EVALUATION ET OPTIMISATION DES PRATIQUES DES MALADES CHRONIQUES SUR LA PRISE DES MEDICAMENTS

Contexte actuel

   En France, près de 15 millions de personnes, soit 20% de la population, sont atteintes de maladies chroniques [1]. Une situation qui, avec les progrès médicaux et l’allongement de la durée de vie, est amenée à s’accentuer. Le nombre de maladies chroniques augmente avec l’âge : en moyenne 4 pour les 40-64 ans, 5 pour les 65-79 ans et 6 pour les plus de 80 ans [2]. L’addition de plusieurs pathologies s’accompagne inévitablement d’une poly-médication. En France, la moyenne est de 4,1 médicaments par patient de plus de 65 ans [3]. Cette poly-médication, en plus de complexifier le traitement pour le patient, peut s’avérer inappropriée voir délétère en augmentant le risque de survenue d’effets indésirables ou d’interactions médicamenteuses. Ceci impose une vigilance accrue du pharmacien lors de la délivrance des traitements. Le pharmacien doit aussi rester sensible au retentissement de la maladie chronique sur la vie quotidienne du patient. En effet, dès l’annonce du diagnostic, c’est pour le patient le début de nouvelles habitudes qui devront s’installer : multiplication des visites chez le médecin traitant et les médecins spécialistes, analyses biologiques, séjours hospitaliers, fréquentation régulière de la pharmacie ou encore prise quotidienne de médicaments… Ces habitudes pour le patient, pourront générer soucis et contraintes organisationnelles en plus des contraintes physiques, psychologiques, alimentaires, sociales ou encore économiques relevant de la maladie elle-même et de sa prise en charge. Ces impacts multiples vont dépendre à la fois de la gravité de la maladie, de la lourdeur du traitement, du patient et de son entourage ainsi que des professionnels de santé qui vont le suivre et l’accompagner dans la maladie. L’ensemble des études évaluant l’observance médicamenteuse montre que la proportion de malades chroniques respectant leur traitement ne dépasserait pas 50% [4]. C’est-à-dire qu’un patient sur deux prend ses médicaments de manière inappropriée par rapport aux recommandations des professionnels de santé. Ce taux peut toutefois varier d’une pathologie à l’autre. Le tableau suivant (Tableau I) reprend quelques exemples [5].

Dossier pharmaceutique partagé (DPP)

   Il s’agit d’un outil destiné aux pharmaciens d’officines réunissant pour chaque patient, chez un hébergeur central de données, l’historique des médicaments qui lui ont été délivrés. Le DPP permet de connaître l’identification, la quantité et la date de délivrance des médicaments des 4 derniers mois [22]. Les objectifs du Dossier Pharmaceutique sont de favoriser la coordination, la qualité, la continuité des soins et la sécurité de la dispensation des médicaments [23]. Cet outil peut être utile au pharmacien pour mieux aider, orienter et conseiller les patients en fonction de leurs différents traitements. Il permet aussi de lutter contre l’iatrogénie médicamenteuse en intégrant à l’analyse des interactions les médicaments délivrés dans différentes pharmacies.

« A quelle heure dois-je prendre ce médicament ? »

   La réponse à cette question, apparemment simple et courante embarrasse souvent le pharmacien d’officine car il n’existe que peu de données disponibles et faciles d’accès concernant le moment de prise du médicament. Dans la plupart des cas, il est établi que l’administration des médicaments se fait en fonction de repères temporels que sont le lever, les trois repas et le coucher et ceci souvent plus dans un souci d’observance que d’efficacité du médicament. Or, pour le chronobiologiste Alain Reinberg [28] le choix du moment de prise d’un médicament est trop souvent irrationnel puisqu’il n’est que très rarement établi selon des données scientifiques mettant en évidence des modifications de l’effet du médicament selon l’heure de son administration. Sous cet angle, l’administration des médicaments devrait se faire selon des données chronopharmacologiques. L’intérêt sera d’augmenter l’efficacité du traitement, diminuer la posologie et réduire le risque de survenue d’effets indésirables simplement en adaptant le moment de prise. Cette discipline qui vise à mettre en place une démarche d’optimisation chronopharmacologique de l’utilisation des médicaments est la chronothérapie. Elle découle directement de la chronobiologie : l’étude de l’organisation du vivant dans le temps, des mécanismes le contrôlant et des altérations le perturbant.

