Extraordinaire architectural versus ordinaire urbain : la mise en vitrine du waterfront et ses liens avec l’arriere-ville

Les forces en présence à Marseille

La force portuaire : le GPMM

Le port a connu plusieurs évolutions de son statut administratif. De 1599 à 1966, il est régi par la Chambre de Commerce, la plus ancienne du monde, créée par Henri IV pour protéger les négociants du port de Marseille face aux pirates. En 1966 donc, le port obtient son autonomie à travers son statut de Port Autonome, un établissement public étatique, exerçant des missions de services public et géré comme un établissement public à caractère industriel et commercial.
La loi de réforme portuaire de 2008 transforme les plus grands ports autonomes en Grands Ports Maritimes, un nouveau statut d’établissement public, toujours, mais qui laisse une grande place à la privatisation : la gestion des outillages (grues …) devant obligatoirement être transférées vers des opérateurs de manutention privés par exemple. Les grands ports maritimes deviennent propriétaires du foncier portuaire, alors que les ports autonomes n’en étaient qu’affectataires. Le GPMM devient dont l’aménageur de son territoire, même si désormais la gestion du port est concertée. La gouvernance du Grand Port Maritime de Marseille, GPMM, est assurée par trois organes : le Directoire, qui est responsable de l’exécution des décisions du Conseil de Surveillance ; le Conseil de Développement, consulté sur le projet stratégique et la politique tarifaire du GPMM et composé de représentants du milieu portuaire, des collectivités locales, des syndicats et des personnes qualifiées ; et enfin le Conseil de Surveillance, qui définit les orientations stratégiques du GPMM et contrôle sa gestion. Le Conseil de Surveillance est donc l’organe le plus important car il a le pouvoir de décision. Il est composé de 5 représentants de l’État, 4 représentants des collectivités, 3 représentants du personnel du GPMM, et 5 personnes qualifiées.
Le Grand Port Maritime de Marseille est donc l’acteur clé du port actuel, et la logique économique qui a présidé à la réforme portuaire peut être perçu comme la réponse économique au découplage ville-port et aux nouveaux enjeux portuaires.

La force urbaine : L’OIN Euroméditerranée

Euroméditerranée est une Opération d’Intérêt National, une opération créée par l’État et où s’applique un régime juridique particulier, du fait de l’importance décrétée de l’opération. Euroméditerranée trouve sa source dans plusieurs réflexions du début des années 90, faisant suite aux nombreuses tentatives de redynamiser le centre ville de Marseille. En 1992 le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire lance une étude de faisabilité d’un grand projet de développement économique à Marseille, alors que les différents acteurs locaux (port, ville, chambre de commerce…) s’associent pour demander l’implication de l’État. Différentes réflexions vont amener au décret de création de l’Établissement Public d’Aménagement EuroMéditerranée (EPAEM). C’est la première fois qu’une OIN est créée sur un site aussi densément peuplé. Cette forme de gouvernance est particulière : dans un contexte de décentralisation, ce sont les collectivités locales qui demandent l’aide de l’État. Dans le périmètre de l’OIN, c’est l’État qui délivre les permis de construire ou qui crée les ZAC.
La gouvernance est basée sur un consensus entre l’État et les acteurs locaux : le conseil d’administration de l’EPAEM est ainsi composé d’un représentant de chaque ministère concerné (urbanisme, transports, collectivités locales etc. …), d’un représentant du GPMM, de deux représentants de Marseille Provence Métropole, du Conseil Général et du Conseil Régional, et de trois représentants de la Ville.
Ce partage et cet échange en font un laboratoire de coopération, de négociation. Pour Heidi Bergsli , la forme de gouvernance d’Euroméditerranée est un « quango », quasi autonomous non governmentalorganisation, une structure où des membres non élus au suffrage démocratique ont des responsabilités d’ordre public.
L’objectif initial d’Euroméditerranée tel qu’il a été conçu sous la mandature de Robert Vigouroux, est de renforcer l’attractivité du centre de Marseille par un quartier d’affaire de 600 000 m² visant un développement exogène, en rupture avec le patronat local, ce qui a fonctionné puisque de nombreuses entreprises s’y sont installées. Euroméditerranée se présente dans ses campagnes de publication comme la plus grande opération de rénovation urbaine d’Europe, titre un peu pompeux autorisé par la superficie de l’opération, 480 hectares, donc une grande partie est déjà relativement urbanisée au début de l’opération.
Si le GPMM est l’outil de l’économie portuaire, l’OIN est donc l’outil de l’urbain et de l’économie tertiaire face aux nouveaux enjeux urbains des quartiers portuaires. On s’intéressera plus avant à Euroméditerranée dans la partie 2. Mais si ces deux outils réfléchissent à deux territoires différents, et s’ils contribuent à l’émergence de grands acteurs territoriaux, ils ne réfléchissent pas par nature à dialoguer entre eux. Néanmoins ils affirment leurs positions communes dans un document important : la Charte Ville-Port.

