Etude immunohistochimique

Etude immunohistochimique

INTRODUCTION

Les gliomes diffus de haut grade de l’enfant correspondent à une pathologie agressive de très mauvais pronostic pour laquelle nous ne disposons pas de traitement curateur.

La médiane de survie globale est de 10 à 15 mois pour les tumeurs de localisation hémisphérique (1) et de 10 mois pour les gliomes diffus du tronc cérébral (TC) (2,3), couramment dénommés « gliomes diffus intrinsèques du pont » de l’enfant (DIPG, diffuse intrinsic pontine glioma).

Les DIPG constituent un challenge neuro-oncologique du fait de leur localisation anatomique difficilement accessible et du caractère hautement fonctionnel du TC. La radiothérapie n’entraîne qu’une réponse transitoire et la chimiothérapie s’avère inefficace (4–6).
Il a été pendant longtemps admis que les gliomes diffus de l’adulte et de l’enfant partageaient des voies de tumorigenèse identiques à cause de similitudes histopathologiques et de leur mauvais pronostic global. Cependant, la non-réponse des gliomes diffus pédiatriques aux thérapeutiques instaurées chez l’adulte et l’absence d’amélioration de leur pronostic ces trente dernières années suggèrent une physiopathogénie distincte.
Avec l’avènement des techniques de biologie moléculaire à haut débit, des caractéristiques génétiques et épigénétiques propres aux gliomes diffus de l’enfant ont été identifiées. La principale avancée dans la caractérisation moléculaire des DIPG a eu lieu en 2012 avec l’identification de mutations récurrentes des gènes des histones H3 dans environ 80% des DIPG (7–9). Les gènes les plus fréquemment atteints sont H3F3A (71%) (7) et HIST1H3B (19%) (10), codant respectivement pour les variantes H3.3 et H3.1 de l’histone H3.

Cette découverte a permis de classer les DIPG en deux sous-groupes moléculaires selon que la tumeur présente une mutation H3.3 ou H3.1.
La voie de signalisation de p53 est très fréquemment touchée dans les DIPG. Les gènes TP53 et PPM1D sont mutés dans respectivement 42-71% (7,11) et 9-29% (12–14) des DIPG.

Ces mutations interviendraient selon un mode mutuellement exclusif, les protéines p53 et WIP1 (codée par PPM1D) agissant sur la même voie de signalisation (14,15). WIP1 (wild-type p53-induced phosphatase 1) est une sérine/thréonine phosphatase induite par p53, notamment lors de lésions de l’ADN (Annexe 1).

Les mutations de PPM1D (exon 6) sont à l’origine d’une protéine tronquée sans domaine régulateur C-terminal et avec conservation du domaine catalytique phosphatase N terminal.

Le séquençage Sanger de 33 DIPG réalisé par Zhang et al. en 2014 (14) a permis d’individualiser deux sous-groupes moléculaires, caractérisés respectivement par une mutation de TP53 et une mutation de PPM1D (p < 10-5). TP53 était muté dans 57,5% des cas et PPM1D dans 9% des cas. Une mutation de PPM1D n’était observée que dans les DIPG avec mutation H3.3 avec une fréquence de 37,5%.

D’autres auteurs ont obtenu des données similaires étayant l’hypothèse du caractère mutuellement exclusif des mutations de TP53 et de PPM1D dans les DIPG (12,13).

Une mutation gain de fonction ou une amplification de PPM1D a déjà été rapportée dans d’autres types de cancers (16–18) et la surexpression de WIP1 joue très probablement un rôle dans la tumorigenèse (15).
Nous nous sommes intéressés aux DIPG diagnostiqués au CHU d’Angers afin de les caractériser sur les plans histopathologique, immunohistochimique et moléculaire.

Nous nous sommes particulièrement attachés à déterminer le statut mutationnel du gène PPM1D et à le corréler à celui du gène TP53. L’existence d’un profil mutationnel dichotomique au sein des DIPG permettrait d’affiner la classification de ces tumeurs.

