Étude des instabilités dans les modèles de trafic

La modélisation du trafic routier au niveau macroscopique à des fins d’analyse ou de prédiction est une discipline qui remonte aux années 50, avec les travaux précurseurs de Lighthill, Whitham et Richards [30, 42]. Basé sur la conservation des véhicules, le modèle LWR permet de retrouver la plupart des phénomènes non linéaires observés sur les autoroutes, comme l’apparition et la propagation des embouteillages, tout en ayant une complexité numérique relativement faible. Pour fermer ce modèle, il faut choisir une relation entre la densité du trafic (nombre de véhicules par kilomètre et par voie) et sa vitesse moyenne. Cette relation, appelée « diagramme fondamental » (DF) et mesurée pour la première fois dans les années 30 par Greenshields [15], permet de ramener le modèle LWR à une seule variable d’état, et de le résoudre par des techniques de discrétisation [25].

L’instabilité dans les modèles de trafic

Lorsque la densité est élevée, le trafic devient instable : de petites perturbations peuvent s’amplifier et créer des zones de ralentissement, ou trafic en accordéon (« stop-and-go » en anglais). Les données de boucles magnétiques, qui donnent à intervalle régulier le débit et la vitesse moyenne du trafic en un point donné du réseau, montrent clairement une dispersion des vitesses au delà d’une valeur critique de densité. Ce phénomène n’est pas expliqué par le modèle LWR, ce qui rend difficile son utilisation à des fins d’estimation ou de prédiction. Il est relativement aisé de mettre en évidence cette instabilité au niveau microscopique. Avec un simple modèle de loi de poursuite du second ordre, la solution homogène devient linéairement instable pour certaines valeurs de la densité (voir par exemple [31], section 14), et le débit moyen diminue. On observe également des zones de métastabilité, dans lesquelles les deux types de solutions (homogène et hétérogène) coexistent. On peut alors essayer de stabiliser le trafic, par exemple en changeant le comportement d’un petit nombre de véhicules [49].

Modèles macroscopiques 

S’inspirant de la mécanique des fluides, de nombreux chercheurs ont étudié des systèmes hyperboliques de lois de conservation avec une deuxième variable d’état, appelés « modèles du second ordre », pour pallier à l’incapacité du modèle LWR à représenter cette instabilité et la dispersion des données qui en résulte. Ainsi, le modèle de Payne-Witham [40] considère la vitesse comme une variable indépendante qui relaxe vers la vitesse d’équilibre, mais a été critiqué [10] car il permet à la vitesse de devenir négative, et peut propager des informations plus vite que la vitesse des véhicules. Dans le modèle ARZ [2, 56, 28] ou, plus récemment, les modèles dits « Generic Second Order Models » ou GSOM [8, 27, 29, 46], le diagramme fondamental dépend d’une seconde variable d’état, qui est un attribut du véhicule (ou du conducteur). Ces deux modèles ont des zones d’instabilité et font naturellement apparaître des oscillations [47], qui permettent d’expliquer la dispersion observée dans les données de boucles magnétiques.

Prise en compte des interactions de sous-maille

Problématique

Ces modèles du second ordre sont en fait relativement peu utilisés dans des applications temps réel. En effet, ils sont généralement difficiles à calibrer correctement, car ils utilisent comme paramètres des fonctions pour les termes de pression ou de relaxation, qui n’ont pas forcément de sens physique clair. De plus, comme leur but est de reproduire précisément des fluctuations relativement rapides (dans le temps comme dans l’espace), ils nécéssitent des données très riches pour reconstruire une condition initiale et des conditions aux limites suffisamment précises. Avec uniquement des données de boucles magnétiques, fournissant des valeurs moyennes sur un temps qui peut être relativement long (de 1 à 6 minutes en général), il est difficile voire impossible de représenter fidèlement des oscillations de type stop-and-go, dont les temps et les longueurs caractéritiques sont de l’ordre de quelques dizaines de secondes et quelques dizaines de mètres. Cependant, ignorer complètement ces phénomènes en utilisant le modèle LWR ne permet pas de prédire leurs conséquences macroscopiques.

Modèles stochastiques

De nombreux travaux prennent en compte l’aspect stochastique du trafic, de différentes façons. La méthode la plus classique consiste à partir d’un modèle déterministe et d’y ajouter un terme aléatoire, comme le fait Gazis [14] dès les années 70 pour faire de l’estimation d’état à partir du modèle LWR, ou plus récemment Wang [54], en ajoutant du bruit à l’équation d’évolution de la vitesse dans un modèle du second ordre. Jabari [18] considère des variations aléatoires du flux entre deux mailles consécutives, en supposant que la valeur moyenne de ce flux est donnée par le diagramme fondamental. La limite fluide de ce modèle est donc exactement le modèle LWR. On peut également construire des modèles déterministes, mais qui prennent en compte l’aspect stochastique du trafic à travers une variance. En partant d’une équation de type cinétique des fluides, Treiber et Helbing [52] obtiennent une équation macroscopique avec la variance de vitesse θ, puis considèrent cette variance comme une fonction de la densité et de la vitesse pour fermer leur modèle. Dans les modèles moyennés, on considèrera la variance (de densité ou de vitesse) comme une variable indépendante.