Connaissance de la maladie et des traitements

   Pour adhérer au traitement, il est essentiel que le patient connaisse et comprenne sa maladie et ses traitements. Or, une étude de 2012 portant sur des personnes âgées de 75 ans et plus a montré que seule la moitié des patients étaient capables de citer le nom ou la fonction de quatre de leurs traitements ou plus [39]. Nous avons fait le même constat lors de nos entretiens où environ un quart des patients ne connaissent qu’approximativement leurs médicaments. Les principales causes énoncées par les patients ou supposées par l’enquêteur étaient un manque d’intérêt, des difficultés ou le refus de compréhension et des troubles de la mémoire… Par exemple, un patient refusait de retenir le nom et les indications de ses médicaments car elle considérait cela comme des informations superflues. Pour prendre son traitement, elle reconnaissait visuellement les boîtes et reliait chacune d’elles à une pathologie. Elle ne ressentait pas le besoin de connaître les détails de ses traitements car elle faisait entièrement confiance à son médecin traitant et son pharmacien. Malgré cette méconnaissance des médicaments, elle a expliqué être très rigoureuse dans la prise de ses traitements. Pour cette patiente, le manque de connaissance représentait surtout un risque en cas de changement de traitement ou de substitution par un médicament générique. A l’inverse pour deux patients, le défaut de connaissance des traitements se traduisait par un défaut d’observance, principalement dû à un manque d’intérêt pour les médicaments et à une « prise à la légère » de la maladie. Enfin un patient, bien que rigoureux sur la prise de ses traitements confondait le traitement de fond de sa BPCO et le traitement de crise. Ces exemples montrent différentes conséquences possibles du manque de connaissances de la maladie et des traitements sur la prise en charge des patients. Chaque patient étant différent, le pharmacien doit savoir adapter ses explications afin de répondre au mieux aux attentes et besoins des patients. Grace aux entretiens, nous avons pu mieux comprendre les difficultés de chaque patient et élaborer des réponses plus spécifiques. Par exemple, pour deux patients, motivés à se soigner, il n’a pas été nécessaire de rappeler les risques et conséquences de leurs pathologies. Nous avons simplement expliqué au patient la nuance entre traitement de fond et traitement de crise de la BPCO et précisé quels médicaments correspondaient à quelle situation. Pour l’autre patient, nous avons simplement mise en garde sur les risques de confusion en cas de nouveaux traitements ou changement de packaging. Pour deux patients, un travail de fond plus important sur la motivation à se soigner était nécessaire : il leur a été proposé de mettre en place un suivi pour discuter plus régulièrement de leurs pathologies et traitements. Il a été démontré que les patients ne se souviennent environ que de la moitié des informations transmises oralement. Les principales informations retenues sont les premières évoquées et celles jugées importantes par le patient [5]. Il est donc essentiel de répéter régulièrement ces informations au patient et de veiller à leur bonne interprétation. Par exemple, la mise en garde contre la survenue d’effets indésirables peut conduire le patient à diminuer son traitement. C’était le cas d’un patient, diabétique et inquiet de la prise quotidienne de médicaments sur une longue durée. Son raisonnement était donc de ne prendre ses traitements que lorsque ses glycémies augmentaient ou lorsqu’il faisait desexcès alimentaires. Le pharmacien doit donc prendre garde à la manière dont il évoque la maladie, les traitements et les risques d’effets indésirables. Ce phénomène se retrouve fréquemment chez les patients qui lisent entièrement les notices des médicaments et leurs listes interminables d’effets indésirables. Un autre exemple de représentation négative est le cas des médicaments génériques. Souvent présentés comme des médicaments moins chers, ils sont une source de confusion et de méfiance quant à leur qualité. Lors de la délivrance du traitement, le pharmaciendoit savoir rassurer le patient en expliquant les notions de « générique », « DCI » et de « nom de marque » et inscrire le nom des spécialités correspondantes sur les boîtes de génériques. Il faut aussi tenir compte du degré d’acceptation de la maladie par le patient. Idéalement, pour être observant, le patient doit se sentir concerné et prendre une part active à la prise en charge de ses pathologies. S’il n’a pas le sentiment « d’être malade » ou s’il se trouve dans le déni de la maladie, il peut avoir un comportement irrationnel face à sa pathologie. C’était le cas d’un patient, souffrant d’un cancer de la vessie, mais refusant d’aborder le sujet et de consulter l’urologue. Enfin, certaines pathologies telles que les démences ou les troubles du comportement peuvent modifier les capacités du patient à suivre correctement ses traitements. C’est le cas pour un patient gérant seul ses médicaments. Elle avait du mal à s’organiser avec ses médicaments. Elle a expliqué avoir des troubles de la mémoire et lors de l’entretien, nous avons pu noter un déficit cognitif (réponses incohérentes, difficultés de compréhension). Cette patiente n’était probablement plus capable de gérer seule son traitement. Une évaluation plus approfondie de l’état cognitif et du degré d’autonomie par le médecin traitant était nécessaire afin de déterminer si elle devait bénéficier d’aide à domicile.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE GENERALE DE LA LITTERATURE
CHAPITRE 1 : PRISE EN CHARGE GLOBALE DU PATIENT
I. Contexte actuel
II. Evolution des pratiques officinales
III. Moyens et outils disponibles à la prise en charge globale du patient à l’officine
IV. Bilan de médication
CHAPITRE 2 : CHRONOTHERAPIE
I. Introduction
II. Chronobiologie médicale
III. Chronopharmacologie
IV. Chronothérapie
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I. Méthodes
I.1. Cadre de l’étude
I.2. Type d’étude
I.3. Période et durée de l’étude
I.4. Population d’étude
I.5. Mode d’échantillonnage et taille de l’échantillon
I.6. Paramètres étudiées
I.7. Mode de collecte des données
I.8. Mode de saisie et analyse des données.
I.9. Limites de l’étude
I.10. Considérations éthiques et déontologiques
II. Elaboration du référentiel sur les moments de prise des médicaments
RESULTATS
I. Référentiel sur les moments de prise des médicaments
II. Entretiens patients
II.1. Caractéristiques démographiques de la population
II.1.1. Age
II.1.2. Genre
II.1.3. Nationalité
II.1.4. Catégorie socioprofessionnelle
II.1.5 Nombre moyen de médicaments par patient
II.2. Recueil des informations
II.2.1. Renouvellement des ordonnances
II.2.2. Médicaments incriminés
II.2.3. Etat des connaissances et suivi de la maladie et des traitements
II.2.4. Tolérance et ressenti du patient par rapport à la prise des médicaments au quotidien
II.2.5. Organisation du patient dans la prise de ses médicaments
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. Approche de l’étude
II. Analyse des résultats des entretiens
III. Avantages de l’entretien pharmaceutique dans la prise en charge du patient chronique
IV. Vers l’intégration du bilan de médication dans la pratique officinale
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *