Filiation militaire et influences hygiénistes

Statut et identité de l’éducation physique

Comme constaté dans les points précédents, la construction de l’identité et le statut de la gymnastique scolaire est une dynamique complexe articulée au travers de multiples acteurs et enjeux. De plus, cette branche spécifique, contrairement à la majorité des autres disciplines, s’est développée à partir de pratiques sociales de référence et non pas au travers d’un ajustement traditionnel d’une discipline académique. Par conséquent, tant la reconnaissance scolaire que la valeur attribuée à la gymnastique scolaire semblent être des processus spécifiques et complexes.
Les nombreux débats et tensions portant sur le statut et la reconnaissance scolaire del’éducation physique sont probablement dus au fait que, depuis son origine jusqu’à aujourd’hui, cette discipline scolaire reste animée par de multiples missions dont les finalités s’entendent largement au-delà du domaine scolaire. La grande charge politique qui entoure l’EPS fluctue suivant l’usage que les différents acteurs en font et selon la conception qu’on lui donne. Ainsi, des composantes patriotiques, hygiéniques, morales et esthétiques sont tour à tour avancées dans un but de légitimation et d’identification.
L’enseignement de la gymnastique devient, malgré lui, une sorte de médiateur chargé de faire coexister des valeurs le plus souvent divergentes, véhiculées tant par les milieux militaires, médicaux que pédagogiques. D’un entraînement des capacités et des habiletés motrices dans le seul but de défense nationale et d’unité nationale, on passe à une éducation physique plus hygiéniste, éducative et globale.
Les multiples discours hygiénistes et pédagogiques sont d’ailleurs déjà exposés avant 1874.
En effet, selon certains acteurs de la santé, l’introduction rigide de la gymnastique dans les Ladina Mayor juin 2015 écoles a une importance toute particulière, par exemple dans le but de « combattre les influences funestes de la position assise » (Louis Guillaume, hygiène scolaire : considération sur l’état hygiénique des écoles publiques, Genève, Paris, 1864, p. 124-125, cité dans Heller, 1985, p.214). De plus, la lutte contre différentes maladies comme la tuberculose, contre certaines dégénérescences et maux induits notamment par l’école elle-même (surmenage, myopie, déformations et faiblesses) est régulièrement mise en avant.
Étant donné que le corps reste l’objet de nombreux enjeux sociaux, on peut déduire que la gymnastique se voit modelée et légitimée par une nécessité de façonnement d’un individu normé. Véritablement, le corps devient l’enjeu d’une lutte de normalisation comme de libéralisation. Les conflits ouverts entre les partisans des différentes doctrines de l’éducation physique, sont en partie le reflet de ces divergences. Jean Claude Bussard soulève d’ailleurs cette complexité en affirmant que « l’éducation physique témoigne du paradoxe d’une société qui donne au corps des pouvoirs nouveaux tout en les conformant aux idéaux normatifs du propre en ordre » (Bussard, 2007, p.21, qui reprend ce terme typiquement helvétique relevé par Geneviève Heller).
L’évolution de ces enjeux et débats transparait, de façon plus ou moins déformée, au travers des Manuels fédéraux de gymnastique édités en 1876, 1989, puis en 1912, 1927, 1942, 1957- 1962, 1975-1981 et finalement 1998. Au niveau cantonal, l’évaluation peut, quant à elle, être comprise comme une composante du développement identitaire de l’éducation physique. Par conséquent, les modalités d’évaluation adoptées par le canton semblent pouvoir avoir un impact sur le processus de reconnaissance et de légitimation scolaire de cette branche spécifique.
Il parait donc intéressant d’observer au travers de cet angle d’analyse, l’évolution de la reconnaissance scolaire d’un enseignement qui n’a encore aujourd’hui pas le même statut que les branches dites « principales ». En effet, le fait que l’éducation physique ne soit, pas considérée comme une discipline certificative et qu’aucune évaluation associée ne soit strictement et officiellement examinée (cf: Cadre général de l’évaluation) souligne, dans une certaine mesure, une inégalité disciplinaire. Bien que l’enseignement de l’éducation physique soit agréablement valorisé au travers du Plan d’études romand (transdisciplinarité, finalités et objectifs) et au niveau de la dotation horaire, d’un point de vue de sa valeur symbolique au
sein de l’institution scolaire, de nombreux indices révèlent que cette discipline est le plus souvent considérée comme secondaire.
Selon Attali et St-Martin, « l’évaluation permet à la fois de préciser les fonction privilégiées par cet enseignement et son rôle dans la structuration d’une culture scolaire » (2010, p.56). Au travers de l’analyse des transformations de son système docimologique, le but est d’observer, dans les lignes qui vont suivre, les caractéristiques et les conceptions véhiculées par cette étape spécifique associée à un jugement de valeur.

