Gianni Versace et le corps féminin comme territoire sexualisé 

Versace et l’art, une passion compulsive

Il faut voir en la figure de Gianni Versace un homme passionnément impliqué dans le monde artistique. De nombreux créateurs reconnaissent l’interconnexion entre les deux univers mais le styliste italien souhaite pousser sa passion au-delà du simple intérêt. Il a toujours souligné la nécessité pour un couturier de s’informer, d’aiguiser, d’actualiser sa culture et ses connaissances. Il précise notamment que c’est Karl Lagerfeld qui lui a ouvert les yeux, le considérant comme un modèle. Au-delà des livres et des évènements culturels, il doit voir le monde qui l’entoure. Il veut côtoyer des univers différents, passer par les jardins milanais, ressentir la puissance naturelle du lac de Côme, l’empressement new-yorkais ou l’atmosphère de Miami Beach. Il est intéressé par le monde qui l’entoure, les éléments naturels ou artificiels ou les rythmes de vie des populations. Sa démarche n’est pas alors seulement incrustée dans la contemplation.
Richard Martin nous décrit alors son empressement pour collaborer avec les différents artistes, photographes qui composaient son carnet de contacts. Il n’hésite pas à le définir comme un « synesthésiste » de par la transdisciplinarité qu’il convoque au nom de son travail.
Il élabore une démarche méthodologique liée à l’assimilation et l’intégration pour composer sa propre interprétation du réel. Ainsi, son goût pour les textes anciens et les musées s’est développé de manière exponentielle au fur et à mesure que sa marque devenait célèbre.
Plusieurs clichés de l’époque dévoilent progressivement des villas luxueusement meublées, ornées de mosaïques, moulures, dorures qui vont de pair avec l’opulence italienne que Versace veut dégager. Sa mort marque un coup retentissant dans le monde du marché de l’art puisque sera dévoilée une partie de son impressionnante collection. Les quelques ouvrages disponibles à l’Institut National d’Histoire de l’Art à Paris nous donne accès à plus de 1000 lots vendus entre 2001 et 200981. Ceux-ci font partie d’un ensemble de catalogues de vente qu’il n’a pas été possible de consulter dans son intégralité. Il faut également rajouter à cela un lègue estimé à plusieurs millions de dollars à sa famille. Ainsi,bien que largement incomplet, l’aperçu de sa collection personnelle d’objets laisse déjà constater un goût pour le design dirigé par ses choix, où on distingue notamment des vases ou de la vaisselle, qui étaient adaptables, modulables pour sa griffe. On retrouve dans ses demeures une variété extraordinaire d’objets luxueux, une grande partie signée par la maison Versace (il possède alors les objets issus des collections Home de la marque) ou par des artistes ou des designers. S’entassent dans ses immenses villas aux multiples cheminées ornées, des tableaux, des sculptures monumentales, des bibelots décoratifs ou utilitaires (presse-papier, figurines, des bustes en pierre, des chandeliers, des amphores néo-classiques, des gravures ou mosaïques encadrées, vases …), des tapis, des objets du quotidien (vaisselle, mobilier …) mais aussi de nombreux livres et ses propres dessins utilisés pour la marque ou pour le théâtre et l’opéra. Il est donc difficile de retranscrire la totalité des artefacts qui composaient sa collection, s’arrêter sur chacune des oeuvres demanderait un travail tout aussi fourni que notre sujet. De plus, les quelques exemples sélectionnés s’insèrent dans une vaste composition qui demande une consultation approfondie ; ces recherches présentent des objets qui, isolés, peinent à retranscrire le style global de Gianni Versace.
Ce très large ensemble mis en vente démontre avant tout d’un caractère anachronique particulièrement fort, la maison et son fondateur jouent sur un savoureux mélange des genres dans son travail de collection. En effet, on trouve un grand nombre d’objets néo-classiques, une vision de l’antique reprise par le monde contemporain. De nombreux items sont signés par des écoles italiennes de la fin du XIXè siècle qui affirment leurs reprises de la période ancienne.
Cette vision va énormément plaire à Gianni Versace, la maison se lançant dans le design dans les années 1990 et va accumuler de nombreux objets. Parmi ceux-ci on retrouve de nombreuses influences servant ses collections et son iconographie, et ce, même à l’échelle de petits ou moyens objets.
[Cat. n°1 – Illustration n°4] [Fig. n°4] Cette coupe aux volumes géométriques, allant de pair avec une autre, possède une iconographie renvoyant au classicisme, aux inspirations antiquisantes par des griffons et des végétaux stylisés. On retrouve également un des motifs les plus emblématiques du monde gréco-romain : le méandre. Deux formes sont ici représentées, la première sur la partie supérieure est le modèle le plus basique créé au VIIIè siècle avant notre ère, lors de l’élaboration de la période géométrique. La seconde forme, le méandre carré est placé sur le socle et est issu de la période archaïque, résultat de la mutation du motif. Ainsi ce modèle issu du monde géométrique représentant l’infinité est mis en valeur avec le motif orientalisant du griffon symbolisant l’éternité. Les deux ensembles se répondent, bien que conçus dans des lieux et des époques différents. Les ornements sont créés par des moulures métalliques par la technique issue du XVIIIè siècle découlant de l’ormolu, ici plaqué sur du marbre. La complexité de l’objet réside en des contrastes variés. Le créateur n’a pas réalisé une iconographie fidèle à l’antiquité, convoquant un ensemble de motifs renvoyant à une période vague, générale et en utilisant un matériau particulièrement travaillé. Ces apports antiques sont intégrés à des éléments contemporains formant alors une cohésion, une unité néo-classique chère au créateur. Cette superposition d’éléments mettant en valeur des techniques et des matériaux a longtemps été travaillée par Versace pour ses propres créations.
