Feminisme et mondialisation, une remise en cause de l’hegemonie occidentale 

GENRE, PUBLICITE ET FEMINISME

Au travers de retours historiques et la mise en avant de théories d’auteur.es et chercheur.es comme Simone de Beauvoir, Judith Butler ou Stéphanie Kunert, cette première partie expose aux lecteurs les liens tissés entre féminisme, genre et publicité. Le genre ou “sexe social” est sujet à de nombreux stéréotypes qui sont le reflet des normes sociétales. Ces même normes sont simplifiées et caricaturées par la publicité, tel un effet miroir. Il s’avère que le féminin est le “mauvais genre” de la publicité. Lesfemmes étant réduites à un rôle subalterne autant dans la société que dans la publicité. Ces représentations stéréotypées sont dénoncées par de nombreux collectifs féministes qui luttent notamment contre le sexisme publicitaire et le patriarcat. Face à ces nombreusesrevendications et dans un souci commercial, les marques tendent de plus en plus à exprimer leur engagement et leur soutien envers les femmes, qui est leur cible majeure. C’est dans ce contexte que le femvertising émerge. Il s’agit de publicités aux arguments et aux discours pro-féministes prônant l’émancipation féminine, le dépassement de soi et visant à déconstruire les stéréotypes de genre. Pour illustrer cette tendance émergente dans le secteur de la communication et du marketing, nous avons fait le choix de nous focaliser sur la récente campagne de Nike Women, Belive in More, qui de prime abord semble correspondre à toutes les caractéristiques propres au femvertising et qui revêt des dimensions locales et internationales.

