Evaluation du rôle des feux de brousse sur la composition

Contexte 

Contexte local

L’île de Madagascar a attiré l’attention du monde scientifique depuis plusieurs décennies grâce à son niveau de diversité et d’endémisme élevé. Les premiers explorateurs de l’île la décrivent comme la source d’une grande diversité résultant de 100 millions d’années d’isolement tectonique, d’une vaste gamme de climats et de sols et d’une grande variété topographique (Basse 1934; Du Puy & Moat 1996; Kull 2000). Les évaluations actuelles suggèrent que la flore Malgache est composée d’environ 13 à 14 mille espèces, dont plus de 90 % d’endémiques (Phillipson et al. 2006), qui appartiennent à une large gamme de types de végétation autochtone (Moat & Smith 2007). Ces formations végétales ont été fortement dégradées ou remplacées par des formations secondaires résultant des activités humaines (Lowry II, Schatz, & Phillipson 1997).

Le bois de tapia, dominé par l’espèce endémique Uapaca bojeri (Phyllanthaceae), est une formation sclérophylle de moyenne altitude (Koechlin, Guillaumet, & Morat 1974) limitée aux Hautes Terres malgaches. Ce type de végétation est présent dans quatre zones principales (les massifs d’Ibity, d’Itremo, d’Isalo et la région d’Imamo) dont un seul site fait partie du Système des Aires Protégées de Madagascar (Parc National d’Isalo). Cette formation adaptée et résistante au régime de feu naturel de la région est présente aujourd’hui dans des massifs fragmentés, dispersés et isolés, couvrant une surface équivalente à 132,255ha (Alvarado et al. 2012). La plupart des formations autochtones boisées dans la région des Hautes Terres ont été remplacées par des formations herbeuses secondaires formées au cours des derniers 1500 à 2000 ans en raison d’une augmentation de la fréquence des feux due à l’action de l’homme, et donc supérieure à celle du régime naturel. Ces prairies sont brûlées annuellement pour renouveler les pâturages pour le bétail, le nettoyage des cultures, ou le contrôle des parasites (Kull 2000) mais ces feux mal contrôlés se communiquent souvent aux bois de tapia. Aujourd’hui les rémanents des bois de tapia ont une vaste couche herbacée et une canopée ouverte avec une représentation importante des espèces ligneuses appartenant à des familles endémiques comme les Asteropeiaceae et les Sarcolaenaceae (Lowry II et al. 1997). Les pratiques traditionnelles de gestion semblent avoir épargné les fragments de bois de tapia parce que cette végétation joue un rôle primordial dans l’économie locale comme source importante de fruits comestibles, de bois de chauffage, de bois de construction, de champignons, et de plantes médicinales mais aussi comme habitat pour le ver à soie sauvage (Borocera madagascariensis), dont les cocons sont collectés par la population locale pour la production de soie (Gade 1985; Kull 2002a). Cependant, actuellement les vestiges de bois de tapia sont fragmentés et transformés par un régime de feu changeant (Kull 2002a; Kull, Ratsirarson, & Randriamboavonjy 2005). Aujourd’hui les méthodes traditionnelles sont encore utilisées, mais des pratiques plus récentes ont causé la dégradation de ces bois de tapia par l’augmentation des zones de culture et le pâturage, l’exploitation illégale et la commercialisation des ressources naturelles, le reboisement avec des espèces exotiques à grande capacité d’envahissement comme l’eucalyptus (Eucalyptus robusta Sm.), le pin Baguio (Pinus kesiya Royle ex Gordon) et l’acacia (Acacia dealbata Cunningham) et les changements du régime de feu.

