Études sur l’effet d’un champ électrique sur l’oxydation des métaux

Études sur l’effet d’un champ électrique sur l’oxydation des métaux

L’étude de l’effet d’un champ électrique sur la réactivité des matériaux et particulièrement sur l’oxydation des métaux à haute température a été abordée expérimentalement et théoriquement depuis les années 50. Récemment, ce sujet a attiré l’intérêt de la communauté scientifique grâce à ses multiples applications sur le développement des nouvelles technologies, telles que les piles à combustible, les nano-outils, la protection des matériaux utilisés à ultra haute température (UHT) et les techniques de transformation de matériaux ou de densification de céramiques sous l’application d’un champ électrique.

L’une des premières études sur l’oxydation du cuivre sous air à 150°C a été menée par Uhlig et Brenner [1], où le champ électrique a été appliqué à travers des échantillons en forme de plaquettes (2,5×2,5×0,6cm), qui jouent le rôle d’électrodes dans un montage type condensateur, comme le montre la figure I.1(a). Cependant, ils n’ont pas vu l’influence sur la cinétique d’oxydation de cuivre en appliquant des champs électriques aussi élevés que 155×104 Volts/m. De même, Cismaru et Cismaru [2] ont été incapables d’influencer la vitesse d’oxydation de Zinc sous oxygène en imposant un champ électrique dans un montage de type condensateur représenté sur la figure I.1(b). Jorgensen [3] suggère que dans ce type de montage, toute la chute de potentiel se produit à travers le gaz ; par conséquent, aucun champ électrique ne se développe à travers la couche d’oxyde. Cette absence de champ électrique explique les résultats d’Uhlig et Brenner et Cismaru et Cismaru.

Jorgensen a donc proposé un montage expérimental où il y a un contact direct entre les électrodes et la surface externe de l’échantillon, de sorte que la chute de tension se produit uniquement à travers la couche d’oxyde (Figure I.1(c)). De cette façon, Jorgensen [4] a montré que l’oxydation du silicium à 850°C sous oxygène est contrôlée par la diffusion des anions à travers la couche d’oxyde et que, par conséquent, il est possible d’augmenter ou de diminuer sa cinétique avec l’application d’un champ électrique égal à 106 Volts/m, en fonction de sa direction par rapport à l’interface métal/oxyde (Figure I.2(a)). Néanmoins, certaines des interprétations présentées dans cette publication ont provoqué plusieurs controverses ; par exemple Raleigh [5] a affirmé que l’effet du champ ne prouve pas un contrôle par la diffusion puisque l’étape limitante pourrait être une réaction d’interface comme la formation de lacunes anioniques. Cette critique a suscité un échange assez vigoureux de lettres aux éditeurs entre Jorgensen et Raleigh dans le « Journal of Electrochemical Society » [6], [7].

Jorgensen [3] a également étudié (avec un montage expérimental similaire) l’effet de l’application d’un champ électrique (33.104 Volts/m) sur l’oxydation du Zinc à 375 °C sous oxygène pur. À différence de Cismaru et Cismaru [2], il a conclu qu’il est possible d’influencer la diffusion des ions Zn2+ dans la couche d’oxyde et par conséquence, d’augmenter ou de diminuer la cinétique de corrosion en fonction de l’orientation du champ par rapport à l’interface métal/oxyde (Figure I.2(b)). Dans ce cas, la tension mesurée (U) est proportionnelle à l’épaisseur de la couche d’oxyde (X) selon l’équation I.1 où ρ est la résistivité électrique de l’oxyde, I est l’intensité du courant et A la surface de l’électrode. La principale hypothèse de Jorgensen a été de supposer que le système garde un comportement de type ohmique pour toutes les valeurs de tension et de courant, ce qui n’est pas toujours le cas.

𝑈 = 𝐼𝑅 = I(𝜌X/A) (Eq. I.1)

D’autres auteurs comme Ritchie et al. [8] ont étudié l’influence d’un champ électrique (107 Volts/m) sur l’oxydation du Nickel à différentes températures. Ils ont mis en évidence le fait que la vitesse de la réaction est augmentée à des températures supérieures à 350°C, si l’interface oxyde/oxygène est polarisée négativement par rapport au métal, ce qui est cohérent avec les résultats à Jorgensen sur le Silicium et sur le Zinc [3], [4]. En revanche, entre 250 et 350°C, l’effet du champ électrique est retardant. Ils ont attribué ce phénomène à un changement de l’étape limitante. Au dessus de 350°C la cinétique est contrôlée par diffusion de Ni2+ via des lacunes cationiques dans la couche d’oxyde et en dessous de 350°C l’oxydation est limitée par la formation de lacunes cationiques à l’interface gaz/oxyde.