La publicité comme cadre normatif des représentations genrées

Définition et construction du genre

Au cours des dernières décennies, le concept de “genre” a fait son apparition dans le milieu des sciences sociales. Il permet de questionner et de considérer la construction des rapports et des rôles sociaux, et par conséquent de pouvoir, qui s’exercent au sein de la vie sociale. Le genre est un outil permettant de mettre en perspective les différences entre les représentations, rôles, caractéristiques relatives aux groupes sociaux des hommes et des femmes. Autrement dit, les relations sociales fondées sur l’appartenance à la catégorie “homme” ou “femme” peuvent être expliquées et décrites sous le prisme du genre. En outre, les relations hommes-femmes sont régies par un rapport de domination : le masculin étant socialement considéré comme hiérarchiquement supérieur au féminin. Le genre est donc un moyen d’expliquer et d’éventuellement combattre cettedomination masculine qui s’est imposée au sein des différentes sociétés, et par conséquent le genre entretient des relations étroites avec les pensées féministes.
Le concept de genre a souvent été opposé aux différences de sexes. Les catégories de sexes renvoyant de prime abord aux attraits dits “naturels”, “biologiques” des hommes et des femmes. Par exemple, la distinction entre les appareils génitaux masculins et féminins sont considérés comme des caractéristiques biologiquement distinctes, qui différencient les hommes des femmes. Le “genre”, en opposition au “sexe”, permettrait de déterminer les différences culturelles, sociales et historiques qui régissent les relations sociales. Les études de genre se positionnent comme un moyen de remettre en cause, de dénaturaliser les rapports sociaux entre les sexes. Il existe donc un lien évident entre le genre et le sexe. Le premier défini l’identité sexuée d’une personne tandis que le second défini son sexe biologique. Cette distinction, et non opposition, a été introduite pour la première fois par John Money, psychologue et sexologue néo-zélandais dans la seconde partie du XXème siècle. Spécialiste de l’hermaphrodisme, il a longtemps été considéré comme l’inventeur de la théorie du genre puisqu’il est à l’origine du terme “gender role” qu’il sépare du traditionnel concept de “rôle des sexes”. Il distingue le sexe du genre, et présente ce dernier comme l’aspect psychologique du sexe. En effet, Money, en s’intéressant aux enfants nés intersexués , “définit le genre comme la conduite sexuelle qu’on choisit d’habiter, hors de notre réalité corporelle” puisqu’il démontre au travers d’expériences controversées que la socialisation influence la catégorie sexuée à laquelle un individu se rapporte et se revendique au cours de son développement. Mais au-delà d’être le “sexe social” de nos sociétés, le concept de genre est une grille de lecture judicieuse pour questionner les rôles sexués imposés par la société et recouvre une réflexion politique.
