Gestes et vocalisations dans l’évolution de la communication

PAROLE ET GESTUALITE MANUELLE : HYPOTHESES ET EVIDENCES EN PHYLOGENESE ET ONTOGENESE

Pour l’aspect phylogénétique, l’origine de l’évolution du langage humain et ses fondements neurobiologiques sont depuis longtemps au centre d’un intense débat scientifique.
Une de ces théories soutient que le langage proviendrait d’un système de communication manuel présent chez un ancêtre commun aux primates humains et non-humains (Vauclair, 2004 ; Meunier et al., 2012), une autre que le langage a des origines uniquement vocales (MacNeilage, 1998) et selon une troisième, que le langage a des origines multimodales (Taglialatela et al., 2011). Concernant l’ontogenèse de la communication dans sa multimodalité, des travaux récents montrent que dès 12 mois, l’enfant commence à utiliser des gestes manuels, et plus particulièrement des gestes déictiques. Ces gestes qui accompagnent le babillage de l’enfant constitueraient une première forme de communication intentionnelle (Butcher et Goldin-Meadow, 2000), précurseur de l’émergence de la syntaxe (Colletta, 2009).

Points de vue phylogénétique

D’après Meguerditchian et collaborateurs, pour espérer déterminer les caractéristiques ancestrales de la communication langagière, « a prime question […] is to investigate whether evolutionary precursors of language may be found in the communicative behaviours of nonhuman primates » (2011 : 91). En effet, la proximité phylogénétique unique entre primates humains et non humains suggère que l’étude comparative de la communication et de la cognition de ces deux espèces de même lignée puisse offrir de précieux éléments quant aux précurseurs potentiels du langage moderne.

Gestes et vocalisations dans l’évolution de la communication

Selon Morris (1994) et Corballis (2003), le passage à la bipédie aurait eu pour première conséquence de rendre les membres antérieurs disponibles et fonctionnels pour la communication gestuelle, tandis que la transition vers le langage vocal se serait faite progressivement jusqu’il y a 50 000 ans, libérant définitivement les mains pour d’autres usages, comme en témoigne l’explosion technologique et artistique de cette époque : « depuis que l’être humain se tient sur ses jambes et a transformé ses membres antérieurs en des mains délicates, il gesticule abondamment. […] Ces mains étonnantes ont élaboré un formidable répertoire de signaux physiques complexes. » (Morris, 1994 : 4).
Contrairement aux humains, les vocalisations des autres animaux sont plutôt fixes à la fois au niveau de leur forme et de leur usage (Zuberbühler, 2006). Pourtant, des recherches récentes indiquent que les gestes manuels communicatifs des grands singes sont appris, utilisés de manière flexible et produits intentionnellement (par ex. : Tomasello et al., 2005).
La théorie Vocalize-to-Localize stipule que la synchronisation entre gestes manuels et articulatoires serait à la base de l’association entre une référence par le geste de pointage d’une part, et une vocalisation d’autre part. Selon cette théorie, le langage aurait émergé grâce à la capacité à articuler pour localiser (Abry et al., 2004 ; Ducey, 2007).
Dans le domaine vocal, les chimpanzés – comme d’autres grands singes – utilisent un nombre plutôt limité de sons dans des contextes fixes, alors que dans le domaine gestuel, il semble qu’ils soient capables d’utiliser leurs signaux de manières flexible et intentionnelle.
Cette dichotomie a mené quelques chercheurs à conclure que le langage humain tire son origine d’un système communicatif gestuel (Arbib, 2005). Bien que la production vocalique des primates non-humains soit relativement peu étendue, leur compréhension et leur utilisation sont plutôt flexibles, ce qui suggère une continuité entre les vocalisations des primates non-humains et la parole des humains (Seyfarth et Cheney, 2010 ; Zuberbuhler, 2005). En captivité, pour communiquer avec les humains, les chimpanzés utilisent un cri appelé ‘attention-getting’, ou encore des claquements de mains, afin d’attirer leur attention (Hopkins et al., 2007). Dans cette situation, les chimpanzés utilisent d’abord un signal acoustique pour attirer l’attention de l’humain, puis un signal visuel pour faire une demande.
La production de ces types de cris en combinaison avec des gestes manuels active l’homologue de l’aire de Broca chez les chimpanzés (ibid.). Selon Dunbar (1996, cité par Taglialatela et al., 2011), la conversation aurait joué un rôle significatif dans l’évolution de la parole. Diverses études ont effectivement démontré que les cris dirigés ont des caractéristiques semblables aux conversations humaines (Taglialatela et al., 2011). Ainsi les femelles chimpanzés sont capables de produire des vocalisations différentes selon le contexte social (ibid.).

