Étude des stratégies d’histoire de vie

De la théorie d’histoire de vie aux stratégies biodémographiques

Notion de stratégie biodémographique, ou stratégie d’histoire de vie :La théorie d’histoire de vie fait référence aux associations entre les paramètres démographiques. Ces combinaisons ou coadaptations entre les traits correspondent à la notion de stratégie, ou tactique, biodémographique (Stearns, 1976; Gaillard et al., 1989). Cette notion de stratégie est souvent présentée dans le contexte de la sélection r-K. Les termes sélection r et K apparaissent pour la première fois dans les travaux de McArthur (1958; 1962), Cody (1966) et McArthur et Wilson (1967), les termes r et K faisant référence au modèle logistique de croissance des populations. McArthur et Wilson (1967) proposent que des valeurs de r ou de K peuvent être attribuées à des allèles (interprétation de Roff, 2002). Les génotypes à fort r vont être sélectionnés dans un environnement non saturé (par exemple lorsque la mortalité densité indépendante est importante ou lorsque la densité varie fortement), alors que dans un environnement saturé ceux avec une forte valeur de K ont l’avantage. C’est-à-dire, à faible densité, les génotypes permettant une croissance rapide de la population sont sélectionnés, alors qu’à forte densité, la sélection se fait en faveur d’une plus grande capacité de compétition. En terme de traits, les associations suivantes sont donc supposées: un âge précoce de première reproduction, une grande taille de portée ou nichée, durée de génération courte suite à une sélection de type r, et les traits opposés pour une sélection K.

Théorie d’histoire de vie ou théorie des coûts de la reproduction?

La notion de compromis est centrale à la théorie d’histoire de vie (Bell, 1980; Roff, 2002). Cette théorie suppose en effet que l’énergie disponible (ou utilisable) est limitée, et que les organismes doivent donc faire des compromis entre investir cette énergie dans leur survie (leur soma) ou dans leur reproduction (Williams, 1966b, 1966a). La notion de stratégie d’histoire de vie se base sur l’idée que, au cours de l’évolution, se sont mises en place différentes tactiques optimisant cette répartition de l’énergie, en fonction de différentes contraintes (Stearns, 1983; Partridge et al., 1988; Partridge & Sibly, 1991), les tactiques non optimales étant éliminées via la sélection naturelle. Ainsi, la notion de stratégie ou tactique démographique, et la théorie d’histoire de vie, incluant tous les compromis qui en découlent, se basent principalement sur l’ existence de coûts de la reproduction (se reproduire demande de l’énergie, énergie qui ne peut donc être utilisée pour son fonctionnement ou sa survie, et donc se reproduire entraîne des coûts en terme de performance future). Si la reproduction était gratuite, et libre de toutes contraintes, une seule stratégie serait optimale: se reproduire aussi vite que possible, tout au long de sa vie et produire un maximum de jeunes. Ainsi, si on limite l’évolution des stratégies démographiques à l’action de la sélection naturelle, la théorie d’ histoire de vie pourrait se limiter à une théorie des coûts de la reproduction.
Plusieurs éléments peuvent cependant être avancés afin de nuancer les précédentes affirmations. Tout d’abord, l’évolution ne se fait pas uniquement par sélection naturelle, et d ‘autres « forces », comme la dérive génétique, doivent aussi être considérées. La dérive génétique correspond au fait que les fréquences alléliques au sein d ‘ une population peuvent fluctuer de manière aléatoire, en l’absence d’autres forces de sélection. Elle peut ainsi permettre à certains caractères (ou plutôt allèles) de se maintenir dans une population, même si ces caractères ne sont pas optimaux (Mayr, 1970). À l’ opposé, des allèles codant pour des caractères optimaux (i.e. permettant d’obtenir une fitness maximale) peuvent par ce même processus ne pas se fixer (i.e. ne pas avoir une fréquence égale à 1 dans la population). Ainsi, par la dérive génétique, et donc le hasard, certaines stratégies démographiques non optimales peuvent être observées .