Le dialogue : la Charte Ville-Port

Le GPMM, par le biais de sa Commission Spécialisée des Bassins Est, a réfléchi à son intégration urbaine, avec par exemple un schéma de cohérence réalisée avec l’Agence d’Urbanisme en 2011, première étape d’un dialogue entre les deux entités. La Charte Ville-Port est issue d’une volonté de l’État d’associer l’EPAEM, Établissement Public d’Aménagement EuroMéditerranée, avec le GPMM, Grand Port Maritime de Marseille.
Le Conseil de Surveillance du GPMM a donc lancé une commission présidée par Yves Cousquer, dont le rapport pose les bases de la réflexion sur le devenir du port, en proposant une complémentarité des bassins de Fos et de Marseille, les bassins Ouest (Fos) étant le port mondial, les bassins Est (Marseille) étant le port méditerranéen. Surtout, le rapport Cousquer propose un séquençage des bassins de Marseille en trois secteurs : Au Sud, la « vitrine du rayonnement portuaire et urbain », avec une mise en contact du port de passagers avec le pôle d’affaire et la centralité culturelle urbaine afin de créer des synergies et un mise en valeur réciproque.Au Centre, le « port industriel tourné vers la Méditerranée », créant un lien commercial et logistique avec les grandes villes méditerranéennes. Au Nord, au-delà de la Forme 10, un « pôle d’attractivité pour la plaisance et le tourisme ».
Ce rapport est adapté et devient un projet de territoire à travers la Charte Ville-Port , dont les termes ont été approuvés en juin 2012 par le Conseil de Surveillance du GPMM avant d’être proposés à la signature auprès de toutes les institutions. Les signataires fondateurs sont tous les acteurs publics du territoire : État, Euroméditerranée, GPMM, Ville de Marseille, Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole, Conseil Général, Conseil Régional, rejoints par un grand nombre de signataires associés : syndicats, RFF, RTM (Régie des Transport Marseillais)etc. … Chaque séquence du port fait l’objet de plans de principes plus précis.
La « chartalisation » permet de faire partager une projet de territoire aux acteurs territoriaux les plus importants. Cette charte ville-port signe l’image du système ville-port partagé par tous, à long terme. Ce n’est pas qu’une image d’un état à atteindre : c’est un plan d’action, dans lequel l’enjeu est spatial mais aussi temporel : il s’agit de concilier le planning du port avec le planning d’Euroméditerranée. Les opérations sont chiffrées, il y a une réflexion sur la mise en œuvre, même si par principe une Charte a une portée normative limitée, et est par nature plutôt de l’ordre de la déclaration d’intention. De fait la Charte Ville-Port semble être un document plus important que les outils d’urbanisme prescriptifs classiques (PLU…) dans la mesure où c’est une vision partagée par les acteurs les plus puissants et qui intègre et concilie les impératifs techniques et économiques du port avec les volontés urbaines. La Charte Ville-Port est donc un cadre réglementaire, a minimaun cadre cognitif, préalable à toute réflexion sur le devenir de la ville et du port.