Plusieurs auteur.es, notamment nord-américain.es, ont établi le genre comme objet de recherche à part entière qui permet d’aborder les rapports hommes-femmes sous un nouvel angle. Il faut attendre les années 1980 pour que le terme de genre ne soit plus uniquement utilisé dans le cadre de la psychologie ou de la médecine, mais appliqué à la sociologie, à l’histoire (des femmes notamment) et à la politique. C’est grâce aux études féministes que les études de genre naissent et sont institutionnalisées. L’une des pionnières de ce mouvement est Ann Oakley, sociologue, féministe et écrivaine britannique. Elle “s’interroge sur le déterminisme biologique pour combattre la domination masculine et l’exclusion des femmes de la sphère publique. Des recherches psychologiques, biologiques, médicales, psychiatriques et anthropologiques à l’appui, la sociologue britannique argumente sur le déterminisme socioculturel dans son ouvrage paru en 1972. Elle y met en évidence la distinction entre sexe (donnée biologique) et genre (construction sociale). Elle est reconnue pour avoir ainsi introduit la notion du « genre » en sociologie “ . S’ensuit, Joan Wallach Scott, historienne américaine, dont les travaux universitaires se sont concentrés autour de l’histoire des femmes sous le prisme du genre. Influencée par les travaux de John Derrida et Michel Foucault, elle étudie plus particulièrement l’histoire du travail salarié féminin et met en évidence la dimension sexuée du marché du travail. Scott démontre que “le genre est une catégorie d’identité élaborée à travers le discours et au nom du pouvoir” . Autrement dit, un rapport de pouvoir s’exerce au sein des relations hommes-femmes. Si le masculin est constamment opposé au féminin, c’est que l’un domine l’autre, et chacun est cantonné à un rôle précis et figé institué par la société. Or, cette domination émanede l’argument de “nature” qui, pendant de nombreux siècles, a été employé pour inférioriser les femmes et affirmer la supériorité des hommes. Ces derniers étant considérés comme des êtres puissants et dominants tandis que les femmes sont perçues comme le “sexe faible”, inférieures, ou complémentaires mais toujours avec un statut de dominées. On peut parler de hiérarchie entre les genres, de domination masculine, de société patriarcale, d’oppression féminine. Cette domination des hommes sur les femmes a été dénoncée notamment par Simone de Beauvoir dans son célèbre ouvrage féministe, Le Deuxième Sexe (1949). Au travers de ces deux tomes, Simone de Beauvoir expose la thèse suivante : l’inégalité hommes/femmes est universelle,et est construite socialement et historiquement. Elle invite les femmes à se libérer de leur “destin”,à s’émanciper à travers le travail et l’accès à la connaissance pour enfin se détacher deleur rôle de mère ou de ménagère. Elle montre aux lecteurs que les mythes et les représentations associées aux termes femmes/ féminin/ féminité ne sont que les conséquences de la domination masculine. Le Deuxième Sexe a été traduit dans de nombreuse langues et est une véritablement référence littéraire sur la question du genre. C’est pourquoi, le concept de genre devient un outil d’analyse pour les féministes dans le sens où il permet d’analyser, de déconstruire et de repenser les rapports sociaux et surtout de rendre compte des inégalités dont sont victimes les femmes dans nos sociétés. Cependant, les femmes ne sont les seules minorités à subir l’oppression et c’est ce que tend à démontrer Judith Butler, spécialiste du genre. Elle étend le concept du genre à d’autres minorités telles que la communauté LGBT. De cette manière, Judith Butler montre que le genre n’est pas uniquement binaire et que la domination n’émane pas juste des hommes mais aussi du système hétérosexuel dominant dans la société. Autrement dit, l’hétéronormativitédoit être aussi questionnée et remise en cause.

