ÉVOLUTION DES RELATIONS HOMME-ANIMAL

ÉVOLUTION DES RELATIONS HOMME-ANIMAL

Les abattages rituels

Les techniques d’abattage que nous évoquerons ici sont uniquement les deux techniques utilisées pour les abattages rituels juif (chekhita) et musulman (dhakât). Ces méthodes de mise à mort diffèrent de celles décrites précédemment non seulement par l’absence d’assommement, mais aussi par d’autres obligations conditionnant l’acceptation des viandes par les autorités religieuses (Thieri-Pige, 2009).

 L’abattage selon le rite juif

L’abattage rituel juif ou chekhita s’inscrit dans un cadre prescriptif défini par les lois de la cacherout (ensemble des lois relatives à l’alimentation cacher) (Nizard-Benchimol, 1998 ; Dewhurst, 2010). Ces lois sont inscrites à la fois dans la Torah (loi écrite) et dans le Talmud (loi orale). Au cours des siècles, partout où ils ont vécu, les juifs ont continué à les appliquer, souvent avec une extrême rigueur (Nizard-Benchimol, 1998).La réglementation en matière alimentaire, notamment l’interdit de la graisse et du sang, s’érigea parallèlement au développement des pratiques sacrificielles et se renforça après la destruction du Temple qui vit disparaître du même coup tout sacrifice. Le Deutéronome introduit la différence entre le sacrifice, exclusivement réalisé au Temple, et l’abattage, dont l’objet est la consommation par envie, qui peut prendre place en tout lieu (NizardBenchimol, 1998).Durant l’Antiquité, il n’existait pas de sacrificateur « professionnel » (chokhet). N’importe quel adulte, versé dans la halakha (la loi) était autorisé à exercer la chekhita. C’est à partir du Moyen-Âge (1220 en Allemagne) qu’il fut décidé que quiconque voulait pratiquer la chekhita devait passer un examen théorique et pratique, sanctionné par un diplôme (NizardBenchimol, 1998).Pour le sacrificateur, l’outil le plus important est le halef (couteau). Il est en acier, d’une longueur deux fois égale à la largeur du cou de l’animal, ce qui permet de pratiquer la saignée sans interruption ; son extrémité est rectiligne, perpendiculaire à son axe, jamais pointue, pour ne pas prendre le risque de transpercer au lieu d’inciser (figure 20). L’état du couteau est vérifié avant et après chaque saignée : le sacrificateur fait glisser doucement la lame rectangulaire sur la tranche de son ongle pour en déceler la plus petite brèche (NizardBenchimol, 1998).Pour l’abattage des bovins au XIXème siècle, l’opération préliminaire consistait à réunir les pieds de l’animal au moyen de cordes qui pouvaient s’enrouler autour d’un treuil. L’animal était soulevé, perdait l’équilibre et tombait sur le dos. La tête était immédiatement renversée pour que le cou soit placé en tension, puis on aspergeait de l’eau sur la gorge afin de permettre au couteau de mieux glisser. Les repères anatomiques pour le lieu d’incision, toujours valables de nos jours, étaient le larynx en amont et l’entrée du thorax en aval (Gracia, 2014). Le chokhet, d’un geste continu et rapide de va-et-vient tranchait la gorge de l’animal (figure 21). De l’autre main, il vérifiait la coupure en fouillant dans la plaie béante. Les carotides et jugulaires étaient sectionnées ainsi que la majeure partie de la trachée et de l’œsophage sans toutefois toucher aux vertèbres cervicales (Villain et Bascou, 1890 ; NizardBenchimol, 1998 ; Gracia, 2014). Le sang, considéré comme le siège de l’âme et symbole de la vie devait être extirpé aussi complètement que possible de l’animal. Il relève du Divin et est donc interdit à l’homme.
De haut en bas:
– Gravure du XVème siècle. À noter une erreur sur la représentation des couteaux qui apparaissent pointus sur cette gravure (source : Wikipedia) – Illustration de Paul Christian Kirchner, Jüdisches Ceremoniel, 1724 (source : Wikimedia commons).Cependant, une bête saignée pouvait être déclarée impropre à la consommation, soit parce que la vérification du couteau révélait, après l’égorgement, une quelconque aspérité, soit parce que la saignée n’avait pu être réalisée en un seul geste, ou parce que la gorge était incomplètement tranchée (Nizard-Benchimol, 1998).
Par la suite, d’autres opérations étaient effectuées avec notamment une vérification des poumons et des plèvres, d’abord dans la carcasse puis après leur extraction (Villain et Bascou, 1890 ; Nizard-Benchimol, 1998).