La recherche de l’extraordinaire urbain : la mise en vitrine

La Cité de la Méditerranée ou la recherche de l’effet Guggenheim

Les différents lieux d’Euroméditerranée

L’opération Euroméditerranée représente un ensemble de 480 hectares sur deux périmètres : 310 pour Euroméditerranée 1, décidés en 1995, et 170 hectares d’extension vers le Nord pour Euroméditerranée 2. Les tissus existants de ces 480 hectares sont très hétérogènes : noyaux villageois, friches industrielles, tissu haussmanniens, infrastructures routières … Ces quartiers sont habités, avant même l’opération : on compte 28 700 habitants sur Euromed 1 avant 1995 ce qui empêche les pratiques de tabula rasa et nécessite une approche différenciée. L’ensemble du périmètre d’Euroméditerranée 1 est divisé en plusieurs périmètres d’opérations : des ZAC pour les zones à enjeux, où l’on souhaite maîtriser la forme urbaine, des PRI, et des OPAH.
Les trois ZACs sont la ZAC Joliette, la ZAC Cité de la Méditerranée, et la ZAC Saint-Charles.
Les deux OPAH sont la rue de la République (5200 logements) et l’OPAH Euroméditerranée, qui recouvre tout le périmètre d’Euroméditerranée 1.
Les trois PRI enfin (Thubaneau, Centre-Ville et Panier), recoupent en partie le périmètre de l’OIN.
Les périmètres se chevauchent, se superposent. On soulignera aussi l’opération de la Friche de la Belle de Mai, qui ne fait pas l’objet d’un zonage spécifique.
Chaque ZAC a un but spécifique : la ZAC de la Cité de la Méditerranée (60 hectares) a l’ambition d’être la vitrine littorale de l’opération, en rassemblant les édifices architecturaux phares. La ZAC Saint-Charles (16 hectares) concerne la nouvelle gare TGV et le quartier de la Porte d’Aix avec l’objectif d’améliorer l’accessibilité de la gare et de renforcer l’urbanité de ce centre Enfin la ZAC de la Joliette (22 hectares) se trouve en position de lien, entre la future façade littoral et la ville. On va étudier plus précisément en quoi consiste la vitrine, donc plutôt la ZAC de la Cité de la Méditerranée, et l’intégration de cette vitrine.