ETUDE DES GESTES COMMUNICATIFS

La communication non-verbale désigne les gestes communicatifs, c’est-à-dire employés conjointement à la parole. Notons que le terme ‘geste’ désigne les gestes articulatoires, dont les gestes manuels. Pour notre part, nous ne désignerons par cevocable que les gestes manuels, plus précisément communicatifs, et quand les gestes sont autres, nous le spécifierons systématiquement. Nous présentons, dans cette section, des tentatives de définition des gestes manuels.

Typologie des gestes communicatifs

Une des classifications ayant particulièrement influencée la littérature actuelle est celle d’Adam Kendon (1998). Cette typologie s’est intéressée tout particulièrement aux gestes communicatifs. Cette classification est basée sur le continuum de Kendon (1972, 1998) et est composée de quatre axes (cf. Figure 1). Les gestes sont ainsi classés selon leur degré de dépendance à la parole, leurs propriétés linguistiques, leur degré de codification, ainsi que leur caractère sémiotique. Kendon (1988) distingue de cette façon :
– Les gesticulations – gestes produits de manière spontanée pouvant accompagner ou illustrer le discours ;
– Des pantomimes – gestes représentant analogiquement le centre d’intérêt et remplaçant la parole;
– Des emblèmes – qui sont des gestes conventionnels propres à chaque communauté sociolinguistique (Tellier, 2009) ;
– Et des signes – gestes codifiés qui composent les langues signées.

