ETUDE RADIOMORPHOMETRIQUE PAR L’INDICE CORTICAL MANDIBULAIRE

Physiologie de l’os mandibulaire

       Le tissu osseux est en constant renouvellement, grâce à l’activité continue des cellules osseuses. L’architecture osseuse est donc en perpétuelle régénération par apposition et résorption locales d’os : c’est le remodelage osseux. Il se traduit comme un mécanisme physiologique complexe qui fait intervenir :
– des cellules ostéoformatrices (ostéoblastes et ostéocytes),
– des cellules ostéorésorbantes (ostéoclastes),
– une matrice extracellulaire calcifiée,
– des facteurs : mécaniques, ioniques (Calcium, Phosphates), systémiques (hormones) et locaux de régulation (cytokines, facteurs de croissance, protéines de la matrice extracellulaire) [41].
Les os cortical et spongieux sont composés d’unités morphologiques élémentaires visibles en lumière polarisée. Ces processus de formation et de résorption d’os sont couplés et synchronisés par l’intermédiaire de paquets d’ostéoblastes et d’ostéoclastes couramment appelés unités de remodelage. Chez un adulte en bonne santé l’ensemble des taux de résorption et de formation reste constant. Permettant ainsi la conservation de la masse osseuse. Cependant, ce processus n’est pas uniforme car chaque année un homme adulte renouvelle 25% de son os trabéculaire et 4% de son os cortical [49]. Le remodelage osseux est un phénomène soumis à deux boucles de régulation :
– Un premier processus de régulation hormonale permettant le maintien de la concentration de calcium dans le sang (sa fonction est de choisir le moment et la nécessité de démarrage du remodelage).
– Un second processus qui dépend des efforts mécaniques agissant sur le squelette. Il vise à préserver les propriétés mécaniques de l’os afin qu’il puisse remplir sa fonction de soutien des tissus mous (sa fonction est de choisir l’endroit du remaniement) [60].
L’analyse mathématique quantitative des activités de surface de l’os cortical et trabéculaire, menée par Frost a permis de connaître les différentes phases du cycle de remodelage osseux [24].
 Phase d’activation : A partir d’une surface osseuse “à l’état de veille” ou quiescente, cette phase conduit au recrutement d’ostéoclastes, qui vont “reconnaître” une surface destinée à être résorbée.
 Phase de résorption : Les ostéoclastes multi nucléés adhérent à la surface, forment des micro-chambres de résorption sous lesquelles la phase minérale est dissoute par acidification, et la phase organique est mise à nu, puis dégradée par des enzymes spécifiques.
 Phase intermédiaire ou d’inversion : Cette phase aboutit par le biais de cellules macrophagiques, au “lissage” de la surface résorbée, à la formation de la ligne cémentante. C’est au cours de cette phase que s’effectue le couplage entre la résorption et la formation, par transmission du signal inducteur de la formation osseuse.
 Phase de formation : Les ostéoblastes sont attirés vers la surface résorbée, ils adhérent, synthétisent une matrice collagénique qui se minéralise.
 Phase de quiescence : Le tissu osseux revient à “l’état de veille”, jusqu’à la nouvelle phase de remodelage, dont le déclenchement peut être d’origine mécanique, systémique ou local.
La résorption précède toujours la formation osseuse. Ces deux processus sont couplés, et leur régulation est complexe. La balance osseuse qui est à l’équilibre chez l’adulte a tendance à devenir négative (résorption>apposition), après la ménopause chez la femme, et plus tard au cours du vieillissement chez l’homme (ostéoporose) [8]. Les modifications osseuses sont liées aux variations hormonales des sujets âgés mais également à l’alimentation et aux forces exercées sur les structures osseuses. Cela aboutit à une augmentation de la différenciation ostéoclastique et une inhibition de l’apoptose des ostéoclastes, d’où un déséquilibre de la balance apposition-résorption en faveur de cette dernière [50].
 Au niveau de la mandibule : Ce phénomène vieillissant se décrit, selon Enlow [21], comme suit (c’est le « principe du V d’Enlow »)
– Une apposition osseuse sur les faces linguale et vestibulaire de la partie basale du corps de la mandibule. Ce qui se traduit par une augmentation de la largeur de l’os mandibulaire alors que la partie alvéolaire du corps est marquée par une résorption ;
– Un recul de la partie alvéolaire de la symphyse mandibulaire par résorption de la face vestibulaire, alors que la partie basale tend à s’épaissir ;
– La branche de la mandibule devient plus étroite dans les plans antéropostérieur et latéro-médial ;
– L’apparition d’une encoche pré-angulaire qui peut être liée à une ouverture de l’angle goniaque.
Les constatations d’Enlow ne sont pas argumentées par une étude scientifique sur de nombreux cas, mais rapportent l’expérience importante de l’auteur [21]. C’est la raison pour laquelle de nombreuses études ont suivi cherchant à établir des différences statistiquement valables entre mandibule dentée et édentée. La diminution de hauteur de l’os mandibulaire au niveau du corps de la mandibule est l’élément le plus souvent retrouvé. Selon certains auteurs, la diminution osseuse au niveau du corps de la mandibule ne se produit pas seulement après l’édentation. Elle semble être un processus continu lié à l’âge et accentué par les pertes dentaires. Carlsson GE et Persson ont montré qu’au niveau de la partie antérieure de la mandibule, la hauteur d’os diminue de 2 mm dans les 2 premiers mois après extraction, un peu plus de 4 mm 1 an après et environ 7 mm à 5 ans en moyenne. Cette diminution est plus importante chez la femme que chez l’homme, ce qui suggère que l’ostéoporose pourrait jouer un rôle [9]. Bras et al suggèrent que la résorption osseuse chez l’édenté n’est pas seulement liée à des facteurs locaux, mais serait également corrélée à une perte de la masse de calcium osseux mesurée par absorptiométrie [7]. Lorsqu’il se produit une perte de hauteur de la mandibule, apparaît une apposition osseuse au niveau de la corticale interne qui compense la perte de diamètre de la mandibule par un phénomène d’adaptation fonctionnelle. La résorption osseuse est variable selon les différentes parties du corps de la mandibule. Quelle que soit la région mandibulaire, la perte de volume osseux peut dépasser 65 % du volume initial avant édentation.

Définition de la radiographie panoramique dentaire

         La radiographie panoramique a été un élément important de la radiologie diagnostique dentaire depuis plus de 40 ans. C’est une technique qui reproduit l’image des dents et des maxillaires sur un seul film. Aujourd’hui, il y a une grande tendance parmi les chercheurs à utiliser les radiographies panoramiques pour détecter la calcification des branches de l’artère carotide externe et l’ostéoporose [1]. Elle permet de mettre en évidence les lésions des dents et des tissus adjacents qui ne peuvent être décelées lors d’un examen clinique, notamment les débuts de caries, les kystes, les tumeurs et les abcès. Elle permet en outre de connaître l’emplacement exact des dents et leur développement mais aussi d’évaluer la perte osseuse.

Acquisition des données

       Tout l’examen a été réalisé par un appareil radiographique du fabriquant Planmeca ProOne (Helsinki, Finlande) et sur Carestream CS9600. Les radiographies ont été effectuées par un seul technicien de radiologie expérimenté afin de réduire au maximum les déformations d’images, en respectant le protocole du fabriquant. Les images sont ensuite directement visualisées sur l’écran de l’ordinateur en format JPEG. Les radiographies ont été analysées par deux examinateurs, un chirurgiendentiste spécialiste en radiographie dento-maxillo-faciale et un étudiant en 6e année de chirurgie dentaire. La méthode d’évaluation était standardisée. Les images étaient examinées sur un écran ordinateur, sous le format JPEG. Pour éviter toute variabilité de l’inter-examinateur un calibrage avait d’abord été réalisé sur 30 radiographies au hasard. La reproductibilité était calculée par une réévaluation de 15 radiographies panoramiques choisies sur les 30 radiographies faites à 15 jours d’intervalle. Le kappa de Cohen était calculé pour le degré de concordance.

