Étude du transport des électrons suprathermiques en milieu solide

Lasers intenses

   La présente thèse est articulée autour de la dernière étape de l’allumage rapide : la génération et le transport des électrons rapides vers la zone comprimée du combustible. L’impulsion laser requise pour produire un tel faisceau d’électrons est courte (picoseconde), énergétique (kilojoules), et intense (! 1020 W · cm−2). La durée des impulsions laser, depuis la mise en place du blocage de modes [DeMaria1967], atteignait déjà le régime picoseconde. Mais les quelques millijoules disponibles risquaient d’endommager les optiques et le milieu amplificateur. Afin de dépasser l’éclairement caractéristique de 1015 W·cm−2 et d’étudier les différents phénomènes relativistes en découlant, il fallait contourner cet obstacle par une modification conséquente des impulsions laser. L’idée de l’allumage rapide prend en fait sa source dans l’invention de l’amplification par dérive de fréquence [Strickland1985], dénommée CPA et décrite dans la section 2.1. Cette méthode pourvoit maintenant des impulsions dont la puissance crête dépasse le pétawatt, et, via une focalisation de bonne qualité, l’éclairement atteint 1021 W · cm−2 sur certaines installations. De telles intensités seront à même de générer un faisceau d’électrons suffisamment énergétiques pour enclencher le processus de l’allumage rapide. Parallèlement, les lasers pompés par diodes progressent petit à petit vers le taux de répétition élevé requis pour la fusion inertielle. Il semble donc que la technologie laser puisse être adaptée aux différentes contraintes de la fusion dans quelques décennies.

Distribution angulaire

   Selon les mesures de la direction d’émission de bremsstrahlung par les électrons rapides [Santala2000],le faisceau d’électrons est accéléré selon la normale à la cible pour un préplasma réduit (longueur de gradient de l’ordre du micron) et selon l’axe du laser pour un préplasma plus étendu. Les mécanismes sous-jacents diffèrent donc dans ces deux cas (cf. section 2.2). Cette distinction n’est plus clairement observée pour des préplasmas de plusieurs dizaines de microns, car trop de phénomènes modifient le faisceau électronique avant qu’il ne parvienne dans la partie dense de la cible (instabilités, champs magnétiques, etc.). Nous verrons aussi, dans le chapitre 5, que ce préplasma souvent présent au niveau de l’interaction laser-cible détériore grandement la collimation des électrons. Cette étude a montré qu’il est une des origines principales de leur divergence. La méthode répandue des cibles multicouches, contenant un matériau fluorescent à une certaine profondeur, mène traditionnellement à une estimation de la divergence du faisceau d’électrons grâce à une imagerie 2D (cf. chapitre 6). Il s’agit simplement de placer une couche d’un matériau “traceur” à l’intérieur de la cible afin de connaître la taille du faisceau électronique en cet endroit. En déplaçant la position de ce traceur d’un essai à l’autre, on en déduit la forme globale de ce faisceau. Plusieurs résultats [Stephens2004, Lancaster2007, Baton2007] ont obtenu un angle total de 40±15°, en supposant une forme conique du faisceau électronique. Mais comme chaque valeur requiert plusieurs tirs, aucune étude systématique n’a pu examiner les effets des paramètres laser. Une compilation des résultats [Green2008] indique une moins bonne divergence à haut éclairement laser, en accord avec des simulations PIC, mais les différences en termes de préplasma et conditions laser sont peu prises en compte. La divergence des électrons reste donc largement inconnue. Notons que le chapitre 6 constitue une critique de ces méthodes de mesure de la divergence. Il montre que les valeurs publiées précédemment sont peu crédibles à cause de l’analyse simpliste des données expérimentales. Son intérêt principal est alors de proposer une nouvelle approche de cette analyse, ainsi qu’un nouveau modèle de cibles, plus adaptées à la mesure de la divergence.

