Étude rétrospective des patients victimes d’un traumatisme crânien léger

INTRODUCTION

   Les traumatismes crâniens légers (TCL) se définissent par une interruption temporaire du fonctionnement habituel du cerveau par des forces biomécaniques externes et se caractérisent par un score de Glasgow compris entre 13 et 15 sur l’échelle de Glasgow (1). Leur incidence dans la population générale varie entre 150 et 300/100 000 habitants en France. C’est donc un motif fréquent de consultation au sein des services d’accueil des urgences français (SAU), représentant plus de 150 000 passages annuels (2)(3) . En outre, leur prise en charge représente un coût collectif considérable, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards d’euros chaque année en Europe (4). Ce coût est l’un des plus élevés en traumatologie, toutes causes confondues, ce qui en fait un véritable enjeu de santé publique. La morbi-mortalité des TCL est faible et la plupart seront finalement qualifiés de TC bénins à l’issue de leur prise en charge hospitalière. Cependant, environ 8 % des patients présenteront des lésions hémorragiques intracrâniennes (LIC) non neurochirurgicales et 1 % nécessiteront un recours à la neurochirurgie (5)(6). Les troubles séquellaires peuvent être multiples (séquelles neurologiques, troubles neuropsychologiques et psychiatriques) et entrainer, à plus long terme, un véritable handicap à l’échelle de l’individu (7). La prise en charge des TCL au sein des SAU entraîne nécessairement des problématiques de coût, d’accès au scanner et de lits d’hospitalisation. Il en résulte une augmentation de la durée de passage des patients, participant ainsi à la saturation des SAU en France. Il est donc primordial que la prise en charge d’un patient victime d’un TCL s’inscrive dans une démarche clinique rigoureuse afin de détecter les patients à risque de LIC et de réduire ainsi les séquelles à court et à long termes. Dans ce contexte, et afin d’optimiser le recours à l’imagerie cérébrale et à l’hospitalisation, la Société Française de Médecine d’Urgence (SFMU) publie en mars 2012 des recommandations de bonnes pratiques fondées sur l’évaluation clinique du risque de LIC(8) . Celles-ci identifient notamment les traitements antithrombotiques (AT) comme facteurs de risque indépendants de LIC (9)(10) pouvant engager rapidement le pronostic vital et fonctionnel du patient. De ce fait, les patients sous AT, victimes d’un TCL nécessitent une vigilance accrue impliquant une prise en charge initiale efficace et une surveillance rapprochée lors d’une hospitalisation d’au moins 24 heures dans un service adapté. Mais l’application de ces recommandations est-elle toujours respectée ? C’est pourquoi nous nous sommes intéressés à la population adulte, consultant au SAU de la Timone pour TCL. Nous avons ainsi relevé l’ensemble des données anamnestiques, cliniques et les résultats des examens complémentaires afin de mieux comprendre cette pathologie et d’améliorer sa prise en charge. L’objectif principal de notre étude est d’analyser la concordance de prise en charge des TCL chez l’adulte, entre la pratique courante au sein du SAU de la Timone et les recommandations émanant de la SFMU. Les objectifs secondaires sont : de rechercher des facteurs de risque de non-concordance s’agissant du recours au scanner cérébral et à l’hospitalisation, d’analyser spécifiquement le sous-groupe des patients sous traitement AT et de rechercher des facteurs de risques de lésions intracrâniennes.

