Figures de l’émancipation féminine et masculine dans la littérature de jeunesse de 2000 à aujourd’hui

Malgré l’évolution de la société et de la condition féminine, une grande partie de la littérature de jeunesse d’aujourd’hui véhicule encore des stéréotypes sexistes. Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot définissent le stéréotype comme « une construction imaginaire » qui « relève d’un processus de catégorisation et de généralisation [.] Il simplifie et élague le réel ; il peut ainsi favoriser une vision schématique et déformée de l’autre qui entraîne des préjugés. » . Il existe de nombreux types de stéréotypes, cependant notre sujet invite à réfléchir plus particulièrement sur les stéréotypes en rapport avec le sexisme. Le sexisme désigne « l’ensemble des institutions (socio-politiques, économiques, juridiques, symboliques) et des comportements, individuels ou collectifs, qui semblent perpétuer et légitimer la domination des hommes sur les femmes. » . Le sexisme s’appuie donc sur l’affirmation d’une hiérarchie entre les hommes et les femmes, c’est-à-dire sur l’existence de dominants et de dominé-e-s. Le sociologue Pierre Bourdieu théorise cette idée qu’il appelle « la domination masculine » dans l’ouvrage éponyme . Selon lui, la domination masculine est une construction sociale que l’on peut retrouver à la fois dans la sphère privée (la famille, le foyer) et dans la sphère publique. Elle serait perpétrée par des « grandes instances », telles l’École, l’État et l’Église. La domination masculine donnerait lieu à une violence réelle (par exemple, les femmes battues) mais aussi à une violence dite symbolique . L’anthropologue Françoise Héritier réfléchit elle aussi à la hiérarchie entre les hommes et les femmes, mais elle nomme ce concept « la valence différentielle des sexes » . Cette expression signifie que la société donne aux femmes une valeur moins importante qu’aux hommes. Christine Delphy, quant à elle, choisit le terme « patriarcat » pour évoquer ce « système d’oppression [des femmes] ».

On peut s’étonner de voir que des livres intitulés Chloé joue à faire le ménage (Christelle Mekdjian, Emilie Beaumont, Nathalie Bélineau, Éditions Fleurus, 2009), Les engins de chantier avec Barnabé (Alexis Nesme, Emilie Beaumont, Nathalie Bélineau, Éditions Fleurus, 2015) ou encore Papa porte un pantalon et maman porte une robe (Farida Belghoul, Éditions Reid, 2014) soient toujours édités et vendus en grandes quantités. Des éditeurs créent même des collections différentes en fonction du sexe du lecteur . Comme l’affirment Christine Guionnet et Erik Neveu dans leur ouvrage Féminins, masculins : sociologie du genre, « la vision androcentrique du monde a pour elle la force de sembler naturelle », ce qui rend d’autant plus difficile la lutte contre la domination masculine . Une minorité du paysage éditorial de la littérature de jeunesse est composée d’ouvrages qui luttent contre les stéréotypes sexistes. Des éditeurs et des associations s’engagent pour combattre les idées reçues dans la littérature de jeunesse et notamment les stéréotypes de genre. Ainsi la littérature de jeunesse tend vers deux directions opposées : soit elle participe à la persistance des inégalités entre les hommes et les femmes et à l’enracinement des stéréotypes de genre, soit elle tente de déconstruire les stéréotypes sexistes en donnant une autre vision de la femme, de l’homme et des rapports hommes femmes. Elle peut aussi se placer en dehors de ces questions.

Notre sujet amène aussi à définir une notion majeure et complexe : le genre. Pendant longtemps, le genre a été défini par opposition avec le sexe.

C’est l’anthropologue Ann Oakley qui est la première à énoncer cette idée. Selon elle, le sexe renverrait au biologique, à la nature, à l’anatomie alors que le genre ferait appel au social et à la culture. D’où l’idée du sexe biologique dit naturel qui s’opposerait au genre, produit d’une construction. Depuis, d’autres auteurs ont proposé leur définition du genre. La théoricienne Joan Wallach Scott envisage le genre comme un « élément constitutif des rapports sociaux fondé sur des différences perçues entre les sexes » mais surtout comme une « façon première de signifier des rapports de pouvoir. » . Christine Delphy donne une définition du genre différente, notamment du fait de son influence matérialiste : le genre est un « rapport social et diviseur qui institue les deux sexes et les constitue en « classes » antagonistes ». Elle pense que « Le genre transforme les différences anatomiques, dépourvues de sens en elles-mêmes, en une distinction socialement pertinente. » . La sociologue et chargée de recherche au CNRS, Laure Bereni, propose une définition qui s’appuie sur des travaux antérieurs. Pour elle, le genre est « un système de bicatégorisation hiérarchisée entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs et représentations qui leur sont associés. ». Elle distingue « quatre piliers analytiques » pour mieux cerner ce concept complexe : « construction sociale, dimension relationnelle, rapport au pouvoir et intersectionnalité [imbrication des rapports de genre dans d’autres rapports de pouvoir, selon l’auteure]. ». Enfin, Judith Butler, auteur du célèbre ouvrage Trouble dans le genre, invite à ne pas limiter « les significations du genre à des idées reçues sur la masculinité et la féminité. » . Elle explique que « le genre n’est pas notre essence, qui se révèlerait dans nos pratiques; ce sont les pratiques du corps dont la répétition institue le genre » . C’est notamment avec la parution en 1992 de l’essai La fabrique du sexe : essai sur le corps et le genre en Occident par Thomas Laqueur, que cette distinction entre le sexe et le genre est remise en cause.

De nombreux auteurs, sociologues, philosophes, se sont également interrogés sur les causes et les origines de cette hiérarchie. Cela les a amenés à définir plusieurs concepts : sexe, genre, masculinité, féminité, différence biologique, différence anatomique. Nous pouvons noter la thèse originale de Françoise Héritier, qui est la suivante : « la hiérarchie liée à la domination d’un sexe est la conséquence de l’intolérable privilège qu’ont les femmes de reproduire non seulement les personnes de leur sexe mais aussi les mâles » . Ce serait donc une « blessure narcissique » des hommes qui les pousseraient à dominer les femmes pour reprendre le « contrôle de la reproduction des femmes ».

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Table des matières

Introduction
Partie I : Le rapport au réel
A. Les personnages
B. Le cadre spatiotemporel
C. La conduite du récit
Partie II : Représentations de l’émancipation dans les œuvres du corpus
A. La transmission du message sexiste
B. Une émancipation réussie ?
C. Rapports entre texte-illustrations et émancipation
D. Des auteurs militant contre le sexisme ?
Partie III. Représentations des déclencheurs de l’émancipation des personnages
A. Les déclencheurs internes
B. Les déclencheurs externes
C. L’humiliation, un passage obligé pour s’émanciper ?
D. L’influence de l’émancipation des protagonistes sur les jeunes lecteurs
Conclusion générale 

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