Etude du microbiote susceptible de persister sur les surfaces d’un atelier de la filière viande bovine

L’hygiène des surfaces inertes est une préoccupation constante dans l’industrie agroalimentaire (IAA). La contamination microbiologique des surfaces peut être apportée par la matière première, l’air, l’eau ou le personnel. L’adhésion des micro organismes d’altération ou pathogènes sur les surfaces induit des effets néfastes à la fois en termes de qualité et de santé publique. Les microorganismes d’altération peuvent se retrouver dans les produits et provoquer la dégradation de leurs qualités organoleptiques ce qui représente un coût et par conséquence, une perte financière pour l’industrie. Par ailleurs, des bactéries pathogènes peuvent être à l’origine de certaines toxiinfections alimentaires collectives (TIAC) parfois mortelles (Bièche et al., 2012; Bielaszewska et al., 2011). Depuis quelques décennies, d’énormes progrès ont été réalisés en matière de sécurité hygiénique des aliments. La majorité des sites de fabrication alimentaire sont en effet équipés de locaux conformes et des systèmes d’assurance Qualité sont mis en place en s’appuyant notamment sur les principes du HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point).

Pour réduire la population microbienne des surfaces à un niveau tel que le risque de contamination des produits alimentaires soit acceptable, des procédures de nettoyage-désinfection (N-D) sont mises en œuvre dans les ateliers agro-alimentaires. Afin de vérifier la bonne application des opérations de N-D, des contrôles réguliers sont réalisés pour connaître et estimer la population microbienne résiduelle présente sur les surfaces. Cette procédure est d’ailleurs un outil important de la gestion de la qualité et s’inscrit dans une démarche de maîtrise des points critiques du système HACCP. Malgré la mise en place de procédures agressives, le N-D ne permet pas l’élimination totale de la flore microbienne des surfaces ouvertes. Certaines bactéries pathogènes comme Listeria monocytogenes peuvent persister dans les locaux et équipements industriels (Giovannacci et al., 1999; Lawrence et al., 1995). Lors des contrôles microbiologiques des surfaces, seule la fraction cultivable est dénombrée par les hygiénistes. Or au sein d’une population, se trouvent en proportions variables, des bactéries mortes, des bactéries cultivables, et entre ces deux physiologies des bactéries viables non cultivables (VNC). Des travaux ont montré que ces bactéries VNC pouvaient être présentes en quantité très importante sur les surfaces d’ateliers agro-alimentaires (Alliot, 1999; Mettler et al., 1997; Peneau et al., 2007). Par ailleurs, le maintien de la virulence de bactéries pathogènes en état VNC a été démontré dans plusieurs études (Baleux et al., 1998; Colwell et al., 1996). L’aptitude des matériaux au nettoyage (« nettoyabilité ») et à la désinfection (« désinfectabilité ») constitue un sujet d’intérêt pour beaucoup d’industriels. Krysinki et al., (1992) montrent sur des biofilms de Listeria monocytogenes que le matériau de tapis convoyeur en polyester/polyuréthane a une contamination microbienne après désinfection plus importante que celui en polyester, l’acier inoxydable étant le plus facilement désinfectable (il s’agit de matériaux neufs). De plus, le développement récent des techniques moléculaires basées sur l’analyse directe de l’acide désoxyribonucléique (ADN) sans culture préalable des micro organismes a permis une meilleure étude quantitative et qualitative des écosystèmes bactériens. La Polymerase Chain Reaction (PCR) en temps réel ou PCR quantitative (qPCR) a été largement utilisée pour la détection et la quantification de bactéries pathogènes dans des produits alimentaire. Cependant, peu d’études ont appliqué cette technique pour déterminer l’efficacité du N-D en évaluant la flore retrouvée sur les surfaces après les opérations d’hygiène. Quel est donc l’impact du N-D et du matériau sur l’état physiologique des cellules bactériennes ? Quelle est la proportion des cellules vivantes retrouvées après les opérations d’hygiène ?

