GENERALITES SUR LE CYCLE DU COMBUSTIBLE NUCLEAIRE
Le cycle du combustible nucléaire en France
A sa sortie du réacteur et après un entreposage en piscine de quelques années visant à le refroidir, le combustible nucléaire irradié peut emprunter deux filières différentes : le retraitement ou le stockage direct .
Le retraitement vise à recycler la part importante de matières valorisables (95% d’uranium et 1% de plutonium) contenue dans le combustible UOx irradié afin de refabriquer du combustible : il s’agit du cycle fermé. Le retraitement est réalisé selon le procédé PUREX qui consiste d’abord à séparer U et Pu des autres produits et actinides, puis à séparer U de Pu. L’uranium et le plutonium vont servir à fabriquer un nouveau combustible appelé MOx (mélange d’oxydes), 239Pu remplaçant 235U en tant que matière fissile. Les actinides mineurs, produits de fission et produits d’activation sont considérés comme déchets et sont vitrifiés et envoyés en entreposage. Après leur entreposage, ces verres de confinement sont destinés à un stockage géologique. La seconde option, qui correspond au cycle ouvert, est de ne pas retraiter le combustible UOx irradié mais de le considérer comme un déchet ultime. Le combustible irradié est alors directement destiné au stockage géologique après la période d’entreposage. Cette option peut également s’appliquer pour les combustibles MOx qui ne sont actuellement pas recyclés car l’utilisation de combustibles fabriqués à partir de combustible MOx recyclé nécessiterait la construction de centrales nucléaires d’un autre type (génération IV) actuellement à l’étude.
En France, la solution de référence est le retraitement du combustible irradié qu’il s’agisse du combustible UOx ou MOx. Cependant, le stockage direct du combustible en couche géologique profonde est également étudié dans le cadre du projet COSTO (COlis en STOckage) afin de s’assurer que le concept de stockage français (Cigéo) soit compatible avec le combustible irradié dans le cas où celui-ci serait un jour considéré comme un déchet. Notons que certains pays comme la Suède ou la Finlande ont choisi le stockage direct du combustible comme solution de référence. D’autres comme la Belgique et la Suisse l’envisagent comme solution possible.
Le concept français du stockage direct des combustibles
En France, le site de stockage retenu par l’Agence Nationale de gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) se situe dans l’Est de la France, à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne. Plus particulièrement, la couche géologique choisie pour recevoir les colis de déchets est la couche d’argilites du Callovo-Oxfordien (COx). D’une épaisseur de 130 m avec un pendage pratiquement nul, cette couche de roche argileuse s’est formée il y a 155 millions d’années et se situe aujourd’hui entre 400 et 600 m de profondeur. Minéralogiquement, les argilites du COx sont constituées principalement d’argiles (illites/smectites), de carbonates et de quartz. Elles contiennent également de faibles pourcentages de pyrite et de matière organique qui témoignent des conditions réductrices du milieu, et les carbonates régulent en partie le pH.
Le concept de stockage français du combustible irradié, détaillé dans le Dossier 2005 [1], consiste à placer les assemblages de combustible à l’intérieur d’un conteneur en acier non allié (acier au carbone P235) introduit ensuite dans une alvéole (tunnel de 45 m de long) creusée dans la roche de la couche géologique choisie. Les conteneurs sont dimensionnés de façon à garantir l’étanchéité pour au moins 10000 ans afin d’empêcher l’arrivée de l’eau au contact du combustible pendant la phase thermique. Ceci permet de réduire l’influence de la température sur la physicochimie des radionucléides dans l’environnement. Une alvéole peut recevoir 3 à 4 conteneurs séparés par des intercalaires pour prévenir les problèmes de chaleur et le risque de criticité, et les colis sont entourés d’une barrière ouvragée en argile gonflante les séparant ainsi de la roche hôte.