Sources

Ce travail de recherche se base donc sur un certain nombre de documents officiels d’évaluation formulés, jusqu’au début des années 1970, par la Confédération, puis par le Canton. La quasi totalité de ces sources proviennent de la Fondation vaudoise du patrimoine scolaire. En effet, cette association créée en 2000 s’est développée dans le but « de sauvegarder, conserver et mettre en valeur ce patrimoine » (site officiel de la FVPS). La Fondation vaudoise du patrimoine scolaire possède et gère notamment des manuels, des livres et des supports de cours mais également des archives de différents départements associés à la scolarité obligatoire. Ainsi, l’accès aux Bulletins officiels du Département de l’instruction publique et des cultes publiés entre 1940 et 1974 a permis d’analyser les prescriptions fédérales d’évaluation imposées au Canton. Ces documents étaient diffusés gratuitement dans les établissements vaudois (personnel enseignant et commissions scolaires) et étaient sensés véhiculer un certaine norme d’application commune en matière d’évaluation de l’aptitude physique (destiné généralement aux garçons de 14 et 15 ans).
Par la suite, la mise en place de documents d’évaluation indépendants seront étudiés et développés par le Canton, qui après la réorganisation de la première moitié des années 1970 se voit attribué davantage de responsabilités. Ainsi, ce travail de recherche repose également sur l’analyse de cahier et de livrets cantonaux. Le premier document vaudois intitulé Livret d’aptitudes physiques, publié par l’OEPJ associé au DIPC, est officiellement introduit dans les classes vaudoises en 1985. Ce livret informatif est personnel et exploitable pour toute la durée de la scolarité obligatoire (1ère à 9ème année). Le second document cantonal analysé est le cahier d’Education physique qui est lui adopté dès 1989 et également publié par le DIPC en collaboration avec l’OEPJ. Cette deuxième version, qui résulte d’une timide réforme, est composée de plusieurs livrets qui différencie davantage leurs contenus par rapport aux différents destinataires (âge et sexe). En effet, en ce qui concerne le secondaire I, deux cahiers sont développés : l’un pour les filles et l’autre pour les garçons de la 5ème à la 9ème année scolaire.
Le dernier cahier, intitulé cette fois Education physique et sportive 5e-9e est officiellement introduit dans les classes vaudoises depuis 2002. Réalisé notamment avec l’aide du Service de l’éducation physique et du sport (SEPS), ce support d’évaluation est toutefois publié par le
Département de la Formation et de la Jeunesse associé au Département de l’Economie. Ainsi, de nouveaux acteurs de la formation sont chargés d’éditer ces documents.
En ce qui concerne les sources secondaires, des études réflexives publiées encore une fois par le DIPC, par l’OEPJ et plus tard par le SEPS ont également été profitables à l’analyse. En effet, deux recherches basées sur des sondages auprès des élèves et des enseignants ont contribué à clarifier et préciser le contexte qui entoure certaines volontés et donc certaines évolutions. Ainsi, un rapport de recherche publié en 1985, qui traite de l’utilisation du Livret d’aptitudes physiques dans les classes test du canton (Christen, 1985), permet d’esquisser le cadre dans lequel s’insère cette rupture. Finalement, le document intitulé « L’éducation physique en question(s) » édité en 1992 par le SEPS, sans pour autant se focaliser uniquement sur des problématiques liées à l’évaluation, aborde des sujets essentiels tels que des réflexions sur les modalités et les matières d’enseignement, les objectifs ou encore la place de l’élève dans un telle dynamique.

