Hétérogénéités compositionnelles dans les réservoirs de gaz acides

Processus à l’origine de l’H2S

La réduction bactérienne des sulfates

Dans les milieux diagénétiques peu profonds, les bactéries sulfato-réductrices anaérobiques utilisent les sulfates, thiosulfates et sulfites comme accepteurs d’électrons finaux dans les processus métaboliques pour oxyder la matière organique.
La réduction bactérienne des sulfates (BSR) prend place dans de nombreux environnements géologiques dont le régime thermique propice à l’activité bactérienne est compris entre 0 et 80°C (Postgate, 1984). Cette réaction est généralement localisée au niveau de la zone de transition huile/eau.
Les bactéries sulfato-réductrices peuvent apporter jusqu’à 10 % maximum d’H2S dans un réservoir (Orr, 1977) car au-delà de cette valeur seuil, l’H2S devient toxique pour elles : au cours de leur croissance, ces microorganismes empoisonnent leur propre environnement (Reis et al., 1992). Ainsi, dans un milieu fermé ou dans un milieu où l’H2S ne peut s’échapper aussi vite qu’il est généré, la BSR s’arrêtera dès que la valeur seuil sera atteinte.

Le craquage thermique

Lors du craquage thermique, la teneur en sulfure d’hydrogène produit dépend de la teneur initiale du soufre organique contenu dans la matière organique (huile, bitume et kérogène) et représente environ 2 à 3 % maximum du volume total de gaz (Orr, 1977).

Paramètres contrôlant la formation du sulfure d’hydrogène

Disponibilité des sulfates dissous

Le sulfate réactif utilisé lors de la BSR et de la TSR est le sulfate dissous (SO42-) qui provient de la dissolution de l’anhydrite (CaSO4) présente dans les séries évaporitiques. Concernant la TSR, plusieurs études expérimentales ont permis de mettre en avant l’extrême lenteur de la réduction des sulfates solides par les hydrocarbures à des températures proches d’un environnement diagénétique (Toland,1960; Trudinger et al., 1985 ; Ding et al., 2007). La quantité d’eau doit être ainsi suffisamment importante pour faciliter la dissolution des sulfates et des hydrocarbures afin d’engager et soutenir la BSR et la TSR. La vitesse de la dissolution de l’anhydrite a donc une importance capitale sur la vitesse de la TSR. Si la dissolution des sulfates est plus lente que la TSR, le système sera à cours de SO42- et ralentira ainsi la réaction. Bildstein et al. (2001) ont réalisé des simulations numériques du système géochimique anhydrite-hydrocarbures gazeux en présence d’eau afin de déterminer les cinétiques de dissolution de l’anhydrite, dans une gamme de température de 120°C à 170°C. Les résultats de ces calculs ont montré que la dissolution totale de l’anhydrite était presque instantanée. Cependant, l’étude du fractionnement isotopique du 34S sur de nombreux champ TSR, a montré que la disponibilité des sulfates dissous était un facteur limitant pour la TSR . La dissolution de l’anhydrite doit donc être contrôlée par d’autres paramètres, à l’échelle du grain ou d’un réservoir :
Contrôle à l’échelle du grain :La taille des cristaux peut jouer un rôle important dans l’étendue et la vitesse de la TSR. Le ratio élevé surface/volume des cristaux d’anhydrite les plus fins, offre un contact eau-cristaux plus important, et permet ainsi une plus forte et rapide dissolution des sulfates. Les nodules d’anhydrite finement cristallins sont donc plus réactifs que les nodules d’anhydrite grossièrement cristallins (Worden et al., 2000 ; Cai et al., 2004).
D’autre part, pendant la TSR, la dissolution de l’anhydrite développe un espace poreux qui est comblé ensuite par la précipitation de la calcite. La précipitation du minéral carbonaté s’effectue à la périphérie des nodules d’anhydrite et provoque ainsi l’isolement progressif de ces derniers. Le transfert des hydrocarbures dissous vers l’anhydrite est alors moins efficace car la diffusion des composés réactifs à travers l’épaisseur de la calcite solide est difficile. La croissance de la calcite peut donc engendrer un fort ralentissement de la TSR à cause de la diminution du volume d’anhydrite accessible (Worden et Smalley, 1997 ; Worden et al., 2000 ; Bildstein et al., 2001).
Contrôle à l’échelle du réservoir :Au dessus de l’aquifère, dans la zone de transition gaz-eau, les saturations en eau diminuent plus ou moins rapidement selon les pressions capillaires. Cette zone est surmontée par une partie riche en gaz au sein de laquelle la saturation en eau irréductible est faible . Grâce aux données pétrographiques et géochimiques, Machel et al., (1995a) concluaient que, au sein de la formation Nisku, la TSR n’avait pu avoir lieu que dans la zone de transition gaz-eau. Dans un tel cas, la proportion du gaz impliquée dans la réaction est très faible et la réserve d’anhydrite peut devenir un facteur limitant pour la TSR, sauf si le contact gaz-eau est amené à se déplacer au cours du temps.