MATERIEL ET MÉTHODES

 Sélection des cas

Tous les patients âgés de 0 à 25 ans présentant des critères clinico-radiologiques typiques de DIPG (4,19) et ayant eu un diagnostic anatomopathologique de gliome diffus ont été sélectionnés.

Les patients ont été recensés à partir de la base de données du logiciel DIAMIC (INFOLOGIC-SANTE) du Département de Pathologie Cellulaire et Tissulaire du CHU d’Angers sur une période allant du 1er janvier 2000 au 31 août 2016.

Pour chaque cas, une relecture de l’ensemble des prélèvements a été réalisée par un pathologiste junior (REA) et un neuropathologiste expert (AR).

Le diagnostic anatomopathologique a été établi selon la classification de l’OMS 2016 des Tumeurs du Système Nerveux Central (20). Les éléments histopathologiques suivants ont été recueillis : la densité cellulaire, le phénotype cellulaire, les atypies cytonucléaires, l’activité mitotique, la présence de corps apoptotiques, la présence d’une néoangiogenèse (avec ou sans prolifération endothéliocapillaire) et la présence de nécrose.

Les mitoses ont été comptées sur dix champs à fort grandissement (x400). Les prélèvements trop exigus, épuisés ou non représentatifs ont été exclus de l’étude.
Nous disposions d’un consentement éclairé signé par les patients majeurs ou les parents des patients mineurs autorisant des analyses à des fins de recherche sur le matériel tumoral.

 Données clinico-radiologiques

Les données cliniques des patients ont été recueillies à partir des archives médicales informatisées des services de Neurochirurgie et d’Oncopédiatrie du CHU d’Angers (logiciel M-CROSSWAY®, version 8.2.1.r2.8, Maincare solutions).

 Sélection du matériel biologique

La lame la plus représentative de chaque prélèvement a été sélectionnée pour réaliser l’étude immunohistochimique (IHC) sur le bloc correspondant.

L’étude de biologie moléculaire a été réalisée soit à partir de matériel cryopréservé en tumorothèque, soit à partir de blocs d’inclusion en paraffine.

Etude immunohistochimique

L’étude IHC a porté sur la détection de six protéines : H3K27me3, ATRX, p53, IDH1-R132H, BRAF-V600E et MIB1. Des coupes de tissu tumoral fixé au formol et inclus en paraffine, de 4μm d’épaisseur, ont été préparées à partir des blocs sélectionnés.

Elles ont été étalées sur lame, séchées une nuit à 37°C puis placées dans l’automate Leica Bond-III® (Leica Biosystem, Newcastle, UK) où elles ont subi plusieurs étapes de traitement, résumées en annexe 2.

Les anticorps primaires utilisés sont décrits en annexe 3. Les immunomarquages ont été interprétés en microscopie optique. Nous avons utilisé des témoins pour contrôler l’intensité et la spécificité des marquages obtenus : un témoin externe positif pour IDH1-R132H (oligodendrogliome avec mutation IDH1-R132H) et un témoin interne positif pour H3K27me3 et ATRX (parenchyme cérébral résiduel et cellules endothéliales).

 Immunomarquage anti-H3K27me3

L’immunomarquage anti-H3K27me3 a été classé en quatre catégories semi-quantitatives : expression conservée (marquage d’intensité modérée à forte de plus de 60% des noyaux tumoraux), perte d’expression totale (intéressant plus de 95% des cellules tumorales), perte d’expression partielle (immunomarquage d’intensité faible intéressant au moins 20% des cellules tumorales) ou immunomarquage ininterprétable (du fait de l’exiguïté ou la non-représentativité du matériel).

Une perte partielle ou totale était considérée comme reflétant la présence d’une mutation K27M de l’histone H3 (H3.1 ou H3.3) (21). A l’inverse, une expression conservée était considérée comme un reflet du statut wild-type (WT). En effet, l’anticorps anti-H3K27me3 détecte la forme physiologique triméthylée (sur la lysine (K) en position 27) de l’histone H3 et l’absence d’immunomarquage traduit la perte de la triméthylation de la protéine H3 et donc le statut a priori muté du gène H3.3 ou H3.1.