La publicité comme miroir sociétal et discours stéréotypé

La question du genre dans la publicité est paradoxale dans le sens où le genre suscite de nombreux débats dans la société et pourtant il existe assez peu d’écrits universitaires à ce sujet en France . Cependant, les publicitaires s’emparent de cette problématique. Pourquoi dont ? Cela s’explique par le fait que la publicité peut être perçue comme le miroir de nos sociétés, les publicitaires s’inspirent de l’environnement dans lequel les potentiels consommateurs évoluent. La publicité émane de la culture dans laquelle elle va prendre place mais parallèlement, en réponse à ses objectifs, la publicité représente aussi la société d’une manière souvent caricaturale, engendrant de cette manière la création et la diffusion de stéréotypes. La publicité est génératrice et vecteur de stéréotypes de genre. Selon William et Vernet , dans notre société où vendre par tous les moyens est devenu un principe de base, la croissance spectaculaire de la publicité puis son extension au journalisme sont à mettre en corrélation avec le mouvement d’ensemble d’une société : le système publicitaire est désormais totalement organisé et en complète expansion (print, télévision, radio mais surtout digital).Vendre serait ainsi l’objectif premier de la publicité. Cependant, il s’avère que celle-ci a également un énorme rôle sur un plan social. Tout au long de l’Histoire, la publicité, dans son sens large, s’est avérée être un vrai marqueur sociétal : elle a survécu aux différents régimes, aux crises sociales et s’est adaptée aux changements sociétaux. Sacriste voit dans la consommation, un échange qui ne se résume pas au seul rapport marchand, utilitaire, mais également à des actes psycho-sociaux culturels, à travers lesquels les individus se construisent, à la fois socialement et psychologiquement. La publicité est à son sens, un vrai miroir social, dictant à la population les normes et lui exposant le monde extérieur, les cultures, les modes de vie, les statuts, les façons de penser, de se comporter. Le fait que la publicité prenne ce rôle social s’explique très simplement : en voulant vendre, la publicité cherche évidemment à plaire, et pour plaire elle doit se caler sur les tendances, les désirs, les aspirations des individus.
D’autre part, la publicité se positionne en un discours très normatif, et même si celui-ci n’est pas le seul présent dans notre environnement, il reste celui avec le plus d’impact de par l’imagerie communiquée et la médiatisation importante. En effet, la publicité est une forme de communication massive : sa diffusion est très large et elle est un porte-parole pour véhiculer des messages au plus grand nombre. Une vision de la publicité qui est soutenue par Bernard Cathelat “La publicité s’est arrogée un rôle créateur de culture par sa production sans cesse renouvelée d’images profondément porteuses de sens, au-delà de leur futilité d’apparence et de leur mercantilisme d’objectif. La pub occupe une fonction de parole dominante ”. Cependant, afin de s’assurer que le message publicitaire soit reçu et compris par le plus grand nombre, les tenants et les aboutissants du message publicitaire doivent être rapidement saisis.
Pour cela, les publicitaires mettent en forme des récits mythologiques qui sont une représentation simplifiée, caricaturée et stéréotypée de la vie quotidienne. En effet, Erving Goffman explique que le travail des publicitaires est étroitement lié à la société. La publicité reflète la réalité sociale et la représentation que l’on se fait du monde comme le souligne Goffman : « Le travail du publicitaire qui doit mettre en scène la valeur de son produit n’est pas tellement éloigné de la tâche d’une société qui imprègne ses situations de cérémonial et de signes rituels destinés à faciliter l’orientation mutuelle des participants. Ils ont l’un et l’autre à raconter une histoire au moyen des ressources visuelles limitées qu’offrent les situations sociales. Ils doivent tous les deux traduire des événements obscurs sous une forme interprétable, et tous deux usent pour ce faire des mêmes procédés fondamentaux : parades d’intentions, organisation micro-écologique de la structure sociale, idéalisation approuvée, extériorisation gestuelle de ce qui peut sembler une réaction intime”. On remarque donc que la publicité, en faisant appel aux récits et aux mythes, est un miroir social à double face : la publicité réfléchit la société, et la société se réfléchit en la publicité.

Le combat féministe contre le sexisme publicitaire

Depuis les années 60, en France, la représentation des femmes dans la publicité a toujours évolué en corrélation avec l’évolution de la société elle-même, comme nous le rappel Jean-Baptiste Perret “la scène publicitaire épouse de manière troublante la dynamique actuelle de l’évolution des rôles de genre”. Ainsi l’image des femmes est passée de la ménagère enfermée dans sa maison familiale à laver le linge et faire des courses, à celui de femmes réussissant à concilier leur vie professionnelle et privée. De nos jours, même si les inégalités entre les hommes et les femmes sont persistantes, il convient de pointer le fait que le rôle des femmes a évolué notamment grâce aux actions et revendications des mouvements féministes.
Cependant, le rapport de Brigitte Grésy datant de 2008 tire la conclusion suivante : le décalage entre la vie des femmes et leur image dans les médias, et la publicité notamment, est encore très persistant. D’ailleurs au début des années 2000, la tendance porno-chic était un exemple pertinent pour montrer la persistance des stéréotypes et le décalage flagrant avec la réalité des femmes puisque les publicitaires ont remis au goût du jour l’image archaïque des femmes utilisant les charmes de leur corps pour faire vendre des cosmétiques ou des voitures par exemples. Au nom de problématiques commerciales et marketing, les annonceurs et publicitaires n’hésitent pas à sexualiser à outrance, ridiculiser et soumettre les femmes.
Les premières critiques du sexisme dans la publicité, en France, remontent aux années 70 avec la publication d’un manifeste signé par des féministes reconnues telles que Monique Wittig ou Marcia Rothenburg. Le texte Combat pour la libération de la femme décrit l’humiliation faite aux femmes causées par la publicité qui leur rappelle leur exploitation sexuelle. Ainsi, des collectifs féministes ont été créés afin de dénoncer cette exploitation des corps féminins dans la publicité et cette logique mercantile néfaste pour les femmes qui se retrouvent stéréotypées à leurs dépens. L’un des plus célèbres et reconnus en France est Les Chiennes de Gardes présidé depuis 2015 par Marie-Noëlle Bas. Cette association se revendique ouvertement féministe et a pour objectif de défendre les femmes contre le sexisme dont elles sont victimes dans l’espace public, dans les médias et la publicité. Plusieurs rapports et articles ont été rédigés et mis en ligne sur leur site pour dénoncer ses pratiques. Nombreuses de leurs actions se déroulent sur le digital et sont fortement relayées comme l’élection du “macho de l’année”. Le collectif La Meute est, quant à lui, spécialisé dans la lutte contre le sexisme dans la publicité. Collectif féministe influant, les actions menées sont revendiquées par ses membres comme étant pédagogiques, le but est de faire prendre conscience à la population de l’impact de ces représentations stéréotypées. La Meute n’hésite pas à mener des actions coup de poing comme le fait de taguer des publicités jugées sexistes dans le métro parisien ou encore de menacer les annonceurs de boycotter leurs produits s’ils sont associés à une campagne sexiste. Autre démarche notable, celle d’étudiantes canadiennes à l’université de Saskatchewan qui ont eu l’idée d’inverser les rôles dans les publicités. En effet, elles ont réalisé plusieurs montages photos mettant en avant des hommes prenant la place des femmes dans des publicités jugées dégradantes pour les femmes. Ce concept original offre un résultat pertinent et permet de mettre en avant l’absurdité et la vulgarité de certaines publicités réalisées pour des annonceurs renommés tels que Calvin Klein ou Wonderbra.