Lors des processus d’abattage et d’éviscération des bovins, des bactéries pathogènes ou nonpathogènes provenant principalement des fèces, du contenu stomacal ou du cuir des animaux, peuvent se retrouver sur les carcasses des viandes (Christieans et al., 2006; Warriner et al., 2002). La charge bactérienne présente sur les surfaces d’équipements provient essentiellement du contact des matières premières avec la surface mais aussi d’autres sources telles que le personnel, l’eau utilisée lors des opérations de nettoyage et de désinfection (N-D) de l’industrie mais aussi l’atmosphère et ses particules en suspension (Ellerbroek, 1997).

Il est connu que les bactéries à l’origine des altérations de la viande appartiennent majoritairement au groupe Gram négatif (Garcia-Lopez et al., 1998). On cite à titre d’exemple les genres Acinetobacter, Psychrobacter, Moraxella et Pseudomonas. Ce dernier est le genre dominant des bactéries isolées dans tous les produits carnés conservés au froid en conditions aérobies (Dainty et al., 1992). Pseudomonas est connu pour occuper de nombreuses niches écologiques aérobies. Sa capacité à hydrolyser certains peptides issus de la viande en cas d’épuisement du glucose expliquerait son avantage écologique par rapport à d’autres espèces (Molin et al., 1986). L’espèce P. fragi est celle qui domine largement la flore des viandes après quelques jours de conservation (Molin et al., 1982). Cette espèce est incapable de synthétiser les sidérophores qui sont les transporteurs de fer indispensables au métabolisme respiratoire. Cette carence est compensée par l’utilisation de ce métal présent en grande quantité dans le muscle (Champomier-Vergès et al., 1996). L’économie d’énergie réalisée sous forme d’Adénosine triphosphate (ATP) non consommé pour synthétiser les sidérophores est sans doute un des éléments qui expliquerait pourquoi P. fragi est l’espèce dominante dans la viande.

La viande bovine est aussi dominée par des bactéries Gram positif telles les genres Bacillus, Lactobacillus, Corynebacterium, Brochothrix et Staphylococcus (Holzapfel, 1998). Leur présence sur les surfaces inertes s’explique par leur forte tolérance aux conditions environnementales des ateliers (températures de réfrigération, dessiccation, faible pH). Une des explications quant à la présence de la bactérie d’altération Brochothrix thermosphacta dans les produits carnés est la mise en évidence de peptidases uniquement produites par cette bactérie au contact d’exsudat de viande mais aussi d’une glycérol estérase active dans la viande (Gardner (1982) cité par Labadie (2004)). Russo et al. (2006) montrent une réduction de la croissance de B. thermosphacta dans la viande fraîche en présence de bactéries lactiques à 5°C. Les études menées sur la microflore bactérienne des ateliers de viande bovine après N-D ont porté principalement sur les populations cultivables identifiées par des méthodes biochimiques traditionnelles. Selon Mettler et al. (1998), les principaux genres bactériens isolés de matériaux neufs introduits dans un atelier de transformation de viande bovine sont Pseudomonas, Staphylococcus, Enterobacter, Flavobacterium et Kluyvera. Marouani-Gadri et al. (2009) montrent la prévalence du genre Staphylococcus sur des surfaces inertes d’un atelier de viande bovine après nettoyage-désinfection. Schlegelova et al. (2010) isolent 8 espèces différentes de Staphylococcus sur des surfaces d’équipements d’un abattoir bovin après les opérations d’hygiène. Ces mêmes auteurs montrent la dominance de S. saprophyticus qui correspond à 26% du nombre total d’isolats.