Age et théorie d’histoire de vie

L’un des principes majeurs de la sélection naturelle en tant que force motrice de l’ évolution est que ses effets diminuent avec l’ âge de l’ individu (Medawar, 1952; Williams, 1957; Hamilton, 1966) : un allèle ayant un effet bénéfique tôt dans la vie de l’ organisme aura beaucoup plus de chance d’ être sélectionné et de voir sa fréquence augmentée au sein de la population que si son effet n’ apparaît que tard dans la vie. Ainsi, la théorie d’ histoire de vie, et l’évolution des stratégies démographiques, sont intimement liées à la variation des traits en fonction de l’âge (tout du moins pour les populations structurées en âge ou stade).
Cette diminution des effets de la sélection avec un âge croissant est à la base des hypothèses permettant d’expliquer l’ existence de sénescence au sein des populations d’êtres vivants. La sénescence se définit par une détérioration des capacités physiologiques d’un organisme au fur et
à mesure qu’il vieillit, conduisant à une diminution de sa performance démographique (Rose,1991). La sénescence a donc des effets apparents négatifs sur la fitness de l’organisme, de par
une diminution de sa survie et/ou de sa reproduction. La sénescence étant, au moins en partie, déterminée génétiquement (Kirkwood & Austad, 2000), son existence semble ne pas supporter la théorie darwinienne de l’évolution. Cependant, plusieurs hypothèses permettent d’expliquer son existence dans un contexte évolutionniste. L’action de la sélection naturelle étant faible ou nulle pour des traits s’exprimant à des âges avancés, des mutations néfastes ne s’exprimant qu’en fin de vie peuvent être apparues et s’être accumulées au cours de l’évolution (mutation accumulation hypothesis, Medawar, 1952). Des gènes ayant des effets positifs en début de vie peuvent également avoir été sélectionnés, même s’ils entraînent une diminution de la performance en fin de vie (antagonistic pleiotropy hypothesis, Williams, 1957). Enfin, de par l’existence de coûts de la reproduction, des compromis peuvent exister entre reproduction tôt dans la vie et survie ou reproduction en fin de vie, pouvant ainsi également expliquer la sénescence (disposable soma hypothesis, Kirkwood, 1977).

Hétérogénéité individuelle et théorie d’histoire de vie

La majorité des modèles utilisés pour comprendre l’évolution des stratégies d’ histoire de vie ou la dynamique des populations se basent sur des données moyennes de traits pour une population donnée, données issues de table de vie ou de suivi longitudinal (Caswell, 2001 ; Roff, 2002). Cependant, l’ hétérogénéité de la qualité des individus au sein même d’une population peut être extrêmement importante et c’est elle qui permet la sélection naturelle. Pour citer Stearns (1992, p.IO), « variation in fitness among individuals is natural selection ». Dans l’ensemble de cette thèse, la notion de qualité individuelle sera utilisée selon la définition de McNamara et Houston (1996), et correspondra donc à « l’ensemble des conditions physiologiques et environnementales qui déterminent la survie et la reproduction de l’ individu ». Cette définition pose certains problèmes. Il rend notamment la nuance entre condition, état et qualité difficile à saisir. La condition, qu’on peut considérer synonyme de l’état, d’un individu peut varier au cours de la vie. Par exemple, un individu sera moins performant âgé que jeune dans le cas où la sénescence existe, mais il peut tout de même rester un individu de meilleure qualité que les autres en moyenne. Le fait de ne pas clairement discerner condition et qualité est lié au fait que cette notion de qualité peut être à la fois statique dans le temps et dynamique. Plus précisément, un individu peut posséder certaines caractéristiques (de part un habitat de meilleure qualité, un génome plus performant, certains effets maternels ou certains effets cohortes … ) qui le rendent plus performant (d’ un point de vue démographique) que les autres. Ces caractéristiques, qu’on peut imaginer statiques (c’ est à dire qu’elles ne varient pas dans le temps) peuvent permettre à l’individu en question d’ avoir une meilleure survie et/ou reproduction, et finalement une aptitude phénotypique au dessus de la moyenne.