Nike Women : entre émancipation féminine et déconstruction des stéréotypes de genre

Nike : une marque engagée envers les femmes

Lorsque l’on cite Nike, il est fort probable qu’une grande partie de son entourage connaisse cette marque sportive d’origine américaine. Son logo, le swoosh, est l’un des logos les plus identifiables au monde. Reconnue à l’échelle mondiale, symbole des entreprises mondialisées, la relation que Nike entretient avec la cible féminine n’était pas évidente de prime abord, et pourtant, Nike est aujourd’hui une marque désireuse de s’engager auprès et pour les femmes.
Nike a vu le jour au début des années 70 aux Etats-Unis, nous sommes alors à l’aube de la globalisation et en pleine deuxième vague du féminisme. Ses fondateurs, Bill Bowerman et Phil Knights, étudiants en comptabilité, décident de lancer leur propre marque de chaussures après avoir été, pendant plusieurs années, vendeurs pour la marque japonaise Onitsuka Tiger, elle-même spécialisée dans la vente de chaussures. L’entrepriseest baptisée Nike en référence à la déesse grecque de la victoire. Même si cette information fait l’encontre de controverses, ce nom peut être perçu comme un hommage aux femmes et va à l’encontre des représentations que l’on peut avoir du genre féminin. En effet dans la mythologie grecque, Nike est la sœur de Cartos – dieu de la Puissance – de Bia – déesse de la Force – et de Zélos – dieu de l’Ardeur.
Autant de qualificatifs qui sont attribués aux hommes dans l’imaginaire collectif de nos sociétés occidentales. Rapidement, les fondateurs prennent le parti-pris de se spécialiser dans la confection de chaussures de sports en s’inspirant de marque telle qu’Adidas, de 30 ans son aînée. En 1973, la première basket sportive Nike sort sur le marché. Considérée comme révolutionnaire pour l’époque car elle était capable d’amortir les chocs.
Au départ, la cible de Nike est exclusivement masculine. Le sport étant considéré comme un domaine majoritairement masculin, la représentativité féminine dans les instances sportives étant minime. La stratégie marketing de Nike va donc dans ce sens, dans un premier temps, en concluant des contrats avec de célèbres figures masculines sportives telles que le basketteur Michael Jordan, le golfeur Tiger Woods ou encore le cycliste Lance Armstrong . Avec les années et un marketing efficace, notamment du sponsoring et des campagnes publicitaires léchées, Nike devient une référence et leader dans l’équipement sportif. Il faut attendre la fin des années 80, pour que Nike essaie une première fois de conquérir le marché féminin.
Auparavant, les dirigeants avaient peur de nuire à leur image de marque en s’attaquant à ce nouveau marché. Pourtant, elle n’était pas la première marque à cibler les femmes : Reebook l’un de ses féroces concurrents, fut le premier à faire des femmes sont marché de prédilection et ce fut un succès.
Les premières campagnes publicitaires Nike à destination de la cible féminine sontapparues dans des magazines sportifs et dans un spot télévisé américain . Dans ce spot, plusieurs femmes sont mises en scène en train de faire du sport, “les corps féminins sont durs, maculés de sueur et engagés dans un entraînement apparemment spartiate” comme le souligne Genièvre Rail et Melisse Lafrance . Il n’y a pas de réelles distinctions entre ce spot Nike ciblant des femmes et celles précédentes ciblant des hommes. Dans les deux cas, c’est la performance physique qui est au cœur du message publicitaire. Le tout est renforcé par le  célèbre slogan de la marque Just do It que l’on peut traduire par “ Fais le donc”. Ce spot télévisé aurait pu rencontrer le succès car il montre des femmes sportives, et en particulier la triathlète Joanne Ernst, ce qui était alors assez rare à la télévision à cette époque. Cependant, la publicité s’achève sur la phrase incitant les femmes à cesser de manger comme des “pigs” . Il est évident que cette phrase n’aurait jamais été utilisée dans un spot à destination d’une cible masculine.
Elle renvoie directement les femmes à leur aspect corporel qui se doit d’être mince pour correspondre aux stéréotypes de minceurs dictés par la société. D’autre part, le terme de“pigs” renvoie les femmes à une image très vulgaire puisque l’expression “manger comme un porc” signifie manger de manière sale et inappropriée. Cette première tentative fut donc un échec, elle a été mal reçue par les téléspectatrices car elle éveille en elles un sentiment de culpabilité.
Face à ce premier échec, la société Nike se remet en question et tente une nouvelle approche pour séduire le public féminin. Pour cela, la compagnie fait appel en 1990 à l’agence de publicité Wieden & Kennedy (W&K) et confie les rennes de ses futures campagnes de communication à des équipes exclusivement féminines de W&K et en interne. Ainsi, au début des années 90, la nouvelle stratégie marketing est mise en place. Le discours de marque envers les femmes prône l’empathie plus que la performance. Même si cela peut être considéré comme une avancée de la part de Nike, il n’en reste néanmoins l’idée que pour inciter les femmes à consommer il faut jouer la carte de l’émotion et de la sensibilité, alors que pour les hommes il faut davantage de concret, de dépassement de soi, il faut mettre en avant les capacités physiques et non émotionnelles de l’individu. Nike reste dans une démarche stéréotypée. Néanmoins, cette nouvelle approche est un succès puisqu’au fil des années Nike acquiert de plus en plus de part de marché auprès du public féminin.

