L’immunomarquage anti-IDH1-R132H

Extraction de l’ADN

INTRODUCTION

Les gliomes sont les tumeurs primitives les plus fréquentes du système nerveux central (SNC) chez l’enfant, comme chez l’adulte. On en distingue deux types selon leur caractère infiltrant ou non :
les gliomes circonscrits (non infiltrants), les plus fréquents chez l’enfant (au premier rang desquels l’astrocytome pilocytique), et les gliomes diffus (infiltrants).

Les gliomes diffus pédiatriques sont beaucoup plus rares que leurs homologues à l’âge adulte et contrairement à eux, sont souvent développés aux dépens du tronc cérébral (1). Les gliomes diffus intrinsèques du pont de l’enfant, couramment dénommés DIPG (diffuse intrinsic pontine glioma) représentent 80% des gliomes diffus de haut grade de l’enfant (2) alors que les gliomes diffus pédiatriques développés aux dépens des hémisphères cérébraux et du thalamus sont très rares (2–4).

A l’examen histopathologique, les gliomes diffus de l’enfant sont identiques de ceux de l’adulte et sont souvent traités selon les mêmes schémas thérapeutiques que ces derniers. Pourtant, l’identification récente d’altérations génétiques propres aux gliomes diffus pédiatriques a permis de définir des entités distinctes chez l’enfant, reflétant des voies de gliomagenèse différentes. Une mutation K27M des gènes des histones H3.3/H3.1 est rare chez l’adulte mais est présente dans 64% des gliomes diffus de la ligne médiane de l’enfant (5) (80% des DIPG (6) et 40-65% des gliomes diffus thalamiques (3,4)). Elle s’observe chez des enfants avec un âge médian de 11 ans et est associée à une survie globale médiane de 9-12 mois (3,7,8).

Une mutation G34R/V du gène H3.3, rare chez l’adulte, est décrite dans 15% des gliomes diffus pédiatriques et plus d’un tiers des gliomes pédiatriques hémisphériques de haut grade (9–12).

Cette mutation G34R/V intéresse plutôt les adolescents (13-14 ans), avec une survie globale médiane de 24 mois (3). Une mutation des gènes IDH1/2 (isocitrate déshydrogénase 1/2) est observée dans 70 à 80% des gliomes diffus de l’adulte jeune (mutation IDH1-R132H dans 95% des cas) mais est exceptionnelle chez l’enfant avant l’adolescence, avec dans les séries pédiatriques, un âge médian au diagnostic de 16 à 17 ans (7,13–15). Le pronostic de ces gliomes IDH mutés rejoint celui des cas adultes (7). De nombreux gliomes diffus de l’enfant ne présentent pas de mutation H3 ou IDH et leur physiopathogenèse est inconnue. Une mutation BRAF-V600E est observée dans de rares cas de glioblastomes et a été récemment décrite dans des glioblastomes secondaires pédiatriques (16).

mutation du gène FGFR1 (Fibroblast Growth Factor Receptor 1) a été rapportée dans quelques gliomes de haut grade, notamment thalamiques (3,4,17).

Récemment, de rares cas de glioblastomes pédiatriques ont été décrits dans le cadre d’un syndrome de déficience constitutionnelle du système MMR (mismatch repair) (9,18). Il s’agit d’une nouvelle voie de gliomagenèse encore peu explorée (19).
Les gliomes diffus pédiatriques sont sous-tendus par différentes voies de tumorigenèse.
L’objectif de cette étude était d’analyser les gliomes diffus supra-tentoriels de l’enfant diagnostiqués au CHU d’Angers afin de mieux les caractériser sur les plans histopathologique, immunohistochimique et moléculaire, et de les classer en sous groupes mutationnels et pronostiques en fonction des anomalies génétiques observées.

MÉTHODES

Sélection des cas

Ont été sélectionnés tous les cas de gliomes diffus supra-tentoriels développés chez des patients âgés de 0 à 25 ans pris en charge au CHU d’Angers entre janvier 2000 et avril 2017.

Ces cas ont été recensés à l’aide du logiciel DIAMIC (INFOLOGIC-SANTE) du Département de Pathologie Cellulaire et Tissulaire du CHU d’Angers. Les lames et les blocs d’inclusion en paraffine ont été désarchivés.
Les prélèvements trop exigus ou épuisés ont été exclus de l’étude. Au total, 38 patients ont été inclus dans l’étude.

Données clinico-radiologiques

Les données cliniques et radiologiques des patients ont été recueillies à partir des archives médicales informatisées des Départements de Neurochirurgie et de Pédiatrie du CHU d’Angers (logiciel M-CROSSWAY®, version 8.2.1.r2.8, Maincare solutions).
Neuf cas correspondaient à des cas communiqués pour lesquelles nous n’avons reçu que des renseignements cliniques succincts. Les paramètres de survie de ces patients (date des dernières nouvelles ou date du décès) ont été récupérés à partir des archives médicales informatisées des CHU correspondants (Tours, Poitiers, Nantes, Rennes et Brest).

Sélection du matériel biologique

La lame la plus représentative de chaque prélèvement a été sélectionnée pour réaliser l’étude immunohistochimique sur le bloc correspondant. L’étude de biologie moléculaire a été réalisée soit à partir de matériel cryopréservé en tumorothèque, soit à partir de blocs d’inclusion en paraffine.

Etude immunohistochimique

L’étude immunohistochimique (IHC) a été réalisée dans le Département de Pathologie Cellulaire et Tissulaire du CHU d’Angers.
Elle a porté dans un premier temps sur la détection de cinq protéines : IDH1-R132H, H3K27me3, ATRX, p53 et BRAF-V600E. Dans un second temps, pour 15 patients chez qui nous n’avons observé aucune altération clé en séquençage Sanger, nous avons recherché une déficience constitutionnelle du système MMR à l’aide des anticorps anti-MSH2, -MSH6, -MLH1 et -PMS2.
Des coupes de tissu tumoral fixé au formol et inclus en paraffine de 4μm d’épaisseur ont été préparées à partir des blocs sélectionnés. Elles ont été étalées sur lame, séchées une nuit à 37°C puis placées dans l’automate Leica Bond-III® (Leica Biosystem, Newcastle, UK).

 Immunomarquage anti-IDH1-R132H

L’immunomarquage anti-IDH1-R132H a été classé en deux catégories qualitatives : positif ou négatif. Lorsque la mutation est présente, la totalité des cellules tumorales exprime la protéine mutée.
Une immunopositivité cytoplasmique est prédictive de la présence de la mutation IDH1-R132H (et seulement de cette mutation ; les autres variants IDH1 ou IDH2 ne peuvent être détectés en IHC) avec une sensibilité de 94% et une spécificité de 100% (20).

 Immunomarquage anti-ATRX

L’immunomarquage anti-ATRX a été classé en quatre catégories semi-quantitatives :
– Expression conservée (marquage nucléaire de plus de 90% des cellules tumorales),
– Perte d’expression totale (perte de l’expression par plus de 90% des cellules tumorales),
– Perte d’expression partielle (marquage de 10-90% des cellules tumorales),
– Immunomarquage ininterprétable (du fait de l’exiguïté ou la non-représentativité du matériel).
La perte de l’expression d’ATRX est fortement corrélée à la présence d’une mutation du gène
ATRX (22,23).

 Immunomarquage anti

L’immunomarquage anti-p53 a été classé en deux catégories semi-quantitatives :
– Positif (marquage nucléaire intense intéressant plus de 10% des cellules tumorales),
– Négatif (marquage nucléaire absent, faible ou modéré, ou d’intensité forte mais intéressant moins de 10% des cellules tumorales).

 Immunomarquage anti-BRAF-V600E

L’immunomarquage anti-BRAF-V600E a été classé en deux catégories qualitatives :
– Positif (marquage cytoplasmique diffus d’intensité modérée à forte),
– Négatif. La sensibilité et la spécificité de l’anticorps anti-BRAF-V600E pour la détection de la mutation BRAF-V600E sont de 98-100% et de 97-98%, respectivement (22,24).