À la manière de la haute-couture et des grandes collections portées sur l’art et l’artisanat, la marque italienne va non seulement utiliser des imprimés riches et fournis, mais elle insuffle également un intérêt pour la mixité des matériaux et pour l’apport de la technologie dans la mode. Gianni Versace va appliquer sa méthodologie basée sur la reprise des objets traditionnels par le monde contemporain. En l’utilisant, il va pousser la limite de chacun de ces textiles et matériaux grâce à des associations parfois surprenantes. La marque va composer en confrontant la transparence de la dentelle avec l’éclat et la froideur du métal. Les fines broderies côtoient de riches imprimés, les ensembles sublimés par un travail soigné et osé du tissu plissé, mettant en valeur une architecture anatomique. Il n’est ainsi pas évident de dire quelle réciproque semble correcte : sa mode influençant sa collection personnelle ou l’inverse. Il conviendrait davantage d’affirmer une connexion profonde entre ces deux ensembles distincts qui assouvissent communément ses intérêts personnels.
On retrouve notamment dans sa collection d’objets personnels des motifs emblématiques de la marque comme la Méduse. [Cat. n°1 – Illustration n°5] Celle-ci se présente par une plaque peinte renvoyant aux terres cuites antiques. Son visage et ses traits sont représentés de manière angélique, sa chevelure ornée d’une coiffe ailée est stylisée, les serpents n’étant plus explicitement dévoilés. La représentation de sa tête coupée renvoie au mythe de Persée et elle est mise en valeur par des dorures sur ses principaux attributs. En effet, certaines mèches de ses cheveux notamment évoquant les reptiles et ses yeux de couleur or étant au centre de l’image : éléments qui correspondent aux caractéristiques principales du logo qui représente la maison.
De plus, on retrouve également le méandre, notamment dans un tableau de John William Godward, toujours issu de ses acquisitions. [Cat. n°1 – Illustration n°6] Datant de 1902, il illustre les caractéristiques de l’art néo-classique : il reprend un personnage antique, Chloris, une nymphe rattachée à la saison du printemps. Portant un linge plissé bicolore, elle adopte une position romantique, mélancolique, regardant une rose. On peut aisément remarquer une frise de méandres sur le bord de son vêtement, comme on pouvait le voir sur la coupe néo-classique.
Ainsi ce motif et la Méduse vont composer le logo officiel de la griffe et seront des modèles récurrents dans son univers, autant professionnellement que personnellement.
Certains de ces lots font également preuve des intérêts personnels du couturier. Celui-ci avait dans sa jeunesse, commencé des études afin de devenir architecte. Malgré son abandon au profit du monde du vêtement, cette autre passion se manifeste de manière franche au travers de ses collections personnelles. On retrouve notamment des figurines architecturales comme des temples néo-classiques ou des colonnes rétrécies servant de presse-papier, mais aussi des architectures peintes. Gianni Versace a également collectionné de nombreuses petites mosaïques représentant des bâtiments italiens comme la place Saint-Pierre construite par Le Bernin au Vatican. [Cat. n°1 – Illustration n°7] Ces mosaïques réalisées à la fin du XIXè siècle par l’école italienne font état de ce goût assuré pour l’architecture et plus particulièrement pour ses volumes. Le tracé des lignes baroques a particulièrement captivé l’oeil de Gianni Versace, par le travail des arrondis. L’utilisation des volumes par rapport à l’anatomie humaine est un grand classique dans le monde de la couture. Chacun des grands créateurs s’y étant déjà essayés mais les italiens à partir des années 1970 conservent des coupes parfaitement cintrées et cela quel que soit le style. On peut citer Giorgio Armani notamment que l’on a longtemps opposé au style de Gianni Versace, qui présente des costumes uniformes, parfois monochromes.
Toutefois, il conserve l’élégance masculine et la structure du corps grâce à des volumes droits et des lignes suivant la courbure du buste. Pour composer ses vêtements, Gianni Versace va ainsi s’inspirer de goût pour le bâti au profit de l’architecture anatomique.
Son style et ses inspirations sont ainsi identifiables et les photographies des catalogues de vente sont particulièrement intéressantes puisqu’elles donnent à voir des goûts audacieux, conservant tout de même un équilibre relatif, et pas seulement dans des objets de petite taille mais aussi à une plus grande échelle. [Cat. n°1 – Illustration n°8] Ce cliché dresse un aperçu des fastueux intérieurs qui peuplaient les villas de Gianni Versace. On peut y voir le fameux tableau de Roy Lichtenstein, Blue Nude peint en 1995 dans sa demeure new-yorkaise.