L’état physiologique des micro-organismes est fortement lié aux facteurs physico-chimiques de l’environnement qui peuvent induire des perturbations et créer des lésions membranaires et cellulaires. Ainsi, nous pouvons observer au sein des communautés bactériennes en proportions variables, des bactéries mortes, des bactéries viables cultivables et entre ces deux états physiologiques, des bactéries dites viables non cultivables (VNC). L’état VNC chez les bactéries a été mis en évidence pour la première fois par l’équipe de Rita Colwell en 1981 (Byrd et al., 1991) au cours de travaux visant à évaluer la qualité des eaux côtières de l’état de Maryland. Ceux-ci avaient remarqué des disproportions importantes entre les dénombrements bactériens réalisés par culture sur milieu solide et les dénombrements effectués par observation microscopique. Actuellement il est admis qu’une cellule ne pouvant être dénombrée sur milieu gélosé classique mais possédant une activité physiologique ou métabolique témoin de sa viabilité est considérée viable non cultivable (Oliver, 2005).

Dans les industries agro-alimentaires, les micro-organismes sont soumis à de multiples agressions (choc chimique, privation nutritionnelle, stress hydrique, pH, basses températures). Ces différents facteurs sont susceptibles d’induire l’entrée en état VNC des cellules. Brightwell et al. (2006) ont pu identifier, à partir de prélèvements de surfaces sur un tapis convoyeur en Intralox® , des Sphingomonas non détectés par des méthodes culture-dépendantes. Peneau et al. (2007) observent lors d’une persistance expérimentale d’un P. fluorescens à 10°C, sur des coupons en céramique soumis à des encrassements répétés et des opérations d’hygiène quotidiennes douces (pas d’action mécanique, dose diminuée de moitié par rapport à celle préconisée dans les industries), qu’il existe de fortes différences entre le nombre d’UFC et le nombre de cellules montrant une activité respiratoire par la réduction du 5-cyano-2,3-ditolyl tétrazolium (CTC). Les travaux d’Alliot (1999) réalisés dans un atelier fromager ont montré que les UFC représentaient de 0,005% à 0,04% du nombre total de bactéries évalué par comptage dans une cellule de Thoma. De plus, de nombreux pathogènes tels que Salmonella enterica ou Listeria monocytogenes sont susceptibles de développer un état VNC. Marouani-Gadri et al. (2010) montrent l’existence d’une proportion de VNC, variable au cours de l’expérience, sur des biofilms d’E. coli O157:H7 soumis quotidiennement à des opérations de nettoyage-désinfection douces dans des conditions environnementales proches de celles présentes dans les ateliers de viande.

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Table des matières

I- INTRODUCTION
II- ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
A. Bactéries des surfaces
1. Diversité bactérienne dans les écosystèmes de la filière viande bovine
2. Etats physiologiques des bactéries des surfaces
3. Evaluation de la viabilité cellulaire
3.1. Les méthodes utilisant la microscopie ou la cytométrie en flux
3.2. Les méthodes moléculaires
4. Les opérations d’hygiène dans les industries agro-alimentaires
4.1. Le nettoyage
4.2. La désinfection
4.3. Les opérations d’hygiène dans les industries
4.4. Efficacité des procédures d’hygiène
5. «Résistance» des bactéries aux produits d’hygiène
B. Méthodes appliquées à l’étude des bactéries des surfaces
1. Prélèvement des bactéries sur les surfaces
1.1. Méthodes de prélèvement sur terrain
1.1.1. Frottis
a- Ecouvillon
b- Chiffonnage
1.1.2. Empreintes par application d’une gélose
1.2. Méthodes de prélèvement au laboratoire : cas des ultrasons
2. Quantification bactérienne
2.1. Par culture
2.2. Sans culture : PCR en temps réel
2.2.1. Nature exponentielle de la réaction PCR
2.2.2. Efficacité d’amplification
2.2.3. Les systèmes de détection
a- Les agents intercalant : cas du SYBR®-Green
b- Les sondes fluorescentes
2.2.4. Applications et limites
3. Identification bactérienne avec culture préalable
3.1. Les méthodes phénotypiques
3.2. Séquençage de L’ADNr 16S
III- CONCLUSION

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