Fabrication d’un socle provisoire pour l’observation du masque-costume

Fêtes des masques et masques-costumes

Les sculptures en bois ne sont toutefois pas la seule forme d’expression artistique à laquelle ont recours les Asmat pour incarner leurs ancêtres. En effet, la présence de ces derniers est également rendue tangible par des masques-costumes qui, endossés par des membres de la communauté, permettent une « living experience8 » des esprits. Ces parures interviennent lors de la « fête des masques »9, une cérémonie ayant pour but de libérer les esprits des récents défunts qui se seraient retrouvés bloqués dans une sorte de monde intermédiaire entre celui des vivants et celui des ancêtres10. Malgré les différences qui existent entre les groupes Asmat, cette manifestation rituelle est célébrée par la plupart de ces derniers11 et, si son nom varie, elle semble essentiellement connue dans la littérature sous le nom de jipae (ou yipai)12 et bi pokomban13. Une fois la cérémonie initiée, des hommes choisis au sein de la communauté se lancent dans la confection des masques-costumes, une opération réalisée pendant plusieurs mois à l’abri du regard des enfants et des femmes14.

Ces habits rituels sont fabriqués à partir des ressources que la nature met à la disposition des Asmat : frondes*15 de sagoutier*, rotin*, fibres végétales, bois, plumes d’oiseaux ou encore graines de Larme-de-Job* sont tout autant d’éléments qui entrent dans leur composition16. Ils sont également peints d’après le même code couleur que celui qui est en vigueur pour toute production artistique Asmat, c’est-à-dire que seuls le blanc, le rouge et le noir sont utilisés sous la forme de pigments naturels dilués dans de l’eau17. Le blanc est obtenu à partir de coquilles de mollusque calcinées dans les régions côtières ou de kaolinite à l’intérieur des terres. Le rouge consiste en de l’argile ocrée qui est cuite afin d’obtenir la couleur désirée et le noir est obtenu à partir de charbon18. Si les matériaux constitutifs des masques-costumes sont plus ou moins les mêmes d’une région à une autre, l’aspect de ces derniers est quant à lui sujet à variation. Il existe deux grands types principaux de masques-costumes. Le premier est réalisé en un unique exemplaire lors d’une fête des masques (Figure 2). Représentant la figure mythologique d’un orphelin, il est appelé bunmar, manimar ou biu selon le groupe Asmat dans lequel il est fabriqué19. Le second type incarne l’esprit d’un membre de la communauté récemment décédé et jusqu’à une vingtaine de ces masques-costumes peut être confectionnée durant une cérémonie, chacun d’entre eux incarnant un défunt spécifique et étant nommé d’après celui-ci (Figure 3). Ces parures sont appelées bi jumbo, dat jumo, dat, det ou encore doroe20. Une description de ces deux catégories est présentée dans les pages qui suivent. Il se peut toutefois qu’elle ne soit pas pleinement représentative de la production Asmat, car les publications tenant compte de la variabilité régionale des masques-costumes sont rares. Notons qu’il existe encore un troisième type de masque-costume représentant une vieille femme de la mythologie Asmat. Ce dernier est uniquement fabriqué par le groupe des Emari Ducur et intervient lors d’une longue série de festivités appelée je ti21. Nous ne faisons cependant que le mentionner car les informations spécifiques à ce type sont trop minces pour que nous puissions en donner une description pertinente.