DISCUSSION

   Dans notre étude, la prise en charge des patients adultes admis pour TCL au SAU de la Timone concorde dans 1 cas sur 2 avec les recommandations de la SFMU. Les nonconcordances portaient principalement sur un défaut d’hospitalisation ou un excès de recours au scanner cérébral. En effet, 206 scanners cérébraux (1 scanner sur 3) étaient réalisés par excès et 368 patients n’ont pas été hospitalisés en dépit des recommandations. L’application stricte de ces recommandations diminuerait le nombre de scanners effectués, mais augmenterait également le nombre d’hospitalisations. Ainsi tout l’enjeu pour l’urgentiste est d’améliorer la qualité des soins et d’en évaluer la pertinence sans nuire à son patient. En effet, les TCL constituent un énorme coût pour nos sociétés et un véritable problème de santé publique. On peut alors se poser les questions suivantes : les recommandations de la SFMU de 2012 sont-elles réellement applicables en pratique ? Comment améliorer et optimiser la prise en charge de nos patients au sein des services d’urgence ? En prenant séparément chaque critère, la décision de réalisation d’une imagerie cérébrale respecte les recommandations de la SFMU dans 4 cas sur 5 (78%). Comparativement, ce chiffre est meilleur que dans d’autres services de France. En effet, au CHU de Tours, ce chiffre n’est que de 57% (12) et aux urgences du CHU de Bichat à Paris, il est de 66 % (13) . La décision d’hospitalisation du patient respecte quant à elle les recommandations de la SFMU dans 2 cas sur 3 (67%). Ici en revanche, ce chiffre est moins bon que dans d’autres hôpitaux. En effet, au CHU de Tours, il est de 76% (12) et aux urgences du CHU de Bichat à Paris, il est de 75 % (13). Comme nous venons de le voir, certaines variables semblent être associées de manière significative à une non concordance de prise en charge. Il s’agit notamment d’un âge avancé et de la présence d’un état d’ébriété. Ainsi la prise en charge optimale des TCL chez les sujets âgés et les personnes alcoolisées semble être plus compliquée en pratique courante. Les personnes âgées présentent une forte prévalence de pathologies neurosensitives, rhumatologiques, arthrosiques et cérébrales, et sont donc plus à risque de chuter que la population générale (14). De plus, dans notre étude, cette population est plus fréquemment traitée par AAP. Ce qui est en accord avec les données de la littérature(15) . Également, une part importante de ses sujets sont hypertendus, ce qui explique nos résultats. D’autre part, les personnes âgées sont plus à risque de troubles cognitifs, lesquels pouvant altérer l’objectivité de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Cela constitue une difficulté supplémentaire dans leur prise en charge. Un syndrome démentiel avec agitation et confusion pourra alors s’apparenter pour le clinicien à un signe d’atteinte cérébrale. De même que la confusion dans l’alcoolisation aigüe. Notre étude a inclus 1098 patients lui conférant une puissance statistique correcte. La population recrutée diffère par certains points des données épidémiologiques françaises (6). Les femmes sont plus touchées par les TCL que les hommes au-delà de 75 ans. En revanche, nos données sont concordantes avec la littérature chez les sujets jeunes de moins de 45 ans, où les hommes sont d’avantages victimes de TCL. On retrouve essentiellement deux pics d’incidence : chez les moins de 45ans et les plus de 75ans avec pour chaque tranche d’âge des mécanismes lésionnels différents. Les TCL chez les sujets jeunes étaient très majoritairement secondaires à une agression ou à un AVP et concernaient principalement des hommes. Tandis que les sujets âgés de plus de 75 ans étaient plutôt victimes de chute, préférentiellement des femmes. Dans notre étude, la première cause de survenue de TCL est la chute puisqu’elle concerne 60% de nos patients. Ce résultat est en corrélation avec les dernières données épidémiologiques françaises de 2019 où les chutes sont devenues la première cause de TC, secondée par les accidents de la voie publique qui ont longtemps occupé la première place (16) . Les programmes de prévention routière ayant été largement responsables de la baisse des accidents de la circulation. En revanche, les agressions constituent la deuxième cause la plus fréquente de TCL à Marseille puisqu’elle concerne 21% de nos patients, alors que la littérature décrit les AVP comme étant la deuxième cause (16) . Ceci pourrait en parti être expliqué par la fréquence accrue des agressions à Marseille comme en témoigne l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, recensant 5 agressions pour 1000 habitants à Marseille vs 3 agressions pour 1000 habitants dans le reste de la France (17). Nous constatons