Types d’hydrocarbures réactifs

Les bactéries sulfato-réductrices ne sont généralement pas capables de métaboliser directement les molécules organiques de poids moléculaire importants que ce soit les n-alcanes, acides gras saturés et composés aromatiques isocycliques. C’est pourquoi, les nutriments qu’elles utilisent sont en fait les résidus métaboliques de poids moléculaire plus faible provenant d’autres microorganismes, tels que les acides organiques (lactique, pyruvique, formique, acétique) et alcools (éthanol, propanol) (Jobson et al., 1979). Des études ont montré en effet que les bactéries sulfato-réductrices peuvent vivre en symbiose avec des bactéries méthanogènes anaérobiques capables d’apporter les nutriments essentiels à leur développement (Boetius et al., 2000 ; Thiel et al., 2001). Ainsi, l’apport des nutriments nécessaires à l’activité des bactéries sulfato-réductrices est très étroitement lié à la présence d’autres microorganismes.
Selon leur structure, les hydrocarbures sont plus ou moins réactifs au cours de la TSR (Zhang et al., 2007). Les observations géologiques (Orr, 1977 ; Krouse et al., 1988 ; Manzano, 1995; Manzano et al., 1997 ; Cross et al., 2004) et une étude expérimentale (Zhang et al., 2007) montrent que les hydrocarbures les plus facilement réactifs sont les n-alcanes et les alcanes ramifiés suivis par les composés cycliques et aromatiques. La structure cyclique de ces molécules leur confère une très grande stabilité et leur permet ainsi de résister même aux plus fortes attaques oxydantes. A l’inverse, la double liaison covalente des alcanes les fragilise et les rend facilement oxydables. D’autre part, une étude numérique réalisée par Zhu et al. (2005a) (dans Du et al., 2009) indique que les alcanes légers (notamment le CH4) sont plus difficilement oxydés que les lourds au cours de la TSR. Ainsi, une huile lourde à faible ratio gaz/huile, produira plus facilement de grosses quantités relatives d’H2S qu’un gaz à condensat.

Facteurs responsables de l’élimination du sulfure d’hydrogène

Les deux principaux mécanismes d’élimination de l’H2S, sont la formation de minéraux sulfurés (principalement la pyrite) et la dissolution du gaz dans un aquifère actif (Orr, 1977).