Plus tard Roy, Ananth et Bose [9] ont montré que l’application de deux manières différentes d’un courant électrique peut provoquer des effets opposés sur la cinétique de corrosion du cuivre sous air entre 700 et 850°C. Une densité de courant de 250A/m2 appliquée de manière continue génère une accélération de la vitesse d’oxydation quand le métal joue le rôle de cathode (connecté à l’électrode négative de la source) (Figure I.3(a)). Cette accélération est attribuée à l’augmentation de la diffusion cationique à travers la couche de Cu2O [9], [10]. À l’opposé un courant de la même intensité appliqué de manière interrompue (courant coupé pendant 90 sec dans chaque période d’exposition), retarde la croissance de l’oxyde quand l’interface oxyde/oxygène est polarisée négativement (Figure I.3(b)). Ils expliquent ce phénomène par un mécanisme complexe où la formation de lacunes est limitée par l’électrolyse de l’oxyde. Ils ont aussi mis en évidence une différence entre l’oxydation du cuivre et ses variétés dopées au Cr et au Li, sous condition normale et sous condition de court-circuit ; c’est à dire avec une connexion électrique de basse impédance entre l’interface métal/oxyde et l’interface oxyde/gaz [9], [11]. Ils ont trouvé qu’à des températures inférieures à 500°C les valeurs de la constante d’oxydation parabolique (kp) sont plus faibles en courtcircuit pour le Cu et le Cu(Li), alors que le cuivre dopé au chrome présentait une augmentation du kp par rapport à son oxydation normale dans la même gamme de température (Figure I.4(a)). Cependant, audessus de 500 °C, les trois systèmes soumis à l’arrangement en court-circuit présentent des vitesses plus importantes (Figure I.4(b)). Ces résultats ont été expliqués en termes de la variation de concentration de défauts et du gradient de potentiel électrochimique dans la couche Cu2O, provoqués par les éléments dopants.

L’effet du champ électrique appliqué à l’oxydation des métaux a aussi été traité théoriquement par plusieurs auteurs. Kroger [12] a fait une extrapolation de la théorie de Wagner [13] sur l’oxydation dans des conditions de circuit ouvert afin d’inclure l’effet des champs électriques externes sur la cinétique contrôlée par diffusion. Hinze J. W. [14] a comparé les calculs théoriques de ce modèle avec ses résultats expérimentaux et ceux de Jorgensen [4] sur l’oxydation du Silicium à 850°C sous oxygène avec l’application d’un champ électrique .

Par ailleurs Cabrera et Mott [15] ont postulé que les ions d’oxygène chargés négativement créent une différence de potentiel à l’intérieur de l’oxyde lorsqu’ils sont adsorbés sur la surface externe. Cette différence de potentiel est considérée comme l’une des forces motrices qui induisent la migration des ions métalliques positifs ou des lacunes anioniques à la surface d’oxyde. Si cette migration représente le facteur de contrôle de la vitesse d’oxydation, l’influence d’un champ électrique externe modifie cette force et par conséquent peut augmenter ou diminuer la cinétique de corrosion. Cependant, I. Zaplatiskyn [16] a trouvé que la différence de potentiel à travers la couche d’oxyde pendant l’oxydation du Tantale, du Niobium et du Magnésium entre 400 et 700°C présente une polarité opposée à celle proposée par Cabrera et Mott.

Plus récemment, l’utilisation de nouvelles technologies a demandé une meilleure compréhension du rôle du champ électrique sur la réactivité des matériaux. Par exemple, au cours des dernières années la recherche scientifique s’est beaucoup intéressée aux domaines des nanotechnologies et des nanostructures (à l’échelle des nano-fils, des nano-tiges, des nano-aiguilles, etc.). La raison est simple : leur importance dans les nano-outils, les systèmes de nano-précision et les applications potentielles en photoluminescence, capteurs, émission de champ, catalyseurs, etc. À cet égard, en 2010, Xiaozhu Li et al. [17] ont étudié comment la croissance et la morphologie des nano-aiguilles de CuO à 730°C sont influencées par l’application d’un champ électrique (entre 1000 et 5000 Volts/m). Ils ont observé que la taille des nano-aiguilles de CuO augmente et devient plus uniforme en fonction de l’intensité du champ jusqu’à 3000Volts/m, même si un arrangement sans contact électrode/substrat a été employé. Ce processus serait dû à la diffusion des cations Cu2+ dans la direction préférentielle du champ électrique. Pour des valeurs supérieures à 3000Volts/m, la croissance des nano-aiguilles est limitée à une hauteur constante grâce à l’absorption limitée des ions oxygène à l’interface oxyde/gaz (Figure I.6).

En 2012, Kawamura et al. [18] se sont intéressés à l’étude de l’influence d’un courant électrique sur l’oxydation à 800°C d’un alliage Fe–25Cr utilisé comme interconnecteur de cellules dans les piles à combustible de type SOFC. Cette oxydation provoque la diminution de la conductivité électrique du matériau et, par conséquent, la performance et l’efficacité de la pile sont affectées. Le résultat est présenté dans la Figure I.7(a). Le passage du courant (0,5 A/cm²) génère une épaisseur de la couche d’oxyde plus importante du côté de l’anode (Ni-YSZ) et plus faible du côté de la cathode (LSM), par rapport à la couche formée sans courant.

La cinétique d’oxydation dans ce système est contrôlée par la diffusion des ions Cr3+ dans la couche d’oxyde, donc les auteurs attribuent ainsi cet effet à l’augmentation de la migration des cations vers l’anode et la limitation de cette migration vers la cathode, résultant de la différence de potentiel produite pour fournir le courant (Figure I.7(b)).

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Table des matières

Introduction
Notations
Chapitre I : étude bibliographique
I.1. Études sur l’effet d’un champ électrique sur l’oxydation des métaux
Conclusions
I.2. Champ Electrique intrinsèque de l’oxydation : Approche théorique
I.3. Oxydation des alliages à base de Zr
I.3.1. La Zircone
I.3.2. Cinétique d’oxydation des alliages à base de Zr
I.3.2.1. Pré-Transition
I.3.2.2. Transition Cinétique
I.3.3. Mécanisme d’oxydation pré-transitoire des alliages à base de Zr
I.3.3.1. Adsorption et dissociation de l’oxygène à l’interface oxyde/gaz
I.3.3.2. Incorporation des ions oxygène dans le réseau de l’oxyde
I.3.3.3. Diffusion des ions oxygène à travers la couche d’oxyde Diffusion via lacunes d’oxygène. Modèle du saut
I.3.3.4. Transport électronique dans la couche d’oxyde Jonction métal/semi-conducteur
I.3.3.5. Dissolution de l’oxygène dans le substrat métallique
I.3.3.6. Incorporation des cations Zr4+ dans le réseau de l’oxyde
I. 4. Oxydation du Composite à base de Niobium (MASC)
I. 4. 1. Cinétique d’oxydation du MASC
I. 4. 2. Mécanisme d’oxydation de MASC
Chapitre II : démarche et méthodologie expérimentale
II. 1. Présentation de la démarche
II. 2. Matériaux d’étude
II. 2. 1. Zirconium
II. 2. 2. Zircaloy-4
II. 2. 3. Composite à base de Niobium (MASC)
II. 2. 4. Échantillons
II. 3. Couplage thermogravimétrie/tension électrique
II. 3. 1 Montage expérimental
II. 3. 2 Configurations de mesure
II. 4. Protocole expérimental
II. 4. 1 Méthode des décrochements
II. 4. 2 Courbe de polarisation
II. 4. 3 Caractérisation des échantillons
Chapitre III. MASC : résultats et discussion
III. 1. Conditions expérimentales et validation du régime parabolique (hors courant électrique)
III. 2. Oxydation sous Tension Electrique à 850°C
III. 2. 1. Comportement électrique
III. 2. 2. Épaisseur des couches d’oxyde sous tension électrique
III. 2. 3. Modèle thermique
III. 3. Conclusion
Chapitre IV. Zirconium et Zircaloy-4 : résultats et discussion
IV. 1. Conditions expérimentales et validation du régime parabolique
IV. 2. Validation du montage expérimental pour mesure sous tension électrique
IV. 3. Calcul du flux d’oxygène et effet attendu de l’application d’une tension électrique
IV.3.1 Calcul du flux d’oxygène
IV.3.2 Effet attendu de l’application d’une tension électrique
IV. 4. Oxydation sous Tension Electrique
IV.4.1 Résultats avec deux grilles en platine fonctionnant en tant qu’électrodes (Configuration A)
IV.4.1.1. Comportement électrique
IV.4.1.2. Cinétique d’oxydation sous tension
IV. 4.2 Résultats avec le substrat métallique fonctionnant en tant qu’électrode (Configuration A, Chapitre II)
IV. 5. Approche Electrochimique
IV. 5.1 Mesure du courant issu de la réaction d’oxydation
IV. 5.2 Mesure du potentiel pendant l’oxydation
IV. 5.3 Cinétique d’oxydation des échantillons avec dépôt d’or
IV.5.3.1. Cinétique en circuit fermé et en circuit ouvert
IV.5.3.2. Cinétique sous tension externe
IV. 5.4 Courbes de polarisation
IV.5.4.1. Hystérésis de la courbe
IV.5.4.2. Analyse des domaines de la courbe de polarisation
IV.5.4.3. Évolution de la courbe de polarisation au cours du temps d’oxydation
IV.5.4.4. Courbe de polarisation sous He
IV. 6. Discussion de résultats et modèle électrique
IV. 6.1 Modèle électrique sous O2
IV. 6.2 Modèle électrique sous He
IV. 6.3 Aspect non ohmique de la courbe de polarisation sous O2
Conclusions générales

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