Généralités sur l’argatroban

La thrombocytopénie induite par l’héparine (TIH) de type II est une complication grave du traitement par héparine. Elle se manifeste par une thrombopénie sévère, d’apparition brutale, survenant en général entre 5 à 21 jours après le début du traitement et est associée à un haut risque thrombotique. Elle est causée par des anticorps dirigés contre des complexes contenant de l’héparine et une protéine plaquettaire endogène, le facteur plaquettaire 4 (PF4). Bien que la réaction immunitaire soit courante [1]–[3], les complications cliniques sont beaucoup moins fréquentes et touchent environ 0,2 à 3 % des patients exposés [4].

Le risque de survenue de complications thrombotiques impose, devant toute suspicion de TIH, un arrêt immédiat de l’héparine et le relais par un autre traitement anticoagulant. En France, les molécules disponibles et autorisées dans cette indication sont le danaparoïde sodique (Orgaran®) et l’argatroban (Arganova®). Le danaparoïde inhibe le facteur Xa en présence d’antithrombine et peut être utilisé par voie sous-cutanée ou intraveineuse. Il a pour inconvénient d’avoir une demi-vie longue (25 heures), ce qui augmente le risque hémorragique, et d’être éliminé par voie rénale, ce qui le contre-indique chez les patients ayant une fonction rénale altérée [5]. Il n’existe pas d ‘antidote. L’argatroban est un inhibiteur direct de la thrombine, utilisé uniquement par voie intraveineuse. Il a pour avantage d’avoir une demi-vie courte (1 heure) et de ne pas être éliminé par voie rénale, ce qui en fait une molécule de choix chez les patients hospitalisés en réanimation [6]. Il est cependant contre-indiqué chez les patients présentant une insuffisance hépatique.

Rappels sur la TIH

Définition :
Il existe deux types de thrombopénies induites par l’héparine :
– La TIH de type I, transitoire et modérée, survient dans les premiers jours du traitement par héparine et ne présente pas de risque thrombotique ;
– La TIH de type II, rapide et sévère, survient dans les 5 à 21 jours après le début du traitement et est à haut risque thrombotique.

Mécanisme physiopathologique :
Chez certains patients, le PF4 va interagir avec l’héparine et modifier sa structure tridimensionnelle, entraînant l’exposition de néo-antigènes qui vont induire la synthèse d’anticorps dirigés contre ces complexes PF4-héparine. Ces anticorps vont activer les plaquettes, les monocytes, les polynucléaires neutrophiles et les cellules endothéliales, engendrant une hypercoagulabilité et l’apparition de thromboses. Dans la majorité des cas, les TIH sont dues à des anticorps de classe IgG qui, après avoir reconnu le complexe PF4-héparine, se fixent par leur fragment Fc aux récepteurs FcγRIIa des plaquettes. Les plaquettes sont alors activées, ce qui entraîne leur agrégation et la production de microparticules plaquettaires [7]. De plus, les anticorps anti-PF4 vont déclencher la production de Facteur Tissulaire par les monocytes, protéine procoagulante qui va favoriser la survenue de thromboses [8]. Outre les plaquettes et les monocytes, les anticorps anti-PF4 peuvent activer les  cellules endothéliales et les polynucléaires neutrophiles, contribuant au processus thrombotique [9].

Démarche diagnostique :
Le diagnostic de la TIH doit être rapide pour permettre une prise en charge adaptée en urgence du fait des conséquences graves qu’elle peut engendrer.