L’association des genres est suffisamment explicite : l’oeuvre de style pop-art tranche radicalement avec le cadre néo-classique dans lequel il est situé. Le mur de pierres blanches est lui-même contrasté par des éléments marbrés comme la colonne sombre. Le récipient posé près de la banquette est présenté comme un canthare dionysiaque au style néo-classique. La scène iconographique de ce dernier est richement orné par des couleurs vives, accompagnées par un doré prononcé sur le reste de l’objet. Les coussins portent des ornements baroques chromatiquement assortis au rouge flamboyant du canapé. Malgré le décalage créé par les styles, ces différents objets semblent finalement s’accorder. Les couleurs chaudes établissent une cohérence dans l’ensemble du mobilier et la sensualité de la figure peinte se lie à la chaleur de la pièce. Dans sa correspondance avec l’artiste à propos du tableau, Gianni Versace le remercie vivement et affirme d’ailleurs qu’il donne de « l’allure » à sa maison, ne pouvant être davantage comblé par Lichtenstein. Différents ouvrages référencent les correspondances qu’il a pu entretenir avec d’autres artistes comme Jim Dine87. L’année qui suit, le peintre composera deux autres toiles : The Interior with Diana et Interior with Ajax. Plusieurs autres artistes vont constituer la sphère artistique privée de Gianni Versace. On peut citer Julian Schnabel mais aussi Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat qui composeront des toiles comme Amoco [Fig. n°5].
De nombreux peintres, photographes vont également prendre des clichés de lui ou le représenter dans le but de peupler ses différents ouvrages imagés. Ces multiples éléments vont alors prendre forme, devenant une inspiration continuelle nourrissant son travail vestimentaire.
En effet, bien qu’ayant établi les nombreuses signatures qui composent sa marque, il est important pour lui et plus généralement pour le monde de la mode de renouveler son travail et ses motifs. Gianni Versace a commandé à l’artiste Frank Moore To Die For, lui laissant une totale liberté dans sa conception plastique88 [Cat. n°1 – Illustration n°9]. Malheureusement demandé en 1997, le styliste alors assassiné en juillet de la même année, n’a jamais pu l’acquérir ou même ne serait-ce que le voir. Sur cette oeuvre on retrouve de nombreux éléments renvoyant au monde de la mode comme une bouteille de parfum Gucci, une lettre froissée mais surtout la tête de la Gorgone. Celle-ci arbore les traits du mannequin Kate Moss, top model phare de la marque italienne et amie proche. Le papier griffonné fut rajouté plus tardivement et renvoie au fax reçu par Moore annonçant la mort de Gianni Versace sur les marches de sa villa.
Ces quelques éléments mettent plusieurs choses en lumière. Le styliste italien, même dans les dernières années de sa vie, restait cramponné à des associations anachroniques que les néo-classiques ou nouveaux réalistes s’étaient attachés à représenter. De plus, les exemples cités font partie des tableaux que le créateur italien a acquis dans les dernières années de sa vie.
Quelques oeuvres plastiques commandées ou reçues par Gianni Versace à partir de 1995, soit deux ans avant sa mort, nous font supposer une décoration nouvelle dans ses villas. Cela met en valeur un trait de caractère bien particulier ; le styliste italien a continuellement cherché à remettre en question ses créations professionnelles mais aussi ce qui peuplait son quotidien, toujours dans une démarche de renouveler ses inspirations.
Cette collection faramineuse fait ainsi preuve d’un art compulsif. Richard Martin soutenait son idée qu’il était inconcevable de ne pas côtoyer l’art et encore moins le subir. Gianni Versace voulait vivre dans l’art90 et pour l’art. Il le considérait comme un rallongement des plaisirs terrestres et était essentiel à comprendre les images diffusées à travers les outils de communication, celles qui accompagnaient chaque être humain dans la modernité tenue par les médias. Cette notion d’un partage massif était un phénomène qui l’a constamment captivé et a toujours motivé son énergie créatrice, cela malgré les critiques qui ont été émises sur son implication trop influencée, supposant un plagiat éhonté. Gianni Versace a toujours exprimé sa légitimité à transposer ces images en les réinterprétant au profit de son travail vestimentaire.
C’est pourquoi il s’est engagé à aller au-delà des défilés et des podiums en créant pour le monde du spectacle : le théâtre, la danse et l’opéra.
Il n’est pas rare que les couturiers collaborent avec les metteurs en scène, profitant du prestige des stylistes mais surtout de leurs goûts et de leurs talents. L’un des premiers à marier le monde du spectacle avec la mode fut Charles Frederick Worth, surnommé le « père de la haute couture ». Le couturier anglais a érigé sa maison en collaborant notamment à la toute fin du XIXè siècle avec des artistes comme Sarah Bernhardt, Lillie Langtry ou Jenny Lind engageant plusieurs créateurs à suivre son chemin. De grandes figures comme Paul Poiret vont plus tardivement au XXè siècle collaborer avec différents metteurs en scène. Coco Chanel va notamment être sollicitée par Sergei Pavlovich Diaghilev comme costumière pour Le Train Bleu. Elle y produit des costumes de bain en jersey, inspirée par la Côte d’Azur. Ces réalisations sont alors l’occasion pour les couturiers d’exprimer leurs talents pour des univers parfois fantaisistes, ne coïncidant pas forcément avec les collections de leurs marques respectives. Cela persiste avec des couturiers plus tardifs qui vont habiller de grandes vedettes comme Pierre Balmain94, Christian Dior, Karl Lagerfeld, Yves Saint-Laurent, John Galliano, Jean-Paul Gaultier, Thierry Mugler, Vivienne Westwood, Christian Lacroix ou Rei Kawabuko. Les créateurs italiens vont également saisir ce nouveau support de diffusion, Elsa Schiaparelli en tête de file. Dans les années 1930, elle collabore avec des surréalistes comme
Jean Cocteau ou Salvador Dali pour créer des accessoires comme les fameuses « shoe hat ».