Analyse

La première forme d’évaluation de la discipline scolaire est logiquement instaurée au travers de l’influence militaire. Dès les premières années du XXe siècle, les cours de gymnastique préparatoire au service militaire sont en effet accompagnés de façon irrégulière par l’imposition d’un examen d’aptitudes physiques de fin de scolarité. Ainsi, en plus de permettre à la Confédération d’« exerce[r] la haute surveillance sur l’exécution des ces dispositions » (Organisation militaire sur l’instruction préparatoire du 12 avril 1907, Art.
102, compilé par Burgener, 1962, pp. 8-9) cette contrainte institutionnelle prescrite aux établissements scolaires comporte une logique de préparation aux examens d’aptitudes physiques qui ont lieu lors du recrutement (contenus et barèmes similaires).
Entre 1940 et 1945, vu les conditions spécifiques, un tel examen sera demandé chaque année avec notamment de nombreuses précisions, réajustements et publications de résultats. Dans le Bulletin officiel du Département de l’instruction publique et des cultes de septembre – octobre 1940, le Canton précise d’ailleurs que « la question de l’enseignement préparatoire militaire de gymnastique, si discutée depuis plusieurs années, semble réglée. Le département militaire fédéral en a décidé l’obligation. Cet automne, déjà, des examens obligatoires de gymnastique seront imposés aux jeunes gens des classes 1925 et 1924 » (p. 85). En outre, cette même publication spécifie le parallèle avec les tests appliqués au recrutement en soulignant que « les quatre épreuves imposées pour 1940 sont celles demandées aux conscrits lors du recrutement. Les performances exigées sont rationnelles et bien dosées selon l’âge des examinés » (p. 85-86). Finalement, les autorités cantonales exposent au travers de ce Bulletin les raisons de cette application rigoureuse: « Les temps exceptionnels que notre pays vit en ce moment et les dangers qui le menacent toujours, exigent que chaque maître prenne à coeur la préparation physique de notre jeunesse. […] Il y va de la santé de notre jeunesse vaudoise, en même temps que du renforcement de notre sécurité nationale» (p. 86). Jusque dans les années 1980, les composantes globales de l’évaluation ne changent pas profondément. Dans le canton de Vaud, la présence dans les bulletins scolaires d’une « note de gym », basée sur des critères très flous, certainement très hétérogènes et subjectifs suivant les établissement et les enseignants, tout comme l’imposition ponctuelle d’un examen de fin de scolarité disparaîtront seulement avec l’apparition officielle et généralisée en 1985 du Livret d’aptitudes physiques. En réalité, le Conseil d’Etat du Canton de Vaud décide en 1980 d’expérimenter, pour une durée de 5 ans, le remplacement de la note de gymnastique par un tel document. Cette volonté est directement liée à la mise en place en 1972 d’une commission Ladina Mayor juin 2015 cantonale chargée d’ « étudier les problèmes posés par la note de gymnastique » (Christen, 1985, p.1). Le groupe de recherche tente donc de trouver un autre moyen d’évaluation qui permettrait de fournir, au travers de l’évaluation, des informations plus riches et variées sur les aptitudes physiques de l’élève.
Plus globalement, une volonté d’institutionnalisation cantonale se fait sentir à cette période.
Ainsi, le canton de Vaud crée en 1970, l’office de l’éducation physique de la jeunesse (OEPJ) rattaché au département de l’instruction publique et des cultes, «chargé de s’occuper de tous les problèmes sportifs liés au canton» et notamment d’ « animer et contrôler l’éducation physique dans les écoles» (DIPC, 1981, pp.1-3).
Cette rupture majeure dans la conception et donc dans l’évaluation de l’éducation physique scolaire s’inscrit plus largement dans des tentatives d’adaptation de la législation fédérale de 1972 encourageant la gymnastique et les sports. En effet, l’adoption de cette nouvelle loi a sensiblement modifié les relations entre les différents acteurs et nécessite donc une réorganisation de l’éducation physique scolaire. Avec l’acceptation, en 1970 du peuple suisse d’introduire dans la Constitution fédérale un article autorisant la Confédération à édicter une loi sur la gymnastique et les sports, l’éducation physique se libère officiellement de l’influence militaire et fait une place manifeste aux sports collectifs et aux activités moins traditionnelles. En outre, une plus grande responsabilité, tant au niveau du contrôle que de l’application de cette branche, est attribuée aux cantons.
Par conséquent, divers documents officiels d’évaluation seront ainsi développés par le Canton. Ces supports successifs, accompagnés de directives d’utilisation évoluent théoriquement en parallèle des contenus présents dans les Manuels fédéraux d’éducation physique en vigueur. Toutefois, les modifications plus ou moins sensibles doivent être observées dans un contexte bien plus large. En effet, selon la conception que David présente dans son étude, « l’évaluation n’est pas la mesure stricte des compétences et des connaissances, mais un médiateur entre les acteurs en présence », elle « constitue un processus complexe d’interactions entre des éléments tels que les exigences sociales de formation et de qualification, les textes officiels, les contenus d’enseignement et de formation, les élèves dans leur diversité, la communauté éducative avec ses règles, les processus d’apprentissage, les pratiques et les représentations » des différents acteurs (2003, p. 9).
Par conséquent, les modalités d’évaluation qui transparaissent au travers d’une prescription ou d’un document d’évaluation peuvent être analysés au moyen de différentes questions.