TROUBLES COMMUNICATIONNELS CHEZ LES PATIENTS ALZHEIMER : LE CAS DU COUPLAGE VOIX/GESTES ET L’IMPACT DE LA VOIX CHANTEE

Troubles du langage dans la DTA et moyens de leur évaluation

Même si les premières manifestations de la DTA concernent essentiellement les processus cognitifs de haut niveau tels que la mémoire sémantique et lecontrôle des fonctions exécutives, d’autres dégradations peuvent toucher progressivement l’ensemble de la sphère communicative. Un des symptômes de l’apparition de déficits cognitifs consiste en des troubles phasiques qui consistent en : « une perte totale ou partielle de la capacité de parler, lire, écrire et/ou comprendre » (Marsaudon, 2008 : 20) ; ils peuvent se manifester sous plusieurs formes cliniques (ibid.) :
– Paraphasie : erreur sur les mots ou les syllabes : « il peut s’agir d’une paraphasie verbale (inversion des mots aux mêmes consonances telles que ‘crécelle’ et ‘vaisselle’) ou d’une paraphasie phonémique (inversion de sons tels que ‘mégalopole’ et ‘mégapolole’ » (ibid. : 21), ou encore d’une paraphasie sémantique (inversion de mots du même groupe lexical, comme par exemple ‘loup’ à la place de ‘tigre’) ;
– Dysarthrie : difficulté d’articulation de la parole – qui peut être la conséquence de nombreuses causes aussi bien neurologiques que physiques – ;
– Jargonaphasie : déformation, confusion ou invention de mots, soit sur la totalité d’une phrase, soit seulement sous forme de ponctuation du discours – reflet de différents troubles phasiques qui conduit à la production d’un langage incompréhensible ;
– Logorrhée : fluence verbale importante avec ou sans signification ;
– Stéréotypie : répétition de mots ou de sons – reflet de difficultés praxiques ou de troubles psychiatriques ;
– Palilalie : répétition de syllabes ;
– Troubles de la répétition ;
– Troubles de la compréhension.
Il est à noter que l’aphasie dans la maladie d’Alzheimer est un mélange complexe et en proportion variable des aphasies de Broca et Wernicke. Dans l’aphasie de Broca, la compréhension n’est que peu touchée, alors que la production langagière est atteinte : le débit est ralenti, l’articulation est difficile, et la syntaxe, la grammaire et le lexique sont réduits. Les symptômes de l’aphasie de Wernicke s’opposent presque point par point à celle de Broca : le débit est rapide – problème de logorrhée –, l’articulation ne pose pas de problème, et la syntaxe, la grammaire et le lexique ne sont que très peu touchés. Par contre, dans ce type d’aphasie, le patient peut souffrir de paraphasie et de jargonaphasie, ainsi qued’anosognosie
– le patient n’a pas conscience de son trouble.
À cette liste non exhaustive peuvent être rajoutés les résultats d’études s’intéressant à la fluence verbale des patients et particulièrement celles traitant des pauses silencieuses (Barkat-Defradas et al., 2009). Ainsi, l’étude des productions langagières orales de patients Alzheimer montre que, de même que pour les sujets contrôles, la distribution des pauses n’est pas aléatoire et que l’organisation temporelle de la parole correspond pour une grande part aux unités syntaxiques (Tapir-Ladino, 2003, cité par Barkat-Defradas et al., 2009).
Cependant, les malades produisent davantage de pauses silencieuses que les sujets contrôles (Barkat-Defradas et al., 2009), et les pauses témoignent plus particulièrement de difficultés à récupérer les verbes (Tapir-Ladino, 2003, cité par Barkat-Defradas et al., 2009).
Dans le cadre clinique, plusieurs tests existent permettant d’évaluer différents troubles provoqués par la DTA. En voici une liste non-exhaustive (Marsaudon, 2008) :
– Les tâches de répétition et de dénomination permettent de définir le type d’aphasie ;
– Le test de cinq mots de Dubois et collaborateurs (2011), ainsi que l’épreuve de Grober et Buschke (1987) permettent d’évaluer les troubles de l’encodage de la mémoire et les troubles de la mémoire verbale épisodique ;
– Le test de fluence verbale permet d’évaluer les troubles de la mémoire sémantique ;
– Le test de similitude de Wechsler Adult Intelligence Scale (WAIS) permet d’évaluer la pensée conceptuelle et la capacité de catégorisation ;
– Le Geriatric Depression Scale (GDS) et l’échelle de Hamilton permettent d’évaluer les troubles comportementaux des patients ;
– Le test Mini Mental State Examination (MMSE) permet d’évaluer les fonctions cognitives, les capacités mnésiques et la compréhension.
Le test MMSE est le plus souvent utilisé à visée d’orientation diagnostique en cas de suspicion de démence. Ce test est constitué de 30 questions évaluant l’orientation, l’apprentissage, l’attention et le calcul, le rappel, le langage, ainsi quela praxie constructive.
Si le score atteint par le patient est inférieur à 24, alors l’atteinte cognitive est dite légère, s’il est inférieur à 18, l’atteinte cognitive est modérée, et s’il est inférieur à 10, l’atteinte cognitive est considérée comme sévère. Cependant notons ici que d’après Marsaudon (2008 : 93), ce test « ne peut en aucun cas être utilisé comme seul test diagnostique d’une maladie d’Alzheimer » car il n’est qu’indicatif et est intégralement lié au contexte médico-social, même s’il reste le plus usité aujourd’hui car facile et rapide – environ 10 minutes – à faire passer.
Rousseau (1998) propose d’intégrer les actes non verbaux – dans lesquels il comprend les gestes manuels, les mimiques, le regard et les pauses – aux tests d’évaluation en s’appuyant sur la typologie de Labourel (1981, cité par Rousseau, 1998), et insiste sur l’importance de la prise en charge des patients atteints de DTA. Dans sa Grille d’Evaluation des Capacités de COmmunication (GECCO), Rousseau (1998) s’intéresse aux gestes ayant une valeur déictique, représentationnelle, de cadrage, rythmique, énonciative et interactive (cf. II.7.). Il ne retient que les gestes manuels ayant une relation supplémentaire ou substitutive à la parole car selon lui ce sont les seuls actes non-verbaux ayant une valeur communicationnelle certaine ; il exclut donc les gestes ayant une relation redondante, complémentaire ou contradictoire avec la parole. Pourtant la valeur communicationnelle de ces derniers est attestée (Colletta, 2004). Rousseau (1998) observe également la mobilité et l’expressivité du regard, l’expressivité du visage, ainsi que les pauses réflexives et interactives. Cependant dans la GECCO, parole et gestes sont analysés séparément.