Étude de stratégies d’histoire de vie

Lorsque l’ on étudie les stratégies démographiques ou stratégies d’histoire de vie, trois méthodes principales sont utilisées, chacune présentant certains avantages et certaines faiblesses.
Il s’agit de la méthode comparative, de la méthode expérimentale et la méthode descriptive. L’approche comparative a pour but généralement de comparer les associations entre traits pour différentes unités taxonomiques (Harvey & Pagel, 1991). Lorsque l’on travaille sur une seule espèce, deux méthodes existent afin d’étudier les paramètres démographiques et leur covariation: l’expérimentation et la comparaison phénotypique (Reznick, 1992). La méthode expérimentale peut d’autre part se scinder en deux principales approches: la manipulation de traits et la sélection artificielle (Reznick, 1992). Il est souvent difficile de mettre en place des expérimentations au sein de populations animales dans leur milieu naturel, et lorsqu’elles sont possibles, elles ne se font généralement que sur une courte période de temps. De plus, les manipulations peuvent conduire à modifier certains paramètres (e.g. taille de portée) en leur attribuant des valeurs en dehors de celles réalisables en nature (Reznick, 1985), et ainsi ne pas renseigner sur les compromis réels mis en place dans la population. L’avantage de l’expérimentation est qu ‘elle permet de mettre en évidence des relations de cause à effet entre les variations de différents facteurs, en éliminant les variables confondantes. Tout comme la méthode expérimentale, la méthode descriptive peut être scindée en deux approches: l’approche par corrélations génétiques et l’ approche par corrélations phénotypiques (Reznick, 1985). L’étude des corrélations génétiques repose sur la comparaison d’individus apparentés et renseigne sur la façon dont un gène peut affecté un ou plusieurs traits (notion de gène pleïotropique, Roff, 2002).

 

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Table des matières

Chapitre 1 Introduction et cadre théorique
1.1 Théorie d’histoire de vie
1.1.1 Définition
1.1.2 De la théorie d’histoire de vie aux stratégies biodémographiques
1.1.3 Stratégies d’histoire de vie ou variations des composantes biodémographiques individuelles?
1.1.4 Théorie d’ histoire de vie ou théorie des coûts de la reproduction?
1.2 Age et théorie d’histoire de vie
1.3 Hétérogénéité individuelle et théorie d’histoire de vie
1.4 Étude des stratégies d’histoire de vie
1.5 Théorie d’histoire de vie et mammifères
1.6 La population d’écureuils roux à Kluane
1.7 Objectifs spécifiques et questions abordées
PARTIE I – Effets cohortes et stratégies de reproduction 
Chapitre 2 Food resources early in Iife influence the longevity of red squirrels and the quality of their offspring 
2.1 Abstract
2.2 Introd uction
2.3 Materials and methods
2.4 Results
2.5 Discussion
2.6 Conclusion
Chapitre 3 « Late performance sacrificed for early reproduction »: a study of senescence and cohort effects in a red squirrel population 
3.1 Abstract
3.2 Introduction
3.3 Materials and methods
3.4 Results
3.5 Discussion
PARTIE II – Âge et effort reproducteur 
Chapitre 4 Increase of reproductive effort with age in mammals: the evidence may not lie where it is expected 
4.1 Abstract
4.2 Introduction
4.3 Materials and methods
4.4 Results
4.5 Discussion
4.6 Conclusion
PARTIE III – Coûts de la reproduction, âge et hétérogénéité individuelle
Chapitre 5 Best squirrels trade a long Iife for an early reproduction
5.1 Abstract
5.2 Introduction
5.3 Materials and methods
5.4 Results
5.5 Discussion
Chapitre 6 Non-breeding in a North American red squirrel population: restraint or constraint?
6.1 Abstract
6.2 Introduction
6.3 Materials and methods
6.4 Results
6.5 Discussion
Chapitre 7 Survival costs of reproduction in a North American red squirrel population: youngest and oldest females pay the bill
7.1 Abstract
7.2 Introduction
7.3 Materials and methods
7.4 Results
7.5 Discussion
Chapitre 8 Conclusion
8.1 Principales avancées scientifiques
8.1.1 Effets cohortes et stratégies de reproduction
8.1.2 Importance de l’ âge dans l’étude des stratégies de reproduction
8.1.3 Étude des coûts de la reproduction
8.1.4 Qualité individuelle et stratégie de reproduction
8.2 Perspectives de recherche
8.2.1 Qualité de l’ habitat et qualité individuelle
8.2.2 Des stratégies d’ histoire de vie à la dynamique de la population
Annexes
Références

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