Contenu de l’évaluation

Jusqu’à l’application en 1975 des nouvelles dispositions fédérales de 1972 (Loi fédérale encourageant la gymnastique et les sports) les objets de l’évaluation ne changent pas fondamentalement. En effet, le contenu disciplinaire examiné est principalement composé de mesures liées à des disciplines de l’athlétisme (80 mètres, saut en longueur, saut en hauteur, lancé de la balle, jet du boulet, grimpé de perches ou de cordes). Ces différentes épreuves mesurées sont également accompagnées par l’évaluation d’un exercice de force à la barre fixe. En outre, une course sur 1000 mètres ainsi que des épreuves facultatives de natation et de ski peuvent également être « jugées» suivant les conditions locales, mais ne font toutefois l’objet d’aucune obligation.
À partir de 1975-1976, le DIPC par l’intermédiaire de l’OEPJ, réorganise les épreuves en élargissant l’éventail des disciplines (par exemple au travers de l’apparition de références aux jeux et aux sports collectifs) et en les regroupant dans différentes catégories qui seront notamment réutilisées dans le premier livret d’aptitudes physiques de 1985. Ainsi, l’ « endurance », la « vitesse/force », la « maîtrise du mouvement », le « jeu », les « techniques sportives » et les « activités collectives » doivent être évalués. Jusqu’au début des années 2000, on ne note pas de grande évolution quant aux objets d’évaluation préconisés au travers des documents officiels vaudois. Bien que les catégories changent quelque peu et que certaines précisions sont apportées, l’éventail des disciplines ne s’élargit que sensiblement. Les objets d’évaluation présentés dans le Livret d’aptitudes physiques (1985) sont légèrement restructurés par rapport aux recommandations du DIPC de 1974. L’ « endurance » est composée des éléments suivants : course 12 minutes, 2000 mètres, cross (3 à 5 km), ski de fond (5 à 8 km), natation (1km). La catégorie « force/vitesse » contient les activités de grimper à la perche, jet du poids, saut en hauteur, saut en longueur, lancer 80g, course 80m. Dans la catégorie « maîtrise du mouvement » on retrouve la course d’obstacles et les différents agrès (barre fixe, anneaux, barres, exercice au sol, minitrampoline, combinaison d’agrès et d’exercices gymniques). La « technique des jeux » associe différents sports collectifs traditionnels : basketball, football, handball, volleyball, jeux de balle divers, hockey sur glace. Dans la catégorie « techniques sportive » on peut relever la technique de nage, la passation du brevet « jeunesse » SSS, le slalom à ski, le patinage et la course d’orientation. Finalement, la rubrique « activités collectives » (non évaluées) propose de valider en cas de mise en place tous types d’excursions à pied (de jour et de nuit), à ski, à ski de fond à bicyclette ou encore d’activités telles que des danses en groupe, folklorique ou encore la participation à un tournois de jeu. Par rapport à son contenu, le cahier d’éducation physique de 1989 ne propose rien d’innovant sauf peut être le fait que l’éducation du mouvement et de la tenue apparait clairement dans la catégorie « maîtrise du mouvement ».
Le dernier support d’évaluation Education physique et sportive 5e-9e encore en vigueur actuellement se construit quant à lui autour du contenu du Manuel fédéral d’éducation de 1998. Ainsi, les catégorie d’activités suivantes sont mises en avant : « vivre son corps, s’exprimer danser », « se maintenir en équilibre, grimper, tourner », « courir, sauter, lancer», « jouer », « plain air » et « natation ». De plus, les test de condition physique, également associés aux brochures fédérales d’éducation physique (1998), composés des mesures de la force, la souplesse, l’agilité, la vitesse, l’endurance et la détente sont regroupés sur une double page du cahiers d’ Education physique et sportive 5e-9e. Toutefois, c’est uniquement au travers des références faites aux manuels fédéraux (qui sont d’ailleurs déjà progressivement en vigueur avec le précédent cahier d’éducation physique) qu’on peut deviner un élargissement marqué des disciplines évaluées.

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Table des matières

1. Introduction 
2. Problématique 
3. Méthode de recherche 
4. Contextualisation
4.1 Filiation militaire et influences hygiénistes
4.2 Application et initiatives cantonales et communales
4.3 Statut et identité de l’éducation physique
5. Sources 
6. Analyse
6.1 Contenu de l’évaluation
6.2 Critères d’évaluation
6.3 Identité et fonctions énoncées de l’évaluation
6.4 Processus pédagogique / didactique de l’évaluation
6.5 Evaluation et statut de l’élève
7. Réponse à la question 
8. Conclusion
9. Références bibliographiques

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