Présence de cations métalliques

Dans un environnement diagénétique, la présence de cations métalliques est un important facteur d’élimination de l’H2S. En effet, la solubilité des minéraux sulfurés dans l’eau est extrêmement faible par rapport à celle des minéraux carbonatés. Ainsi, le contact des anions sulfures avec les métaux dissous, provoque la précipitation de sulfures métalliques presque instantanément dès que, et aussi longtemps que les ions metalliques sont disponibles. De cette façon, l’élimination de l’H2S au sein d’un réservoir clastique, riche en cations métalliques est très efficace.
Comme dans les milieux peu profonds le fer est de loin le métal le plus abondant, les minéraux formés au cours de la BSR sont principalement des sulfures de fer. A l’inverse, les environnements plus profonds, propice à la TSR, sont composés de roches carbonatées ne contenant que très peu de fer. Ce métal, a pu d’autre part être fixé antérieurement, pendant la BSR. Les sulfures formés, les plus communs, sont dans ce cas, la galène (PbS), la sphalérite (ZnS), et dans une moindre mesure, la pyrite (FeS2). Ces derniers sont des métaux typiques des dépôts de type ‘Mississippi Valley’ (MVT) (Sangster, 1996).
Exemple d’hétérogénéités en H2S :Au sein de la formation Khuff à Abu Dhabi, Worden et al., 2000 ont constaté que le taux d’altération de l’anhydrite dans certaines zones, était trop élevé par rapport aux faibles concentrations en H2S observées . Ces zones sont en fait, caractérisées par une teneur abondante en illite dont le fer présent a réagi avec l’H2S pour former de la pyrite. Ainsi, l’élimination du gaz dans les régions riches en illite, modifie localement la distribution des concentrations en H2S.
Contrairement à ce qui est attendu, les teneurs en H2S, au sein de certains réservoirs de la formation Smackover, diminuent avec la profondeur de façon plus ou moins importante. Wade et al., 1989 ont suggéré que la création d’un tel gradient de concentration était lié à la présence des deux formations qui l’entourent :
la formation sus-jacente, imperméable (formation Bückner) riche en anhydrite, la formation sous-jacente, clastique (formation Norphlet) riche en ions métalliques.
La présence des sulfates dissous, issus de la formation Bückner, et des hydrocarbures entraîne l’initiation de la TSR au sommet du réservoir. L’H2S formé migre alors à travers l’ensemble de la structure et, une fois arrivé en profondeur, au niveau de la formation Norphlet, est aussitôt consommé par la précipitation des sulfures de métal. L’abondance des ions métalliques au sein de cette formation permet l’élimination efficace de l’H2S.