Les colis dégagent une importante quantité de chaleur due aux décroissances radioactives qui continuent à se produire pendant des milliers d’années, et la température est le paramètre qui peut potentiellement perturber le plus le milieu de stockage. Il a été montré expérimentalement que les argiles du site de stockage ne subissaient pas de transformation minéralogique prépondérante si la température et la durée de la phase thermique n’étaient pas trop importantes. Les installations du stockage ont donc été dimensionnées afin que la température ne dépasse pas 90°C. Ce dimensionnement permet que la chaleur dégagée par le combustible ait un effet très limité voire nul sur les propriétés de l’argilite, n’induise pas de transformation minéralogique importante, et n’affecte pas l’efficacité du stockage. Les concepts présentés dans cette section sont ceux de 2005, cependant l’Andra poursuit ses études en vue d’une optimisation des concepts de stockage et de leur actualisation au fur et à mesure des avancées scientifiques et technologiques.
LE COMBUSTIBLE NUCLEAIRE EN SORTIE DE REACTEUR
Deux types de combustibles : UOx et MOx
Deux types de combustible différents sont étudiés dans cette thèse. Il s’agit des combustibles appelés UOx et MOx dont les principales caractéristiques sont présentées ci-après. Le combustible UOx est fabriqué à partir d’une poudre de UO2 enrichie en 235U (de 3 à 5 %) compactée et frittée à haute température (1973 °K) sous atmosphère réductrice Ar/H2 pour obtenir les pastilles de UO2. Ce procédé de fabrication confère au combustible UOx une microstructure homogène composée de grains de UO2 d’une taille proche de la dizaine de microns jointifs et avec une faible porosité . Cette matrice UO2 contient des éléments (produits de fission, etc.) issus de l’irradiation en réacteur qui seront détaillés dans la section suivante. Sur le long terme comme dans le cas du stockage géologique, l’activité alpha de ce combustible devient dominante par rapport aux activités beta et gamma.
Le combustible MOx est un combustible fabriqué à partir des matières valorisables issues du retraitement des combustibles UOx. En effet, en sortie de réacteur, le combustible UOx contient une part importante de matières valorisables : 95% d’uranium et 1% de plutonium. Le retraitement consiste donc à séparer :
– l’uranium et le plutonium qui serviront à re-fabriquer du combustible ;
– les actinides mineurs, produits de fission et produits d’activation qui seront vitrifiés et envoyés en entreposage puis en stockage géologique.
Le retraitement du combustible a lieu environ 4 ans après sa sortie du réacteur : les assemblages sont d’abord placés dans la piscine de désactivation sur le site de la centrale pendant 1 à 2 ans, puis transférés à l’usine de retraitement et entreposés en piscine pendant 2 ans au minimum. Après la période d’entreposage visant à refroidir les assemblages, ceux-ci sont cisaillés, puis les tronçons de crayon (gaine + combustible) sont dissouts dans de l’acide nitrique. Les morceaux de gaine ou produits insolubles sont séparés du liquide par centrifugation. L’extraction de U et Pu est ensuite effectuée suivant le procédé PUREX qui consiste d’abord à séparer U et Pu des autres produits et actinides, puis à séparer U de Pu. L’uranium et le plutonium vont servir à fabriquer un nouveau combustible appelé MOx (mélange d’oxydes), le 239Pu remplaçant le 235U en tant que matière fissile.
Le procédé de fabrication du MOx MIMAS (MIcronization of a MASter blend) lui confère une microstructure différente de celle des combustibles UOx. Le fait de mélanger deux poudres (UO2 et PuO2) donne naissance à une microstructure hétérogène contenant des amas enrichis en Pu. En effet, thermodynamiquement la solution solide (U1-x,Pux)O2 peut se former ; en revanche sa cinétique de formation est trop lente pour qu’elle se forme complètement. La microstructure du combustible MOx MIMAS présente ainsi trois zones différentes :
– la matrice composée de grains de UO2 contenant seulement 2,7 % de Pu ;
– les amas de plutonium contenant 20,2 % de Pu ;
– la zone d’enrobage contenant une quantité de Pu intermédiaire d’environ 7,3 %.
La zone d’enrobage est observée pour les combustibles MOx MIMAS dits ADU ou TU2, c’est-à-dire fabriqués à partir d’une poudre de UO2 obtenue par atomisationséchage d’une suspension de diuranate d’ammonium, qui sont la référence de l’usine de fabrication MELOX. Ce combustible présente également une activité plus forte que celle des UOx due à la présence du plutonium. Une des problématiques concernant le MOx MIMAS est d’évaluer les effets de cette structure hétérogène et de cette activité plus forte sur l’altération du combustible.