Chauffage du plasma

   Les différents paramètres listés ci-dessus correspondent aux caractéristiques propres au faisceau d’électrons. Il est tout aussi important de connaître leur effet sur le plasma, par exemple sur la température atteinte. La spectroscopie X a fourni très tôt des valeurs optimistes de cette température de plusieurs centaines d’eV pour 20 J d’énergie laser [Koch1998]. Un peu plus raisonnablement, d’autres mesures donnent 500 eV pour 300 J d’énergie laser [Evans2005], mais ici aussi, l’étude des raies de l’aluminium, peu énergétiques, pourrait être critiquée. En effet, la proximité en énergie de la population d’électrons thermiques est une possible source d’erreur. En guise d’autre explication, Nishimura et al. [Nishimura2005] montrent qu’une telle valeur de 500 eV est possible pour le plasma proche de la zone d’interaction, mais que dans le solide même, une température de 100 eV est atteinte avec 130 J d’énergie laser (les cibles de taille réduite, par le plus faible volume à chauffer, parviennent maintenant à la même température pour une énergie laser de moins de 10 J [Neumayer2009, Nilson2009]). Comme nous le verrons dans le chapitre 5, le rôle du préplasma est fondamental pour comprendre comment les électrons parviennent à chauffer une cible dense [Perez2010a]. En effet, en supprimant ce préplasma, nous sommes parvenus à augmenter significativement la température atteinte : 200 eV pour seulement 5 J d’énergie laser.

Champs magnétiques auto-générés

   Nous verrons dans la section 2.4.2 que le fort courant transporté par les électrons rapides peut induire de forts champs magnétiques, susceptibles de modifier notablement leurs trajectoires, et pouvant même les collimater [Davies2003]. Très peu d’expériences ont abouti à une preuve de leur existence dans un cadre pertinent pour l’allumage rapide. À notre connaissance, seules deux études sont parvenues à des conclusions satisfaisantes. Elles concernent toutes deux la collimation des électrons dans une cible solide (structurée afin d’ajuster la formation des champs magnétiques) de symmétrie plane [Kar2009] ou cylindrique [Ramakrishna2010]. Des gradients de résistivité électrique sont imposés par la présence de matériaux différents. Ce sont ces gradients qui assurent la croissance des champs et ainsi la collimation des électrons. Le chapitre 7 détaille la première expérience parvenue à démontrer l’efficacité de ces champs magnétiques dans une cible comprimée par lasers. Cette nouveauté est très pertinente pour la compréhension de l’allumeur rapide. En effet, le faisceau d’électrons se propage dans les deux cas dans de la matière comprimée, présentant des gradients de densité, de température (et donc de résistivité). Nous verrons que les électrons sont fortement influencés par la structure de la compression de la cible (ici comprimée de façon cylindrique).