La démarche diagnostique repose sur trois étapes :
1. L’évaluation de la probabilité que le patient présente une TIH : elle repose sur le score des 4T, qui a l’avantage d’être rapide et simple d’utilisation, mais qui peut être opérateurdépendant et inadapté à certaines situations. Ce score est basé sur quatre critères : le temps d’apparition de la thrombopénie, la sévérité de la thrombopénie, la présence de thrombose et la présence d’autres causes de thrombopénie. En fonction du score obtenu, la probabilité de TIH peut être déterminée :
– 0-3 : faible ;
– 4-5 : modérée ;
– 6-8 : élevée.
2. En cas de score modéré ou élevé, une recherche des anticorps anti-PF4 est pratiquée par un test immunologique : test immuno-enzymatique, agglutination de particules sur gel, immunoturbidimétrie… Ces tests ont une grande sensibilité, mais sont peu spécifiques [4]. Si la recherche d’anticorps anti-PF4 est négative, le diagnostic de TIH est exclu. S’il y a présence d’anticorps, il faut vérifier la fonction pro-agrégante de ces anticorps en présence d’héparine, en procédant à un test fonctionnel. En effet, les tests immunologiques sont également très sensibles à la détection d’anticorps anti-PF4/héparine cliniquement insignifiants, qui peuvent être présents de manière fortuite chez les patients atteints de thrombopénie causée par des facteurs autres que la TIH. Cela entraîne un risque de surdiagnostic de la TIH, en particulier chez les patients polypathologiques et/ou de réanimation pour lesquels l’arrêt de l’héparine et la mise en place d’un autre traitement anticoagulant expose à la fois à un surrisque hémorragique et/ou thrombotique [10].
3. Il existe plusieurs tests fonctionnels dans la recherche de TIH : ce sont tous des tests indirects, c’est-à-dire qu’ils testent le sérum ou le plasma du patient avec des plaquettes normales issues de donneurs. Les anticorps de TIH présents dans le plasma du malade induisent une activation plaquettaire en présence d’héparine à faible concentration qui est inhibée par une forte concentration d’héparine [9].

Le test d’agrégation plaquettaire (TAP) utilisant du plasma riche en plaquettes (PRP) a été le premier test d’activation plaquettaire développé pour la TIH. Malheureusement, même lorsqu’il est optimisé par la sélection des donneurs de plaquettes, la sensibilité du test n’est que de 80 % environ. De plus, le plasma de patients ayant d’autres pathologies (lupus érythémateux disséminé, syndrome des antiphospholipides…) peut entraîner des résultats faussement positifs [11].  À la différence du TAP qui utilise du PRP, le test HIMEA (Heparin Induced Multiple Electrode Aggregometry) évalue l’agrégation plaquettaire en utilisant le sang entier d’un donneur normal. La sensibilité et la sensibilité de ce tests sont meilleures que celles du TAP [12].

Le test de libération de la sérotonine radiomarquée (SRA) est considéré comme le test de référence pour la TIH, en raison de sa grande sensibilité (≈95%) et de sa spécificité (≈95%). Il repose sur la mesure du pourcentage de libération de la sérotonine (préalablement radiomarquée) à partir des granules denses plaquettaires, qui permet de quantifier l’ampleur de l’activation plaquettaire en présence du sérum ou du plasma testé. Cependant, le test est techniquement exigeant (lavage des plaquettes) et nécessite des donneurs de plaquettes sélectionnés dont les plaquettes réagissent bien aux anticorps. En outre, l’utilisation de sérotonine radioactive limite le test aux laboratoires autorisés à utiliser des radiomarqueurs [13]. Le test HIPA (Heparin‐induced platelet activation assay) est un autre test d’activation plaquettaire lavé qui utilise l’agrégation plaquettaire, lue visuellement, comme point final de l’activation plaquettaire. La sensibilité et la spécificité de ce test sont très élevées, équivalentes à celles du SRA [14]. D’autres tests fonctionnels, tels que la lumi agrégométrie (mesure de libération d’ATP), ou la cytométrie en flux (expression de P-sélectine plaquettaire) ont été développés mais restent à ce jour peu validés [15].

Rappels sur l’argatroban

Structure et propriétés physico-chimiques 

L’argatroban est une petite molécule synthétique composée de trois groupes : l’acide 4- méthyl-2-pipéridinecarboxylique lié à un résidu arginine portant un groupe méthyltétrahydroquinoléine-sulfonyle sur sa fonction amine [16]. Quatre carbones asymétriques sont présents dans la molécule : la L-arginine optiquement pure et l’acide (2R,4R)-4-méthyl-2-pipéridinecarboxylique sont généralement utilisés comme éléments constitutifs conduisant à un dipeptide avec trois carbones asymétriques stéréochimiquement définis. Le quatrième stéréocentre est introduit dans l’étape finale de la synthèse et donne un mélange des diastéréoisomères 21R et 21S. L’argatroban consiste en un mélange de ces stéréo-isomères R et S selon un rapport de 64:36±2.