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Table des matières
I. Introduction
1. Généralités sur le cycle du combustible nucléaire
1.1. Le cycle du combustible nucléaire en France
1.2. Le concept français du stockage direct des combustibles
2. Le combustible nucléaire en sortie de réacteur
2.1. Deux types de combustibles : UOx et MOx
2.2. Irradiation du combustible en réacteur nucléaire
3. Altération du combustible en conditions environnementales
3.1. Radiolyse de l’eau sous irradiation
3.2. Dissolution oxydante de la matrice du combustible
3.3. Influence des conditions environnementales sur la dissolution oxydante
3.4. Objectifs de la thèse et méthodologie
II. Matériaux et méthodes expérimentales
1. Matériaux étudiés
1.1. Simulants de combustible UOx : pastilles de UO2 dopées Pu
1.2. Combustible MOx MIMAS non irradié : MOx 7%
1.3. Combustible MOx MIMAS irradié : MOx 47
2. Les expériences de lixiviation
2.1. Spécificités du travail en laboratoire de haute activité
2.2. Matrice expérimentale
2.3. Préparation des milieux d’études
2.4. Préparation des matériaux avant lixiviation
2.5. La lixiviation
3. Analyses des solutions et des gaz
3.1. Mesures des paramètres physico-chimiques
3.2. Analyses des éléments en traces
3.3. Analyses des éléments majeurs
3.4. Analyse des gaz
4. Caractérisations des surfaces
4.1. Imagerie par microscopie électronique à balayage
4.2. Analyse élémentaire de surface par microsonde électronique
4.3. Détermination de la nature des phases secondaires par spectroscopie Raman
5. Traitement des résultats d’analyses des solutions
5.1. Exploitation des résultats des acidifications et rinces acides
5.2. Exploitation des résultats de concentration en solution
5.3. Estimation des surfaces des matériaux
III. Modélisation des processus géochimiques
1. Introduction aux codes de calcul CHESS et HYTEC
1.1. Le code géochimique CHESS
1.2. Le code de transport réactif HYTEC
2. Base de données utilisée
2.1. L’espèce radiolytique H2O2(aq)
2.2. Les espèces de l’uranium
2.3. Les espèces du plutonium
2.4. Les espèces du fer
2.5. Les minéraux carbonatés
2.6. Découplage redox
3. Développement du modèle géochimique représentatif des expériences de lixiviation
3.1. Mécanismes considérés dans le modèle et lois associées
3.2. Sélection bibliographique et calcul des constantes cinétiques du modèle
IV. Altération de UO2 dopés en émetteurs alpha en conditions environnementales
1. Introduction
2. Etat initial des pastilles de UO2
3. Influence de l’eau du COx sur l’altération de UO2
3.1. Altération de UO2 réf en eau synthétique du COx
3.2. Altération de UO2 10000 ans en eau synthétique du COx
3.3. Altération de UO2 50 ans en eau synthétique du COx
3.4. Altération de UO2 50 ans oxydé en eau synthétique du COx
3.5. Conclusion sur l’altération de UO2 en eau synthétique du COx
4. Couplage de l’influence du fer et de l’eau synthétique du COx sur l’altération de UO2
4.1. Altération de UO2 50 ans en eau synthétique du COx en présence de fer
4.2. Altération de UO2 10000 ans en eau synthétique du COx en présence de fer
4.3. Conclusion sur l’altération de UO2 en eau synthétique du COx en présence de fer
V. Altération des combustibles MOx MIMAS en conditions environnementales
1. Introduction
2. Altération des combustibles MOx MIMAS 7% non irradiés en réacteur nucléaire
2.1. Etat initial des pastilles de MOx 7%
2.2. Altération du MOx 7% en eau carbonatée
2.3. Altération du MOx 7% en eau synthétique du COx
2.4. Altération du MOx 7% en eau synthétique du COx en présence de fer
2.5. Conclusion sur l’altération du MOx 7 % en conditions environnementales
3. Altération du combustible irradié MOx 47 en eau du cox et en eau du COx en présence de fer
3.1. Analyses des solutions
3.2. Caractérisations des surfaces
3.3. Discussion et conclusion
4. Conclusions du chapitre
VI. Discussion générale
Conclusion