Liens parole-geste dans la DTA

Un des symptômes de l’apparition de déficits cognitifs, autre que l’aphasie, est l’apraxie : « une incapacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions musculaires et nerveuses périphériques intactes » (Marsaudon, 2008 : 22). Ce trouble provient d’un défaut de conceptualisation et de l’exécution programmée du mouvement – l’objet n’a par exemple plus de sens ou sa fonction a été oubliée. L’apraxie tend à apparaître dans les étapes les plus tardives de la DTA, et il a été démontré que sa sévérité augmente avec celle de la maladie : très rare au stade léger de la maladie, elle est observée dans environ 70 % à 80 % des patients atteints de démence modérée et sévère (Parakh et al., 2004). Il existe différents types d’apraxie dans la DTA : idéatoire, idéomotrice, motrice, constructive, de la marche, de l’habillage, réflexive. Nous allons pour notre part uniquement nous intéresser aux apraxies idéatoire, idéomotrice et réflexive car ce sont les trois types d’apraxie qui peuvent influencer la production de gestes communicatifs :
– L’apraxie idéatoire est l’incapacité de réaliser des mouvements complexes alors que la réalisation des gestes élémentaires est possible – par exemple la personne sait tenir une fourchette mais ne sait plus combiner son utilisation avec un couteau ;
– L’apraxie idéomotrice est l’incapacité à exécuter un geste sur demande alors que l’exécution spontanée est possible ;
– L’apraxie réflexive, quant à elle, est l’incapacité à réaliser des mouvements bi-manuels à vide, sans objet – par exemple difficultés à réaliser le geste représentationnel d’une cloche avec les deux mains.
Dans cette maladie, plus le déficit verbal est sévère, plus les gestes manuels deviendraient ambigus et se réfèreraient à des contenus concrets (Schiaratura, 2008). Néanmoins, peu d’études traitent des capacités de reconnaissance des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer concernant les comportements non-verbaux, mais, de par leurs réponses appropriées à ces stimuli, il semble qu’ils seraient sensibles aux gestes communicatifs (Hubbard, Cook et Tester, 2002, cité par Schiaratura, 2008).
Étant donné le caractère multimodal de la communication humaine et le fait que son développement ontogénétique commence par la communication non-verbale de manière spontanée et inconsciente, la réception de la communication non-verbale resterait présente même à des stades avancés de la maladie d’Alzheimer (Schiaratura, 2008). Or, le langage non-verbal est rarement pris en compte dans l’étude de cette maladie neurodégénérative, d’autant moins en contexte de communication (ibid.). Pourtant, les comportements nonverbaux « sont à la fois des reflets des activités cognitives et émotionnelles et des véhicules de communication avec le lien social » (ibid. : 184) et « les gestes [communicatifs] pourraient renseigner sur l’évolution du déficit verbal et sur le maintien des capacités de communication (Walbott, 1998). » (ibid. : 187). Ainsi, leur étude pourrait « renseigner sur l’évolution de la maladie, l’adaptation émotionnelle du malade et le maintien de ses capacités communicatives » (ibid. : 184). Selon Rousseau (1998), les patients souffrant de DTA risquent d’utiliser des moyens archaïques pour communiquer, seuls moyens dont ils disposent désormais : « l’outil principal de la communication, ne pouvant plus remplir correctement sa fonction, d’autres outils vont être utilisés : le non-verbal et le comportement » (Aquino et Frémontier, 2011). L’étude de certaines pathologies neurodégénératives – notamment de la maladie d’Alzheimer ainsi que de ses symptômes aphasiques et apraxiques – permet d’apporter des éléments supplémentaires de réponse aux connexions particulières entre les systèmes moteurs du geste et de la parole. Effectivement, apraxie et aphasie sont souvent associées chez les patients cérébrolésés (Barrett et al., 2002 ; Cocks et al., 2011). De plus, selon diverses études (Glosser et al., 1998 ; Carlamagno et al., 2005), un désordre sémanticoconceptuel sous-tendrait les détériorations linguistiques et gestuelles dans la DTA.
Charrière et Bally (2009) se sont intéressées à la voix chantée comme outil d’évaluation des capacités de communication des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. L’utilisation de la chanson a été envisagée afin de rendre optimales les performances de communication des patients et d’amoindrir les effets néfastes du stress et de l’anxiété par une mise en situation de test, mais non à des fins, par exemple, de dépistage précoce des dégénérescences. Pour ce faire, elles ont créé l’Evaluation des Capacités de Communication chez le Patient Alzheimer en utilisant la Chanson (ECCPAC), basée en grande partie sur la Grille d’Evaluation des Capacités de COmmunication (GECCO) de Rousseau, lequel se compose de dix subtests analysant :
– Le discours en entretien spontané comme en entretien dirigé ;
– Les capacités liées au pôle réceptif – désignation, compréhension d’ordres simples,
appariement chanson-image ;
– Celles liées au pôle expressif – dénomination, fluence verbale, évocation ;
– Le repérage spatio-temporel – histoires en images ;
– Les compétences de lecture ;
– La communication verbale et non-verbale.
Cet outil d’évaluation est certes pertinent et particulièrement complet et original puisqu’il analyse les comportements verbaux et non-verbaux grâce à la chanson, mais son temps de passation reste beaucoup trop long – 45 à 75 minutes –, surtout pour des participants atteints de DTA sévère comme c’est le cas des participants à leur étude ; d’autant plus que ces tests requièrent une attention soutenue, prolongée et partagée qui est déficiente chezles sujets âgés, et peuvent donner à un observateur non averti une impression fausse de troubles mnésiques (Albert, 2011). Les entretiens n’étant pas filmés, seuls des commentaires sont annotés sur une grille au fur et à mesure de la séance d’évaluation, ne permettant pas aux examinateurs une évaluation fine des nombreuses informations communicatives, notamment non-verbales.
Toutes les sollicitations, qu’elles soient physiques ou intellectuelles, seraient bénéfiques aux patients atteints de DTA – car elles permettraient d’entretenir leurs capacités gnosiques et/ou praxiques, de les distraire tout en évitant l’isolement – et ce tant qu’elles ne sont pas imposées au malade, sinon ce dernier risque d’être mis en échec et d’exacerber sa dépression (Marsaudon, 2008). De fait aujourd’hui, de nombreux traitements sont mis en place pour stimuler les capacités des patients atteints de DTA comme la thérapie par le mouvement, ou ergothérapie, qui vise à maintenir, voire à améliorer les habiletés motrices et éventuellement cognitives des patients grâce au mouvement – marche, exercices de flexibilité et de dérouillage des articulations, séance musicale du type aérobic, travail de l’équilibre, gymnastique au sol, apprentissage du relevé lors d’une chute, … (ibid.). Ce type de thérapie utilise différentes formes d’art comme le dessin, la musique, la sculpture, la calligraphie, la danse, le théâtre, la photographie, le mime ou encore le chant pour stimuler les fonctions cérébrales – cognitives, praxiques, gnosiques, affectives, sensorielles, … –, valoriser la personne et maintenir un lien social. Même si « le thérapeute ne peut espérer une guérison, sans doute pas même une amélioration de l’état de son patient, mais au mieux un ralentissement de la dégradation… » (Rousseau, 1998 : 6), la prise en charge des patients Alzheimer n’en est pas moins primordiale afin d’aider le malade « à conserver jusqu’au bout de son parcours le statut d’individu communicant, et donc tout simplement le statut d’être humain » (ibid.).

CONCEPTION DES SUPPORTS D’EXPERIENCE

Pour notre étude, nous avions besoin d’avoir le moins de références possibles quant aux comptines qui auraient pu être apprises dans le passé, sans que les participants se souviennent de les avoir apprises. Pour ce faire, nous avons demandé aux participants une liste des comptines qu’ils connaissaient via le questionnaire sociolinguistique, même si leur liste ne pouvait être exhaustive. Devant le risque de multiplication des listes, nous avons pris le parti de composer nous même des textes : quatre comptines, deux en voix parlée et deux en voix chantée. Nous soulignons ici que les textes des comptines, ainsi que les paroles des comptines peuvent être parlées, scandées, psalmodiées ou encore chantées. Pour élaborer cessupports, nous avons considéré la première, la plus élémentaire et la plus fondamentale descontraintes de création didactique et scientifique qu’est la prise en compte de la spécificité du public (Cornaz, à paraître).

Spécificités des textes

La comptine a été choisie comme support en raison de son genre à cheval entre parole et musique, constitué d’un texte court et répétitif en vers utilisant un lexique fréquent. Dans un contexte didactique et scientifique, les textes se devaient d’être courts pour être facilement mémorisables et restitués afin que les participants puissent se l’approprier rapidement et convenablement. Pour ce faire, et dans le cadre de notre étude de cas, nous avons pris le parti d’écrire quatre textes chacun comportant cinq phrases correspondant à un acte de verbalisation d’une durée d’environ 25 minutes. Tous les textes utilisent une construction syntaxique de type : sujet + verbe + complément. Notre projet visant des patients atteints de DTA, la possibilité d’écriture insignifiante n’a pas été retenue par crainte de constituer une difficulté pour ces patients à réaliser la tâche demandée, d’autant plus que les adultes éprouvent souvent le besoin de comprendre le sens immédiatement (Arleo et Delalande, 2010). Notre étude s’adressant à des sujets adultes, nous avons fait en sorte que les thèmes des textes s’adressent à des adultes plutôt qu’à des enfants comme c’est souvent le cas, et avons choisi un thème type sur les recettes de cuisine ; ce qui ne signifie nullement que l’utilisation des comptines comme outil didactique ou thérapeutique auprès d’adultes ou de personnes âgées est infantilisante. Nous avons alors cherché des idées de recettes de cuisine pouvant être réduites en cinq phrases. À noter que nous tenions à ce que chaque texte soit différent entre les différentes tâches de répétition, mais pouvant facilement amener à des comparaisons. Nos participants vivant à Grenoble, nous avons choisi deux recettes traditionnelles de la région – la tarte aux noix et le gâteau grenoblois –, ainsi que deux recettes répandues en France – la galette des rois et la pizza. Les textes ont été écrits en collaboration avec VerdurandPendeliau. Même si la construction en phrases courtes semblant suffire à rendre la comptine facilement et intégralement mémorisable (Bustarret, 2007), nous avons préféré écrire des textes en vers pour leurs aspects mnémotechniques étant donné les problèmes mnésiques des personnes atteintes de DTA. D’après Cornaz (à paraître), la longueur des phrases/vers par comptine est en moyenne de dix syllabes/pieds (ibid.). Nous avons décidé de faire des phrases de huit syllabes pour encore faciliter la mémorisation, et assurer la meilleure restitution du texte. Par ailleurs, les phrases/vers étant souvent associés par paire, nous avons pris le parti d’associer les vers par deux. Selon des recherches en didactique des langues, les rimes, tout comme les comptines, ont comme but de faire entendre, reconnaître, assimiler et articuler des phonèmes de la langue du chanteur (Arleo, 1997), et « en plus d’être d’un excellent soutien mnémotechnique, elles servent de repères sonores aux chanteurs (Bustarret, 2007). Elles favorisent la focalisation de l’attention sur les phonétiques suprasegmentale et segmentale, accroissent la compétence de reconnaissance des formes sonores identiques (Dodane, 2006). » (Cornaz, à paraître : 8), et développent la compétence de segmentation phonétique (syllabe, phonème) et celle de segmentation sémantique (mot, morphème). De plus, les rimes permettent d’apporter un aspect poétique et ludique aux tâches. Bien que le caractère des comptines est souvent ‘absurde’, voire ‘sauvage’ (Arleo, 2004), pour notre part, nous n’avons souhaité intégrer ni non-sens ni illogisme pour ne pas risquer de troubler nos participants atteints de DTA qui auraient pu déformer les pseudo-mots en les rapprochant à un mot existant, s’approchant phonologiquement du pseudo-mot ou se rapprochant sémantiquement du reste de la phrase. Nous avons donc opté pour des formes lexicales simples et fréquentes en français courant.