Le « GuggenMuCEM » et la starchitecture de la Cité de la Méditerranée

En 1997, la fondation Guggenheim inaugure son quatrième musée, construit par l’architecte Franck Gehry dans la ville basque de Bilbao. L’impact de ce musée sur cette ville industrielle en déclin sera énorme pour le renouveau urbain et l’image de la ville. Bilbao est devenu grâce à ce musée une ville touristique, cultivant une image dynamique, à l’inverse de l’image de désindustrialisation difficile qu’elle portait. Ce succès entraînera une rénovation plus générale de la ville et d’autres projets urbains, même s’il reste un geste fort et fondateur : on parlera d’ « effet Guggenheim » pour qualifier les différentes tentatives qui , à la suite de l’expérience de Bilbao, consisterons à reproduire les mêmes recettes. On peut ici traduire cela comme une boucle de rétroaction positive, le musée contribuant à renouveler l’image de la ville ce qui entraîne un regain d’intérêt général pour la ville, et pour le musée : un cercle vertueux urbain.
Le Guggenheim basque a fait prendre conscience de l’importance de l’objet culturel pour l’image de la ville, qui se doit désormais d’être une ville créative, une ville culturelle. Et, cette « recette » culturelle affirme ici qu’elle trouve son application la plus remarquable dans les villes à l’image peu culturelle. En effet, nul besoin Les périmètres d’Euroméditerranée (phase 1), EPAEM de mobiliser un « effet Guggenheim » dans une capitale culturelle institutionnelle. Le principe de l’effet Guggenheim est justement de provoquer le contraste entre la ville anciennement déclinante et le renouveau culturel. C’est ce contraste qui est flatteur pour les acteurs du projet et qui permet de dire que le projet est un moteur de développement. De fait, cette recette est appliquée avec succès dans les anciennes villes industrielles : la cité du Design à Saint-Étienne, le Louvre-Lens … En fait, plus que sa fonction muséale, le musée type Guggenheima pour objectif d’ « annoncer au monde le signal de l’entrée de la ville dans l’ère post-industrielle ».
Mais l’idée du musée iconique comme outil de rénovation urbaine et outil de mercatique urbaine est mobilisée aussi dans des villes qui n’ont pas l’image de villes industrielles en déclin. Dans ce cas, c’est néanmoins souvent sur des friches industrielles que sont construits ces objets. En fait, on peut imaginer qu’au delà de l’image renvoyée, le grand musée est un outil qui trouve sa légitimation non pas seulement dans l’objet final, mais aussi par le contraste qu’il propose par rapport à la situation passée. En clair, pour un même objet architectural, la valeur urbaine de cet objet sera beaucoup plus forte dans une friche industrielle ou un lieu de déclin que dans un lieu quelconque.
De plus la friche a un potentiel urbain dû aux acteurs transitoires et à ce que Lauren Andrès appelle la « mise en veille » , ce temps où la friche, avant d’être un lieu d’intérêt, est un lieu d’abandon, permissif, que des acteurs artistiques vont pouvoir s’approprier plus facilement et où ils pourront mettre en place une dimension artistique et culturelle préalable au renouveau institutionnalisé. Lauren Andrès cite à titre d’exemple la Bellede-Mai. Il arrive néanmoins souvent que cette période transitionnelle n’existe pas, et, concernant le littoral marseillais, il n’y a pas eu de possibilité pour des acteurs transitoires d’occuper les lieux, en raison encore une fois des fortes contraintes portuaires. La rénovation a donc ici une valeur de redécouverte d’un lieux fermé. C’est donc l’effet de contraste qui semble recherché. Contraste temporel (avant/après) mais aussi spatial : on entend souvent parler d’ « ovni » architectural ou urbain. Pour que l’effet de rétroaction soit maximal, l’objet architectural doit interroger, surprendre, être en rupture avec son environnement. Il doit développer les formes les moins régulières. On peut citer, à titre d’illustration de cette idée d’ovni urbain, le musée d’Art de Graz, Pompidou-Metz, ou encore le musée des Confluences à Lyon qui peut être vu comme un outil de légitimation du projet Confluence plus qu’une réponse à un besoin muséal.
A Marseille, les 2.7 kilomètres de façade littorale de la ZAC de la Cité de la Méditerranée ont l’ambition de recevoir des équipements culturels et commerciaux, en espérant d’eux une mutualisation, une synergie. On peut distinguer deux séquences : au sud, un espace assez monofonctionnel d’équipements culturels et commerciaux entre le J4 et les Terrasses du Port, au Nord un quartier plus mixtes de logements, bureaux, équipements de proximité …
Le cas marseillais mobilise l’idée de l’effet Guggenheim, en créant avec le MuCEM un musée d’envergure nationale qui lui manquait, tout en alliant cet effet avec les « recettes » spécifiques au renouvellement portuaire. On peut donc analyser la Cité de la Méditerranée à la fois comme une réponse au découplage ville port, et comme une méthode classique de rénovation urbaine, mobilisée dans un grand nombre de villes.
La présence de l’eau comme aménité urbaine est en outre magnifiée ici. Si les premières opérations de waterfront valorisaient l’eau existante, les exemples les plus récents n’hésitent plus à amener artificiellement une eau esthétique : une darse a priori inutile à été creusée entre le J4 et le Fort Saint-Jean, qui n’a de valeur qu’esthétique. On retrouve l’utilisation de l’eau esthétique dans un grand nombre de projets contemporains. A Nantes, on a réfléchi à une recherche de l' »eau perdue » pour recréer les canaux comblés dans les années 20, à Montréal on a détruit des môles pour recréer l’hydro-topographie naturelle…