Les italiens vont se montrer les plus productifs et les plus nombreux à vêtir le titre de costumier de scène. Parmi les plus connus on peut citer Giorgio Armani, Marella Ferrera, Ottavio Missoni, Miuccia Prada ou Valentino. Gianni Versace va être le créateur le plus prolifique puisque l’ouvrage de Massimiliano Capella dénombre pas moins de 29 collaborations entre 1982 et 1997. Malheureusement, il n’est pas possible de pouvoir étudier chacune des pièces où Gianni Versace s’est illustré comme couturier, cette thématique – comme celle sur sa collection d’objets – demandant une étude isolée à elle seule. Il a donc fallu faire un choix dans les exemples qui prennent place dans ce travail.
Cet engagement pour le monde du spectacle n’est pas anodin pour Gianni Versace qui considérait l’art comme un art total et s’appliquait à ne pas s’enfermer dans des restrictions vestimentaires conventionnelles. Il se démarque alors des créateurs, puisque qu’il réalise à partir de 1989 sous la marque Versace, et plus précisément sous l’Atelier Versace. Ce rattachement au label de la maison est un hommage pour Gianni Versace à l’histoire de la conception vestimentaire comme Charles Frederick Worth a pu l’établir avec sa propre maison. En 1982 est alors l’année de sa première collaboration pour Josephslegende de Richard Strauss en association avec le peintre Luigi Veronesi. [Cat. n°1 – Illustrations n° n°10 & 11] De coupe asymétrique, les vêtements que l’on peut apercevoir sur la scène et les dessins démontrent un travail encore en élaboration. Le travail du tissu plissé est bien encore scolaire, grossier comme il a pu le faire chez Genny et Callaghan, relativement imparfait si on le compare à des mises en scène plus tardives. Il continue jusqu’en 1984 qui a une symbolique particulière pour Gianni Versace puisqu’elle lance le départ de plusieurs collaborations avec Maurice Béjart. La première association avec le chorégraphe est pour Dionysos. Le ballet éponyme raconte le mythe du dieu à notre époque actuelle. L’histoire est narrée dans une taverne grecque par un natif. Ce personnage relate les danses dionysiaques portées jusqu’au Moyen-Orient grâce à des chorégraphies cadencées, rythmées par des musiques traditionnelles et des airs de Wagner, minutieusement associées par Manos Hadjidakis. Cette temporalité multiple, l’antique dans du contemporain, va énormément plaire à Gianni Versace qui souhaite s’investir dans la conception des vêtements créés pour le spectacle.
Afin d’apporter de la profondeur à ce travail de recherche, il était nécessaire de contacter
certains artistes ayant pu côtoyer Gianni Versace en tant que costumier tout au long de l’élaboration des spectacles et qui ont ainsi porté ses créations. Grâce à des premiers mails envoyés à plusieurs danseuses et danseurs, certains d’entre eux ont pris le temps et la peine de me répondre. Cependant, il faut rappeler que les représentations se sont déroulées il y a plusieurs décennies et il est impératif de prendre du recul sur les témoignages réceptionnés. La première danseuse à me répondre fut Carole Trévoux qui interprétait une des femmes de Malraux dans le spectacle de Maurice Béjart, Dionysos. Dans un premier temps, elle publia son autobiographie focalisée sur la mise en scène, de sa première répétition jusqu’à la dernière représentation. Malgré les quelques informations sur Gianni Versace, notamment sur son investissement au sein de la compagnie, il fallait recueillir d’autres impressions sur le costume. Maurice Béjart souhaite également impliquer le styliste en lui faisant voir chacune des danses, leurs évolutions afin de coordonner les ensembles, les adapter selon les mouvements des danseurs. Dans son récit, la danseuse relate que chacun des protagonistes possèdera un costume qui lui sera proprement défini, allant de pair avec le caractère de chacun. De plus, il est important pour le metteur en scène de discuter de la conception des costumes, afin de faire coïncider sa vision avec celle du costumier, ce qu’elle me confirmera grâce à notre échange. La relation entre les deux hommes se montre consciencieuse et méticuleuse, s’étant rencontrés plusieurs fois avant le début de la création, Gianni Versace lui faisant part de nombreuses propositions pour chacun des protagonistes. De plus, Carole Trévoux explique sa présence pour quelques parties dont sa répétition pour le choeur. Gianni Versace a alors un mois pour créer les costumes, l’avant-première se déroulant le 7 juin. Les dernières réalisations tardent à arriver, lui qui a pourtant mobilisé l’ensemble de son personnel et éprouve une entière satisfaction pour chacune des pièces.