 L’abattage selon le rite musulman

Les règles qui ont trait à la mise à mort des animaux font partie de la loi islamique. Cependant, elles ne figurent pas dans le Coran lui-même qui ne s’attarde que sur trois aspects concernant la mise à mort : l’interdiction de consommer la victime non rituelle, l’interdiction de certains procédés de mise à mort (strangulation ou asphyxie, coups, chute,…) et l’interdiction de consommer la chair d’une victime sur laquelle on a prononcé un autre nom que celui de Dieu (Benkheira, 1998 ; Thieri-Pige, 2009). Les détails du rituel se trouvent principalement dans les traditions rapportées du fondateur de l’islam (hadith, sunna) et dans la jurisprudence islamique (fiqh).
Il existe plusieurs procédés canoniques de mise à mort qui se différencient selon la taille de l’animal, le degré de maîtrise que l’on a sur lui et le milieu dans lequel il vit. Ils sont toujours utilisés de nos jours.L’égorgement (dabh) est le plus couramment employé : on sectionne les artères carotides, les veines jugulaires, la trachée et l’œsophage (Benkheira, 1998 ; Gracia, 2014). Cette méthode est licite pour les ovins et caprins, et selon certaines doctrines musulmanes également pour le gros bétail (bovins, camélidés).Le nahr est appliqué plutôt sur les camélidés ou les bovins : il consiste à enfoncer la lame du couteau dans la fossette susternale, creux localisé dans le bas du cou chez le dromadaire, afin de sectionner les principaux troncs artério-veineux (Benkheira, 1998 ; Gracia, 2014).Même si, au cours de l’histoire, la majorité des écoles juridico-rituelles ont considéré qu’à chaque type de bétail devait correspondre un procédé de mise à mort, les faits ont montré que la plupart ont accepté que l’on recoure à l’un ou l’autre mode, quelle que soit l’espèce (Benkheira, 1998).Pour les animaux sauvages, qui sont définis dans les textes de fiqh comme des êtres sur lesquels ne s’exerce aucune puissance, on peut recourir au ‘aqr, c’est-à-dire donner la mort dans une quelconque partie du corps de l’animal. Toutefois la mort doit rester la conséquence d’une blessure sanglante. Ce procédé qui permet de concilier exigences symboliques et considérations pratiques, n’est pas réductible à l’opposition domestique/sauvage : illicite dans le cas du gibier pris vivant, qui doit être égorgé, il devient licite dans certaines conditions pour des animaux domestiques (bête tombée dans une fosse ou un puit et dont la gorge est inaccessible, animal en fuite,…) (Benkheira, 1998 ; Gracia, 2014).En ce qui concerne les poissons, les rites juifs et musulmans ne prévoient pas de mise à mort particulière. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce manque d’intérêt pour la mort donnée à certaines espèces – dont les poissons – se retrouve dans la pensée traditionnelle des sociétés occidentales : une rupture semble s’instaurer entre les animaux qui saignent et les autres.

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Table des matières

LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : MISE À MORT ET ÉVOLUTION DES RELATIONS HOMME-ANIMAL
1.1 Des niveaux de relations multiples
1.1.1 L’animal chassé
1.1.1.1 Les premières chasses
1.1.1.2 Systèmes organisés de chasse
1.1.2 L’animal domestiqué comme source de nourriture
1.1.2.1 Origines de la domestication
1.1.2.2 De la chair du vivant à la viande consommable : histoire des pratiques zoophages
1.1.2.3 La mise à mort comme moyen de lutte contre les maladies transmissibles du bétail
1.1.3 L’animal sacrifié
1.1.3.1 Le sacrifice animal, élément central des religions antiques
1.1.3.2 Les monothéismes et le sacrifice animal
1.1.4 L’animal objet d’études
1.1.4.1 De l’Antiquité à la Renaissance
1.1.4.2 L’avènement des expérimentations animales modernes au XIXème siècle
1.1.5 De l’animal apprivoisé à l’animal familier
1.1.5.1 Un compagnon inutile ?
1.1.5.2 Un compagnon choyé
1.1.5.3 Perceptions de la mort de l’animal de compagnie
1.2 Les représentations intellectuelles de la mort de l’animal
1.2.1 De l’Antiquité jusqu’au Haut Moyen-Âge
1.2.1.1 L’Egypte : des animaux divinisés
1.2.1.2 La conception de la vie animale développée par la pensée grecque
1.2.1.3 Naissance des trois principales religions monothéistes et conceptions de la vie animale
1.2.2 La situation de l’animal dans les sociétés occidentales du Moyen-Âge
1.2.2.1 Suspicion envers les animaux
1.2.2.2 Un rôle positif reconnu
1.2.2.3 L’animal inséré dans un schéma global
1.2.3 La théorie de l’animal-machine
1.2.4 Une remise en cause des thèses cartésiennes
1.2.5 Une compréhension nouvelle du monde animal au XIXème siècle
1.2.6 Une aspiration romantique vers le monde animal
DEUXIÈME PARTIE : HISTOIRE DES MÉTHODES DE MISE À MORT
2.1. La mort donnée à des fins alimentaires
2.1.1 Que signifie abattre des animaux ?
2.1.2 Méthodes de mise à mort des animaux de boucherie jusqu’à la fin du XVIIIème siècle
2.1.3 Les évolutions du XIXème siècle
2.1.4 Les abattages rituels
2.1.4.1 L’abattage selon le rite juif
2.1.4.2 L’abattage selon le rite musulman
2.1.5 Une mort confuse pour certains animaux
2.2. De la sacrification à l’euthanasie
2.2.1 Une mort souvent brutale jusqu’à la fin du XIXème siècle
2.2.2 Une fin de vie moins cruelle
2.2.3 Une nouvelle mission pour les vétérinaires
2.3. La mort des animaux d’expérimentation
2.4. Les animaux condamnés lors de procès
2.5. La mort dans l’arène
TROISIÈME PARTIE : LA MORT DONNÉE AUX ANIMAUX AUJOURD’HUI
3.1. Un nouveau rapport au monde animal
3.1.1 L’évolution du droit animalier
3.1.2 Des liens variables et une mort qui fait débat
3.2. Évolution des conditions d’abattage au XXème siècle
3.3. L’euthanasie animale aujourd’hui
3.3.1 Principe des méthodes actuelles
3.3.2 Rôle du vétérinaire
3.4. La mort sous contrôle
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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