Impulser, capitaliser, diffuser : la logique du projet

Impulser par les grands événements et les grands projets : l’urbanisme temporel à l’appui de l’urbanisme spatial

On a montré précédemment que les projets de rénovation des délaissés portuaires révélaient une corrélation entre un objet architectural fort, la mise en valeur de l’aménité eau et une logique d’extraordinaire spatial.Il est amusant de constater aussi que les projets urbains ambitieux et les événements de dimension internationale sont étroitement corrélés . Glasgow a allié la régénération de la Clyde avec le titre de Capitale Européenne de la Culture 1990, Gênes a mobilisé un grand nombre de grands événements (exposition de 1992, G8 en 2001, Capitale de la culture en 2004 …). Mais ce n’est pas nouveau : les grands événements sont des moteurs de développement urbain depuis le XIXe siècle, où ils étaient l’occasion de détruire les murailles, de faire des percées, d’aménager des fronts de mer…
– Les grands projets urbains, qui voient leur légitimité appuyée par l’organisation d’un grand événement (urbanisme spatial préalable à l’événement temporel)
– Les grands événements, qui s’accompagnent pour leur réussite d’un projet de territoire ou qui nécessitent un projet de territoire pour capitaliser sur les lieux de l’événement (événement temporel préalable à la réflexion spatiale)
– Les grands projets de territoire, qui conjuguent dès le début l’événement comme outil de territoire (événement temporel et réflexion spatiale conjugués en même temps)
Selon le grand événement en question, l’approche territoriale est différente et les conséquences urbaines d’un grand événement sont différentes. Pour les grandes expositions, la réflexion urbaine sur le devenir et l’intégration du site est plus forte : lors de l’exposition universelle de Shanghai (2010), la municipalité a élaboré le concept de zones de meilleure pratique urbaine contribuant à la constitution d’une éco-ville. La dimension territoriale des grandes expositions est facilitée par la reconversion plus facile des pavillons. Dans le cadre de Jeux-Olympiques, la dimension territoriale s’efface par rapport à la dimension sportive et économique, et il n’est pas rare que les équipements olympiques soient démontables et non pérennisés car leur intégration urbaine ne serait pas possible. Marseille a comme toutes les villes de France une tradition du grand spectacle (scénique, sportif, musical …) et du grand événement. Mais c’est la Coupe du Monde 1998 qui, à la fin des années 90 où Marseille avait une image exécrable due à une forte criminalité, a permis de faire prendre conscience aux décideurs que le grand événement pouvait être un outil pour l’amélioration de l’image de la ville et donc une ressource économique.
Les premières tentatives de capter ces grands événements, et donc de s’inscrire dans un réseau des villes sur le devant de la scène, n’ont pas été fructueuses, à l’image de la tentative d’accueil de la Copa America en 2007. Suite à cet échec les décideurs se sont tournés vers la candidature, cette fois réussie, au titre de Capitale Européenne de la Culture 2013. Cette distinction existe depuis 1985 mais son potentiel pour le développement urbain n’a émergé que cette dernière décennie, notamment à partir de Lille 2004 où le milieu économique lillois avait déclaré que la manifestation avait fait gagner à la ville « dix ans d’avance ».
Le grand événement permet donc l’impulsion urbaine : le MuCEM par exemple a vu sa réalisation assurée seulement à partir du moment où MP2013 a été choisi. Le projet de semi-piétonnisation du Vieux-Port a été accéléré afin que les travaux soient finis au plus fort de l’année capitale. C’est donc l’événement qui permet d’impulser la rénovation urbaine.
A l’inverse, la réalisation spatiale permet de légitimer l’événement : on attend désormais d’une grande manifestation qu’elle se traduise par un acte matériel fort, et il semble donc que le succès de l’année 2013 soit en relation avec le projet du MuCEM. Si des événements culturels ont eu lieu sur un périmètre très large, c’est bien le MuCEM qui, dans les années à venir, sera le symbole de cette année culturelle.
La culture apparaît donc comme un instrument fort de renouvellement urbain, un « levier »pour la ville. La recette semble fonctionner : le MuCEM visait 350 000 visiteurs pour sa première année d’ouverture, le cap du million a été dépassé en trois mois, ce qui place le place depuis 2013 parmi les cinquante musées les plus visités au monde. On notera néanmoins que les chiffres ne comptabilisent pas le nombre d’entrées payantes mais le nombre de visiteurs, étant donné qu’il est possible de circuler dans le MuCEM et le fort Saint-Jean sans nécessairement accéder aux expositions. Ce succès, au delà des chiffres, a permis de faire parler de la ville dans l’actualité d’une manière positive et donc d’améliorer l’image notamment dans les médias internationaux.
Marseille a été élue Ville Européenne de l’année 2014, label de l’Académie d’Urbanisme de Londres, signe de la reconnaissance internationale du renouvellement urbain.
Le Vieux port est l’espace public qui a le plus bénéficié des grandes manifestations de MP2013. La fête d’ouverture a rassemblé quelques 400 000 personnes sur le Vieux-Port, un record. Si la presse a longuement disserté sur cette soirée et a parfois pu souligner un non-événement, avec finalement pas grand chose à voir, pour le sociologue Jean Viard, l’événement, c’était justement ces 400 000 personnes qui se réappropriaient un lieu qu’elles ne fréquentaient plus . Une manière d’exprimer un désir d’événement, de réapprendre à utiliser le Vieux-Port.
Cela dit, l’étude de l’AgAM sur l’impact de MP2013 révèle que les grandes manifestations (soirée d’ouverture, Vieux-Port entre feux et flammes…) qui ont fait descendre un grand nombre de Marseillais sur le port a eu un impact très différents selon les arrondissements : les arrondissements du centre et du sud étant sur-représentés, les arrondissements du nord de la ville étant sous-représentés. Le grand événement est donc utilisé pour impulser ou légitimer la dimension urbaine. Mais le projet urbain lui même porte l’idée de l’impulsion : Euroméditerranée est conçu originellement pour être un « électrochoc » , une impulsion cette fois-ci économique.
Le risque de mobiliser le grand événement ou la logique d’impulsion comme outil de développement urbain est de confondre une logique de projet avec une logique de plan, en accumulant des réflexions sur le court terme sans un objectif régulateur au long terme. Mais l’éphémère de l’événement et du projet impulsant peut être mis à contribution du long terme urbain dans le cadre d’une réflexion sur l’après-événement : c’est la notion de capitalisation.