Problématiques spécifiques au soclage des masques-costumes Asmat

Les difficultés que posent les masques-costumes lorsqu’il s’agit de les socler sont de diverses natures. Comme nous l’avons mentionné précédemment, ces objets sont essentiellement fabriqués à partir de matériaux issus de plantes qui, en séchant, connaissent une modification de leurs propriétés physico-chimiques. Une fois coupée, une plante voit en effet l’humidité qu’elle contenait à l’état vert diminuer pour se mettre à l’équilibre avec l’humidité relative du milieu. Le végétal perd ainsi de son eau libre, entraînant un amoindrissement de la flexibilité et de l’élasticité du matériau, de sa résistance à la traction et à la compression, ainsi qu’une diminution de sa densité48. Lorsque l’humidité relative environnante est particulièrement faible, les matériaux issus de plantes perdent également de leur eau liée, ce qui contribue encore plus à leur fragilisation, de même que des variations hygrométriques répétées49. De ce fait, les fibres végétales qui composent les masques-costumes Asmat sont des éléments fragiles et cassants susceptibles d’être altérés par les sollicitations mécaniques induites par un support, une pression trop importante sur un point de contact et une mauvaise répartition des tensions pouvant provoquer la rupture du matériau alors que des frottements entre le support et l’objet peuvent engendrer l’abrasion de ce dernier. A cela s’ajoute que les masques-costumes sont également des objets sensibles aux déformations, notamment au niveau des vanneries qui sont bien plus sensibles à ce phénomène d’altération qu’il n’y parait puisqu’il s’agit d’un matériau semi-rigide fait de fibres végétales entremêlées et contraintes50. Il en est de même pour la partie textile qui possède une grande élasticité diagonale au vu de la capacité de déformation que possèdent les mailles qui la composent (Figure 9). Or, les manches et la jupe des masques-costumes sont constituées d’une longue tige de rotin autour de laquelle sont fixées les frondes de sagoutier. Attaché en bordure du textile ou des vanneries, cet élément peut s’avérer particulièrement lourd et exercer une grande tension sur ces derniers s’il n’est pas correctement soutenu par un support (Figure 10).

Le fait que les masques-costumes soient des objets d’un seul tenant complique également la fabrication d’un socle, en particulier pour ce qui est des masques-costumes incarnant l’esprit d’un défunt. Ces derniers consistent en effet en un ensemble indivisible au sein duquel les différentes parties assemblées possèdent des propriétés physiques différentes, avec d’une part un élément central relativement souple et léger qu’est le textile et d’autre part les éléments « périphériques » que sont les pièces en rotin plutôt rigides et denses ainsi que les frondes de sagoutier, ces dernières étant à la fois légères, rigidifiées et cassantes. De plus, cette composition d’un seul tenant fait qu’un masque-costume ne peut pas être démonté afin d’être soclé en plusieurs étapes sur une structure, comme cela se fait pour les armures japonaises ou les armures médiévales européennes51. Les ouvertures permettant d’insérer un support à l’intérieur de l’objet se cantonnent généralement à celles de la jupe, voire des manches, qui sont toutes bordées par les frondes de sagoutier particulièrement fragiles. Cette accessibilité restreinte à l’intérieur de l’objet s’avère d’autant plus problématique lorsque le support se doit d’être plus large que les ouvertures, ce qui est notamment le cas de certains masques-costumes anthropomorphes dont la carrure des épaules est plus large que l’accès au niveau de la jupe. Si certaines parures Asmat présentent des zones ajourées, par exemple au niveau des bras et/ou du buste, qui peuvent être exploitées lors de la réalisation d’un socle, notons que ces dernières représentent tout autant de zones à travers lesquelles le support peut être aperçu, compromettant ainsi la discrétion et/ou l’esthétisme de la structure de soutien. Ce manque d’accessibilité et de visibilité complique également l’opération de soclage en entravant la prise de mesures et de profils internes, ce qui peut s’avérer d’autant plus gênant si les éléments composant ces objets ont subi des déformations qui complexifient leurs formes. Enfin, n’oublions pas de mentionner que les masques-costumes Asmat sont des objets imposants pouvant atteindre plus de 2 m et qu’ils sont complexes à manipuler au vu de leurs dimensions, de leur fragilité et de leur composition, ce qui représente une difficulté supplémentaire du point de vue du soclage. 0000000000000000000 3.2

