Historique des CVI-HVIP

L’amalgame est utilisé depuis plus de 150 ans en dentisterie comme matériau de restauration mais son emploi a diminué ces dernières années. Ceci peut être attribué en partie à l’inquiétude du public face à la controverse sur sa sécurité du fait de sa toxicité liée au mercure qu’il contient. De plus, ce ne sont pas des matériaux esthétiques et ils nécessitent des préparations de cavité invasives. On observe actuellement une tendance à l’utilisation de matériaux de restauration esthétiques, en particulier les résines composites. Celles-ci présentent de nombreux avantages tels que d’excellentes propriétés mécaniques, une rapidité de polymérisation, une bonne qualité esthétique, etc… Cependant, leur mise en œuvre est exigeante, leur usage onéreux et leur biocompatibilité controversée. Il y a des préoccupations concernant l’œstrogénicité du bisphénol-A (BPA) [1] présent dans les résines composites ainsi que la libération de monomères potentiellement toxiques tels que le Bis-GMA, HEMA, etc… Un autre matériau de restauration alternatif est le ciment verre ionomère (CVI). Les CVI présentent de nombreux avantages cliniques : facilité d’utilisation, liaison chimique au substrat dentaire, faible coefficient de dilatation thermique, bonne biocompatibilité avec le tissu pulpaire, libération d’ions fluorure et une qualité esthétique acceptable.

Historique

Les ciments silicates étaient initialement utilisés au début du 20ème siècle, pour les restaurations esthétiques antérieures. Malgré leur capacité à relarguer du fluor, ils présentaient de nombreux inconvénients dont une toxicité pulpaire pouvant entraîner la nécrose, un manque de stabilité colorimétrique, une mauvaise adhésion aux tissus dentaires et une médiocre résistance à l’érosion. En 1968, Smith introduit le ciment polycarboxylate de zinc, premier matériau capable d’adhérer aux tissus dentaires (adhésion chimique). A cause de ses propriétés mécaniques faibles et d’une esthétique défavorable, il ne peut être utilisé comme matériau de restauration.  En 1971, Wilson et Kent développent un nouveau ciment n’ayant pas les inconvénients des ciments silicates et mettent au point les premiers CVI dits de basse viscosité. Les CVI sont obtenus par mélange de la poudre du ciment silicate (verres de fluoroaluminosilicate) et du liquide du ciment polycarboxylate de zinc (l’acide polyacrylique). Ils possèdent les avantages esthétiques des ciments silicates et les avantages des ciments polycarboxylates (liaisons chimiques aux tissus dentaires) En 1975, le premier CVI fut commercialisé par la société Denstply DeTray sous le nom de ASPA II (alumino-silicate polyacrylic acid). Il a la capacité d’adhérer spontanément aux tissus dentaires et de libérer du fluor. Cependant, il souffre d’un temps de prise long, d’une sensibilité à l’humidité (réhydratation/dessiccation) entrainant fissures et fêlures, de propriétés mécaniques faibles, d’un rendu esthétique médiocre et de difficulté de manipulation pendant la réaction de prise. Plusieurs améliorations furent apportées pour pallier les problèmes des CVI et étendre leurs indications cliniques.

Dans les années 80, les Cermets sont introduits. Il s’agit de CVI auxquels ont été ajoutées des particules d’or ou d’argent afin de diminuer le temps de prise et d’améliorer les propriétés mécaniques. Cependant, cela altère l’adhésion des CVI.

A la fin des années 2000, le concept du CVI Haute Viscosité Infiltré Protégé (CVI-HVIP) apparaît. Il s’agit du système EQUIA qui s’appuie sur un CVI-HV éprouvé (GC Fuji IX GP Extra) et une résine auto-mordançante de glaçage nano-chargée photopolymérisable (GC G-Coat Plus) qui combine une extrême hydrophilie et une très basse viscosité. L’objectif est d’augmenter les performances mécaniques et esthétiques ainsi que la durabilité de la restauration finale en protégeant la surface des CVI-HV pendant la phase de maturation afin qu’elle se fasse dans des conditions optimisées. La résine pénètre de 30 à 50 µm dans la surface du CVI-HV et y adhère intimement. Le CVI-HV est ainsi protégé de la dessiccation et des micro traumatismes occlusaux pendant au moins quatre mois [2]. La restauration finale peut être recouverte périodiquement avec le vernis adapté pour étendre le bénéfice clinique.