Courant de retour

   Le faisceau d’électrons progressant dans le plasma dense provoque plusieurs phénomènes. Premièrement, cet apport de charges tend à chasser les électrons thermiques vers l’extérieur du faisceau. Une telle neutralisation en charge se produit avec un temps caractéristique ω−1p , l’inverse de la fréquence plasma. L’ordre de grandeur de ce temps est la femtoseconde, bien plus court que la durée de nos lasers et de celle du faisceau électronique. On peut donc supposer que la charge est toujours neutralisée rapidement devant la durée des autres effets étudiés. Deuxièmement, le fort courant du faisceau Ib (= quelques 106 A) génère un champ magnétique azimutal tendant à le dévier. Alfvén a montré [Alfvén1939] que ce champ empêche la propagation d’un tel courant si sa valeur dépasse une valeur caractéristique IA = γbvb e/re où vb est la vitesse moyenne des électrons rapides et γb le facteur de Lorentz associé. En effet, la déflection par le champ magnétique devient trop forte et le faisceau explose. Ce courant limite vaut environ 104 A, ce qui est largement trop bas par rapport à Ib. En réalité, la théorie d’Alfvén ne prend pas en compte le courant de retour Ir. Il est constitué des électrons thermiques accélérés par le champ électrique dans le sens inverse du faisceau principal. Ces électrons lents, mais nombreux, tendent à compenser le courant initial de façon à obtenir un courant total Ib + Ir inférieur à IA. Par conséquent, si la neutralisation grâce au courant de retour est suffisante (> 99% du courant incident), le champ magnétique induit est fortement amoindri, et le faisceau électronique peut se propager librement. Pour plus de précision, la propagation d’un faisceau cylindrique peut être calculée analytiquement [Lee1971]. La longueur caractéristique de ce problème est l’épaisseur de peau magnétique λe = c/ωp, sur laquelle s’étend typiquement le champ magnétique induit. Si le rayon rb du faisceau est plus petit que λe, le courant de retour s’étend trop loin, et la neutralisation est très imparfaite. Dans notre cas, λe est de l’ordre de 10−2 µm, ce qui est négligeable devant la source que l’on utilise (∼ 10 µm).On obtient alors une très bonne neutralisation du courant, permettant la propagation des électrons rapides. Ce phénomène se produit en un temps 1/νei de l’ordre de la femtoseconde. Cet état ne perdure pas indéfiniment. Les collisions impliquent une diffusion du courant de retour, donc du champ magnétique. Cela entraine une mauvaise neutralisation, puis la détérioration du faisceau électronique. Ceci se produit selon le temps caractéristique de diffusion magnétique τd =µ0r2bσ (au moins quelques dizaines de picosecondes) où σ est la conductivité électrique du plasma. Dans les conditions qui nous intéressent, on montre [Gremillet2001] que le courant d’Alfvén est dépassé après environ le même temps. Il est raisonnable d’estimer que dans notre cas, le faisceau électronique ne peut guère être maintenu plus de 10 ps. Cette durée n’est pas anodine. En effet, il s’agit presque de la durée prévue dans le cadre de l’allumeur rapide (quoique nos conditions n’y soient pas directement applicables). Le problème, à ce niveau, reste donc ouvert à des études plus précises [Davies2004]. En vue de nos expériences, ce temps caractéristique est également à prendre en compte, car l’une d’elles (chapitre 7) utilise un laser de durée 10 ps.

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Table des matières

1 Introduction 
1.1 Fusion inertielle et allumage rapide 
1.2 Lasers intenses
1.3 État des connaissances 
1.4 Objectifs et plan de la thèse
2 Modélisation de l’interaction laser ps-plasma 
2.1 Lasers intenses
2.1.1 Impulsions ultra-courtes
2.1.2 Focalisation
2.1.3 Contraste
2.1.4 Etat de la cible avant l’impulsion courte
2.2 Accélération des électrons
2.2.1 Mécanismes collisionnels ou à faible éclairement
2.2.2 Mécanismes collectifs linéaires
2.2.3 Mécanismes collectifs non-linéaires
2.2.4 Bilan des mécanismes d’accélération d’électrons
2.3 Transport collisionnel des électrons dans la matière 
2.3.1 Diffusion angulaire
2.3.2 Pouvoir d’arrêt collisionnel
2.3.3 Pouvoir d’arrêt radiatif
2.3.4 Bilan des effets collisionnels
2.4 Transport collectif des électrons dans la matière
2.4.1 Courant de retour
2.4.2 Champs induits
2.4.3 Pouvoir d’arrêt et chauffage collectifs
2.4.4 Recirculation
2.4.5 Instabilités
2.4.6 Bilan des effets collectifs
3 Simulation de l’interaction laser ps-plasma 
3.1 Simulations sans électrons 
3.1.1 Hydrodynamique
3.1.2 Équations d’état
3.1.3 Couplage avec le laser
3.1.4 Fonctionnement, résultats et limites
3.2 Simulations avec électrons explicitement définis
3.2.1 Méthode Monte-Carlo
3.2.2 Méthode hybride
3.2.3 Limites
3.3 Simulations avec électrons implicitement obtenus
3.3.1 Calcul des champs et des particules
3.3.2 Ordre d’interpolation
3.3.3 Collisions
3.3.4 Limites
3.4 Bilan des simulations laser-plasma 
4 Diagnostics X pour la détection des électrons rapides 
4.1 Rayonnements mesurables 
4.1.1 Émission Kα
4.1.2 Émission Kβ
4.1.3 Bremsstrahlung
4.1.4 Bilan des rayonnements mesurables
4.2 Cristaux de Bragg
4.3 Spectroscopie Kα 
4.3.1 Spectromètre plan
4.3.2 Spectromètre cylindrique
4.3.3 Spectromètre tronconique
4.3.4 Spectromètre sphérique
4.3.5 Imperfections du cristal
4.3.6 Conclusion sur la spectroscopie Kα
4.4 Imagerie Kα 
4.4.1 Géométrie
4.4.2 Précautions de mise en place
4.4.3 Zone utile et précision d’alignement
4.4.4 Résolution spatiale
4.4.5 Résolution spectrale et effet de la température du plasma
4.4.6 Conclusion sur l’imagerie Kα
4.5 Spectroscopie de rayons X durs 
4.5.1 Spectromètre par transmission
4.5.2 Cannons
5 Chauffage isochore de cibles de taille réduite 
5.1 Description de l’expérience
5.1.1 Installation laser
5.1.2 Cibles
5.1.3 Diagnostics
5.2 Spectroscopie X et mesure de température
5.2.1 Raies de l’aluminium
5.2.2 Raies du cuivre
5.2.3 Interprétation
5.3 Imagerie X
5.3.1 Images de la face arrière
5.3.2 Images de profil
5.4 Comparaison aux simulations PIC
5.4.1 Description des simulations
5.4.2 Température simulée
5.4.3 Électrons rapides simulés
5.5 Conclusion sur le chauffage isochore 
6 Mesure de la divergence du faisceau d’électrons
6.1 Description de l’expérience 
6.1.1 Installation laser
6.1.2 Cibles
6.1.3 Diagnostics
6.2 Résultats et analyse 
6.2.1 Présentation des résultats
6.2.2 Risques de la méthode habituelle
6.2.3 Méthode alternative pour l’analyse des données
6.2.4 Bilan des mesures
6.3 Comparaison aux simulations
6.3.1 Spectre des électrons
6.3.2 Le code Calder-MC
6.3.3 Rôle de la température
6.3.4 Rôle de la densité électronique
6.3.5 Rôle du préplasma
6.3.6 Effet de la recirculation
6.3.7 Contribution des électrons les moins rapides
6.3.8 Rôle de la divergence initiale
6.4 Bilan 
6.5 Note sur la divergence à 2ω 
7 Transport dans la matière comprimée 
7.1 Description de l’expérience
7.1.1 Installation laser
7.1.2 Première phase : compression
7.1.3 Deuxième phase : transport électronique
7.2 Première phase : compression 
7.2.1 Simulations hydrodynamiques
7.2.2 Radiographie par protons
7.2.3 Radiographie X
7.2.4 Spectroscopie d’absorption
7.2.5 Bilan de la première phase
7.3 Deuxième phase : transport électronique 
7.3.1 Spectrométrie Kα
7.3.2 Imagerie Kα
7.3.3 Température des électrons chauds
7.4 Comparaison aux simulations
7.4.1 Le code PIC
7.4.2 Le code hybride
7.4.3 Importance du champ magnétique
7.4.4 Collimation du faisceau
7.4.5 Baisse du signal Cu-Kα
7.5 Bilan 
8 Conclusions et perspectives 
Annexes
A Théorie de Nanbu – version relativiste
B Théorie de Nanbu – modification aux basses températures
C Théorie de Nanbu – modification du logarithme coulombien
D Jusqu’à quelle profondeur peut-on détecter les électrons ?
E Radiographie X – Calcul de la résolution théorique
Bibliographie

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