Afin d’augmenter la protection du bois de tapia, deux massifs quartzitiques, le massif d’Ibity et le massif d’Itremo, ont été proposés comme nouvelles aires protégées (Birkinshaw et al. 2004, 2006). En décembre 2008, un ordre de protection provisoire a été publié pour Ibity et a été renouvelé en décembre 2010. L’inscription définitive dans la liste des AP est en attente. Cette nouvelle aire protégée couvre approximativement 6136 ha et contribue au Système des Aires Protégées de Madagascar (SPAM), qui a prévu d’augmenter l’aire totale de protection jusqu’à 6 millions d’hectares (environ 10% du pays) (Borrini-Feyerabend & Dudley  2005). L’aire protégée d’Ibity protégera la plupart des environnements caractéristiques du massif soit la forêt dense et le bois de tapia, la savane boisée sur substrats quartzitiques qui héberge de nombreuses espèces rares et menacées d’extinction comme les Pachypodium. Le projet de conservation et de restauration, basé sur la participation de la communauté, est coordonné par le Missouri Botanical Garden (MBG – Programme de Madagascar, Antananarivo) en coopération avec les institutions malgaches clés et les communautés locales (MBG 2012). L’initiative du MBG a impliqué la mise en place d’une approche participative de la population et de programmes d’éducation environnementale basés, d’une part sur la prise de conscience de la nécessité de conservation du massif d’Ibity, de son  importance économique, des menaces pesant sur sa biodiversité et des efforts à faire afin de réduire la fréquence des feux.

Le feu est en effet considéré comme une perturbation qui affecte toutes les étapes du cycle démographique d’une espèce, d’une population ou d’une communauté. Jusqu’à présent, aucune étude sur la détermination de la fréquence des feux à Ibity n’a été réalisée, ce qui limite la discussion des résultats et les recommandations pour la gestion du feu autour du massif. L’objectif principal de cette recherche entamée en 2008 est donc de définir les caractéristiques écologiques du massif  d’Ibity ainsi que les relations entre le feu et la végétation. Les données obtenues participeront à l’élaboration du plan de gestion durable et de restauration écologique dans le massif. La section suivante décrit les objectifs précis de ce travail.

Contexte scientifique 

Nathan et Muller-Landau (2000) ont montré que parmi les processus spatiaux pour déterminer la structure et la dynamique de populations et de communautés, les « patrons de distribution » sont des processus démographiques spatiaux cruciaux. Les patrons de dispersion déterminent les zones potentielles de recrutement, expliquent la coexistence d’espèces (Tilman 1997), et permettent d’expliquer d’autres processus ultérieurs tels que la prédation, la compétition et la reproduction. Selon leur modèle (Figure 0-1) dans un premier temps, la production de graines reflète des influences environnementales, comprenant non seulement des facteurs abiotiques, mais aussi des facteurs biotiques comme les interactions avec d’autres espèces de plantes ou d’animaux. Ces interactions sont particulièrement associées aux caractéristiques et comportements des pollinisateurs, qui sont sous l’influence à la fois des caractéristiques de l’environnement et de la distribution des plantes. Dans un deuxième temps, la distribution spatiale des graines est le résultat de la réponse des agents de dispersion aux caractéristiques des plantes, à leur distribution et aux conditions environnementales. Ainsi, la relation entre les patrons de distribution (y compris la production des graines et leur dispersion), les variations des conditions environnementales et l’action des agents de dispersion secondaire, la perte de graines post-dispersion et leur incorporation dans la banque de graines permanente du sol. La pluie de graines, la banque de graines et les conditions environnementales, avec les effets spécifiques du génotype, codéterminent la germination et, donc, le patron de dispersion des plantules. La survie et la croissance des plantules dépendent de conditions environnementales et déterminent la distribution des adultes.

Ce modèle a été adapté ici pour l’étude des bois de tapia à Ibity car il inclut tous les processus et les facteurs qui affectent le cycle démographique d’une espèce, d’une population ou d’une communauté. Pour comprendre les effets du feu sur la végétation de ce massif et notamment sur la régénération des espèces dans le bois de tapia, il est nécessaire de détecter l’étape ou les étapes dans ce cycle démographique où il y a un blocage (production et/ou dispersion des graines, germination, croissance, survie, mortalité, etc.), et les facteurs biotiques et abiotiques que causent ce blocage. L’état actuel de la végétation de bois de tapia est donc le résultat de l’interaction de ces processus et des facteurs qui les influencent. Cette étude a pour but d’étudier certains de ces processus avec un regard particulier sur le feu comme facteur abiotique affectant le cycle démographique.

Aspects Fondamentaux

Biologie de la conservation

La biologie de la conservation est une discipline scientifique de synthèse d’apparition relativement récente. Elle s’attache à étudier les causes de la perte de diversité biologique à tous les niveaux (génétique, des populations, des écosystèmes, etc.) et à trouver comment minimiser cette perte (Soulé 1985; Groom, Meffe, & Carroll 2006; Hunter & Gibbs 2006). Les objectifs de la biologie de la conservation sont : 1) d’étudier et de décrire la diversité du monde vivant ; 2) de comprendre les conséquences de l’activité humaine sur le fonctionnement des espèces, communautés et écosystèmes ; et 3) de développer des approches interdisciplinaires appliquées, de protection et de restauration de la diversité biologique (Millennium Ecosystem Assessment 2005). Ses objectifs varient selon le niveau hiérarchique de biodiversité envisagé, par exemple les écosystèmes ou les espèces animales et végétales menacés, ou la conservation des ressources génétiques des organismes domestiques (Hunter & Gibbs 2006).

Pour quoi conserver la diversité?

La diversité est définie comme la variété de la vie dans toutes ses formes (les plantes, les animaux, les champignons, les bactéries, etc.) et dans tous ses niveaux d’organisation (des gènes, à l’espèce ou l’écosystème) (Hunter & Gibbs 2006). La biodiversité inclus des composantes structurelles ainsi que fonctionnelles, des processus écologiques et évolutifs au travers desquels les gènes, les espèces et les écosystèmes interagissent entre eux et leur environnement. La diversité est souvent mesurée à travers des indices quantitatifs de diversité basés sur la richesse et leur abondance relative (Meffe & Carroll 1997). Pourtant, ces indices quantitatifs de diversité ne sont pas forcément les critères les plus adaptés pour assurer le maintien de la diversité. Dans certains cas, avoir une valeur élevée de diversité est moins importante en comparaison à d’autres critères tels que le risque d’extinction des espèces.

Aujourd’hui la perte et/ou la transformation des habitats sont les menaces principales qui causent la diminution de la diversité biologique (Primack & Ralls 1995; Lawler et al. 2006). Cela est également une des causes principales de la modification des processus écologiques et de la modification des cycles biogéochimiques. L’intérêt de conserver la biodiversité provient du fait qu’elle est fortement menacée par les activités humaines (Corvalan, Hales, & McMichael 2005; Nellemann & Corcoran 2010). Les taux actuels d’extinction des espèces montrent des fréquences plus élevées que ceux rapportés pour les extinctions passées (Frankham, Ballou, & Briscoe 2002; Millennium Ecosystem Assessment 2005; Butchart et al. 2010). L’augmentation des taux d’extinction est due soit à la dégradation, la transformation ou la destruction de l’habitat soit à l’extermination ou à la collecte d’espèces particulières, ces deux actions étant les causes directes d’extinction des espèces (Lawler et al. 2006); la fragmentation de l’habitat et l’introduction d’espèces invasives causent de manière indirecte l’extinction des espèces fragiles (Soulé 1991; Meffe & Carroll 1997).

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Table des matières

Introduction
1. Contexte
1.1. Contexte local
1.2. Contexte scientifique
2. Objectifs
3. Aspects Fondamentaux
3.1. Biologie de la conservation
3.1.1. Pour quoi conserver la diversité?
3.1.2.Principes de la biologie de la conservation
3.2. Dynamique de végétation
3.2.1.Les communautés végétales
3.2.2. Les perturbations
3.3. Ecologie du feu
3.3.1. Le régime du feu
3.3.2. Comportement du feu
3.3.3. Dynamique du feu : l’équilibre Savane-Forêt
4. Le cas des forêts de tapia à Madagascar
4.1. Le feu à Madagascar
4.2. Les forêts sclérophylles de moyenne altitude
4.2.1.Classification
4.2.2. Le bois de tapia et le feu
Conclusion

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