Capitaliser sur la capitale

Les sites des grands événements étaient des territoires de l’éphémère. Ils deviennent progressivement des sites où on recherche le pérenne, le durable. Cette évolution a été soulignée par Jean-Bernard Castet à travers les expositions de Séville 1992, Lisbonne 1998 et Saragosse 2008, soulignant l’émergence de la notion de durabilité à Saragosse qui n’existait pas à Séville.
Au delà de l’exposition temporaire permise par le grand événement, un des enjeux les plus forts est la capitalisation sur ce grand événement : faire en sorte que l’extraordinaire temporel s’accompagne  d’un extraordinaire spatial, et qu’à l’issue de l’événement, que cet extraordinaire spatial trouve son intégration dans l’ordinaire urbain. Si on aménage le temps pour aménager l’espace (c’est le principe de la politique des grands équipements), on doit se demander si les aménagements doivent garder la marque de l’événement.
Le grand événement apparaît comme une manière de marquer l’historicité de la ville. D’acter un point de repère, une date forte pour créer l’histoire commune. Une réalisation architecturale iconique est donc aussi une manière de graver dans l’histoire urbaine cette date, de matérialiser dans le temps l’événement. L’idée de capitaliser a deux objectifs qui peuvent sembler contradictoire : d’un côté, il y a la volonté de marquer le temps, de dire que l’événement a été un moment particulier de l’histoire, et donc une période temporelle qui a un début, et une fin. De l’autre, il y a la volonté de dire que cet événement est un point de départ, et que l’après-événement ne doit pas être un retour à l’ordinaire mais une continuité. C’est l’idée de la fête continuelle.

