Facteurs de risque d’échec du ballonnet de tamponnement intra-utérin

L’hémorragie du post partum (définie par des pertes sanguines supérieures à 500cc après la délivrance), est la première cause de mortalité maternelle dans les pays développés (1,6 décès/100.000 accouchement) (1). Selon le rapport de la haute autorité de santé en 2017, elle complique environ 7 à 12% des accouchements. La principale étiologie est l’atonie utérine. La technique du tamponnement intra utérin est décrite depuis le XIXe siècle. Elle a été abandonnée dans les années 1950, craignant qu’elle ne masque des plaies et des saignements continus et qu’elle provoque des infections.

La prise en charge de l’HPP a été bien codifiée par les recommandations pour la pratique clinique émises par le collège national des gynécologues-obstétriciens de France (CNGOF) et par la société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) (2). Dans un premier temps, elle consiste en la mise en place de moyens simples comme la révision utérine, l’examen du col et du vagin et le massage utérin. Parallèlement, il est recommandé d’administrer des utérotoniques comme l’oxytocine et les prostaglandines (3). Au début du siècle, l’échec de cette première phase pour arrêter l’hémorragie conduisait à la réalisation de traitement invasif comme l’embolisation des artères utérines et la chirurgie (selon l’état hémodynamique de la patiente et le plateau technique disponible). L’apparition du TIU dans les protocoles a fait évoluer la prise en charge de l’HPP. Décrit sous sa forme actuelle depuis 2001, il a fait son apparition progressive dans les maternités françaises depuis une dizaine d’année (4). Selon les recommandations pour la pratique clinique, son utilisation est indiquée en cas d’échec de la sulprostone (prostaglandine E2) et avant la réalisation de traitement invasif, ou lorsque le transfert vers un autre centre hospitalier est indiqué. Son efficacité globale est estimée entre 69% et 91% selon les études (5) et plusieurs analyses comparatives ont démontré son efficacité dans la réduction du recours au traitements invasifs (6–9). Dans l’ensemble des études, la fréquence des complications (notamment l’infertilité et les troubles du cycle) attribuées au TIU est faible (<6,5%) (10–12).

Dans les pays en voie de développement et / ou lors d’accouchements dans des zones isolées où aucun plateau technique n’est disponible pour réaliser une embolisation, le TIU se place comme un moyen efficace pour diminuer la morbi mortalité des HPP (13). Plusieurs mécanismes peuvent expliquer son efficacité : compression directe des vaisseaux utérins, particulièrement ceux du segment inférieur, réduction du flux sanguin des artères utérines lié à la pression hydrostatique du ballon et enfin la contraction musculaire de l’utérus lié au gonflement du ballon. (12),(14–16).

A ce jour, plusieurs facteurs de risque d’échec de TIU ont été mis en évidence. Une coagulopathie, une mauvaise estimation des pertes sanguines au moment de l’insertion du TIU, l’importance des pertes sanguines totales, un taux de fibrinogène abaissé et un délai allongé entre l’introduction de la sulprostone et la mise en place du TIU sont reconnus comme étant des facteurs de risque d’échec du TIU (17–22). Plusieurs études se sont intéressées plus particulièrement à la place TIU en cas d’anomalie de la placentation. Concernant les placenta prævia, les taux de succès rapportés dans la littérature varient entre 69,8% et 87,5%. En revanche en cas de placenta accreta ils ne s’élèvent qu’à 16,7% (18 ,23–25). Concernant le mode d’accouchement, Revert et Aderoba en 2017 mettaient en évidence que l’accouchement par césarienne était associé à plus d’échec de TIU que lors de son utilisation après un accouchement par voie basse (20). (26). Peu d’études de niveau de preuve élevé se sont intéressées à l’impact d’autres facteurs antepartum, caractérisant les patientes ou le déroulement de la grossesse et de l’accouchement, sur l’efficacité du TIU. Or l’identification de tels facteurs de risque d’échec permettrait de déployer plus précocement des moyens de seconde ligne et ainsi de réduire significativement la morbidité de ces hémorragies.

Matériels et méthodes 

Schéma de l’étude et population
Il s’agissait d’une étude rétrospective, observationnelle, multicentrique nationale menée en France entre Mars 2019 et Mars 2020. Les données ont été recueillies à partir du programme de médicalisation du système information (PMSI). Les patientes inclues dans cette étude étaient les patientes dont l’accouchement s’était compliqué d’une HPP et qui ont bénéficié d’un TIU. Nous avons inclus toutes les patientes ayant à la fois un code CCAM d’HPP et un code TIU (JNBD002) après un code d’accouchement, et ce dans un délai maximum de 24h après celui-ci.

Critères de jugement et variables étudiées
L’échec était défini comme le recours à un moyen de 2ème ligne (embolisation ou chirurgie conservatrice ou radicale) ou le décès. Pour cela nous avons identifié parmi notre population les patientes ayant au moins l’un des codages suivants dans un délai maximum de 7 jours après un séjour pour accouchement : hystérectomie (JNFA001-015-024-028-032), embolisation des artères utérines (EDSF011), ligatures des artères hypogastriques (EDSA002) ou décès. Nous avons listé en annexe l’ensemble des codages utilisés dans cette étude. Le succès était défini par l’absence d’échec.