 Immunomarquage anti-IDH1-R132H

L’immunomarquage anti-IDH1-R132H a été classé en deux catégories qualitatives : positif ou négatif. Lorsque la mutation est présente, la totalité des cellules tumorales exprime la protéine mutée en IHC.

Une immunopositivité est prédictive de la présence de la mutation IDH1-R132H (et seulement de cette mutation ; les autres variants ne peuvent être détectés en IHC) avec une sensibilité et une spécificité de 100% (23).

 Immunomarquage anti-BRAF-V600E

L’immunomarquage anti-BRAF-V600E a été classé en deux catégories qualitatives : positif s’il existait une immunopositivité cytoplasmique diffuse d’intensité modérée à forte, négatif dans les autres cas.

Une immunopositivité est un marqueur de la mutation BRAF-V600E avec une sensibilité de 98% et une spécificité de 97% (24).

 Immunomarquage anti-MIB1

L’indice de prolifération Ki-67/MIB1, exprimé en pourcentage, reflète le nombre de cellules tumorales en cycle cellulaire.

L’immunomarquage a été classé en trois catégories semi-quantitatives : Ki-67 ≤10%, Ki-67>10% et ≤30% et Ki-67 >30%.

 Séquençage Sanger

En amont du séquençage proprement dit, il est nécessaire d’effectuer plusieurs étapes que sont 1) l’extraction de l’ADN sur tissu congelé ou inclus en paraffine, 2) l’amplification par PCR de l’ADN extrait, 3) la purification des produits de PCR, 4) la réaction de séquence et enfin, 5) la purification de cette réaction avant lecture via le séquenceur capillaire (Annexe 4).
Un séquençage Sanger a été réalisé pour les gènes suivants : HIST1H3B (codant pour la variante H3.1 de l’histone H3), H3F3A (codant pour la variante H3.3 de l’histone H3), PPM1D (exon 6), ACVR1, BRAF et pTERT.

 Séquençage ACVR1

Un séquençage du gène ACVR1 a été réalisé pour 18 cas (Figure 12 et tableau II).Une mutation p.Gly328Val (substitution d’une glycine par une valine en position 328) a été mise en évidence dans 2 cas (n°08 et 11) (2/18, 11%).

Cette mutation était associée à une mutation H3.1K27M dans le cas n°08. Le cas n°11 était WT pour les gènes H3 mais, comme précédemment mentionné, la représentativité du matériel dans ce cas est sujette à caution car la grande majorité des DIPG avec mutation ACVR1 ont une mutation H3.1K27M.

DISCUSSION

Notre étude a porté sur 22 cas de DIPG diagnostiqués chez des enfants âgés de 3 à 15 ans. Les caractéristiques cliniques des patients étaient en accord avec les données publiées dans la littérature.

L’âge médian au diagnostic (8 ans) et la survie globale (8,45 mois) étaient comparables à ceux rapportés dans des études antérieures (6-7 ans et 9-12 mois, respectivement) (2,3,10,26). Même si l’effectif semble modeste, notre cohorte de 22 patients et les résultats obtenus prennent toute leur valeur au vu de la rareté des DIPG et du caractère souvent exigu des prélèvements.
Notre travail avait pour but principal de rechercher une mutation gain de fonction du gène PPM1D dans une cohorte de DIPG diagnostiqués au CHU d’Angers entre 2000 et 2016.

Nous avons mis en évidence une mutation de l’exon 6 de PPM1D dans 2 cas (9%) de notre série ; la fréquence de cette altération variant de 9 à 29% dans la littérature (12–14). Ces 2 cas présentaient une mutation H3.3K27M et une absence de mutation de TP53. Il n’y avait pas de mutation de PPM1D dans les DIPG présentant une accumulation nucléaire de p53 (reflétant le statut muté du gène) ou dans les DIPG avec mutation H3.1K27M.

Le caractère mutuellement exclusif des mutations de PPM1D et TP53 était statistiquement significatif (p = 0,048, test exact de Fisher).