Il existe également une dernière famille de CVI qui sont les CVI de haute densité Ce sont les CVI de dernière génération. Il s’agit d’un CVI-HV amélioré. Ce système présente diverses améliorations : Les charges principales de fluoro-alumino-silicates (FAS) font de 10 à 30 μm et bénéficient d’un traitement de surface permettant le contrôle de la réaction de prise. A cela, sont ajoutées des charges de FAS de taille micronique (<4 µm) hautement réactives qui libèrent plus d’ions métalliques, ce qui améliore la réticulation de la matrice d’acide polyacrylique et les propriétés physiques globales, tout en permettant une libération plus élevée de fluorure. Le liquide a un poids moléculaire plus élevé que l’acide polyacrylique, ce qui contribue à améliorer la stabilité chimique, la résistance à l’acide et les propriétés physiques du ciment pris. Le revêtement de résine nanochargée photopolymérisable est amélioré. La dernière version propose un nouveau monomère multifonctionnel hautement réactif qui augmente la résistance à l’usure, offre une conversion de polymérisation plus élevée et une couche de film plus mince, tout en offrant une surface plus lisse pour la restauration finale .

Composition et Réaction de prise

Les CVI sont des ciments polyalkénoates qui se composent d’un verre de fluoroalumino-silicates (FAS) sous forme d’une fine poudre. Il s’agit de la base. La poudre de FAS est principalement composée d’alumine (Al2O3), de silice (SiO2) et de fluorite (CaF2). Les particules sont décomposables par attaque acide. Il s’agit à la base d’acide polyacrylique, ou encore de polymères et co-polymères d’acide acrylique et autres acides bi- ou tri-carboxyliques constitués de chaînes macromoléculaires qui peuvent réticuler par pontages ioniques.

La réaction de prise des CVI-HV est une réaction acide/base, issue du mélange de la poudre de FAS (base) avec la solution d’acide polyacrylique (acide), tout comme les CVI conventionnels. La réaction se décompose en trois phases principales qui se chevauchent et se poursuivent sur une longue période.

Phase 1 : Dissolution du verre et relargage ionique 

Dès le mélange poudre/liquide, les protons (H+) du polyacide vont attaquer la surface des particules de verre de FAS, ce qui libère des cations calcium (Ca2+) et aluminium (Al3+), et des anions fluorure (F-). Il y a également production d’acide silicique. L’acide tartrique forme des complexes avec les ions et facilite leur relargage.

Phase 2 (prise initiale) : Précipitation des sels et gélification 

Elle commence 2 à 3 minutes après le mélange et dure 5 minutes. Les ions Ca2+ et Al3+ vont migrer dans la phase aqueuse et se lier aux groupements carboxyles. Il y a formation de polyacrylates de Ca2+ et d’Al3+. La concentration en ions augmente jusqu’à ce que les sels deviennent insolubles et qu’il y ait précipitation. La prise initiale est principalement liée à l’interconnexion des ions Ca2+. L’acide silicique se condense pour former un gel de silice à la surface des particules de FAS. Cela favorise la fixation des particules à la matrice.

Phase 3 (prise finale) : Maturation par hydratation des sels  

La formation de polyacrylates de Ca2+ et d’Al3+ se poursuit et ainsi le ciment continue de s’affermir. Les interconnexions des ions Al3+ sont plus tardives et plus rigides. Ceci est associé à l’hydratation progressive des sels de la matrice. L’ensemble induit une amélioration des propriétés physiques et finalise la maturation du CVI. La plupart des propriétés du matériau sont acquises en 24h, mais cette phase peut se prolonger pendant plusieurs jours. A l’issu de cette phase, Le CVI sera plus translucide et donc plus esthétique.

Le composé final est un ciment constitué du corps des particules de verre qui ont incomplètement réagi, engainées d’un gel de silice, au sein d’une matrice de polyanions (polysels de Ca2+ et Al3+), unis par ponts ioniques. La réaction des CVI-HV est accélérée. Les particules de FAS peuvent bénéficier d’un traitement de surface qui permet de contrôler la réaction de prise. Dans certains CVI-HV de dernière générations (ex : Equia Forte), l’addition de très petites particules contenant davantage d’ions métalliques contribue à augmenter la surface totale de FAS et intensifie le relargage d’ions métalliques et donc le nombre d’interconnexions. Le polyacide est de haut poids moléculaire, ce qui renforçe et stabilise la matrice.