L’esthétisme doit primer afin de plaire à l’oeil de ceux qui les portent mais surtout au public et à la critique. La danseuse m’a notamment expliqué l’impression ressentie lorsqu’elle a pu admirer le travail et la finition du vêtement. [Cat. n°1 – Illustration n°12] Une robe noire composée d’un bustier qui se marie avec ce qui semble être une large jupe blanche aux lignes géométriques noires fines et perlées. Elle explique d’ailleurs que la partie bustier l’a effrayée de prime abord. Cette pièce féminine emprisonnant le corps, il lui semblait difficile de l’associer avec une danse aussi légère mais il n’en était rien. Au contraire, le costume apportait de l’élégance et donnait une profondeur, du « charisme au personnage ». La partie supérieure du costume est tranchée par un voile brodé à la main qui a émerveillé la danseuse. Parsemé lui aussi de perles, ces dernières courent sur l’ensemble du linge blanc. Le créateur brise encore l’architecture corporelle et joue avec le regard de son contemplateur en rompant la symétrie par le pli et en ne terminant la robe que par une manchette du côté du bras gauche. Celui-ci est laissé nu afin de ne pas enfermer le corps dans le vêtement, ne rappelant le tissu que par un bracelet noir métallique qui semblait au début lourd, imposant mais qui finalement s’est mêlé aux mouvements. Le costume de la danseuse semble alors faire corps avec son jeu de scène.
Les ensembles sont soignés et présentent une élégance que le créateur italien a su affirmer à travers son travail.
Un troisième danseur, Olivier Chanut, a pu trouver le temps de répondre à quelques questions. Tout d’abord, le danseur a interprété le premier rôle masculin de Sissi l’impératrice anarchiste dont la première a eu lieu en 1993. Lui aussi me décrit la venue du créateur au tout début des répétitions et dans les derniers jours. Entre temps, il semblait suivre les proches indications de Maurice Béjart, semblant attentif à ses requêtes. Leur relation étroite a permis au créateur, alors costumier, de présenter des maquettes à la compagnie de danse et enfin tous les costumes une fois achevés, quelques jours avant la première. Olivier Chanut utilise alors le terme d' »admiration » pour nommer le ressenti des danseurs face à son travail : Gianni Versace avait réussi à synthétiser l’essence du ballet par des coupes et des choix stylistiques adaptés à chacun des personnages et surtout aux mouvements des danseurs. Le choix des tissus semble avoir été méticuleux, l’ensemble de ces éléments rendant un travail magnifique qui fut apprécié du public, de la critique et de la compagnie. Afin de capter cette précision, Gianni Versace s’est ainsi montré attentif aux exigences de Maurice Béjart et des danseurs.
Un quatrième danseur, Rosario Cardettino, a également répondu au mail que j’ai envoyé. Comme Carole Trévoux, il a intégré la compagnie de Dionysos puis a continué avec Malraux ou La Métamorphose des Dieux, Souvenir de Leningrad [Cat. n°1 – Illustration n°13], Léda et le Cygne et Fiche Signalétique qui ont tous les quatre eu lieu en 1987. Un an plus tard, il danse pour Patrice Chéreau devenu danseur règle la rencontre de Mishima et d’Eva Peron. En 1989, il fait partie de la troupe de Élégie pour Elle. L … Aile !, l’année suivante il intègre la compagnie de Pyramide El-Nour en compagnie de Sylvie Demandols, puis La mort subite en 1991, et enfin, deux ans après il danse avec Olivier Chanut dans Sissi l’impératrice anarchiste.
Le danseur qui a pu à de nombreuses reprises, observer la relation entre les deux hommes, m’explique le rythme continu que Gianni Versace a pris pour venir aux répétitions.
Avec l’avis de Maurice Béjart, il se montre toujours très attentif aux mouvements et à leur exécution, mais reste la source créatrice première pour les costumes. Ceux-ci succédaient aux maquettes préalablement transmises à la compagnie, elles semblaient venir assez fréquemment, probablement dans un but de faire l’état de l’avancée des costumes aux danseurs. Rosario Cardettino m’explique notamment la très grande attention portée à ces tenues, notamment par Maurice Béjart. Le metteur en scène semblait très attentif au soin consacré aux ensembles, ne voulant pas par exemple, que les danseurs s’échauffent au sol lorsqu’ils portaient un costume, se mettant facilement en colère sinon. Comme Olivier Chanut, la compagnie semblait très fière et admirative devant son travail de costumier, chacun étant ravi d’arborer sur scène un de ses costumes. Gianni Versace s’est toujours montré proche de la compagnie, vérifiant l’aisance des mouvements exercés par les danseurs, retouchant chaque détail si besoin. Rosario Cardettino me rapporte également le succès de ces ensembles devant le public, la critique et la compagnie, le rendant alors fier à son tour de son travail.