Nous avons ensuite recueilli les facteurs de risques que nous souhaitions étudier toujours via le codage (Annexe 1). Une partie des facteurs était antepartum. Il s’agissait de facteurs démographiques liés aux patientes : indice de précarité, parité, âge, lieu de résidence et liés aux établissements : niveau I, II, III, privé, public, CHU CHR, privé à but non lucratif. Les facteurs étudiés liés au déroulement de la grossesse étaient : grossesse monofoetale ou multiple, obésité (IMC > 30), anomalie de la placentation, malformation utérine ou existence de fibromes, hydramnios ou oligoamnios, dysgravidie ou hypertension artérielle (HTA) pré existante, diabète gestationnel ou préexistant, macrosomie ou retard de croissance intra-utérine (RCIU), menace d’accouchement prématuré, mort fœtale in utero.

Les facteurs liés à l’accouchement étaient : mode d’accouchement (césarienne, accouchement instrumental, manœuvres obstétricales, accouchement par voie basse), présentation fœtale à l’accouchement, terme de l’accouchement, cinétique du travail, rupture prématurée des membranes, fièvre pendant le travail, rupture utérine. Les facteurs liés à la délivrance étaient : délivrance artificielle, hématome rétro placentaire, déchirure périnéale ou épisiotomie. Enfin nous avons observé des critères de morbidité postpartum incluant dans les 7 jours après l’acte d’accouchement : transfusion, durée d’hospitalisation, réhospitalisation, mortalité, admission en unité de soins intensifs, réanimation ou surveillance continue et durée de ce séjour, nécessité d’un transfert dans une autre unité hospitalière, nécessité d’un deuxième TIU.

Analyses statistiques 

Les variables quantitatives ont été présentées sous forme de moyenne et d’écart type. Les variables qualitatives sous forme de fréquence en pourcentage. Pour étudier les facteurs de risque d’échec, nous avons réalisé un modèle linéaire généralisé (avec fonction LOGIT) avec effet aléatoire sur l’établissement pour prendre en compte la corrélation intra-établissement des observations. La variable à modéliser était l’échec du tamponnement. Dans un premier temps nous avons estimé via ce modèle le coefficient de corrélation intraclasse afin de déterminer le pourcentage de variabilité (de l’échec de tamponnement) expliqué par le simple facteur établissement. Ensuite, nous avons introduit dans l’analyse multivariée, les facteurs significatifs de 20% en analyse univariée (p<0.20) puis réalisé une stratégie d’élimination des données descendante. Les variables conservées dans le modèle final sont celles significatives au seuil alpha=0.05. L’intervalle de confiance était de 95% et le seuil de significativité p inférieur à 0,05.

Résultats 

Description de la population d’analyse 

De Mars 2019 à Mars 2020, nous avons recueilli 39 193 cas de femmes dont l’accouchement s’est compliqué d’une HPP en France. Parmi ces femmes, 1793 ont bénéficié de la mise en place d’un TIU (4,6% des HPP). Nous avons exclu de notre l’analyse 32 patientes car l’acte de tamponnement intervenait plus de 24 heures après l’acte d’accouchement. Ainsi, notre population d’étude comportait 1761 patientes ayant bénéficié d’un TIU dans les 24 heures après une HPP (Figure 1). Le taux d’efficacité global du TIU dans notre population était de 88,9%. Nous avons observé 195 échecs soit 11.1% des cas de TIU. Les échecs étaient répartis en 105 chirurgies de triple ligature des artères utérines (53,8%), 78 embolisations par radiologie interventionnelle (40%), 36 hystérectomies d’hémostase (18,5%) et 2 décès (1%). Les 2 cas de décès sont des patientes n’ayant bénéficié ni d’embolisation, ni d’hystérectomie d’hémostase, pour l’une d’entre elle une ligature des artères utérines avait été réalisé. Parmi les 105 triples ligatures, 11 (10.5%) ont nécessité en plus une hystérectomie d’hémostase. Parmi les 78 embolisations, 10 (12.82%) ont nécessité une triple ligature, 5 une hystérectomie d’hémostase (6.41%). Parmi les 36 hystérectomies d’hémostase, on ne note aucun décès (Figure 1).

Analyse univariée 

Résultats concernant les caractéristiques des patientes et de l’accouchement

En analyse univariée, plusieurs facteurs anténatals étaient associés à un risque majoré d’échec avec une différence significative : l’âge maternel (31,6 années dans le groupe échec contre 30,6 années dans le groupe succès, p = 0,01), une anomalie de la placentation (OR, 2,0 ; IC 95%, 1,1-3,6 ; p = 0,02) et une pré éclampsie (OR, 2,8 ; IC 95%, 1,7-4,8 ; p = 0,0002) (Tableau 2). En revanche, la parité, une obésité maternelle, ou encore l’existence de fibromes, d’une malformation utérine, d’une surdistention utérine (hydramnios, macrosomie, grossesse multiple) ou à l’inverse un petit contenu utérin (oligoamnios, RCIU, IMG, prématurité), n’étaient pas associés à un sur-risque d’échec .