Lessivage de l’H2S

L’hydrodynamisme peut jouer un rôle important dans l’élimination progressive de l’H2S car ce gaz est beaucoup plus soluble que les hydrocarbures et autres gaz (Selleck et al., 1952). L’H2S ainsi dissous dans l’aquifère au niveau du contact gaz-eau est ensuite évacué hors du gisement. La dissolution préférentielle de l’ H2S dans l’aquifère pourrait ainsi initier un gradient compositionnel.  Orr, 1977, suggérait qu’une fois sorti du réservoir, l’H2S dissous pourrait au cours de sa migration dans l’aquifère, rencontrer des zones riches en bases et métaux de transition et précipiter rapidement en sulfures. Il évoquait aussi le fait que l’aquifère, lors de sa remontée vers un point d’exutoire, puisse se trouver sur-saturé en H2S dissous. En effet, une réduction considérable des conditions de pression et de température du milieu engendre une diminution de la solubilité de l’H2S dans l’eau et ainsi, son dégazage.
D’après nos recherches bibliographiques, il n’existe pas de travaux concernant l’étude détaillée des mécanismes du lessivage de l’H2S. Machel, 2001, expliquait en effet, que la vitesse d’écoulement d’un aquifère à des profondeurs typiques d’un réservoir (3-5 km), habituellement très lente, limiterait fortement l’élimination de l’H2S par advection même à l’échelle des temps géologiques. Cependant l’étude d’un réservoir de gaz traversé par un aquifère actif, a révélé un gradient compositionnel avec, des teneurs en H2S maximales au sommet et des concentrations très faibles au niveau de l’interface gaz-eau. C’est pourquoi, il a été décidé d’examiner quantitativement et de faire le point sur les processus qui gouvernent l’efficacité du lessivage (solubilité des gaz, transport gazeux et aqueux, géologie-géométrie du réservoir). En fait, notre étude rejoint celle de Wade et al., 1989 qui ont cherché à déterminer les paramètres les plus influents sur la création d’un gradient de concentration en H2S.
Dans notre étude cependant, l’accent sera mis sur l’hydrodynamisme et non sur les interactions entre l’H2S dissous et la roche encaissante.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1. FACTEURS RESPONSABLES DE L’ORIGINE ET DE LA DISTRIBUTION DU SULFURE D’HYDROGÈNE DANS UN RÉSERVOIR 
1.1 PROCESSUS À L’ORIGINE DE L’H2S
1.1.1 La réduction bactérienne des sulfates
1.1.2 Le craquage thermique
1.1.3 La réduction thermique des sulfates
1.2 PARAMÈTRES CONTRÔLANT LA FORMATION DU SULFURE D’HYDROGÈNE 
1.2.1 Disponibilité des sulfates dissous
1.2.2 Types d’hydrocarbures réactifs
1.2.3 Catalyseurs
1.2.4 Température
1.3 CRITÈRES GÉOCHIMIQUES ET PÉTROGRAPHIQUES
1.3.1 Composition
1.3.2 Fractionnement isotopique
1.3.3 Pétrographie
1.4 FACTEURS RESPONSABLES DE L’ÉLIMINATION DU SULFURE D’HYDROGÈNE
1.4.1 Présence de cations métalliques
1.4.2 Lessivage de l’H2S
CHAPITRE 2. PRINCIPES ET ÉQUATIONS DES INTERACTIONS EAU-GAZ EN
MILIEU POREUX
2.1 CARACTÉRISATION D’UN MILIEU POREUX
2.1.1 Principes hydrostatiques
2.1.2 Principes hydrodynamiques
2.2 TRANSPORT AQUEUX ET GAZEUX
2.2.1 Advection
2.2.2 Diffusion
2.2.3 Dispersion cinématique
2.2.4 Équation générale du transport
2.3 PROPRIÉTÉS THERMODYNAMIQUES
2.3.1 Équations d’état
2.3.2 Équilibre thermodynamique
2.4 PRÉSENTATION DU LOGICIEL HYTEC
2.4.1 Formulations mathématiques
2.4.2 Couplage
CHAPITRE 3. ÉTUDE COMPARATIVE ENTRE UN MODÈLE NUMÉRIQUE ÉTALON ET LE MODÈLE HYTEC 
3.1 FORMALISATION ET FORMULATION MATHÉMATIQUE DU PROBLÈME 
3.1.1 Hypothèses de départ
3.1.2 Transport aqueux et gazeux
3.1.3 Équilibre de phase à l’interface
3.1.4 Méthodes numériques
3.2 LESSIVAGE DU GAZ 
3.2.1 Description de la simulation
3.2.2 Présentation des résultats
3.3 COMPARAISON SOLUTION ÉTALON/HYTEC
3.3.1 Différences de formalisme Hytec
3.3.2 Comparaison
3.3.3 Dissolution des gaz à l’interface
3.3.4 Modèle Hytec ajusté
3.3.5 Conclusion
CHAPITRE 4. CAS ACADÉMIQUE
4.1 DESCRIPTION DES SIMULATIONS 
4.1.1 Description du réservoir
4.1.2 Écoulement de l’aquifère
4.1.3 Transport des gaz et gaz dissous
4.1.4 Solubilité des gaz
4.1.5 Zone de transition
4.1.6 Résumé des paramètres utilisés dans les simulations réservoirs du § 4.2
4.2 RÉSULTATS DE SIMULATION 
4.2.1 Transport aqueux et gazeux
4.2.2 Distribution spatiale des gaz
4.3 ÉTUDE DE SENSIBILITÉ
4.3.1 Effet de la dispersion hydrodynamique
4.3.2 Effet de la hauteur de l’aquifère
4.3.3 Effet de la vitesse de l’aquifère
4.3.4 Effet du transport diffusif gazeux
4.3.5 Effet de la géométrie
4.3.6 Résumé de l’étude
CHAPITRE 5. VERS UN CAS GÉOLOGIQUE 
5.1 CADRE GÉOMORPHOLOGIQUE 
5.1.1 Type d’aquifère
5.1.2 Surface spécifique de contact
5.2 AQUIFÈRE DE FOND (MODÈLE 2D) 
5.2.1 Description du réservoir
5.2.2 Résultats
5.2.3 Effet de la géologie
5.3 AQUIFÈRE LATÉRAL (MODÈLE 3D)
5.3.1 Description du réservoir
5.3.2 Résultats
5.4 CONCLUSION 
CONCLUSION
6.1 BILAN DE L’ÉTUDE
6.2 DISCUSSION, PHÉNOMÈNES ADDITIONNELS 
6.2.1 Création d’un écoulement diphasique
6.2.2 Inclinaison du contact : évolution de la dissolution
6.3 PERSPECTIVES
NOMENCLATURE
BIBLIOGRAPHIE

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