Ces résultats préliminaires sont très encourageants mais doivent être interprétés avec précaution du fait du nombre limité de cas PPM1D mutés dans notre cohorte. Quelques études récentes ont montré le caractère mutuellement exclusif des mutations PPM1D et TP53 (12–15).

Dans l’étude de Zhang et al. (14), les mutations de PPM1D n’étaient observées que dans les gliomes diffus avec mutation H3.3K27M et étaient mutuellement exclusives des mutations de TP53. Nikbakht et al. ont identifié au sein d’un DIPG deux sous-clones ayant respectivement une mutation de PPM1D et de TP53 (27).

Ces résultats ne remettent pas en cause le caractère mutuellement exclusif des deux anomalies, étant donné que chaque altération était présente dans un territoire tumoral distinct, soulignant l’hétérogénéité spatiale des DIPG.

A noter que dans l’étude de Zhang et al., aucune mutation de PPM1D n’a été détectée dans des gliomes diffus du thalamus avec ou sans mutation H3K27M (14).

Un seul gliome hémisphérique cérébral sur 57 présentait une mutation PPM1D soulignant la rareté de cette altération en dehors du TC (14).

CONCLUSION

Au total, nous avons identifié une mutation gain de fonction de l’exon 6 de PPM1D dans deux cas de DIPG (9%) caractérisés par une mutation H3.3K27M et un statut TP53 WT. Aucun des DIPG avec mutation de TP53 n’avait de mutation de PPM1D. Ces résultats confirment le caractère mutuellement exclusif des mutations des gènes TP53 et PPM1D et leur rôle sur une même voie de signalisation.

Il existe donc deux sous-groupes distincts au sein des DIPG avec mutation H3.3K27M. La valeur pronostique de PPM1D dans les DIPG reste à déterminer.

Le rôle oncogène de PPM1D offre de nouvelles pistes thérapeutiques qui, si elles se concrétisent, nécessiteront une stratification des patients selon le statut PPM1D.

La tumorigenèse des DIPG avec mutation H3K27M sans mutation des gènes TP53 ou PPM1D fait probablement intervenir d’autres gènes driver, dont ACVR1 et PIK3R1. Ce travail sera poursuivi de manière prospective, ce qui devrait permettre une analyse moléculaire plus exhaustive.

De nombreux gènes d’intérêt restent à étudier dont FGFR1, SETD2 et NTRK1-3. Une meilleure caractérisation des DIPG aboutira peut-être à une classification purement génétique de ces tumeurs, à l’instar de ce qui est proposé par l’OMS 2016 dans les médulloblastomes (WNT-activé, SHH-activé et TP53-muté, SHH-activé et TP53-WT et, enfin, non-WNT non-SHH).

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIEL ET MÉTHODES
1. Sélection des cas
2. Données clinico-radiologiques 
3. Sélection du matériel biologique
4. Etude immunohistochimique
4.1. Immunomarquage anti-H3K27me3 
4.2. Immunomarquage anti-ATRX
4.3. Immunomarquage anti-p53
4.4. Immunomarquage anti-IDH1-R132H 
4.5. Immunomarquage anti-BRAF-V600E
4.6. Immunomarquage anti-MIB1
5. Séquençage Sanger
6. Single Nucleotide Polymorphism array (SNP array) 
7. Analyses statistiques
RÉSULTATS
1. Données cliniques
2. Données radiologiques
3. Résultats de l’étude histopathologique
4. Résultats de l’étude immunohistochimique 
4.1. Immunomarquage anti-H3K27me3
4.2. Immunomarquage anti-ATRX 
4.3. Immunomarquage anti-p53
4.4. Immunomarquage anti-IDH1-R132H
4.5. Immunomarquage anti-BRAF-V600E
4.6. Indice de prolifération Ki-67/MIB1
5. Résultats du séquençage Sanger 
5.1. Séquençage des gènes des histones H3
5.2. Séquençage de l’exon 6 du gène PPM1D 
5.3. Séquençage ACVR1
5.4. Séquençage des gènes IDH1/2, BRAF et pTERT 
6. Résultats de l’analyse pangénomique par SNP array 
DISCUSSION 
CONCLUSION 

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