Pour les facteurs liés au travail ou à l’accouchement, l’âge gestationnel à l’accouchement (38,4 semaines d’aménorrhées dans le groupe échec contre 39,1 dans le groupe succès, p = 0,01) et la rupture utérine était associée à un risque majoré d’échec du tamponnement (OR, 9,6 ; IC 95%, 0,9-100 ; p=0,058). Il en était de même pour l’accouchement par césarienne (OR, 4,07 ; IC 95%, 2,9-5,7 ; p < 0,001). En revanche, le caractère instrumental de l’accouchement, une présentation caudale, la cinétique du travail ainsi qu’une délivrance artificielle n’étaient pas associés à un risque majoré d’échec.

Résultats concernant le lieu d’accouchement
Le coefficient interclasse était estimé à 0,17 (p<0,0001), indiquant que 17% de la variabilité de l’échec de tamponnement était lié à l’effet établissement. Concernant les variables liées à l’établissement, les 1761 patientes de notre population ont accouché dans 278 maternités différentes, or seule 270 maternités ont été le lieu d’un acte de TIU (Tableau 3). Ainsi, 8 maternités en France n’avaient pas eu recours au TIU sur l’année 2019 (5 CH et 3 privés). Parmi les accouchements avec acte de TIU dans les suites (n=1761), 59% avaient eu lieu en CH, 17% en CHU, 7% en PSPH (établissements de santé privés à but non lucratif) et 17% en privé. Les accouchements avaient lieu dans 29% dans une maternité de niveau I, 50% dans une maternité de niveau II et 21% dans une maternité de niveau 3. Concernant la volumétrie, les maternités réalisant moins de 3000 accouchements par an ont eu sensiblement plus d’échec de TIU que les maternités en réalisant plus de 3000 (OR, 1,34 ; IC 95%, 0,8-2,04 ; p = 0,17). Les établissements PSPH/EBNL présentaient le plus important taux d’échec en cas de TIU (15%), suivi par les établissements privés (13%) et les CHR/U (12%) puis les CH (9,6%). Concernant le niveau de la maternité où l’accouchement avait lieu, les niveaux 1 recensaient le plus important taux d’échec 13,4%, 11,9% pour les niveaux 3 et enfin 9,4% pour les niveaux 2. Aucune différence significative n’a été mise en évidence en analyse univariée concernant les caractéristiques de l’établissement d’accouchement.

Résultats concernant les transferts dans un autre établissement

Parmi les patientes ayant bénéficié d’un TIU, 72 (4,1%) ont été transférées durant la séquence, 1689 (95,9%) n’ont nécessité aucun transfert. Parmi les patientes transférées, 57 femmes (3.2%) ont été transférées après la pose du TIU et 15 (0.8%) après l’accouchement et ont ensuite bénéficié de la pose du TIU (Figure 2). Parmi les patientes ayant bénéficié d’un transfert après la mise en place d’un TIU (n=57), le taux d’échec était de 40,4%. L’échec était dans 56% des cas une embolisation, dans 43% des cas une triple ligature, dans 13% des cas une hystérectomie d’hémostase. Il n’y a eu aucun décès dans cette catégorie de patientes. Ainsi, parmi les patientes ayant été transférées après la pose d’un TIU, 34 (59.7%) n’ont finalement pas nécessité de traitements supplémentaires. Parmi les échecs, 85,6% ont eu lieu dans la maternité où l’accouchement s’est déroulé. Parmi les patientes n’ayant pas été transférées (n=1689, 95,9%), le taux d’échec était de 9,9%. L’échec était dans 54,5% des cas une chirurgie de triple ligature, dans 37,7% des cas une embolisation, dans 19,2 % une hystérectomie d’hémostase et on note 1 décès (0,06%). On note que 20 patientes (11,9%) ont bénéficié d’au moins 2 actes de 2ème ligne.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
SCHEMA DE L’ETUDE ET POPULATION
CRITERES DE JUGEMENT ET VARIABLES ETUDIEES
ANALYSES STATISTIQUES
RESULTATS
DESCRIPTION DE LA POPULATION D’ANALYSE
ANALYSE UNIVARIEE
RESULTATS CONCERNANT LES CARACTERISTIQUES DES PATIENTES ET DE L’ACCOUCHEMENT
RESULTATS CONCERNANT LE LIEU D’ACCOUCHEMENT
RESULTATS CONCERNANT LES TRANSFERTS DANS UN AUTRE ETABLISSEMENT
RESULTATS CONCERNANT LA MORBI-MORTALITE
RESULTATS DE L’ANALYSE MULTIVARIEE
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES ABREVIATIONS
ANNEXES

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