Expérimentation d’une réflexion éthique concernant l’usage de l’utilisation de la contention et de l’isolement 

La culture d’action des centres de réadaptation

La culture professionnelle d’action est profondément enracinée dans les attitudes professionnelles des éducateurs des centres de réadaptation. Il y a de bonnes raisons à cela. Le mandat premier de l’intervenant au centre de réadaptation est l’accompagnement des jeunes en difficulté: cela suppose d’ être en relation quasi constante avec eux. Peu de temps et d’ espace sont laissés à une réflexion qui ne soit pas en lien étroit avec l’action quotidienne.
Ainsi les intervenants ont peu l’occasion de prendre une distance émotive nécessaire à la réflexion, du moins dans un contexte professionnel d’ intervention. Les quelques moments consacrés à la réflexion sont essentiellement axés sur l’agir, dans un contexte d’ accompagnement quotidien et visent à alimenter le plan d’ intervention que l’ on doit élaborer en vue d’ une action future. Ces périodes de réflexion sont orientées vers l’autre comme objet de l’ action et peu de temps est accordé à l’intervenant en tant que sujet. Ce qui nous amène à poser la question suivante: comment peut-on, à titre d’intervenant, en se conformant aux exigences et aux aspects normatifs de notre mandat ne pas tenir compte de soi en tant que sujet et, en particulier, des enjeux liés à ses valeurs personnelles? Si la question des valeurs est posée, ce n’est dans la pratique que de façon ponctuelle et de manière superficielle. Par exemple, afin de satisfaire à disposition de la Loi sur la santé et les services sociaux, les centres jeunesse devaient se doter d’un code d’éthique. Aux Centres jeunesse Chaudière-Appalaches, au moment de l’élaboration de ce code, les intervenants ont été brièvement consultés, mais, depuis ce temps (cela remonte à quatre ans), il n’y a eu qu’une heure de discussion offerte aux intervenants pour réviser ce code. De plus, une  seule journée annuelle de réflexion intitulée « l’intervenant dans la pratique» est consacrée à cet aspect pourtant fondamental du travail professionnel; il s’agit de la journée du conseil multidisciplinaire qui permet à un certain nombre d’intervenants de réfléchir sur l’action quotidienne.

La réflexion et le dialogue: des outils nécessaires à la résolution des conflits de valeurs

En tenant compte des éléments abordés précédemment, il nous semble important de tenir davantage compte de la dimension subjective de la personne engagée dans l’action.
Ainsi, l’intervenant qui applique la mesure de contention et d’isolement est le responsable de l’intervention et se trouve placé au centre de celle-ci. Non seulement le sujet fait face à divers dilemmes moraux (c’est un aspect fondamental que nous développerons dans ce mémoire), mais, de surcroît, il dispose de peu de temps dans son contexte professionnel pour relever les défis éthiques ou cliniques posés par la pratique.
Ces temps de réflexion, que nous souhaitons plus fréquents dans l’organisation du travail d’un centre jeunesse, ont un coût, et l’on ne saurait nier cette réalité. Cependant il importe d’envisager la gestion des coûts dans une optique de long terme. Nous avons fait l’hypothèse qu’un plus grand travail réflexif sur les pratiques professionnelles, et en l’occurrence sur les mesures de contrôle, engendrerait à long terme des coûts moindres et, aspect plus fondamental, permettrait de remplir avec plus de rigueur et d’efficacité le mandat de réadaptation des jeunes en difficulté. Il nous faut préciser ce que nous entendons par « des temps de réflexion sur les pratiques professionnelles ». Voici comment le Petit Larousse définit le terme « réfléchir » : « Penser, examiner longuement ». Déjà, cela nous indique qu’ il faut prévoir un temps d’arrêt pour permettre à nos idées de prendre forme dans notre esprit.

La visée d’une démarche de réflexion éthique

Pour Michel Foucault, l’éthique représente avant tout un travail sur soi. Il ne s’agit pas nécessairement de s’adapter et de rendre conforme son comportement à une règle donnée mais plutôt d’essayer de se transformer soi-même en un « sujet moral de sa conduite ».
Être un sujet éthique ne repose pas seulement sur l’ethos d’un groupe (ce qui est commun à un groupe d’individus) qui appartient à une même société. Certes, il s’agit bien d’une attitude qui s’appuie sur des valeurs partagées mais qui, en même temps, les interroge. L’éthique essayera d’interroger les règles de conduite qui relèvent d’un ordre moral qui s’exprime en termes de jugements de « Bien» et de « Mal ». André Comte-Sponville différencie ainsi la morale et l’ éthique :
la morale porte sur le bien et le mal, considérés comme valeurs absolues ou transcendantes; l’éthique sur le bon et le mauvais comme valeurs relatives à un individu, à un groupe, à une société Il ne s’agira pas de s’appuyer sur une morale qui repose sur des règles propres à une culture mais plutôt de construire un questionnement qui se situe au-delà de la morale. La démarche éthique vise à permettre aux participants de réaliser une réflexion en ne proposant pas de réponses toutes faites aux problèmes que soulève la pratique mais plutôt,  comme le soulignent Fortin et Parent, «en favorisant l’ émergence de nouveaux questionnements et en encourageant la créativité des personnes aux prises avec des problèmes d’ordre moral ou éthique ».