Une fois l’examen de son attitude faite, il est nécessaire de se pencher sur la composition des vêtements qu’il a créé. Parmi ses plus célèbres pièces de costumes, on retient les pantalons rouges bouffants des danseurs de Dionysos. [Cat. n°1 – Illustrations n°14 & 15] Ils se démarquent par une mise en valeur des cuisses par l’amplitude du losange en tissu est contrebalancée par une taille marquée comme on peut le voir sur le dessin du costume. Il joue alors sur une architecture anatomique évidente. Le travail de la couture et du pli lui rend une réalisation plus aboutie, l’imprimé s’associant davantage avec la forme. En effet, de nombreux losanges concentriques composent l’imprimé du tissu et renvoient au volume de l’ensemble. De plus, en voyant la chorégraphie de Dionysos, on comprend l’importance du costume, mettant en valeur le corps, le mouvement et renvoyant à une temporalité néo-classique. Les danseurs et danseuses adoptent des poses sculpturales dans une atmosphère festive et décomplexée ramenant à l’idée que l’on se fait du dieu grec et des fêtes dionysiaques. Les pantalons n’entravent pas la liberté des danseurs et de leurs mouvements. Ce sont des pièces qui coïncident avec sa conception du vêtement dans les années 1980, notamment sur cette notion d’une nudité habillée et sur l’aspect volumique des ensembles que l’on retrouve dans sa collection printemps/été 1981, Nonchalance de luxe. [Cat. n°1 – Illustration n°16] Même si les tonalités inspirées par la nature ne correspondent pas, il s’inspire du sari pour travailler le pli dans la partie inférieure du corps, les comparant aux cannelures des colonnes antiques, brisées par une ceinture à la taille. Le pli de la mise en scène est davantage maîtrisé et surtout volontairement exagéré, affirmant sa fantaisie vestimentaire. C’est dans les années suivantes que Gianni Versace va élaborer ses costumes de scène en même temps qu’il conçoit les signatures de sa griffe. Les ensembles sont plus audacieux, se dégageant de l’emprise temporelle des ballets et des opéras pour lesquels il compose, on peut notamment référencer une de ses citations « We don’t force characters or myths into the cage of tradition ». Ce tempérament innovant marque ainsi l’une des plus grandes caractéristiques de son travail et de manière plus globale, la rencontre entre le monde de la mode et celui du spectacle. Il impose une originalité, celle de sa griffe pour réinventer la scène et l’inscrire dans une contemporanéité inédite, qui lui est exclusive.
Sa relation très personnelle au temps créée une nouvelle atmosphère à un moment particulier en y combinant d’autres styles, sans porter de restriction au mythe ou à la fiction et ses personnages. Il fait référence à de nombreux éléments issus de l’histoire de l’art, notamment au mouvement baroque en incorporant des vrilles, des entrelacs issus des végétaux stylisés comme pour Capriccio de Richard Strauss en 1990. Les costumes masculins renvoient aux ensembles bourgeois où dentelle, soie, satin, cuir et éléments cloutés se mêlent. Au sein de la même mise en scène, il fusionne les styles notamment avec les robes inspirées du travail de Sonia Delaunay sur la géométrie et la couleur, renvoyant à l’aspect flamboyant de son travail en y incluant également des cristaux Swarovski. Il en fait de même avec le personnage du clown dans Java Forever en 1989 en s’inspirant des personnages rocambolesques de la Commedia Dell’arte avec des éléments brodés, colorés rappelant les mosaïques et les motifs géométriques des costumes italiens.

Gianni Versace et le corps féminin comme territoire sexualisé

Le corps féminin sexualisé et sa représentation

Gianni Versace a très rapidement exclu un discours neutre, voire pire, totalement absent, au sein de son univers vestimentaire. Bien qu’il n’ait jamais explicitement communiqué à propos du caractère politisé de son travail, on remarque très rapidement une vision progressiste dans sa pensée personnelle mais aussi professionnelle. La mode a toujours été mise en relation avec le thème de la sexualité, occultant parfois le genre, qu’il soit féminin ou masculin. Cependant l’histoire a toujours démontré une graduation mesurée selon le porteur ou la porteuse du vêtement. Celui-ci détermine en ce qu’il montre ou ce qu’il ne montre pas, son travail sur le pli, sa couleur etc.… autant d’éléments qui témoignent d’une manifestation de l’évolution sociale et cela depuis la préhistoire. Afin d’appréhender le travail que Gianni Versace s’est efforcé d’exécuter, il est aujourd’hui nécessaire de comprendre les enjeux qui n’ont cessé de forger une vision péjorative, au moins diminuée de la femme.
L’étude sociale focalisée sur les schèmes sociaux antiques montre d’ores et déjà une diminution relative de la femme. Si elle n’est pas exclue du monde extérieur, pouvant participer aux fêtes et ayant un rôle majeur dans le contexte religieux, les fondements sociaux des cités montrent un règne particulièrement androcentrique, même s’il est nécessaire de prendre en compte des variantes selon chaque cité et chaque période. Les témoignages qui nous sont parvenus sont exclusivement masculins et transmettent l’idée que la femme semble cantonnée au monde domestique. Si l’homme s’emploie à entretenir la politique et la vie publique, la femme est chargée de l’espace intime, l’intérieur. Malgré les quelques exemples d’émancipation comme les Amazones, on remarque que l’idéal social pour la femme reste la maternité, visant à enfanter une descendance mâle. C’est cette expérience qui lui permet le changement de statut social : de numphé125 à femme. Le rôle civique qu’on lui attribue reste alors subordonné par rapport à celui qu’on donne aux hommes. Un des rôles qu’on lui donne est le travail de la laine à l’image d’Athéna, dont l’un des talents était de produire des travaux de la plus haute qualité.
