondie dans le cadre de cette thèse.

Prise de moyenne volumique

La méthode de prise de moyenne est une procédure de changement d’échelle permettant d’écrire le problème mathématique gouverné par les phénomènes de transport moyen au sein d’un milieu hétérogène. La prise de moyenne vise à passer de l’échelle microscopique où la matière se présente comme une juxtaposition de phases distinctes, à une plus grande échelle – dite globale ou macroscopique – où le caractère hétérogène du milieu est oublié. L’échelle macroscopique se caractérise par un Volume Élémentaire Représentatif (VER) dont les dimensions et la forme sont conditionnées par le niveau de description spatiale souhaité: l’étape préliminaire au changement d’échelle est donc la définition d’un VER approprié au type de phénomènes macroscopiques que l’on souhaite rendre compte. Cette procédure de changement d’échelle consiste à appliquer un opérateur de moyenne spatiale aux équations gouvernant le problème à l’échelle du milieu continu, ces dernières étant généralement écrites sous forme locale: c’est en ce sens qu’il s’agit d’une prise de moyenne locale. Des théorèmes de permutation entre les opérateurs d’intégration et de dérivation permettent d’obtenir le problème macroscopique équivalent.

Le changement d’échelle à partir des équations de bilan sous forme locale est la méthode la plus répandue dans la littérature, introduite notamment par Slattery [66], Whitaker [75, 76]. Ces auteurs ont essentiellement appliqué cette méthode à la modélisation des milieux considérés comme poreux, tels que les roches sédimentaires, les aquifères ou les bétons et ciments. Elle fait cependant l’objet de plusieurs travaux visant à décrire les écoulements dans les systèmes tubulaires industriel, car elle présente l’avantage de pouvoir se combiner à la modélisation de la turbulence (De Lemos [36]). Ainsi, les équations gouvernant un écoulement turbulent en milieu poreux s’obtiennent par l’application successive de deux filtres: d’abord la moyenne statistique liée à la méthode Reynolds-Average-Navier- Stokes (RANS), puis la moyenne volumique locale qui, à la différence de la précédente, est spatiale. La prise de moyenne des équations locales est récemment utilisée dans les travaux de Chanderis [12, 11], Drouin [15, 16] et de Angeli [1], pour modéliser la thermohydraulique dans des faisceaux de tubes, considérés fixes et indéformables. Dans le cadre de l’analyse vibratoire des cœurs de REP, Ricciardi [58, 59] assimile chaque assemblage combustible à un milieu poreux et propose une méthode de moyenne locale visant à modéliser les déplacements des assemblages en interaction avec un écoulement axial et turbulent. Le formalisme de Ricciardi présente la particularité d’utiliser des filtres de même nature – spatiale – pour décrire les effets de la turbulence et ceux liés à l’échelle poreuse : l’écoulement au sein des assemblages est modélisé à l’aide du modèle Large-Eddy Simulation (LES) (Sagaut [61]). L’interaction fluide-structure pour différents prototypes de cœurs est simulée numériquement et comparée à des mesures vibratoires obtenues sur maquettes réduites équivalentes. Cependant, la distance entre assemblages est considérée constante au cours du temps et limite le champ d’application de la méthode à des mouvements d’ensemble.

Les travaux de Hassanizadeh et Gray [24, 25, 21] interrogent la pertinence de la prise de moyenne locale: ils estiment que la nature surfacique des quantités microscopiques devrait être restituée dans la formulation d’un problème macroscopique issu d’une procédure de changement d’échelle. De ce fait, ils suggèrent une prise de moyenne des équations microscopiques écrites sous une forme intégrale. Dans ce chapitre, le développement d’une méthode de prise de moyenne « non-locale » est proposé, largement inspiré des réflexions menées par Hassanizadeh et Gray: il s’agit de moyenner les équations du milieu continu sous forme intégrale, plutôt que celle écrites sous forme locale. Les deux possibilités de prise de moyenne sont ensuite analysées et comparées en vue d’une application à l’homogénéisation du comportement vibratoire des faisceaux de tubes.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction générale
1 Contexte industriel
2 Objectifs et méthodologie
3 Plan de la thèse
1 Homogénéisation des faisceaux de tubes immergés
1.1 Problème à l’échelle microscopique
1.2 Méthodes de changement d’échelle
1.2.1 Homogénéisation asymptotique
1.2.2 Prise de moyenne volumique
1.2.3 Influences des échelles
1.3 Problème à l’échelle macroscopique
1.3.1 Hypothèses
1.3.2 Choix de la méthode de moyenne
1.3.3 Modélisation
2 Fermeture des charges hydrodynamiques
2.1 Régime vibratoire en faisceaux
2.2 Modèle de fermeture
2.2.1 État de l’art
2.2.2 Formulation pour le problème homogénéisé
2.3 Estimation numérique des coefficients hydrodynamiques
2.3.1 Approche numérique multi-échelle
2.3.2 Domaine réduit représentatif
2.4 Sensibilité aux paramètres adimensionnels
2.5 Représentativité des coefficients
3 Résolution numérique du problème macroscopique
3.1 Algorithme de base dans Code_Saturne
3.2 Variables surfaciques macroscopiques
3.3 Algorithme du problème homogénéisé
3.4 Traitement numérique des singularités macroscopiques
3.4.1 Estimation du gradient au voisinage de singularités
3.4.2 Résolution en maillage par cellule de base
4 Vibrations à 1DDL et amorties au cours du temps
4.1 Faisceaux de tubes cylindriques
4.1.1 Système de référence microscopique
4.1.2 Paramètres numériques macroscopiques
4.1.3 Vibrations en fluide initialement au repos
4.1.4 Vibrations sous écoulement transverse
4.1.5 Vibrations à haute fréquence
4.2 Faisceau de tubes hexagonaux
4.2.1 Adaptation du problème homogénéisé
4.2.2 Système de référence microscopique
4.2.3 Mise en données du problème homogénéisé
4.2.4 Comparaison micro/macro
4.3 Apports en termes de gain CPU
5 Vibrations à 2DDL et amorties au cours du temps
5.1 Faisceaux de tubes cylindriques
5.2 Faisceau de tubes hexagonaux
6 Vibrations à 1DDL et auto-entretenues au cours du temps
6.1 Configuration du système de référence
6.2 Fermeture des forces hydrodynamiques
6.3 Application au problème homogénéisé
Conclusion générale

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *