Généralités sur les néoplasies myéloprolifératives

Depuis 2005 et la découverte de la mutation JAK2 V617F, le diagnostic et la stratification des néoplasies myéloprolifératives (NMP) ont été revus si bien que la génétique a une place à part entière dans la classification de ces maladies. Selon la classification des tumeurs hématologiques de l’organisation mondiale de la santé de 2016, les néoplasies myéloprolifératives sans chromosome Philadelphie ou BCR ABL négatives regroupent un ensemble de maladies hématopoïétiques clonales comprenant la polyglobulie de Vaquez (PV), la thrombocytémie essentielle (TE) et la myélofibrose primitive (MFP) ; font partie de ce groupe d’autres entités plus rares que nous n’allons pas aborder. Les confirmations biologiques de ces NMP, reposent parmi les critères OMS 2016 sur la détermination du statut mutationnel de trois gènes: JAK2 (Janus kinase 2), MPL (myeloproliferative leukemia) et CALR (calréticuline). La mutation somatique V617F de la tyrosine kinase JAK2 est retrouvée dans plus de 95% des patients atteints de polyglobulie de Vaquez et chez 50% à 65% des patients atteints de thrombocytémie essentielle et de myélofibroses primitives. Depuis peu, il a été mis en évidence des doubles mutations JAK2 V617F associées à CALR ou MPL.

Généralités sur les néoplasies myéloprolifératives

Définition des néoplasies myéloprolifératives

Tout d’abord nous devons distinguer la leucémie myéloïde chronique avec chromosome de Philadelphie des autres néoplasies sans chromosome Philadelphie. Parmi les NMP Phi – nous identifions par ordre de fréquence la TE, la PV, la MFP et d’autres entités plus rares comprenant la leucémie à polynucléaires neutrophiles, la leucémie chronique à éosinophiles et les NMP inclassables. Le terme de NMP regroupe un ensemble de pathologies caractérisées par une prolifération excessive de précurseurs hématopoïétiques dans la moelle osseuse et par une production excessive de cellules sanguines matures.

Physiopathologie

Physiopathologie commune
En 2005, l’identification de la mutation JAK2 a fourni une base moléculaire commune à ces différentes maladies. Elles sont toutes caractérisées par l’acquisition d’une mutation au sein d’une cellule souche multipotente hématopoïétique ce qui aboutit à une prolifération clonale anormalement élevée de cellules myéloïdes. Les mutations acquises confèrent alors aux cellules mutées une indépendance et une hypersensibilité des progéniteurs vis à vis des cytokines. Trois mutations principales sont impliquées dans la physiopathologie de ces NMP : il s’agit des mutations du gène de la Janus kinase 2 (JAK2), du gène de la calréticuline (CALR), et du gène de la « myeloproliferative leukemia » (MPL). La principale mutation retrouvée en terme de fréquence est la mutation JAK2 V617F. La mutation au niveau de l’exon 12 JAK2 est retrouvée dans 2% des PV. 10 à 15% des TE et 5 à 10% des MFP ne présentent aucune de ces anomalies moléculaires et sont dits triples négatifs.

Rappel physiologique : le gène JAK2 et le rôle de la voie JAK/STAT 

La myéloprolifération est contrôlée par l’axe cytokines/ récepteurs aux cytokines au niveau de la voie JAK/STAT. La protéine JAK2 est une protéine à activité tyrosine kinase de la famille JAK (Janus activated kinase) indispensable à la signalisation cellulaire des cytokines et aux facteurs de croissance comme l’EPO, responsable de la survie et de la prolifération cellulaire. Elle est constituée d’un domaine JH1 (JAK Homology domain 1) et d’un domaine JH2 (JAK Homology domain 2), JH2 étant le régulateur négatif de l’activité kinase de JH1. Le rôle de la protéine JAK2 est de permettre la stabilisation et l’ancrage à la surface cellulaire de trois récepteurs : EPO-R, MPL et G-CSF-R. La fixation des trois cytokines (EPO, TPO et G-CSF) à leurs récepteurs va entraîner l’activation de JAK2 par autophosphorylation et le recrutement de molécules de signalisation impliquées dans les voies STAT, MAPK et PI3K (1). Les voies STAT et MAPK sont impliquées dans la prolifération, la différenciation et la survie cellulaire. La voie PI3K, quant à elle, joue un rôle dans la survie et le contrôle du stress cellulaire. La régulation négative du signal s’effectue par auto-inhibition de JAK2 par le domaine appelé pseudo kinase, conduisant à la terminaison du signal et l’internalisation du récepteur. Ainsi toutes ces voies de signalisation sont susceptibles d’être impliquées dans la physiopathologie des NMP .

La mutation JAK2 V617F

Cette mutation acquise au niveau d’une cellule souche hématopoïétique résulte d’un changement d’une guanine en thymidine, entraînant la substitution d’une valine par une phénylalanine en position 617 dans le domaine pseudokinase JH2 de la protéine JAK2. Il en résulte une activation constitutive de la protéine JAK2, indépendamment de la liaison du facteur de croissance au récepteur (2). La mutation JAK2 V617F induit en l’absence de cytokine une activation des voies de signalisation en aval STAT5/3/1, MAPK et PI3K .

Evolution et pronostic

Ce sont des cancers rares car leurs incidences sont inférieures à 6 pour 100 000 personnes par an. Une récente étude (6) fournit les estimations d’incidences suivantes : PV de 0,4 à 2,8, TE de 0,38 à 1,7 et MFP de 0,1 à 1,0 pour 100 000 personnes par an. L’âge médian au diagnostic de la PV est de 65 ans, de 68 ans pour la TE et de 70 ans pour la MFP. Chez les patients non traités, la morbidité et la mortalité de la PV et de la TE sont principalement liées aux complications thrombotiques. Chez les patients traités, l’augmentation du risque de décès est liée au risque évolutif : transformation en myélofibrose secondaire, transformation en syndrome myélodysplasique (SMD) et leucémie aiguë myéloïde (LAM). Dans la PV, le risque de progression en MF secondaire a été reporté dans 9 à 21% des patients et la progression en LAM chez 3 à 10% des patients (7) (8). Les facteurs de risque de transformation inclus l’âge avancé et la leucocytose (9) (10). L’effet de la charge allélique JAK2 V617F sur l’évolution de la maladie n’est pas clairement établi (11). Dans la TE, la transformation en MF secondaire est plus faible de l’ordre de 3 à 4% des patients (12). La médiane de survie pour les PV et les TE non compliquées est estimée à 14 ans et 20 ans respectivement. Elle est plus faible pour la MFP, estimée à 6 ans (8) (Figure 3). Plusieurs scores pronostiques ont été développés afin de stratifier les patients atteints de MFP et d’adapter leurs prise en charge thérapeutique: l’IPSS (international scoring system) (13) puis le DIPPS (dynamic international prognostic scoring system) (14) et enfin le DIPPS-plus (15). Ce dernier prend en compte huit facteurs : l’âge supérieur à 65 ans, un taux d’hémoglobine < 100 g/L, une hyperleucocytose > 20 G/L, un taux de blastes supérieur à 1%, la présence de signes généraux, des anomalies de mauvais pronostic au caryotype, une dépendance transfusionnelle et un taux de plaquettes < 100 G/L. Récemment le GPSS (16) (genetic-based pronostic scoring system) associe aux facteurs cliniques, hématologiques et cytogénétiques, des critères moléculaires notamment la mutation CALR et ASXL1.

Tableau clinique et biologique

La polyglobulie de Vaquez

La PV touche essentiellement la lignée érythroïde. Les patients sont souvent diagnostiqués de manière fortuite sur des anomalies de l’hémogramme. L’examen clinique retrouve l’existence de signes généraux dans 80% des cas (17) (asthénie, impact sur la qualité de vie, insomnies), des signes d’hyperviscosité (céphalées, vertiges, troubles visuels, acouphènes), des signes microvasculaires (migraines, paresthésies, érythromélalgies), une érythrose cutanéo-muqueuse d’apparition progressive touchant principalement le visage et les mains, un prurit à l’eau (aquagénique), une splénomégalie. Dans certains cas le diagnostic est évoqué devant des complications majeures comprenant la thrombose et les signes d’évolution en myélofibrose. La principale anomalie biologique retrouvée est la polyglobulie. L’augmentation de l’hémoglobine (>165 g/L chez l’homme et > 160 g/L chez la femme) et/ ou de l’hématocrite (>49% chez l’homme et > 48% chez la femme) doit faire évoquer le diagnostic après élimination des autres causes de polyglobulies secondaires que nous ne détaillerons pas. Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et une thrombocytose modérée peuvent être associées à la polyglobulie. Le taux d’érythropoiétine (EPO) circulant est normal ou bas en principe.

La thrombocytémie essentielle

La TE touche essentiellement la lignée mégacaryocytaire. Les patients sont en général asymptomatiques au diagnostic, l’examen clinique révèle une splénomégalie dans un tiers des cas. Le diagnostic peut également être évoqué devant des complications hémorragiques et des thromboses. La principale anomalie biologique retrouvée est une thrombocytose. L’augmentation du taux de plaquettes > 450 G/L doit faire évoquer le diagnostic après élimination des autres causes de thrombocytoses secondaires que nous détaillerons pas. La mutation JAK2 est retrouvée dans 50 à 60% des cas de TE (18) .

La myélofibrose primitive

La MFP est la forme la plus sévère des trois maladies. Elle est caractérisée par une prolifération anormale de lignées myéloïdes et par des anomalies de différenciation des mégacaryocytes responsables de la fibrose médullaire. Les patients sont rarement asymptomatiques et présentent des signes généraux (fièvre, sueurs nocturnes, altération de la qualité de vie). Il existe une splénomégalie dans 90% des cas environ. La fibrose médullaire provoque en partie l’apparition de cytopénies se traduisant par un syndrome anémique, hémorragique ou infectieux. Les anomalies biologiques retrouvées sont multiples : anémie normocytaire, normochrome, arégénérative, taux de leucocytes et de plaquettes variables. L’analyse du frottis peut mettre en évidence 5-15% de myélémie, quelques blastes circulants (2 à 3%), des érythroblastes circulants (2 à 20%), des dacryocytes et des anomalies de la lignée mégacaryocytaire (micromégacaryocytes, macrothrombocytes dégranulés). La mutation JAK2 est retrouvée dans 50 à 60% des cas .

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Table des matières

Introduction
Partie I : Généralités sur les néoplasies myéloprolifératives
A. Définition des néoplasies myéloprolifératives
B. Physiopathologie
1. Physiopathologie commune
a. Rappel physiologique : le gène JAK2 et le rôle de la voie JAK/STAT
b. La mutation JAK2 V617F
C. Evolution et pronostic
D. Tableau clinique et biologique
1. La polyglobulie de Vaquez
2. La thrombocytémie essentielle
3. La myélofibrose primitive
4. Critères diagnostiques
Partie II : Les événements thrombotiques dans les néoplasies myéloprolifératives
A. Epidémiologie des thromboses au diagnostic et au suivi des NMP
1. Prévalence et incidence des thromboses dans les NMP
2. Les thromboses artérielles
a. Les accidents vasculaires cérébraux et les accidents ischémiques transitoires
b. Les infarctus du myocarde
c. Les ischémies périphériques
3. Les thromboses veineuses de localisation fréquente
a. Les thromboses veineuses profondes des membres inférieurs et les embolies pulmonaires
4. Les thromboses veineuses de localisations plus rares
a. Les thromboses veineuses splanchniques
b. Les thromboses veineuses cérébrales
c. Les thromboses veineuses rétiniennes
5. Les thromboses récidivantes
B. Physiopathologie générale des thromboses au cours des NMP
1. Les leucocytes
2. La polyglobulie et l’augmentation de l’hématocrite
3. Thrombocytose et activation des plaquettes
4. Rôle des cellules endothéliales
5. Les microparticules plaquettaires
C. Facteurs de risques thrombotiques dans les NMP
1. Facteurs de risques liés aux patients
a. Le sexe
b. L’âge et les antécédents de thrombose
c. Les anomalies du bilan de thrombophilie
d. Risques cardiovasculaires
2. Facteurs de risques liés à la maladie
a. Les globules blancs et les plaquettes
b. La charge allélique JAK2 V617F
D. Thérapeutique
1. Stratification du risque
2. Stratégies thérapeutiques
3. Anti JAK2
Partie III : Etude rétrospective de 452 patients de l’APHM
A. Matériel et méthode
1. Objectifs de l’étude
a. Objectif principal
b. Objectifs secondaires
2. Sélection des patients
3. Définition des événements thrombotiques artériels et veineux
4. Analyse statistique
5. Analyse moléculaire
a. Extraction de l’ADN
b. Quantification JAK2 V617F par PCR quantitative en temps réel
c. Interprétation de l’analyse sur le MX300P
B. Résultats
1. Description de la population
a. Caractéristiques des patients de l’étude
b. Répartition des patients en fonction de la charge allélique JAK2 V617F
c. Répartition des événements thrombotiques
2. Quelle est l’influence de la charge allélique sur les thromboses ?
a. Influence de la charge allélique JAK2 au diagnostic sur les thromboses initiales et études des facteurs de risques thrombotiques
i. Analyse des événements thrombotiques totaux sur la population JAK2 positifs
ii. Analyse des événements thrombotiques totaux dans les TE et les PV
iii. Analyse des thromboses artérielles dans les TE et les PV
iv. Analyse des thromboses veineuses dans les TE et les PV
b. Influence de la charge allélique JAK2 sur les récidives d’événements thrombotiques des NMP
c. Influence de la charge allélique JAK2 sur les récidives d’événements thrombotiques des PV
3. Les thromboses veineuses cérébrales et les embolies pulmonaires
a. Fréquence de la mutation JAK2 pour les thromboses veineuses cérébrales, splanchniques et embolies pulmonaires à l’APHM entre 2017 et 2018
b. Comparaisons cliniques et biologiques entre les groupes JAK2+ et JAK2- pour les TVC et les EP
4. Comparaison clinique et biologique entre les TE JAK2 et les TE doubles mutés JAK2 et CALR ou MPL
Partie IV : Discussion
A. Objectif principal : Risque thrombotique et charge allélique JAK2 V617F
B. Objectifs Secondaires
1. Etude des facteurs de risque de thrombose
2. Etude des thromboses veineuses cérébrales et embolies pulmonaires
3. Etudes des patients TE doubles positifs
C. Limites de l’étude
Conclusion

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