ETUDE QUALITATIVE SUR LES POLITIQUES DE DISTRIBUTION EN FRANCE

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CADRE FRANÇAIS DES POLITIQUES DE DIVIDENDE

Cette partie décrit les aspects principaux des politiques de dividende en France.
Le dividende est décidé par l’assemblée générale sdeactionnaires, sur proposition du conseil d’administration. Il est payé une fois par an4.
Le dividende se déduit du bénéfice distribuable. Cedernier correspond au bénéfice de l’exercice diminué des pertes antérieures et des sommes à porter en réserve (légale ou statutaire) et augmenté, le cas échéant, du report à nouveau bénéficiaire.
Si le bénéfice est insuffisant pour distribuer ce ueq souhaite l’entreprise, elle a la possibilité de prélever la somme nécessaire sur certaines réservesdites facultatives. Les réserves obligatoires ne peuvent pas être ponctionnées pour le paiement ud dividende dans la mesure où elles constituent une sécurité pour les créanciers. Toutedistribution est interdite si l’entreprise n’a pas encore épongé ses pertes antérieures (Albouy et Dumontier (1992)).
Lorsqu’une société distribue un dividende, il est ’abord soumis à l’impôt sur les sociétés en tant que bénéfice imposable. Il est ensuite imposé au veauni du revenu de l’actionnaire en tant que dividende reçu : impôt sur le revenu pour les perso nnes physiques, impôt sur les sociétés pour les personnes morales. Le dividende est donc imposé deux fois.
Jusqu’en 2004, afin d’atténuer cette double imposition, un avoir fiscal était distribué aux particuliers et aux entreprises. Cet avoir fiscal ne pouvait être distribué que par les entreprises françaises, ce qui créait un déséquilibre par rapport aux sociétés étrangères cotées en France. En 2005, le système a donc été réformé et l’avoir fiscal supprimé. Désormais un système d’abattement remplace l’avoir fiscal pour les parti culiers. Et pour les entreprises, l’avoir fiscal a disparu. Nous présentons cette fiscalité plus en détail au point (3.1.) afin de la comparer à celle du rachat.
Suite à cet aperçu réglementaire du dividende, intéressons-nous aux pratiques managériales.

PRATIQUES MANAGERIALES DE DISTRIBUTION DE DIVIDENDE

Au-delà des législations qui façonnent la forme des dividendes, les politiques de distribution respectent un formalisme historique.
Lintner (1956) est le premier à avoir décrit les pratiques managériales dans ce domaine et depuis 50 ans elles semblent avoir peu évolué. Il montre,grâce à l’étude de 28 entreprises américaines disparates, la similitude des comportements des managers dans ce domaine.
Pour décider d’une politique de distribution, les managers s’intéressent au taux de distribution5. Les changements de ce taux sont stratégiques. Pour le modifier, il faut de bonnes raisons, compréhensibles des investisseurs. Ces changementsse justifient par une modification stable des revenus courants de l’entreprise. Les ajustements du dividende sont mineurs par rapport à la variation des revenus. Ainsi apparaît un des traits caractéristiques des politiques de distribution, le lissage des dividendes. Les dirigeants ne veulent pas augmenter la distribution s’il existe un risque de devoir la baisser dans un ou deux ans. Et ils montrent un réel frein à baisser le montant des dividendes payés. Ils ne le feront que si les revenus de l’entreprise sont en baisse durable. Cette attitude des managers vis-à-vis du dividende en fait un outil peu flexible.
Le taux de distribution est la rapport entre le dividende et le bénéfice de l’entreprise.
Des enquêtes plus récentes auprès de managers confirment les résultats de Lintner (Baker, Farrelly et Edelman (1985), Baker et Farrelly (1988), Baker et Powell (1999b), Baker, Powell et Veit (2002)). Seule l’importance du ratio de distribution par rapport aux montants distribués semble plus faible.
Un autre type de dividende existe afin de contrer la rigidité du dividende ordinaire. Ce sont les superdividendes ou dividendes exceptionnels. Ces dividendes sont souvent plus élevés que les ordinaires. Ils sont payés de façon irrégulière etpeu fréquente. Ils ont tendance à disparaître, peut-être au profit du rachat (De Angelo, De Angeloet Skinner (2000)).
Suite à cette présentation du cadre français des po litiques de dividende et des pratiques managériales de distribution, intéressons-nous à l’autre instrument de distribution qu’est le rachat d’actions.

Réglementations du rachat d’actions

La présentation des méthodes ne suffit pas à dessiner le paysage des rachats dans le monde. Les réglementations sont très diverses et précises, elles influencent fortement l’utilisation du rachat d’actions. Dans un premier point, nous présentons un aperçu des réglementations à travers le monde, puis nous détaillons dans un second point lalégislation française.

Aperçu des réglementations à travers le monde

Une connaissance des réglementations du rachat d’actions dans les principaux pays développés aide à mieux appréhender les recherches faites dans le domaine. La présentation ci-dessous ne cherche pas à être exhaustive, elle donne simplement un aperçu de la diversité des législations. Cette méthode est un cas particulier et nous ne nous y intéresserons pas dans la suite de cette thèse.
Le rachat d’actions est une pratique récente, seuls les Etats-Unis l’ont autorisé depuis plus de 50 ans. Le Royaume Uni l’a autorisé en 1981, l’Australie en 1989, Hong Kong en 1991, le Japon en 1994, l’Allemagne et la Norvège en 1998, la France l’a fortement assoupli à cette même date. En Europe, le Royaume-Uni a une tradition de rachat plus forte que ses pays voisins : les entreprises anglaises comptabilisent 80% de l’activité de rachat en Europe (Lasfer (2002)).
Le « programme de rachat » est la méthode la plus utilisée (Grullon et Ikenberry (2000), Ginglinger et L’Her (2001), Baker, Powell et Veit (2003), Oswald et Young (2005), Vermaelen (2005)). Son faible coût et sa flexibilité expliquent cette prédominance, ainsi que les réglementations nationales qui n’autorisent parfois que cette méthode. Aux Etats-Unis ou en Australie, les programmes de rachat comme les offres publiques sont autorisés, mais ces dernières sont interdites ou fortement réglementéesen France, au Canada, en Espagne, au Brésil… Le rachat privé n’est pas autorisé au Brésil, en Allemagne, en Italie et en Suisse (Vermaelen (2005)).
Le mécanisme d’autorisation des programmes de rachat varie selon les pays. Il est autorisé soit par le conseil d’administration (Etats-Unis, Brésil, Canada et Australie), soit par l’assemblée générale des actionnaires (le reste des pays) (Vermaelen (2005)).
Les législations réglementent parfois la taille maximale des programmes de rachat : par exemple, 5% du nombre total d’actions pour le Canada, 10% pour la France, l’Allemagne, l’Italie et la Suisse. Les Etats-Unis, l’Australie, l’Angleterre, le Japon ne limitent pas la taille des rachats.
Le montant des transactions quotidiennes peut êtreaussi réglementé. Dans ce cas, il ne doit pas dépasser une certaine proportion des volumes échangés sur le marché, en général 25% (Espagne, France, Italie, Japon, Suisse, Hong Kong, USA) (Vermaelen (2005)).
Les motifs au rachat peuvent être également contrôlés par la législation nationale. Par exemple en Autriche, le rachat est uniquement autorisé pour fournir les plans de stock-options (Lasfer (2002)), au contraire de la Grande Bretagne qui interdit les programmes de rachat dans ce but (Oswald et Young (2005)). Au Canada, en Australie, à Hong Kong et à Singapour, les actions rachetées doivent être obligatoirement annulées. Aux Etats-Unis, au Japon, en Suisse et en Espagne, la législation ne contrôle pas l’utilisation des titres rachetés. En France ou en Grande Bretagne, les actions sont à la disposition de l’en treprise qui doit tout de même préciser comment elle compte les utiliser (Vermaelen (2005)).
Les informations à publier pour informer le marché de la conduite des programmes de rachat varient elles aussi selon les pays. Aux Etats-Unis, le contenu à fournir est très faible, alors qu’en France ou au Royaume Uni tout rachat doit être signalé dans la semaine. La plupart des recherches s’intéressent pourtant au contexte nord américain, alors que peu d’informations sur les rachats y sont disponibles. Il est donc intéressant d’étudier le rachat en dehors des Etats Unis et d’exploiter ainsi des informations plus précises.
Enfin l’imposition du rachat pour l’actionnaire cha nge selon les pays qui le considèrent souvent comme une plus-value, mais parfois comme un revenu taxé à l’instar du dividende (la Suisse par exemple). Au sein de chaque pays, l’imposition va varier selon que l’actionnaire est un individuel ou un institutionnel ou selon les conditions du rachat (sur le marché ou en dehors).
Cet aperçu des réglementations à travers le monde n ous permet de mieux situer le cadre français.

La réglementation française

En France, les firmes disposent de deux possibilité pour racheter leurs actions :
l’offre publique de rachat d’actions (OPRA).
Le programme de rachat d’actions.
Le recours à l’OPRA est rare. Avant 1998, c’était la seule méthode autorisée et elle était rarement utilisée. Suite à la modification législative intervenue le 2 juillet 1998, le rachat s’est fortement développé et les programmes de rachat d’actions sont devenus la méthode privilégiée des entreprises. Entre 1998 et 2005, il y a eu 39 OPRA en France (Rapport Annuel de l’AMF (2005), Rapport Annuel du CMF (2002)) alors que sur la seule année 2000 (2003), 414 (356) entreprises ont voté un programme de rachat et 250 (282) l’ont mis en œuvre (Revue de l’AMF (2004)).
L’offre publique de rachat d’actions (OPRA)
Une entreprise peut racheter ses actions via une OPRA en vue de réduire son capital. C’est une procédure exceptionnelle qui est votée par l’Assemblée Générale Extraordinaire des actionnaires. L’entreprise propose de racheter à l’ensemble de se s actionnaires un nombre d’actions à prix fixe. Le pourcentage de capital pouvant être racheté n’est pas limité. La procédure de l’OPRA est longue et lourde avec des conséquences fiscales pour les actionnaires très importantes (les plus-values sont taxées comme des revenus). Cela rend son utilisation peu fréquente (Ginglinger et L’Her (2001)).
Le programme de rachat d’actions .
Suite à la réforme de 1998, les sociétés ont la possibilité de faire voter en assemblée générale un programme de rachat d’actions dans la limite de 10% du capital et sur une période de 18 mois. Ces actions peuvent être annulées sous réserve d’autorisation de l’Assemblée Générale Extraordinaire, jusqu’à 10% du capital et sur une p ériode de 24 mois.
Pour l’actionnaire, la cession d’actions dans ce ca dre est soumise à l’impôt sur les plus-values (Ginglinger et L’Her (2001)).
Objectifs du programme de rachat.
Jusqu’en 2004, les objectifs autorisés au rachat étaient nombreux et les entreprises avaient tendance à en abuser 9 : attribution aux salariés, régularisation et liquidité du cours, échange dans le cadre d’opération de croissance externe, mise en œuvre d’une politique de gestion patrimoniale, annulation, conservation.
Depuis octobre 2004, une directive européenne fixe les conditions que doivent respecter les entreprises procédant au rachat de leurs propres titres pour pouvoir bénéficier de la présomption de légitimité irréfragable.
Cette directive entraîne notamment une limitation du nombre d’objectifs. Sont désormais autorisées la réduction du capital et la couvertured’obligations liées à des titres de créance convertibles ou à des programmes d’options sur acti ons ou autres allocations d’actions aux salariés.
L’AMF accepte cependant les rachats ayant pour objectifs « la conservation et remise dans le cadre d’opérations de croissance externe » et « lescontrats de liquidité ». Les émetteurs pourront en conséquence poursuivre la réalisation de ces objectifs soit dans le cadre de la présomption, soit dans le cadre d’une pratique de marché admise.
En revanche, l’AMF considère que les interventionsréalisées directement par un émetteur en vue de régulariser le cours de bourse ou en fonction des situations de marché ne pourront plus être mises en oeuvre. En conséquence, toute activité visant à assurer la liquidité ou à animer le marché du titre devra être dorénavant confiée à unprestataire de services d’investissement (PSI) agissant de manière indépendante, dans le cadre d’un contrat de liquidité.

Eviter la dilution liée aux stock-options

Une motivation à l’utilisation du rachat d’actions est liée aux stock-options. L’utilisation de plans de stock-options dans l’entreprise va motiver le recours au rachat d’actions de deux façons (Jolls (1998), Kahle (2002), Weisbenner (2002)) :
les managers distribuent des liquidités en utilisan le rachat et non le dividende afin de maximiser la valeur de leurs propres stock-options .
L’entreprise rachète ses actions afin de couvrir ses plans de stock-options et de pouvoir fournir les titres nécessaires lorsque les employésexerceront leurs options.
Utilisation du rachat afin de maximiser la valeur des stock-options des dirigeants.
Le revenu par action est un ratio souvent utilisé pour évaluer les actions d’une firme. Or, le rachat possède l’avantage de ne pas diminuer le revenu par action, au contraire du paiement de dividende. Les flux de revenus sortants liés au rachat sont compensés par une baisse du nombre d’actions en circulation. Ainsi, les stock-options valent plus après un rachat, qu’après un versement de dividende. Jolls (1998) prend l’exemple simple d’une entreprise qui vaut 100$. Son capital est composé de 10 actions. Si elle distribue un dividende de 1$, la valeur de son action après le dividende est de 9$. Alors que si elle rachète une action, il restera 9 actions à 10$. Les stock-options, puisqu’elles ne sont pas encore émises ne profitent pas du dividende, mais profitent déjà d’un rachat d’actions. Ainsi, pour éviter de dévaloriser leurs stock-options, les managers choisiront de procéder à des rachats d’actions. Cette motivation au rachat trouve un fort soutien empirique (Jolls (1998), Fenn et Liang (2001), Kahle (2002)). En contrôlant l’éventuelle protection des stock-options contre les dividendes, Liljeblom et Pasternack (2006) confirment pour la Finlande cette hypothèse16. Le montant des stock-options possédées par les dirigeants influence donc l’utilisation du rachat.
Utilisation du rachat afin de couvrir les plans de stock-options de l’entreprise.
L’utilisation du rachat d’actions peut aussi être liée à l’ensemble des stock-options de l’entreprise, et pas seulement à ceux des dirigeant s. Il existe deux types de stock-options : des options de souscription où l’entreprise crée de nouvelles actions pour les fournir à ses employés et des options d’achat où l’entreprise rachète des actions sur le marché et les donne à ses employés. Dans le second cas , l’entreprise doit pouvoir fournir une action à l’ employé qui veut exercer son action et donc l’avoir en stock. Ainsi, plus une entreprise offre à ses employés d’options d’achats, plus elle devra racheter ses ac tions en bourse. Cette hypothèse trouve elle aussi un soutien empirique fort (Fenn et Liang (1997), Dittmar (2000), Kahle (2002), Weisbenner (2002), Albouy et Morris (2006)). Cette motivation au rachat est parfois interdite par la réglementation, comme en Grande Bretagne par exemple (Oswald et Young (2005)).
La plupart des études trouvent un soutien aux deux hypothèses, seule Jolls (1998) trouve plus de soutien à la première hypothèse : le montant des stock-options détenues par les dirigeants est une variable plus significative que le montant de toutes les stock-options. Le sondage réalisé par Brav, Graham, Harvey et al. (2005) montre que 66% des managers identifient les stock-options comme un facteur d’influence important sur leur décision de rachat.

Se protéger des OPA

Le rachat peut aussi être utilisé par les managerspour repousser les menaces d’OPA.
Bagwell (1991, 1992) montre que les actionnaires ont une évaluation hétérogène de leur entreprise et que cela permet d’utiliser le rachat pour augmenter le prix d’une OPA potentielle. En effet, les actionnaires qui vendent leurs actions lors d’une OPA évaluent faiblement l’entreprise, alors que ceux qui ne vendent pas ont une estimation élevée du prix de l’action. Racheter des actions quand il y a une menace d’OPA permet d’acquérir les titres des actionnaires ayant une évaluation faible, prêts à vendre à bas prix. Cela augmente le coût de l’OPA pour l’acheteur potentiel, puisqu’il lui faudra racheter les titres des actionnaires ayant l’estimation la plus haute. L’hypothèse de l’utilisation du rachat pour lutter contre les OPA est soutenue empiriquement par Bagwell (1991, (1992), Dittmar (2000) et Billett et Xue (à paraître). Cependant, l’enquête réalisée par Brav et al. (2005) montre que seuls 14,1% des directeurs financiers pensent que la protection contre les OPA peut être une raison importante pour racheter ses actions.
L’utilisation du rachat dans ce cadre sert les intérêts des managers et non ceux des actionnaires. L’OPA permet un contrôle des managers par le marché. La repousser est donc un recul du contrôle sur les dirigeants et dessert potentiellem ent les actionnaires. Denis (1990) montre que cela entraîne des pertes pour les actionnaires de la firme cible. En effet, la valeur de la firme après le rachat d’actions est inférieure à la valeur qu’elle aurait si l’OPA avait aboutie. Le rachat réévalue le cours, mais empêche une OPA intéressantpour les actionnaires24.
La protection contre les OPA passe aussi par la modification de la structure de l’actionnariat et le renforcement du pouvoir d’un bloc d’actionnaires. N ous abordons cette hypothèse dans la partie suivante.
L’utilisation du rachat pour se protéger des OPA est plus fréquente dans les périodes où les prises de contrôle sont nombreuses (Dittmar (2000)) , mais reste une motivation accessoire au rachat.

Changer la structure de l’actionnariat

Le rachat peut être utilisé pour modifier la structure de l’actionnariat et par exemple, renforcer des positions existantes.
Lors d’un rachat, les actions rachetées par l’entreprise sont annulées ou privées du droit de vote. Les personnes participant au rachat voient leur actionnariat baisser puisqu’ils vendent des actions. A l’inverse, les actionnaires ne participant pas au rachat voient le leur augmenter : ils possèdent le même nombre d’actions mais ces actionsreprésentent une part plus importante du capital.
Ainsi, le rachat permet par exemple de renforcer l’actionnariat dirigeant et de mieux aligner le comportement des managers sur les désirs des actionnaires. Le rachat est alors utilisé pour diminuer le conflit d’agence entre actionnaires et dirigeants (Vermaelen (2005)).
Dans le cas où le dirigeant est aussi l’actionnaire principal, le rachat peut être utilisé par ce dernier pour renforcer sa position et son enracinement. Cela lui permet de détourner plus de bénéfices privés et de favoriser son enrichissementpersonnel. Dans ce cas, le rachat détériore le conflit d’agence entre actionnaires majoritaires et minoritaires et répond à une logique privée (Ginglinger et L’Her (2001), Frankfurter et Wood (2003)).
La concentration de l’actionnariat permet aussi de renforcer le contrôle de bloc d’actionnaires et rend les prises de contrôle externes plus difficile s (Stulz (1988), Herbin (2006)). Le rachat sert encore une fois comme protection contre les OPA, via un mécanisme différent de celui vu au paragraphe précédent. Denis (1990) montre que 70%des entreprises qui ont fait du rachat dans ce but ont gardé leur indépendance.
Selon Ginglinger et L’Her (2001), l’accueil fait par les investisseurs au rachat est moins favorable en Europe qu’aux Etats-Unis. Cela conforte l’éventuelle utilisation du rachat pour modifier la structure de l’actionnariat. En effet, l’Europe continentale présente des structures d’actionnariat plus concentrées que les Etats-Unis. Le rachat entraîne alors une augmentation du conflit majoritaires / minoritaires, plutôt qu’une baisse du conflit actionnaires / dirigeants, d’où la réaction plus modérée des marchés.
Les programmes de rachat qui sont souvent limités en taille auront un effet plus faible que les offres publiques sur la structure de l’actionnariat et seront donc certainement moins utilisés dans ce but.
La modification de la structure de l’actionnariat est donc une des motivations des managers à faire du rachat d’actions, même si elle explique certainement peu de rachats.

Investir et désinvestir

Le rachat d’actions peut permettre d’obtenir des ac tions qui serviront à financer les acquisitions futures de l’entreprise, par exemple dans le cadre d’OPE. Cette motivation est un des objectifs prévus par la réglementation française pour les programmes de rachat d’actions, mais elle ne retient que peu d’attention dans la littérature académique (Herbin (2006)).
L’intérêt pour une entreprise de payer l’acquisition d’une autre société en titres est peu développé dans la littérature. Bierman et West (1966) avance un argument fiscal : la fiscalité rend parfois plus avantageuse la rémunération des ctionnaires de la société cible sous cette forme.
Dans le cas d’une sous-évaluation du cours, le rachat des titres devient un bon placement pour l’entreprise. Elle acquière des titres à bon prix e t les utilisent une fois qu’ils sont revalorisés pour financer son acquisition. L’importance de ce levier de financement est faible dans les cas où la taille du rachat est limitée.
Le rachat peut aussi être motivé par une baisse desopportunités d’investissement. Le surplus de cash qui résulte de ce manque d’opportunité est rendu aux actionnaires via le rachat. Au niveau macroéconomique, cela permet une réallocation des ichessesr des entreprises n’ayant pas d’opportunité d’investissement vers celles qui en ont. Cette réallocation se fait par le biais des investisseurs.
Conclusion : Pour conclure cet exposé des motivations au rachat, il est important de rappeler qu’il n’y a pas besoin d’élire une raison aux dépens des autres. Le rachat est un outil complexe, utilisé à différentes fins, non exclusives. Un même programme de rachat peut être la conséquence de plusieurs finalités dufait qu’il influence plusieurs variables financières de l’entreprise.
Certaines motivations sont cependant plus courantes et cette revue de littérature nous a permis de déterminer les principales raisons qui poussent les managers à racheter : distribuer des liquidités, contrer l’effet des stock-options et réévaluer le cours. Les autres finalités – modifier la structure du capital ou de l’actionnariat, repousser les OPA ou investir – motivent plus rarement le comportement des managers.
Ces motivations sont amenées à évoluer à travers le temps : l’utilisation des stock-options a fait émerger récemment une nouvelle finalité au rachat. De même, la protection des OPA est une motivation plus présente dans certaines périodes agitées des marchés.
Dans cette thèse, nous nous intéressons au rachat d’actions parce que c’est un outil de distribution. Il est alors intéressant de le comparer au dividende et de comprendre les liens qui les unissent. L’objectif principal est alors de chercher à savoir s’ils peuvent se substituer ou s’ils sont complémentaires. La partiesuivante fait un état de la recherche sur cette question.

ETUDE THEORIQUE DE LA RELATION ENTRE RACHAT ET DIVIDENDE

Similitudes entre rachat et dividende

Les deux instruments sont considérés comme les seul moyens à la disposition de la firme pour verser directement et légalement des liquidités à es actionnaires. Comme nous l’avons vu au point (2.2.1.1.), dans le cadre de marchés parfaitset efficients, les deux instruments permettent une distribution de liquidités neutre en terme de richesse pour les actionnaires. De plus, les deux instruments modifient de façon identique la valeur de la firme. Cette distribution de liquidités se fait, dans le cas du rachat comme du dividende, en faveur des actionnaires et aux dépens des tiers. Il s’agit en effet des liquidités qui sorten de l’entreprise et qui n’iront ni aux créanciers, ni aux salariés, ni aux fournisseurs, ni aux clients (Lease et al. (2000)).
La prise en compte des imperfections de marchés modifie cette neutralité de la politique de distribution. En présence d’asymétrie d’information, le rachat comme le dividende peuvent permettre aux dirigeants de signaler de l’information. Les réactions positives du cours à ces distributions appuient cette théorie. Nous verrons plus en détail dans la Section 2 – (2.2), l’hypothèse de signal des politiques de distribution.
Dans le cas de conflits d’agence entre actionnaires et dirigeants, une distribution de liquidités permet de diminuer le cash à disposition des manage rs. Rachat comme dividende permettent de limiter la présence de Free Cash Flow et améliorentainsi le conflit. Nous étudierons plus en détail dans le Chapitre 3 de cette thèse, rachat etdividende dans le cadre de la théorie de l’agence. Versement de liquidités, signal et diminution du Free Cash Flow sont les principales ressemblances entre rachat et dividende. Voyons à p résent les différences mises en avant par la littérature.

LA CONTESTATION EMPIRIQUE DE LA NEUTRALITE DES DIVIDENDES

L’observation de la réalité empirique donne une image bien différente des politiques de distribution et il est difficile de parler de neutralité du dividende.
Quelques observations empiriques suffisent à compre ndre cette divergence. Reprenons les exemples donnés par Allen et Michaely (2003). Ils citent six observations qui jouent un rôle important dans la discussion sur les politiques de distribution :
les entreprises distribuent une partie significative de leur revenu sous forme de dividende ou de rachat d’actions ;
historiquement, les dividendes sont le moyen traditionnel de distribution. Mais les rachats d’actions prennent une ampleur grandissante ;
sur les marchés financiers américains, la proportion d’entreprises distribuant des dividendes a baissé. Les entreprises américaines tendent à utiliser davantage le rachat pour distribuer .
les investisseurs au taux d’imposition élevé reçoivent d’importants montants de dividendes et payent donc de gros impôts sur ces versements .
les entreprises lissent leur dividende. Le rachat est plus volatile .
le marché réagit positivement à l’annonce d’un rachat ou d’une augmentation de dividende et négativement à la baisse d’un dividende.
Ces observations contredisent la neutralité des dividendes. Les investisseurs ne semblent pas neutres vis-à-vis du dividende, du rachat ou du gai n en capital. Ils semblent montrer une préférence vis-à-vis de la distribution, malgré laprésence de taxes. Enfin, la valeur de l’entreprise est affectée par ses décisions de distribution.
Selon Miller et Modigliani (1961), cette divergence entre théorie et réalité s’ explique par la non-conformité des marchés financiers avec les hypothèses de leur modèle. Les chercheurs s’accordent sur le fait que les hypothèses de base du modèle ne sont pas réalisées (Goffin (2004)). Miller et Modigliani (1961) développent d’ailleurs les conséquences de la relaxation de certaines des hypothèses.
Des taxes, de l’asymétrie d’information, des coûts de transaction sont alors insérés au modèle afin de le faire rendre compte des observations empiriques. Mais le développement de ces théories ne suffit pas et ne semble que rendre la compréhension des politiques de distribution de plus en plus complexe. C’est ainsi que Black (1976) parle d’énigme des dividendes (« Dividend Puzzle ») : « The harder we look at the dividend picture, the more it seems like a puzzle, with pieces that just don’t fit together »33.
Selon lui cette énigme se résume en deux questions: « Why do corporations pay dividends ? Why do investors pay attention to dividends ? »34.
Ces deux questions illustrent une division de la recherche sur les politiques de distribution. D’un côté, elle porte sur la compréhension de la réaction des cours boursiers aux distributions et à leurs annonces. De l’autre, elle porte sur la compréhension des décisions de distribution des entreprises. Bien entendu ces deux problématiques ne sont pas totalement distinctes, mais elles peuvent constituer une séparation dans les recherches : compréhension du comportement des actionnaires d’un côté, compréhension du comportement des entreprises de l’autre.
Dans le cadre de cette recherche, c’est à la compréhension des comportements des entreprises que nous nous intéressons . Nous allons donc à présent exposer les théories explicatives développées pour tenter de résoudre cet aspect de l’énigme des politiques de distribution.

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Table des matières

PARTIE 1 – LITTERATURE, THEORIES ET CONCEPTS
CHAPITRE 1 –DISTRIBUTION DE LIQUIDITES AUX ACTIONNAIRES
SECTION 1. INSTRUMENTS DE DISTRIBUTION
SECTION 2. POLITIQUES DE DISTRIBUTION
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 – VERS LE CHOIX DU CADRE THEORIQUE DE L’AGENCE
CHAPITRE 2 – CONFLITS D’AGENCE ET GOUVERNANCE D’ENTREPRISE
SECTION 1. CONFLITS D’AGENCE DANS LE CADRE DE L’ETUDE DES POLITIQUES DE DISTRIBUTION
SECTION 2. GOUVERNANCE D’ENTREPRISE ET DEFENSE DES INTERETS DES ACTIONNAIRES
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 – POLITIQUES DE DISTRIBUTION ET GOUVERNANCE
CHAPITRE 3 – LES POLITIQUES DE DISTRIBUTION COMME MECANISME DE GOUVERNANCE 
SECTION 1. EFFET DES POLITIQUES DE DISTRIBUTION SUR LES CONFLITS D’AGENCE
SECTION 2. INTERACTION ENTRE POLITIQUES DE DISTRIBUTION ET MECANISMES DE GOUVERNANCE ALTERNATIFS
SECTION 3. DETERMINATION DU CHOIX DE L’INSTRUMENT DE DISTRIBUTION Second Modèle : Hypothèses théoriques relatives au choix de l’instrument de distribution
CONCLUSION DU CHAPITRE 3 – SYNTHESE
Sommaire
PARTIE 2 – POLITIQUE DE DISTRIBUTION DES ENTREPRISES FRANCAISES : ETUDES EMPIRIQUES
CHAPITRE 4 – ETUDE QUALITATIVE SUR LES POLITIQUES DE DISTRIBUTION EN FRANCE
SECTION 1. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE DE L’ETUDE
SECTION 2. RESULTATS DE L’ANALYSE QUALITATIVE
CONCLUSION DU CHAPITRE 4
CHAPITRE 5 – METHODOLOGIE DES ETUDES QUANTITATIVES
SECTION 1 – CONSTITUTION DE L’ECHANTILLON ET COLLECTE DES DONNEES
SECTION 2 – MESURE DES VARIABLES
SECTION 3 – DESCRIPTION DE LA METHODOLOGIE CONCLUSION DU CHAPITRE 5 – SYNTHESE
CHAPITRE 6 – TEST DU MODELE EXPLICATIF DU CHOIX DES MONTANTS DE DISTRIBUTION 
SECTION 1 – DESCRIPTION DES POLITIQUES DE DISTRIBUTION, DE L’ACTIONNARIAT ET DE LA GOUVERNANCE EN FRANCE
SECTION 2 – RESULTATS DES TESTS DES HYPOTHESES EXPLICATIVES DES MONTANTS DE DISTRIBUTION
SECTION 3 – DISCUSSION DES RESULTATS
CONCLUSION DU CHAPITRE 6
CHAPITRE 7 – TEST DU MODELE EXPLICATIF DU CHOIX DE L’INSTRUMENT DE DISTRIBUTION
SECTION 1 – POLITIQUES DE DIVIDENDE ET DE RACHAT D’ACTIONS EN FRANCE
SECTION 2 – RESULTATS DES TESTS DES HYPOTHESES EXPLICATIVES DU CHOIX DE L’INSTRUMENT DE DISTRIBUTION
SECTION 3 – DISCUSSION DES RESULTATS
CONCLUSION DU CHAPITRE 7
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie

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