Indication thérapeutique

L’argatroban est un anticoagulant parentéral disponible en France depuis 2009 grâce à des ATU nominatives. Il possède depuis 2010 l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) dans l’indication suivante : « anticoagulation chez les adultes ayant une thrombopénie induite par l’héparine (TIH) de type II, nécessitant un traitement anti thrombotique par voie parentérale. Le diagnostic doit être confirmé par un test d’activation plaquettaire induite par l’héparine ou un test équivalent. Cependant, cette confirmation ne doit pas retarder le début du traitement. » [17]

Présentation, préparation, posologie et mode d’administration

L’argatroban est conditionné en flacon de 2,5 mL, à une concentration de 100 mg/mL; un flacon contient 250 mg d’argatroban monohydraté [18].

L’argatroban est à diluer dans une solution pour perfusion de chlorure de sodium à 9 mg/mL (0,9 %), une solution pour perfusion de glucose à 50 mg/mL (5 %) ou une solution pour perfusion intraveineuse de lactate de sodium pour obtenir une concentration finale de 1 mg/mL. Chaque flacon de 2,5 mL est à diluer à 1/100 en mélangeant le contenu à 250 mL de solvant. Le flacon est à usage unique ; il faut donc utiliser 250 mg (2,5 mL) par 250 mL de solvant ou 500 mg (5 mL) par 500 mL de solvant. La solution ainsi préparée doit être mélangée par retournement répété de la poche ou du flacon de solvant pendant une minute. La solution diluée doit être limpide et pratiquement exempte de particules visibles. Une fois préparée, la solution peut présenter un trouble léger mais bref dû à la formation de microprécipités, qui se dissolvent rapidement en mélangeant. Le pH de la solution intraveineuse préparée selon les recommandations est compris entre 3,2 et 7,5. La première étude prospective à avoir évalué l’efficacité et la sécurité de l’argatroban comme traitement anticoagulant chez des patients atteints de TIH (avec ou sans thrombose) a utilisé une dose de 2 µg/kg/min pour initier le traitement, avec un ajustement de dose ensuite pour maintenir un TCA compris entre 2 et 3 fois la valeur basale, sans dépasser 100 s. Sur les 304 patients inclus, la dose moyenne administrée pendant le traitement était de 2,0 ± 0,1 µg/kg/min dans le groupe TIH sans thrombose (160 patients) et 1,9 ± 0,2 µg/kg/min dans le groupe TIH avec thrombose (144 patients), pour une durée de 5,3 ± 0,3 jours et de 5,9 ± 0,2 jours respectivement [19]. L’argatroban étant éliminé par voie biliaire, sa clairance est diminuée et sa demi-vie est augmentée chez les patients ayant une dysfonction hépatique [20]. Par conséquent, une diminution de dose d’argatroban au quart est nécessaire pour les personnes souffrant d’une insuffisance hépatique modérée [21].

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE – GÉNÉRALITÉS SUR L’ARGATROBAN
Introduction
I. Rappels sur la TIH
1. Définition
2. Mécanisme physiopathologique
3. Démarche diagnostique
II. Rappels sur l’argatroban
1. Structure et propriétés physico-chimiques
2. Indication thérapeutique
3. Présentation, préparation, posologie et mode d’administration
4. Pharmacocinétique
5. Mécanisme d’action
6. Effets indésirables
7. Interactions médicamenteuses
8. Contre-indications
9. Suivi biologique
DEUXIÈME PARTIE – TRAVAIL PERSONNEL (FORMAT ARTICLE)
Introduction
Matériel et Méthodes
Conception de l’étude
Explorations de la coagulation
Statistiques
Résultats
Caractéristiques des patients
Données biologiques
Corrélations entre TCA et test HTI
Evénements hémorragiques et thrombotiques
Discussion
Corrélations entre TCA et HTI
Evénements hémorragiques et thrombotiques
Conclusion
CONCLUSION
Références
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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