Atouts et limites

Avantages

L’apparition des CVI-HVIP a élargi les indications des CVI. Leurs différents atouts en font un matériau de choix notamment pour des situations « épineuses » où le composite est contreindiqué (risque carieux élevé, isolation difficile, temps de travail réduit).

Biocompatibilité et tolérance pulpaire
Les CVI-HV sont parfaitement biocompatibles car, à la différence des résines composite, leur matrice ne contient pas de monomère résineux. Les monomères non polymérisés relargués par les résines sont cytotoxiques, ils peuvent diffuser à travers les tubuli dentinaires et engendrer des dommages pulpaires. L’épaisseur de dentine résiduelle a donc une importance certaine. Si cette épaisseur est faible, le risque de dommage pour la pulpe est plus important. Les CVIMAR ont une biocompatibilité inferieure de par la présence de monomères HEMA ou Bis-GMA qui peuvent être cytotoxiques. Il s’agit également d’un allergène. La quantité libérée dépend de la durée de photopolymérisation des ciments. L’utilisation de matériaux dépourvus de résine tel que les CVI-HV est préférable.

Ils préviennent les sensibilités post-opératoires lorsqu’ils sont placés en technique sandwich sous un composite. Cependant il est préférable de recouvrir la pulpe d’hydroxyde de calcium avant de placer le CVI dans des lésions carieuses profondes où l’épaisseur de dentine est inférieure à 0,5mm car lors de sa prise, le ciment a un pH faible de 1-2 qui augmente rapidement. Les CVI provoquent une légère inflammation de la pulpe, mais qui disparaît rapidement.

Adhésion intrinsèque
Grâce à leurs propriétés physico-chimiques, Les CVI-HV présentent une adhésion intrinsèque aux tissus dentaires, tant l’émail que la dentine, sans nécessiter l’utilisation d’un adhésif [3], contrairement aux composites. Cela facilite le protocole. L’adhésion se fait en plusieurs étapes. Premièrement, il y a formation de liaisons hydrogènes entre les groupes carboxyle libres du ciment et l’eau liée à la surface de la dent. Ces liaisons sont lentement remplacées et l’adhésion se fait par interaction de type ionique entre les charges négatives des polyacides de la matrice et les charges positives de l’hydroxyapatite. L’adhésion peut se faire sans conditionnement préalable cependant il est conseillé d’appliquer un acide polyacrylique (10 ou 20%) pendant 15 secondes sur les surfaces dentaires afin d’éliminer la boue dentinaire et d’abaisser la tension de surface dans le but d’améliorer l’adhésion et la pérennité des restaurations CVI. Les CVI-HV ont des chaînes de haut poids moléculaire qui augmentent leur capacité d’adhérence avec le substrat dentaire. Les chaînes de polymères plus longues seront plus aptes à faire le pont entre le corps du CVI et le substrat. Il est possible d’augmenter leur liaison ionique grâce à l’ajout de fines particules plus chargées en ions métalliques (ex : Equia Forte) [4]. Bien que la liaison des CVI soit en général plus faible que la liaison micromécanique des résines composites, ils permettent une meilleure rétention sur le long terme [5]. En effet, malgré les forces de liaison supérieures des composites par rapport aux CVI-HV et aux CVIMAR, ces deux derniers possèdent de meilleurs taux de rétention bien que ce ne soit pas significatif [6]. De plus, la liaison composite/dentine se dégrade considérablement avec le temps en partie à cause du mordançage à l’acide ortophosphorique qui endommage progressivement les fibrilles de collagène présentes dans la couche hybride. [7,8].

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Table des matières

Introduction
I – Historique des CVI-HVIP
II – Composition et réaction de prise
III – Atouts et limites
A) Avantages
B) Limites
IV – Indications cliniques
1) Indications générales
2) Indications des CVI-HVIP pour les dents permanentes
3) Indication des CVI-HV pour les dents temporaires
4) L’approche A.R.T (Atraumatic Restorative Treatment)
5) Les Personnes âgées
6) Les personnes handicapées
7) Scellement de sillons
8) La technique sandwich
9) La technique « Stepwise »
10) Synthèse
V – Protocole d’utilisation clinique (cas cliniques)
Conclusion
Table des Illustrations
Bibliographie

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