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Table des matières

INTRODUCTION 
CHAPITRE I – PAROLE ET GESTUALITE MANUELLE : TRAVAUX ANTERIEURS ET CONTEXTES THEORIQUES ; LE CAS PARTICULIER DE LA DTA
I.1. PAROLE ET GESTUALITÉ MANUELLE : HYPOTHÈSES ET ÉVIDENCES EN PHYLOGENÈSE ET ONTOGENÈSE
I.1.1. Points de vue phylogénétique
I.1.1.2. Latéralisation des contrôles vocaux et manuels
I.1.2. Points de vue ontogénétique
I.1.2.1. Émergence des gestes communicatifs
I.1.2.2. Développement du couplage voix/gestes
I.2. ÉTUDE DES GESTES COMMUNICATIFS
I.2.1. Typologie des gestes communicatifs
I.2.2. Analyse temporelle du geste
I.3. TROUBLES COMMUNICATIONNELS CHEZ LES PATIENTS ALZHEIMER : LE CAS DU COUPLAGE VOIX/GESTES ET L’IMPACT DE LA VOIX CHANTÉE
I.3.1. Troubles du langage dans la DTA et moyens de leur évaluation
I.3.2. Liens parole-geste dans la DTA
I.3.3. Voix chantée dans la prise en charge des patients
CHAPITRE II – PROTOCOLE EXPERIMENTAL : MATERIEL ET METHODES
II.1. PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL
II.1.1. Description du protocole et observables
II.1.1.1. Tâche de narration
II.1.1.2. Tâches de répétition
II.2. Conception des supports d’expérience
II.2.1. Spécificités des textes
II.2.2. Spécificités des supports musicaux
II.2.3. Spécificités des gestes imposés
II.3. ASPECTS ÉTHIQUES
II.4. PARTICIPANTS
II.4.1. Profil neurologique
II.4.2. Profil sociolinguistique
II.5. PROTOCOLE DE RECUEIL ET D’ANALYSE DES DONNÉES
CHAPITRE III – EVALUATION DU PROTOCOLE : ETUDE DE CAS
III.1. FACILITÉS ET DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LA PARTICIPANTE ALZHEIMER PAR RAPPORT À LA PARTICIPANTE CONTRÔLE
III.1.1. Tâche de narration
III.1.2. Tâches de répétition
III.2. RÉSULTATS
III.2.1. Gestes spontanés et gestes imposés
III.2.1.1. Qualité d’exécution des gestes imposés selon le type de gestes représentationnels imposés
III.2.1.2. Relation temporelle geste/parole
III.2.2. Production gestuelle en voix parlée et voix chantée
III.2.2.1. Évaluation de la qualité des gestes imposés produits en voix parlée et voix chantée
III.2.2.2. Valeur et formes gestuelles produites spontanément en voix parlée et voix chantée
III.2.2.3. Comparaison de la relation temporelle geste/parole en voix parlée et voix chantée
CHAPITRE IV – DISCUSSION ET PERSPECTIVES 
IV.1. DISCUSSION
IV.2. PERSPECTIVES
IV.2.1. Scientifiques
IV.2.2. Aspects cliniques et thérapeutiques
IV.2.3. Aspects sociétaux
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ILLUSTRATIONS 
ANNEXES 
ANNEXE 1
CARACTÉRISTIQUES PHONÉTIQUES DES TEXTES DES COMPTINES
ANNEXE 2
MESURE DE LA FRÉQUENCE FONDAMENTALE AU NIVEAU DES VOYELLES
ANNEXE 3
QUESTIONNAIRE SOCIOLINGUISTIQUE
ANNEXE 4
FORMULAIRE DE DROIT À L’IMAGE
ANNEXE 5
TYPOLOGIE DES CONFIGURATIONS MANUELLES

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