Modèles moyennés

En mécanique des fluides, ayant compris la richesse des phénomènes de sous maille cruciaux dans la turbulence, de nombreuses approches ont tenté de prendre en compte les effets macroscopiques de ces phénomènes, en particulier les modèles RANS (Reynolds Averaged Navier Stokes), qui considèrent l’évolution de la vitesse moyenne par des considérations thermodynamiques [20, 22, 21, 12], ou encore les modèles LES (Large Eddy Simulation), où le calcul spectral de Kolmogorov permet de relier explicitement les deux échelles macro-micro [48, 43]. Ces techniques dites de moyennisation, très utilisées en mécanique des fluides y compris dans l’industrie, n’ont a priori jamais été appliquées au modèles de trafic, alors que les problématiques sont similaires. En établissant des équations d’évolution de grandeurs moyennes (et non pas instantanées) pour modéliser le trafic, on accepte le fait que les phénomènes liés à l’instabilité ne sont pas prédictibles en temps réel, tout en étant capable de distinguer un trafic homogène d’un trafic hétérogène, avec les conséquences macroscopiques que cela entraîne, en particulier sur la vitesse moyenne et donc les temps de parcours.

Les résultats principaux de cette thèse concernent le modèle dit « LWR moyenné ». Avec deux variables indépendantes (moyenne et variance de la densité), il permet d’expliquer la dispersion des données et facilite l’estimation d’état, tout en étant capable de reproduire des phénomènes complexes comme la chute de capacité. Il est simple à utiliser en pratique car son seul paramètre est le diagramme fondamental, et donne un moyen macroscopique de décrire des interactions de sous-maille comme les ondes stop-and-go, ce qui permet une estimation précise du débit moyen d’un trafic hétérogène, et donc des temps de parcours. Ce modèle déterministe est adapté pour simuler le trafic sur autoroute ou voies rapides (sans feux de circulation) et ne considère pas explicitement d’effets multivoies (pour plus de détails sur ces effets, on pourra se référer à l’excellente thèse de Ngoduy [37]).

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Table des matières

1 Introduction
1.1 L’instabilité dans les modèles de trafic
1.2 Prise en compte des interactions de sous-maille
1.2.1 Problématique
1.2.2 Modèles stochastiques
1.2.3 Modèles moyennés
1.3 Plan de la thèse
1.4 Rappels sur quelques fonctions utilisées dans les modèles de trafic
1.4.1 Distance de sécurité et vitesse optimale
1.4.2 Vitesse d’équilibre et débit d’équilibre
2 Modèles microscopiques
2.1 Instabilité du trafic dense : l’expérience de Sugiyama
2.2 Modèles de vitesse optimale (OV)
2.2.1 Ordre 1
2.2.2 Ordre 2
2.3 Modèle mixte vitesse optimale – « follow the leader » (OV-FTL)
2.4 Modèles sans collision
2.5 Simulations
2.5.1 Cas non concave
2.5.2 Cas concave
2.6 Etude des états « stop-and-go »
2.6.1 Notion d’équilibre d’un état de trafic non stationnaire
2.6.2 Densité moyenne et débit moyen d’un état à l’équilibre
2.6.3 Cas d’un DF parabolique
2.7 Représentation des états à l’équilibre sur le diagramme fondamental
3 Représentation macroscopique d’un trafic hétérogène
3.1 Stabilité de quelques modèles macroscopiques standards
3.1.1 Modèle de Lighthill-Whitham-Richards
3.1.2 Modèle de Payne-Whitham
3.1.3 Modèle de Aw-Rascle-Zhang
3.1.4 Etude des solutions macroscopiques instables
3.2 La technique de moyennisation
3.2.1 Equation d’évolution de la densité moyenne
3.2.2 Equation d’évolution des moments
3.3 Application au modèle LWR
3.3.1 Le modèle moyenné d’ordre 2
3.3.2 Estimation d’état
3.3.3 Entropie et forme conservative du modèle moyenné
3.4 Résolution du problème de Riemann pour le modèle LWR moyenné
3.4.1 Cas parabolique
3.4.2 Estimation d’état et résolution graphique dans le cas parabolique
3.4.3 Cas général
3.5 Application : chute de capacité et comparaison avec le modèle ARZ
3.5.1 Description des simulations
3.5.2 Comparaison des deux modèles
3.6 Autres modèles moyennés
3.6.1 Modèle ARZ moyenné en densité (ARZ-R)
3.6.2 Modèle ARZ moyenné en vitesse (ARZ-K)
3.6.3 Structure d’onde des modèles ARZ moyennés
3.6.4 Simulation d’une chute de capacité avec le modèle ARZ-R
3.7 Conclusion
4 Etude des termes de diffusion
4.1 Pourquoi étudier des modèles diffusifs ?
4.2 Recherche d’ondes stationnaires par la méthode de Kudryashov
4.2.1 Modèle LWR
4.2.2 Modèle moyenné
4.3 Analyse des systèmes diffusifs
4.3.1 Recherche de solutions stationnaires
4.3.2 Solution exacte dans le cas conservatif
4.3.3 Retour au cas non-conservatif
4.3.4 Résultats numériques
4.4 Conclusion sur le modèle diffusif
5 Atténuation des perturbations par multi-anticipation
5.1 Estimation de la vitesse d’une onde
5.1.1 Propagation d’une perturbation
5.1.2 Cas où les conducteurs ne sont pas identiques
5.2 Reconstruction par morceaux de la trajectoire
5.3 Atténuation de la perturbation
5.3.1 Définition d’une perturbation et critère d’atténuation
5.3.2 Contrôle « bang-bang »
5.3.3 Choix de l’horizon temporel de contrôle
5.4 Résultats et conclusion
6 Conclusion

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