 Immunomarquage anti-MSH2, -MSH6, -MLH1, -PMS2

Une étude immunohistochimique à la recherche d’une déficience constitutionnelle du système MMR a été réalisée dans un second temps chez 15 patients pour lesquels aucune anomalie génétique clé n’a été retrouvée en séquençage Sanger (absence de mutation H3K27M, H3G34, IDH1/2, BRAFV600E et FGFR1).
Les immunomarquages anti-MSH2, -MSH6, -MLH1, -PMS2 ont été classés en deux catégories qualitatives :
– Expression conservée (marquage nucléaire des cellules tumorales),
– Perte d’expression totale (perte de l’expression nucléaire des cellules tumorales et des cellules non tumorales).
Ce panel d’anticorps permet de détecter un défaut de production des protéines de réparation des mésappariements (MSH2, MSH6, MLH1 et PMS2), à l’origine d’une instabilité micro-satellitaire, avec une sensibilité de 83% et une spécificité de 89% (25,26).

Résultats de l’étude histopathologique

Les diagnostics histopathologiques selon l’OMS 2016 sont résumés dans le tableau 3.
Les gliomes diffus développés aux dépens de la ligne médiane étaient tous de haut grade (grade III ou IV), de même que 87% des gliomes diffus hémisphériques. Trois gliomes diffus hémisphériques étaient de bas grade (grade II) (13%).
Six cas, correspondant tous à des glioblastomes, présentaient des secteurs d’aspect PNEToïde (5 cas hémisphériques et 1 cas de la ligne médiane). Ces secteurs étaient de densité élevée, composés de cellules indifférenciées de taille petite à moyenne à haut rapport nucléocytoplasmique avec des noyaux hyperchromatiques arrondis ou de contours anguleux, comme observés dans les PNET (27).
Les autres cas de la cohorte étaient de phénotype astrocytaire, oligodendroglial-like ou indéterminé.

 Mutation BRAF-V600E

L’étude IHC anti-BRAF-V600E a porté sur 33/38 cas de la cohorte et le séquençage Sanger du gène BRAF a été possible pour 29/38 cas. Il n’a été observé aucune expression de BRAF-V600E en IHC, ni mutation lors du séquençage.
Un cas était considéré comme douteux en IHC avec une expression cytoplasmique faible de BRAF-V600E par les cellules tumorales (cas n°16). Le séquençage du gène n’a pas mis en évidence de mutation de BRAF.

 Mutation FGFR1

Le séquençage Sanger du gène FGFR1 a été possible pour 30/38 cas. Il n’a été observé aucune mutation.

Définition des sous-groupes mutationnels

La présence des altérations génétiques décrites ci-dessus a permis de distinguer 4 sous groupes de gliomes diffus supra-tentoriels de l’enfant : 1) gliomes H3K27M mutés, 2) gliomes H3G34 mutés, 3) gliomes IDH1 mutés, et 4) gliomes WT (sans mutation H3, IDH, BRAF ou FGFR1).

Leurs principales caractéristiques cliniques, histopathologiques et moléculaires sont résumées dans le tableau 7 et les figures 8 et 9.

DISCUSSION

Nous avons réalisé la caractérisation histo-moléculaire d’une cohorte de 38 gliomes diffus supra- tentoriels de l’enfant, à l’aide des techniques d’IHC, de séquençage Sanger et de SNP array.

Nous avons pu distinguer 4 sous-groupes mutationnels et pronostiques définis par la présence d’une anomalie génétique clé corrélée à la survie : 1) les gliomes H3K27M mutés, 2) les gliomes H3G34 mutés, 3) les gliomes IDH1 mutés et 4) les gliomes WT (sans mutation H3, IDH, BRAF ou FGFR1).
Malgré de petits effectifs au sein de chaque sous-groupe, il existait une différence statistiquement significative de survie entre les sous-groupes mutationnels, en accord avec les données de la littérature (3,4,7,8).

Les gliomes H3K27M étaient de pronostic sombre, avec une médiane de survie de 8,6 mois ; hormis 2 patients perdus de vue et un patient en vie 2 ans après le diagnostic initial, les 9 patients restant étaient décédés moins de 3 ans après le début de la maladie. Le sousgroupe H3G34 ne comprenait que 3 patients mais il semble que le pronostic de ce sous-groupe soit moins mauvais que celui des gliomes H3K27M (un décès à 12 mois dans le groupe G34).

Parmi les gliomes IDH1 mutés, la survie était bonne et tous les patients étaient en vie à la fin de l’étude, avec un recul allant jusqu’à 7 ans. Le sous-groupe WT présentait une médiane de survie globale de 22,7 mois (extrêmes : 9,2 mois et 2,5 ans). A noter que tous les gliomes de haut grade de notre cohorte étaient des tumeurs malignes de novo, sans antécédent de lésion de plus bas grade.

CONCLUSION

Notre étude a porté sur 38 gliomes diffus pédiatriques supra-tentoriels, population rare de tumeurs cérébrales de l’enfant. Ces tumeurs, malgré des aspects morphologiques similaires à ceux des gliomes diffus de l’adulte, sont porteuses d’anomalies moléculaires distinctes.

Nous avons identifié 4 sous-groupes de tumeurs (H3K27M, H3G34, IDH1 et WT), définis par une altération génétique et un pronostic distincts. Cette classification permet d’évaluer le pronostic de la maladie et d’adapter au mieux la prise en charge thérapeutique. Différentes molécules ciblant les histones sont par exemple en cours de développement (inhibition de WEE-1 pour les gliomes H3G34 et SETD2 mutés, inhibiteurs de déméthylases et déacétylases pour les gliomes H3K27M mutés, inhibiteurs de la voie PI3K/mTOR pour les gliomes H3G34 mutés…) (57–59). Sur le plan physiopathologique, les différences significatives en termes d’âge et de localisation (hémisphère vs ligne médiane) entre les sous groupes sont en faveur de l’existence de précurseurs tumoraux distincts, présentant une susceptibilité accrue à une altération génétique driver dans une fenêtre de temps donnée. Malgré les progrès récents en termes de démembrement et de classification des gliomes diffus, un grand nombre de tumeurs reste orphelin, sans gène driver identifié.

Il est intéressant de noter que ces tumeurs orphelines touchent les enfants les plus jeunes ; pour autant, leur survie n’est pas la plus brève. Le syndrome CMMRD, peu connu, doit être recherché chez ces patients, notamment parce que l’immunothérapie pourrait apporter un bénéfice en termes de survie. La liste des gènes d’intérêt tend à s’allonger comme le montre l’étude de Sturm et al. L’avènement du séquençage à haut débit du génome entier devrait permettre d’établir une carte d’identité de chaque tumeur et de proposer à moyen terme des combinaisons de thérapies ciblées visant les grandes voies de signalisation activées.
Ainsi, la caractérisation moléculaire des gliomes diffus pédiatriques apparaît comme une étape incontournable dans la prise en charge des patients.

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Table des matières

INTRODUCTION
MÉTHODES
Sélection des cas
Relecture anatomo-pathologique
Données clinico-radiologiques
Sélection du matériel biologique
Etude immunohistochimique
5.1. Immunomarquage anti-IDH1-R132H
5.2. Immunomarquage anti-H3K27me3
5.3. Immunomarquage anti-ATRX
5.4. Immunomarquage anti-p53
5.5. Immunomarquage anti-BRAF-V600E
5.6. Immunomarquage anti-MSH2, -MSH6, -MLH1, -PMS2
Extraction de l’ADN
Séquençage Sanger
Single Nucleotide Polymorphism array (SNP array)
Analyses statistiques
RÉSULTATS
Données clinico-radiologiques
Résultats de l’étude histopathologique
Altérations génétiques
3.1. Mutations des histones H3.1/H3.3
3.2. Mutations IDH1/2
3.3. Mutation BRAF-V600E
3.4. Mutation FGFR1
3.5. Statut ATRX
3.6. Statut p53
3.7. Recherche d’un syndrome CMMRD
3.8. Altérations chromosomiques
Survie globale
Définition des sous-groupes mutationnels
DISCUSSION
CONCLUSION

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