Fondements philosophiques de la démarche éthique

Une réflexion éthique sur une problématique complexe ne peut être réalisée sans une méthode qui permette de traiter au plan éthique les enjeux complexes de la pratique en cause et des valeurs interdépendantes. Toutefois, la méthode choisie ne doit pas nous amener à nous attacher à un seul concept qui nous enfermerait dans des pratiques établies et nous empêcherait de garder l’ esprit ouvert. La prise en compte de la complexité est d’ autant plus nécessaire qu’ elle devient une façon de traiter le réel.
Edgar Morin nous met en garde : Une méthode n’est valable qu’ en incluant la complexité. (“Plus que théorie ou de philosophie, nous avons besoin de la méthode qui nous aide à penser la complexité du réel, au lieu de dissoudre cette complexité, et du coup mutiler le réel. “)
Cette méthode doit fournir les principes opérationnels qui aident à penser par soi-même. Méthode signifie” voie “, ” chemin “. ” C’ est comment cheminer en faisant soi-même son chemin “. Il ne s’agit pas d’un programme (ensemble de recettes), mais d’ une stratégie (action qui s’adapte selon la rétroaction de la réalité). Il n’y a pas de réponses toutes faites  .
La méthode éthique que nous présentons constitue, à notre avis, une proposition d’un itinéraire de réflexion, de découvertes comportant des chemins variés et variables pouvant permettre d’appréhender l’ univers de complexité. Ainsi, la réflexion est nourrie par ce que nous découvrons à travers ce voyage en cherchant à relier les éléments de réflexion entre eux.

Les modèles de l’approche collaborative et de la décision délibérée

Les méthodes proposées par Legault et Patenaude tiennent compte, selon nous, de cet univers de complexité. Pour sa part, Legault nous propose une méthode fondée sur le raisonnement pratique permettant de prendre une décision délibérée. Cet auteur soutient qu’en cas de dilemme éthique le raisonnement pratique permet d’énoncer les valeurs en cause avant de choisir le meilleur moyen pour atteindre la fin visée et de réaliser l’équilibre dans la prépondérance des valeurs. Le modèle de la décision délibérée de Legault permet à la personne de déterminer plus aisément les paramètres qui mèneront à la meilleure décision pour toutes les personnes concernées dans une situation réelle. Legault propose une grille renfermant un certain nombre d’étapes pour résoudre un dilemme éthique dans une situation donnée. Il nous rappelle cependant que « la complexité des situations de vie et la diversité des mentalités, issue des divers héritages culturels et des développements personnels, rendent caduques les approches qui prétendent répondre à toutes les questions en choisissant simplement un système de croyances ». Pour ensuite préciser que sa grille d’ analyse est un « instrument qui favorise la décision dans la mesure où l’on tente, au moyen de celle-ci, de considérer toutes les variables importantes d’ une prise de décision ».

 

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Table des matières

INTRODUCTION
Objectif général et objectifs spécifiques de ce mémoire
L’objectif général
Les Objectifs spécifiques
Le cadre théorique
Le cadre méthodologique
CHAPITRE 1 : CONTEXTE HISTORIQUE DÉTERMINANT LA PROBLÉMATIQUE ÉTHIQUE CONTEMPORAINE DE LA CONTENTION ET DE L’ISOLEMENT 
1.1 Le contexte historique
1.2 Le contexte contemporain
1.3 La pratique de la contention et de l’isolement dans les centres jeunesse en 2005
CHAPITRE 2 : UNE PREMIÈRE ESQUISSE DES ENJEUX ÉTHIQUES SOULEVÉS PAR L’USAGE DE LA CONTENTION ET DE L’ISOLEMENT
2.1 Problématiques soulevées par l’usage de la contention et de l’isolement
2.2 Présentations de cas exemplaires soulevant des questions éthiques
2.2.1 Premier cas
2.2.2 Deuxième cas
2.2.3 Troisième cas
CHAPITRE 3 : LE MODE RÉFLEXIF ET DIALOGIQUE: UNE CULTURE À INTÉGRER DANS LA PRATIQUE DE L’UTILISATION DE LA CONTENTION ET DE L’ISOLEMENT
3.1 La culture d’action des centres de réadaptation
3.2 La réflexion et le dialogue :des outils nécessaires à la résolution des conflits de valeurs
3.3 La visée d’une démarche de réflexion éthique
3.3.1 Une réflexion éthique tenant compte de la dimension clinique
3.3.2 Une réflexion éthique tenant compte des émotions
3.3.3 Une réflexion éthique visant à identifier et clarifier les valeurs en jeu
3.4 Fondements philosophiques de la démarche éthique
3.5 Les modèles de l’approche collaborative et de la décision délibérée
3.6 La méthode éthique utilisée, au service de la démarche
3.6.1 Considérations relatives à la délibération et aux conditions d’exercice du dialogue
CHAPITRE 4: L’EXPÉRIMENTATION DE LA DÉMARCHE ÉTHIQUE AUX CENTRES JEUNESSE CHAUDIÈRE-APPALACHES
4.1 Les Centres Jeunesse Chaudière-Appalaches, un lieu d’expérimentation
4.2 Considérations préliminaires
4.3 Expérimentation d’une réflexion éthique concernant l’usage de l’utilisation de la contention et de l’isolement
4.3.1 La visée de la réflexion préliminaire (premier temps) et compte rendu des échanges
4.3.2 Identification et formulation du dilemme éthique
4.3.3 L’expérience de la démarche de réflexion éthique vécue par l’ensemble des intervenants
4.3.4 La visée de l’identification de l’environnement normatif (premier temps)
4.3.5 La visée de l’identification de l’environnement clinique (premier temps)
4.3.6 La visée de l’identification (premier temps) et de la clarification (deuxième temps) de la perception de la crise et compte-rendu des échanges
4.3.7 La visée de l’identification (premier temps) et de la clarification (deuxième temps) des émotions en cause et compte-rendu des échanges

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