qu’il y a une surutilisation du scanner cérébral. Or la réalisation d’un scanner cérébral, bien que facile d’accès, a plusieurs impacts. En matière de budget, un scanner cérébral non injecté, incluant le forfait technique, coûte environs 100 € à la Sécurité Sociale. En matière de santé publique, il s’agit d’un examen utilisant des rayonnements ionisants dont les effets délétères sur la santé ne sont plus à démontrer. En effet, de nombreuses études font état d’un lien entre cancer du cerveau et exposition aux radiations ionisantes (18)(19). Ainsi la réalisation non justifiée d’un scanner cérébral chez un sujet jeune peut induire une néoplasie radio-induite. En matière de logistique, la réalisation d’un scanner, augmente la durée de passage au SAU de + 4 heures (p<0,001) ce qui accentue le risque de morbi-mortalité inhérent (20). De plus l’attente peut générer de l’incompréhension des patients ou de leurs accompagnants et amplifie les phénomènes d’incivilités et de violences au sein des SAU avec l’aggravation du sentiment d’insécurité ressenti par les équipes. Dans notre étude, plusieurs facteurs semblaient être associés à cet excès de prescription de scanner : le sexe masculin, la présence d’une démence, la perte de connaissance isolée et l’amnésie isolée. Effectivement, il apparaît dans notre étude qu’un mécanisme lésionnel à risque et la présence d’une intoxication alcoolique aigüe sont plus fréquemment rapportés dans l’interrogatoire des patients de sexe masculin. Ceci pourrait être l’une des raisons expliquant la plus grande fréquence de réalisation de scanner chez les hommes. D’autre part, l’interrogatoire des patients déments est non contributif ainsi qu’une partie de l’examen neurologique du fait de l’absence d’échange verbal possible. On peut donc penser que la volonté de réaliser un scanner cérébral est motivée par la complexité de caractérisation des circonstances exactes du TCL. En ce qui concerne, la PCI et l’amnésie isolées, celles-ci peuvent être considérées comme un critère de gravité anamnestique par le clinicien qui réalisera alors un scanner. La majorité des scanners cérébraux réalisés (9 scanners sur 10) sont normaux. Y a-t-il alors un intérêt de rendre cet examen systématique dans l’évaluation de tous les TCL ? En effet, il est intéressant de noter qu’il existe des différences entre les pays occidentaux concernant le recours au scanner cérébral. Les critères anglo-saxons de NICE (21) préconisent la réalisation d’un scanner cérébral chez les patients sous AAP, uniquement en cas de présence de facteurs cliniques ou anamnestiques associés. En France, les recommandations de 2012, pourtant basées sur les critères de NICE, considèrent les patient sous AAP plus à risque de développer une LIC, même en l’absence de facteurs de risque cliniques ou anamnestiques. Il existe de nombreuses études rétrospectives et contradictoires concernant les patients sous AAP (22)(23)(24)(25). Dès lors nos pratiques doivent rester prudentes à l’égard de ces patients. La plupart de nos patients sous AAP sont des sujets âgés et fragiles donc à risque de LIC pour des mécanismes moins violents. Peut-être pourrions-nous réduire la prescription de scanner cérébral chez les patients asymptomatiques sous AAP de moins de 75 ans sans autres facteurs anamnestiques. Ainsi on diminuerait l’irradiation de ses patients et les délais de prise en charge limitant la saturation des SAU. Le nombre croissant de consultations dans les services d’urgence et le phénomène d’engorgement des lits d’hospitalisation sont susceptibles d’altérer la qualité de la prise en charge des patients. La perspective serait alors de mieux cibler les patients à risque de LIC et surtout ceux pour lesquels la découverte d’une LIC changerait leur prise en charge. Il faut alors trouver d’autres solutions pour améliorer la prise en charge de ces patients. L’apparition d’outils diagnostics dans ce domaine tel que la protéine S100β, ne semble pas avoir sa place dans la prise en charge des patients victimes de TCL dans notre étude. En effet, bien qu’elle ait une forte VPN, un coût abordable et une disponibilité rapide, elle présente un inconvénient majeur, être dosée précocement dans les 3 heures après le TC pour être valable. Comme nous pouvons le constater ici, les délais dépassent dans la majorité des cas les 3 heures d’où le faible pourcentage de dosage réalisé (seulement 4%). Donc en pratique, bien que figurant dans nos protocoles, c’est assez compliqué de réaliser ce dosage.

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Table des matières

I. INTRODUCTION 
II. MATÉRIEL ET MÉTHODES 
III. RÉSULTATS 
IV. DISCUSSION 
V. CONCLUSION 
VI. BIBLIOGRAPHIE 
VII. ANNEXES

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