CONCLUSION

        Le tissu osseux est soumis à des changements constants du fait des phénomènes de résorption et d’apposition appelés remodelage osseux. Avec l’âge, la résorption osseuse est plus importante que l’apposition. Ce qui entraîne un déséquilibre physiologique qui se traduit par une diminution de la densité osseuse. Cette diminution est appelée ostéopénie. Cette perte est plus importante chez la femme avec une accélération de la perte osseuse après la ménopause. L’ostéopénie non corrigée peut évoluer vers l’ostéoporose qui est une perte pathologique de la densité minérale osseuse (DMO). En raison du potentiel de la radiographie panoramique pour fournir une image d’ensemble du maxillaire et de la mandibulaire, elle était étudié dans l’optique d’évaluer les modifications osseuses dans de nombreuses études par des indices radiomorphométriques. L’indice cortical mandibulaire (ICM), est une simple échelle ordinale, basée sur l’apparence du bord inférieur de la corticale mandibulaire à la radiographie panoramique. L’ICM a fait l’objet de plusieurs études dans diverses populations. Elle constitue une méthode alternative dans le dépistage de l’ostéoporose et de l’ostéopénie. Cependant le statut dentaire est considéré par certains auteurs comme un facteur qui peut influer sur les valeurs des indices radiomorphométriques dans les modifications osseuses de la mandibule. L’objectif de cette étude était d’étudier par l’indice corticale mandibulaire les modifications osseuses mandibulaires de sujets féminins au Sénégal de 40 ans au moins et leurs relations avec la perte dentaire. L’étude a portée sur 396 radiographies panoramiques de patients âgés entre 40 et 90 ans. Les clichés panoramiques ont été recueillis à la Faculté de Médecine, Pharmacie et Odonto-Stomatologie de Dakar, au service de Radiologie Dentaire. Après l’étude des aspects socio-démographiques, les radiographies ont été classées en 2 groupes en fonction du statut dentaire : les sujets normo-denté et les sujets en édentement total. Des mesures qualitatives et quantitatives sur les radios nous ont ensuite permis d’avoir les résultats suivants : La moyenne d’âge de l’échantillon était de 55±11,1 ans, avec un minimum de 40 ans et un maximum de 90 ans. Les sujets présentant un ICM de type C1 représentent 36,2% (n=144) de la population étudiée et respectivement 53,3% (n=210) et 10,6% (n=42) pour les indices C2 et C3. Suivant les tranches d’âge, le C2 était le plus représenté, suivi du C1. L’ICM C2 était plus fréquent dans toutes les tranches d’âge. L’ICM C3 par contre augmentait avec l’âge, avec 10,6% chez les sujets âgés de 70 ans ou plus. L’Indice C3 est exclusivement retrouvé chez les sujets édentés. Le test de Fisher montre une différence statistiquement significative. De cette étude, il ressort que l’âge et le statut dentaire associés constituent des facteurs qui influencent les modifications osseuses mandibulaires étudiées par l’ICM. En perspective, une étude de cohorte ou de cas témoins sur l’apport de la radiographie panoramique par rapport à l’ostéodensitométrie, dans l’étude des modifications osseuses, en prenant en compte le statut dentaire, s’avère nécessaire.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ASPECTS ANATOMO-HISTOLOGIQUES, PHYSIO-PATHOLOGIQUES ET RADIOLOGIQUES DE LA MANDIBULE ET SES VARIATIONS FONCTIONELLES
I.RAPPELS ANATOMIQUES, HISTOLOGIQUES ET PHYSIOLOGIQUES DE LA MANDIBULE
I.1. Anatomie de la mandibule
I.2. Histologie de la mandibule
I.3. Physiologie de l’os mandibulaire
II. VARIATIONS MORPHOLOGIQUES FONCTIONNELLES ET PATHOLOGIQUES MANDIBULAIRES PAR LA RADIOGRAPHIE PANORAMIQUE DENTAIRE
II.1. Variation fonctionnelle
II.2. Variation pathologique
II.2.1. Ostéopénie
II.2.2. Ostéoporose
II.3. Radiographie panoramique dentaire, outil de diagnostic des variations morphologiques de la mandibule
II.3.1. Définition de la radiographie panoramique dentaire
II.3.2. Principes physiques et radio-anatomie
II.3.3. Indices radiomorphométriques utilisés
II.3.3.1. Angle goniaque
II.3.3.2. Angle antégoniaque
II.3.3.3. Profondeur antégoniaque
II.3.3.4. Indice goniaque
II.3.3.5. Indice antégoniaque
II.3.3.6. Indice Mental
II.3.3.7. Indice cortical mandibulaire (ICM)
DEUXIEME PARTIE : ETUDE RADIOMORPHOMETRIQUE PAR L’ICM CHEZ DES FEMMES DE PLUS DE 40 ANS AU SENEGAL
I. JUSTIFICATION ET OBJECTIF
II. METHODOLOGIE
II.1. Type d’étude
II.2. Cadre d’étude
II.3. Population d’étude
II.3.1. Critères d’inclusion et de non inclusion
II.3.2. Echantillonnage
II.3.2.1. Taille de l’échantillon
II.3.2.2. Sondage
II.4. Procédure de collecte de données et variables étudiées
II.4.1. Acquisition des données
II.4.2. Variables étudiées
II.5. Analyse et traitement des données
III. RESULTATS
III.1. Fiabilité intra et inter-examinateur
III.2. Âge
III.2.1. Répartition de l’échantillon selon le statut dentaire
III.3. Caractéristiques radiomorphométriques de l’ICM sur la population d’étude
III.3.1. Distribution de l’ICM dans l’échantillon
III.3.2. Association de l’ICM selon le statut dentaire
III.3.3. Moyenne d’âge selon les différents groupes de score
IV. DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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