Une diffusion de la rénovation, un « accélérateur de métropole » ?

L’idée est répandue que l’événement, tout comme le projet urbain local, peut avoir des conséquences a une échelle plus large, on en a parlé sous le nom d’ « effet Guggenheim ».
Euroméditerranée, malgré un périmètre important (480 hectares), ne représente qu’une partie relative de la ville (24 000 hectares). De plus, les événements organisés, malgré une intensité très forte, s’inscrivent dans un périmètre là aussi assez réduit. Pour autant, on entend dans le discours des décideurs l’idée des conséquences métropolitaines de ces actions localisées. L’ouvrage de Brigitte Bertoncello et Jérôme Dubois a d’ailleurs un titre sans équivoque : « Marseille Euroméditerranée, accélérateur de métropole ».

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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : LES RAPPORTS VILLE-PORT A MARSEILLE : APPROCHE RÉTROSPECTIVE ET
CONTEXTUELLE
1. Les fondements anciens de la ville-port
1.1 Nomadisme versus sédentarité, l’identité originelle de la ville-port
1.2 Émergence et affirmation d’un système ville-port comme principal élément identitaire urbain
2. Le système ville-port à l’épreuve du temps
2.1 Les visages des rapports ville-mer et ville-port à travers les veduta
2.2 Les déterminants de l’équilibre du système ville port
2.3 La bataille des ports : le fondement du découplage
3. Le découplage du XXe et la nécessité de repenser le rapport ville-port
3.1 Éléments théoriques du découplage ville-port, ou quand l’urbain ne peut plus répondre au
technique
3.2 Le découplage ville-port à Marseille
3.3 Les réponses apportées et les modèles
3.4 Les forces en présence à Marseille
Conclusion (partie 1)
PARTIE 2 : EXTRAORDINAIRE ARCHITECTURAL VERSUS ORDINAIRE URBAIN : LA MISE EN VITRINE DU WATERFRONT ET SES LIENS AVEC L’ARRIERE-VILLE
1. La recherche de l’extraordinaire urbain : la mise en vitrine
1.1 La Cité de la Méditerranée ou la recherche de l’effet Guggenheim
1.2 Impulser, capitaliser, diffuser : la logique du projet
1.3 Montrer : l’esthétisation de la ville
2. Intégration, porosité, concurrence, exclusion ? Les liens entre le waterfront et l’arrière-ville
2.1 L’échelle de la forme urbaine : l’objet extraordinaire contre les tissus ordinaires
2.2 L’échelle de la ville : les rapports complexes entre les différentes centralités
2.3 La dimension sociale : la ville contre les habitants ?
3. Vers une aseptisation du rapport à la mer sur Euromed 1, ou un dépassement de la mise en vitrine sur Euromed
3.1 Un rapport à la mer aseptisé et ludifié ?
3.2 Euromed 2 : du quartier vitrine au quartier modèle
3.3 Euromed 2 : vers un autre rapport à la mer ?
Conclusion (partie 2)
PARTIE 3 : DES CITÉS DE LA MÉDITERRANÉE AUX ÉCOLOGIES DU LITTORAL
1. La diversité des cités de la Méditerranée
1.1 La rade Nord
1.2 La rade sud
1.3 La rade sauvage
Quelle épaisseur des Cités de la Méditerranée ?
2. Les écologies du littoral
2.1 Du dépassement d’un découpage sectoriel.
2.2 Écologie 1 : Le littoral autodrome
2.3 Écologie 2 : La platitude, le balnéaire
2.4 Écologie 3 : La calanque et le quai, les terrasses de la mer
2.6 Écologie 4 : S’éloigner du trait de côte pour le comprendre
Conclusion : Épaissir le littoral, montrer la vitrine maritime
Bibliographie
ANNEXES

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