NIKE ENTRE IMAGINAIRE FEMINISTE ET ORIENTALISME

Cette deuxième partie se focalise sur l’analyse de la campagne Believe in morede Nike et donc des quatre spots publicitaires qui la compose. Grâce à nos analyses sémiologiques et discursives, nous démontrons, dans une première partie, que cette campagne peut être qualifiée de “féministe” et s’inscrit dans la tendance du femvertising puisqu’elle met en avant des femmes sportives, déconstruit de nombreux stéréotypes, délivre un message positif et valorisant pour la cible féminine. Cependant, nous montrons, dans la seconde partie, que malgré la déconstruction de stéréotypes de genre, d’autres stéréotypes d’ordre culturels sont utilisés. On souligne ici l’aspect orientaliste de certain de ces spots. Appréhender l’Orient sous le prisme de l’exotisme et de l’orientalisme peut être interprété, selon nous, comme une manière d’affirmer l’hégémonie de l’Occident sur l’Orient, et par conséquent nous affirmons que le féminisme prôné par le géant occidental est un féminisme néo-orientaliste.

Nike, les femmes et son imaginaire féministe à l’ère postmoderne

L’émancipation des femmes à travers le sport : un discours de l’empowerment

Encourager les femmes non occidentales à la pratique sportive est le fil conducteur de ces trois spots. L’objectif sous-jacent est bien évidemment de susciter le désir d’acheter des produits de la gamme Nike Women. Il serait idéaliste de penser qu’aucun enjeu commercial n’est rattaché à la mise en place de cette campagne publicitaire. Néanmoins, le discours proposé par Nike aux femmes de Russie, de Turquie et du Moyen-Orient est motivant et semble, de prime abord, bienveillant. Dans ces sociétés considérées comme très patriarcales, la pratique sportive est souvent reléguée culturellement à un simple hobby, voir même interdite aux femmes. Au Moyen-Orient par exemple, le sport dans l’espace public est strictement interdit aux femmes, quant à la Turquie ce n’est pas une pratique ancrée dans les mœurs. Le sport est d’ailleurs souvent rattaché à la gente masculine dans la société et dans la publicité. La sphère sportive est un espace de reproduction des stéréotypes de genre et lorsque la publicité la met en scène, les hommes sportifs sont valorisés sur leur performance physique tandis que les femmes sont valorisées essentiellement par leurs attributs physiques. Le sport est une pratique permettant aux femmes de sculpter leur corps afin qu’elles correspondent au modèle idéalisé et véhiculé par les médias (mince, musclé, ferme). Cependant, Nike fait le choix d’aller à l’encontre, de contredire, ces stéréotypes et encourage les femmes à briser les barrières culturelles.
Le spot What will they say about you ?débute en mettant en scène des femmes pratiquant du sport (course à pied et skateboard) dans l’espace public, vêtues d’une tenue de sport et d’un hijab. Les regards des passants sont réprobateurs et une voix off tente de rappeler à l’ordre ces femmes : “you shouldn’t be out there? “ . Dans le spot pour la Turquie, This is us, les femmes quittent leurs rôles stéréotypés pour devenir des athlètes. Nike déjoue les stéréotypes, les détournant de leur sens premier. Cette publicité est un enchaînement de scènes du quotidien, remplies de stéréotypes genrés qui sont déconstruits petit à petit par la voix off qui détourne et souligne de manière ironique les stéréotypes dans lesquelles sont enfermées les femmes turques. Par exemple, si ces femmes aiment l’or ce n’est paspour sa valeur pécuniaire mais pour sa valeur symbolique en tant que médaille, synonyme de succès sportif et de participation à une compétition. Si les femmes sont “humbles” et “silencieuses”, c’est que ce sont des qualités indispensables pour être des professionnelles et des sportives de haut niveau. Ce spot publicitaire montre que la pratique du sport est un moyen de se libérer de la pression familiale, de la tradition et des normes imposées par la société turque. Société dans laquelle les femmes sont trop souvent reléguées au statut de femmes au foyer et de mères de famille selon Nike.

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Table des matières
REMERCIEMENTS 
INTRODUCTION 
PREMIÈRE PARTIE : GENRE, PUBLICITE ET FEMINISME 
I) La publicité comme cadre normatif des représentations genrées
A) Définition et construction du genre
B) La publicité comme miroir sociétal et discours stéréotypé
C) Le féminin : le “mauvais” genre de la publicité
II) Publicité et féminisme(s) : un rapport dichotomique
A) Retour historique sur les mouvements féministes en occident
B) Le combat féministe contre le sexisme publicitaire
C) Le femvertising: quand la publicité devient féministe
III) Nike Women : entre émancipation féminine et déconstruction des stéréotypes de genre
A) Une marque engagée envers les femmes
B) Présentation et contextualisation de la campagne Believe in more
DEUXIÈME PARTIE : NIKE ENTRE IMAGINAIRE FEMINISTE ET ORIENTALISME
I) Nike Women, les femmes et son imaginaire féministe à l’ère postmoderne
A) L’émancipation des femmes à travers le sport : un discours de l’empowerment
B) La figure de la féminité par Nike Women
C) Believe in more : un slogan féministe “individualiste” et “postmoderne”
II) Quand le géant occidental représente “l’Autre”
A) La représentation de l’Orient par Nike : images homogènes et stéréotypées
1) Origines et définition de l’orientalisme
2) L’orient: entre exotisme, oppression et sexualité exacerbée
B) Believe in more : une injonction à l’occidentalisation
C) Un féminisme néo-orientaliste ?
TROISIÈME PARTIE : FEMINISME ET MONDIALISATION, UNE REMISE EN CAUSE DE L’HEGEMONIE OCCIDENTALE 
I) La stratégie publicitaire de Nike Women ou l’écueil d’une approche ethno-centrée et universaliste du féminisme
A) Les théories féministes postcoloniales : une nouvelle lecture du féminisme
B) L’invisibilisation des enjeux politiques
C) Émancipation ou exploitation ?
I) Le féminisme à l’épreuve de la mondialisation : les écueils  dufemvertising
A) Effets de la mondialisation néolibérale sur le féminisme
B) Le féminisme : un objet flou et à vendre
III) “ Think global, act local” le nouvel enjeu communicationnel des multinationales, et recommandations
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE 
ANNEXES
ENTRETIENS 
ANALYSES SEMIOLOGIQUES 
RESUME 
MOTS CLEFS

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