C’est cette tâche passive, aspirant à un travail qualitatif qui est alors transmis aux générations suivantes, veillant à la succession culturelle autour du métier à tisser dans une maison.

La déesse Versace à la conquête de son corps

Pour comprendre la vision de Gianni Versace, il est intéressant de passer au travers du prisme d’une histoire de l’art sociétale. La représentation du corps féminin a profondément muté au XXè siècle, tendant vers une sexualisation parfois démesurée. L’image est alors un des supports de communication qui se montre le plus pratique mais aussi malléable. Ainsi comprendre les images et les vêtements qu’il a créés, c’est comprendre un des points les plus emblématiques de sa politique.
Tout d’abord, malgré une très forte concurrence dans les années 1980 et 1990, il est l’un des premiers à explorer la démarche féminine, elle-même déterminée à reconquérir un territoire accaparé par le monde masculin. La « femme Versace »doit alors aborder deux politiques différenciables. La première se base avant tout sur l’image de la femme sous un angle social et économique. Gianni Versace souhaite promulguer la force du genre féminin en le comparant au genre masculin. Si elle souhaite déconstruire l’image que l’Occident a porté sur elle, il faut inverser la tendance en démontrant de ses capacités, et cela doit être véhiculé par le code vestimentaire. Celui-ci a été le vecteur matériel des tendances mais aussi des mouvances sociales qui ont régi les grands pays influenceurs en terme de mode. Toutefois, le vestiaire féminin a parfois été rejeté de ces agitations. En effet, à partir de la fin des années 1960, début des années 1970, le mouvement qui souhaite apporter un vent de liberté aux femmes semble hostile à la mode. Des ouvrages féministes voient le jour et dénoncent la cage réductrice et anxiogène pour la femme et son corps, la piégeant dans un sexisme récurrent, puisque dirigée par l’homme. La mode ne sert alors pas à dresser un portrait moralisant et positif mais à la coincer dans une superficialité.
L’histoire ne va pas aider la vision progressiste à convertir les femmes les plus réfractaires à cette matérialité vestimentaire. Entre 1975 et 1980, la société occidentale va connaître un déclin économique et des troubles politiques qui vont fragmenter les populations. La vision portée sur la modernité et les innovations est alors divisée en deux écoles. Tout d’abord s’opère une méfiance certaine, cela dû à une désillusion. Le fantasme porté par les nouveaux apports n’a pas pu évoluer dans une société en plein bouleversement, la population prônant alors un retour à une mode plus traditionaliste. A contrario, le mouvement opposé va se créer et se manifester parfois de manière plus extrême. On peut notamment citer le courant punk qui va naître du mécontentement londonien. Il prend ses origines dans la contestation sociale et politique de la jeunesse des années 1970, signifiant « bon à rien » ou « voyou ».
L’étouffement ressenti à cause des partis conservateurs va se manifester par une révolte culturelle, ne concernant alors pas seulement la mode, la musique jouant un rôle majeur dans sa diffusion. [Fig. n°8] Les vêtements punks sont alors catalogués comme extrêmement agressifs, opposés au mouvement hippie qui a régné dans la décennie précédente. Les pantalons en cuir à lanières sont assortis à des chaussures Dr. Martens ; les tee-shirts et les vestes portent souvent des messages obscènes, vulgaires. On y trouve des svastikas, un détournement des institutions anglaises comme la reine ou le drapeau. Les ensembles sont accessoirisés par des chaînes métalliques, des épingles et des fermetures éclairs. Les marqueurs sont également corporels : piercings, scarifications mais aussi coupes de cheveux colorées formant les célèbres crêtes. La violence du style dégageant alors la violence ressentie par la population à cause du gouvernement, cela autant pour les femmes que pour les hommes. Les grandes maisons vont préférer s’aventurer dans ce mouvement, notamment la marque anglaise Vivien Westwood qui créera une collection en 1976, considérée comme l’année de naissance du mouvement. Pourtant, le courant punk prône alors le Do it yourself, les vêtements pouvant être créés par leurs porteurs, ne participant ainsi pas à la société de consommation massive.
Les ventes dans le milieu de la haute-couture ont été particulièrement faibles dans le début des années 1990176. L’emploi de la main-d’oeuvre reste nécessaire à ce milieu particulièrement exigent. L’univers de la confection se montre chronophage et requiert un savoir-faire bien spécifique. Gianni Versace reste pourtant celui qui se démarque en adaptant son travail avec la nouvelle technologie. La fabrication destinée à la consommation massive est aidée par la production par ordinateur, ce à quoi la haute-couture ne peut recourir. Jusqu’à la dernière décennie du XXè siècle, elle était le marqueur le plus influent et illustratif de la production culturelle dans le monde de la mode et marque l’évolution d’une économie croissante mais rattrapée par la technologie. Le travail manuel qu’elle représente se fait dépasser par la connexion entre l’outil numérique et le prêt-à-porter. Bien qu’ayant muté, adapté, la communication déploie son pouvoir de diffusion à une plus grande échelle et permet, à celui qui saura la manipuler, une visibilité extraordinaire. Le couturier italien va alors s’imprégner de ces différents moyens pour tenter d’élargir sa clientèle mais surtout, conserver une mode pensée.