.2 Forces et faiblesses de l’objet en vue de son soclage Malgré le fait qu’il ait été stocké durant plusieurs années sur un support inadapté, le masque-costume est plus ou moins en bon état (Figure 16)55. La partie textile qui supportait tout le poids de l’objet a notamment bien résisté aux tensions auxquelles elle a été soumise et aucun des fils ne présente de rupture ou de signe visible d’altération structurelle. Elle a toutefois subi des déformations dans ses prolongements inférieurs et sous la couronne, à l’endroit précis où se trouvait l’anneau du socle de présentation, ce qui démontre bien que le masque ne doit pas être soumis à des tensions susceptibles de provoquer sa déformation et, de ce fait, qu’’il ne devrait pas supporter une autre charge que son propre poids. Les vanneries constituent quant à elles des éléments plus ou moins rigides qui, intuitivement, semblent offrir les meilleurs points de contact afin de soutenir l’objet. Si les éclisses et les brins* de rotins sont en bon état, il n’en reste pas moins qu’il s’agit de fibres végétales dont les propriétés physiques et mécaniques ont été amoindries en séchant, et cela d’autant plus si le masque-costume a été exposé à une humidité relative faible et/ou à des variations hygrométriques répétées. Pris individuellement, brins et éclisses de rotin sont donc des éléments cassants sur lesquels il ne convient pas d’exercer une forte pression localisée, celle-ci pouvant induire la rupture du matériau.

Le tressage de rotin permet cependant de redistribuer les tensions et offre une importante surface pouvant être exploitée pour le soclage du masque-costume, même s’il ne faut pas oublier que les vanneries sont des matériaux semi-rigides sujets à déformation. La parure que possède le MEN est d’ailleurs un parfait exemple de ce phénomène d’altération. En effet, si la vannerie constituant l’épaule gauche ne présente pas de dégradation structurelle, celles de l’épaule droite et de la taille se sont déformées à cause des tensions et des pressions induites par le stockage de l’objet sur le socle de présentation. Le tressage de l’épaule droite est ainsi devenu plus lâche et se déforme relativement facilement sous la contrainte, tandis que celui de la taille est encore plus ou moins rigide, mais a vu sa morphologie être complètement transformée. Deux facteurs expliquent une telle altération. D’une part, la longue tige fendue de rotin autour de laquelle sont fixées les frondes de sagoutier de la jupe constitue un élément particulièrement lourd qui, attaché au bas de la vannerie de la taille, exerce une forte traction sur cette dernière. La déformation résultante est d’autant plus marquée que la vannerie était uniquement suspendue par les attaches ponctuelles du masque et qu’elle avait adopté une position basculée lorsque le masque-costume reposait sur son précédant support. D’autre part, une déformation a été induite par la vannerie de l’épaule gauche qui prenait appui sur celle de la taille, exerçant de ce fait une contrainte sur celle-ci. Les vanneries sont donc des éléments pouvant être exploités pour le soclage du masque-costume, à condition que les pressions soient réparties sur une surface de contact suffisante et que les tensions générées dans le tressage soient redistribuées le plus uniformément possible afin d’éviter les déformations.

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Table des matières

Résumé
Abstract
Introduction
1Asmat, animisme et masques-costumes
1.1Asmat, peuple animiste
1.2Fêtes des masques et masques-costumes
1.2.1Masques-costumes incarnant un orphelin mythologique
1.2.2Masques-costumes incarnant les esprits des défunts
2Masques-costumes Asmat et la problématique du soclage
2.1Soclage en conservation
2.2Problématiques spécifiques au soclage des masques-costumes Asmat
3Conception d’un socle de conservation pour le masque-costume du MEN
3.1Présentation du masque-costume
3.1.1Fiche technique
3.1.2Description
3.1.3Valeurs culturelles associées
3.2Constat d’état orienté soclage
3.2.1Fabrication d’un socle provisoire pour l’observation du masque-costume
3.2.2Forces et faiblesses de l’objet en vue de son soclage
3.3Conception du socle
3.3.1Objectifs du socle
3.3.2Solutions existantes
3.3.3Concept développé
3.3.4Choix des matériaux
3.4Réalisation du socle
3.4.1Armature métallique
3.4.2Supports en mousse
3.4.3Thermolaquage
3.5Bilan
3.6Considérations sur la manipulation et le stockage du masque-costume
3.6.1Manipulation
3.6.2Stockage
Discussion
Conclusion

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