Pour ses pièces métalliques qui paraissent peu de temps avant sa mort, il s’inspire dans un premier temps des cottes de mailles médiévales, poussé par l’imagerie et la figure de Jeanne D’Arc. Ce travail de la matière prend également ses origines avec le mouvement punk, dont les ceintures, les fermetures et autres accessoires métallisés sont des pièces maîtresses régnant auprès du cuir. Celui-ci, avec le latex, vont être des matières qui vont particulièrement plaire à Gianni Versace. Leur forte connotation sexuelle se veut directe : elle prend ses origines dans le milieu du sexe, de la pornographie. Ils sont marginalisés par l’évolution des moeurs grâce aux théories portées sur le genre et le sexe mais aussi l’apparition croissante de sex-shops. [Cat. n°1 – Illustration n°20] En 1992, on découvre Helena Christensen dans une robe de cuir, de tissu et de métal. Le modèle porte alors un soutien-gorge de cuir brillant soutenu par diverses boucles dorées. Il n’est composé que par les lanières qui sculptent les formes de son corps, remontant vers son cou et emprisonnant sa gorge. Ne dissimulant que sa poitrine, elles associent la mode avec les milieux du bondage et du sadomasochisme. Au-delà de mettre en avant une sexualité assumée, il donne à voir une sexualité débridant les dictats de la morale sociale de l’époque en reprenant les éléments les plus significatifs comme les matières ou la coupe. Même s’il n’est pas le premier à présenter une telle vision sur la sexualité de la femme, les créateurs n’ont pas dépassé sa représentation de la liberté féminine. En 1985, pour une ses vidéos, Catherine Ringer arbore une création, signée Jean Paul Gaultier, une robe corset qui permet de la mettre en valeur mais surtout soutient le corps de la femme de manière plus littérale. Thierry Mugler va pousser plus loin en utilisant le vinyle et le le cuir pour donner une allure plus fatale.
Gianni Versace souhaite l’essence de la sexualité dans un glamour codifié par les modalités du monde de la mode. Il ne cesse de jouer avec la vulgarité en la frôlant mais ne l’invitant jamais dans ses créations. Il opère un jeu de séduction à travers ses ensembles qui visent à séduire le client, il confronte alors la nudité, les caractéristiques de chacune des matières et fait des renvois à la sexualité. Anna Wintour disait ainsi « Armani dresses the wife and Versace dresses the mistress »180 synthétisant ainsi l’allure et le style de la marque. De nombreuses critiques ont pu mettre à mal les collections du créateur.
Charlie Rose met notamment en valeur l’une d’entre elle. Des détracteurs reprochent au couturier d’instrumentaliser le corps, le sexe pour son profit personnel, dénigrant un combat social majeur. Cependant, le principal intéressé nous explique que ce n’est pas la robe qui rend la femme sexy et fantasmée, mais la personne elle-même qui va la porter, ainsi ses créations ne sont pas les principales responsables du caractère sexuel. Le but de la robe italienne n’est pas d’arborer une sexualité qui sublimera chaque femme. Elle doit mettre en valeur les formes de toutes ses clientes ou égéries afin de faire ressortir le meilleur de chacune d’elles, se parant d’une armure qui accompagne sa liberté. Gianni Versace rajoute à ces explications face à Charlie Rose en se référant à Nietzsche sur la profondeur et la superficialité. La vision du couturier correspond à la thèse déployée dans le sens où les Grecs en créant le Classicisme, esthétique attachée au corps et son idolâtrie, la manière de le transposer dans sa perfection la plus ultime ; est un moyen de retranscrire l’essence dans sa profondeur. On pourrait croire que représenter l’anatomie dans son aspect le plus canonique peut s’apparenter à une superficialité latente. Cependant, c’est un attrait pour toutes les manifestations de l’apparence puisqu’il se conçoit comme une croyance véritable. Dans une démarche d’observation, il souhaite mettre en valeur l’anatomie pour la voir transcendée au-delà de la mode, être l’illustration d’une conquête sociale menée par la féminité, pour la féminité.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction 
Partie I – Gianni Versace, l’homme inspiré 
a) « Made in Italy » : créer le créateur
b) Le monde médiatique de Versace
c) Versace et l’art, une passion compulsive
Partie II – Gianni Versace et le corps féminin comme territoire sexualisé 
a) Le corps féminin sexualisé et sa représentation
b) La déesse Versace à la conquête de son corps
c) La femme Versace et la lentille photographique
Partie III – L’art et l’histoire, les muses intemporelles 
a) Gianni Versace et la subjectivité́ historique
b) La femme Versace, au coeur de la temporalité́
c) Le vestiaire masculin ou l’égalité́ des modèles
Conclusion 
Sources premières et abréviations
Bibliographie raisonnée et abréviations

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *