Etude des facteurs pronostiques de décès chez les enfants atteints de syndrome drépanocytaire

La drépanocytose est une maladie héréditaire de l’hémoglobine. Cette maladie génétique, la plus fréquente dans le monde, retrouvée dans tous les continents, se transmet selon le mode autosomique récessif (1–5). Les taux de prévalence les plus élevés sont observés en Afrique Noire (10 à 40 % de porteurs du gène selon les pays) et aux Caraïbes (1–4,6,7). L’histoire naturelle de la maladie drépanocytaire est marquée par la survenue très précocement dans la vie de complications aiguës (responsables d’une mortalité de 50% en Afrique au sud du Sahara des enfants malades avant l’âge de 5 ans), et de complications chroniques touchant certains organes tels que l’œil, le rein, le cœur, les hanches, etc. (3,8–14). La mise en œuvre d’ interventions simples à moindre coût (le dépistage néonatal et la prise en charge précoce et adéquate des cas) ont permis de réduire la mortalité et d’augmenter ainsi de façon significative l’espérance de vie des patients (1,11,15–18) ; avec un taux de survie à 94% à 18 ans aux Etats Unis d’Amérique (3,19–21) et à 99% à 20 ans au Royaume Uni (22). Cependant en Afrique, en dépit d’une amélioration de la prise en charge la mortalité reste toujours élevée avec 1,9 personnes-années dans une cohorte suivie entre 2004 et 2009 en Tanzanie (7,3 personnesannée en dessous de 5 ans) (13). En Zambie, une létalité de 6,61% a été observée dans la cohorte entre 1987 et 1989 avec cependant un taux de survie de 54,84% dans la tranche d’âge comprise entre 1 et 5 ans (23). Dans une série observée entre 1997 et 2002 au Burkina Faso, une létalité de de 8,7% a été observée principalement chez les enfants âgés entre 0 et 5 ans (24). Nos recherches ne nous ont pas permis de trouver une étude de survie menée en Afrique Noire. Une meilleure connaissance de la maladie a permis d’améliorer la prise en charge et le suivi des patients rendant meilleur le pronostic de cette maladie surtout chez l’enfant (1,9,13,15,20,26–30). Ainsi, il a été noté une mortalité réduite de 3 à 0,13 par année d’observation aux USA et au Royaume Uni (22,29,30) . Le pronostic de la maladie drépanocytaire dépend de facteurs génétiques, cliniques et paracliniques mais aussi des conditions socioéconomiques et environnementales (14,20,26,31– 35). Le Sénégal fait partie de la zone inter-tropicale d’Afrique dont les populations sont à très haut risque d’atteinte de la maladie drépanocytaire (un nouveau-né sur 100). Environ 10% de la population du Sénégal est porteur du trait drépanocytaire (36).

Malgré la bonne prise en charge du drépanocytaire dans les structures de référence au Sénégal, une létalité importante est relevée chez les enfants atteints de drépanocytose. En effet, une létalité de 5,4% a été notée dans une série entre 1990 et 2000 observée au Centre Hospitalier National d’Enfants Albert Royer (37).

PROBLEMATIQUE

Exposé du problème

Définition
La drépanocytose est une maladie génétique héréditaire à transmission autosomique cliniquement récessive et biologiquement co-dominante, caractérisée par la présence dans les hématies d’une hémoglobine anormale appelée hémoglobine S. Elle est due à la substitution d’un acide glutamique par une valine dans la chaine béta de l’hémoglobine (1,17,45). Elle est aussi appelée anémie à hématies falciformes.

Epidémiologie
Ces hémoglobinopathies, principalement les thalassémies et la drépanocytose, s’observent dans le monde entier. Des gènes à l’origine d’hémoglobinopathies se retrouvent chez 5 % environ de la population mondiale. Chaque année, quelque 300000 enfants naissent avec une anomalie majeure de l’hémoglobine et l’on recense plus de 200 000 cas de drépanocytose en Afrique (4,5,21,46). Au niveau mondial, le nombre des porteurs sains (ayant hérité un gène mutant d’un seul des deux parents) est plus élevé dans le cas de la thalassémie que dans celui de la drépanocytose, mais la fréquence élevée de la présence du gène de la drépanocytose dans certaines régions conduit à un taux élevé de nouveau-nés touchés par cette affection (6,26,47).

La drépanocytose est particulièrement fréquente chez les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, d’Inde, d’Arabie saoudite et de pays méditerranéens. Les migrations ont accru la fréquence du gène incriminé dans les Amériques (26). La drépanocytose est également présente dans tous les pays où il y a des émigrés de race noire, notamment aux USA, aux Antilles, en France, en Belgique, en Angleterre etc. Elle est également retrouvée dans le bassin méditerranéen (Maghreb, Europe du Sud) et au MoyenOrient (Arabie Saoudite, Inde) (1,2,26,48,49). Cependant, elle n’est pas exclusive de la race noire, des cas ayant été décrits chez d’authentiques caucasiens, des populations arabes etc. (1,6,21,50,51). Il a été décrit une « ceinture sicklémique » ou « sickle belt » qui s’étend en Afrique, du Sud du Sahara au Nord du Zambèze, selon une aire comprise entre le 15e parallèle, latitude Nord et le 20e parallèle, latitude Sud (5,14,26).

Dans certaines parties de l’Afrique subsaharienne, la drépanocytose touche jusqu’à 2 % des nouveau-nés. Plus largement, la prévalence du trait drépanocytaire (porteurs sains qui n’ont hérité le gène mutant que d’un seul des parents) atteint 10 à 40 % en Afrique équatoriale, alors qu’elle n’est que de 1 à 2 % sur la côte de l’Afrique du Nord et de moins de 1 % en Afrique du Sud. Cette répartition reflète le fait que le trait drépanocytaire confère un avantage en termes de survie face au paludisme, et que la pression de sélection due au paludisme a rendu le gène mutant plus fréquent, surtout dans les zones à forte transmission palustre. Dans les pays d’Afrique de l’Ouest tels que le Ghana et le Nigéria, la fréquence du trait atteint 15 à 30 % ; alors qu’en Ouganda où l’on observe des variations tribales marquées, elle atteint 45 % chez les Baambas qui résident à l’ouest de ce pays (26). Au Sénégal, la fréquence du trait drépanocytaire dans la population générale atteint 11,1% (36). La fréquence du trait drépanocytaire détermine la prévalence de la maladie à la naissance. Par exemple, au Nigéria, de loin le pays le plus peuplé de la sous-région, 24 % de la population est porteuse du gène mutant et la prévalence de la drépanocytose est de l’ordre de 20 pour 1000 naissances, ce qui signifie que, dans ce seul pays, quelque 150 000 enfants naissent chaque année avec la maladie (26,52). Le gène de la drépanocytose est devenu courant en Afrique, parce que le trait drépanocytaire confère une résistance au paludisme à falciparum au cours d’une période critique de la petite enfance, favorisant la survie de l’hôte et donc la transmission ultérieure du gène anormal. Les incidences en santé publique sont considérables. Les conséquences pour la santé peuvent être évaluées par rapport à la mortalité infantile et à celle des moins de cinq ans. Tous les décès ne survenant pas au cours de la première année de vie, le moyen de mesure le plus utile est la mortalité des moins de cinq ans (3,14,26,53). Une proportion croissante d’enfants drépanocytaires survit désormais au-delà de leur cinquième anniversaire, mais le risque de mort prématurée subsiste. En évaluant les conséquences sanitaires sur la base de la mortalité des moins de cinq ans, on constate que la drépanocytose est à l’origine de l’équivalent de 5 % des décès d’enfants de moins de cinq ans sur le continent africain ; la proportion passe à plus de 9 % en Afrique de l’Ouest et atteint jusqu’à 16 % dans certains pays d’Afrique de l’Est (10,20,24,26,33,54). Aux Etats Unis d’Amérique, la survie médiane a été estimée en 1994 à 42 ans pour l’homme, et 48 ans pour la femme ; alors que des estimations pour la Jamaïque publiées en 2001 donnaient 53 ans pour l’homme et 58,5 ans pour la femme. En Jamaïque, la mortalité touche surtout les enfants entre 6 et 12 mois, période pendant laquelle 10 % des patients meurent malgré l’absence de paludisme et malgré l’expérience considérable qu’on y a du diagnostic et du traitement de cette affection (28,48). On ne dispose toutefois d’aucunes données solides sur la survie des drépanocytaires sur le continent africain. En Afrique subsaharienne, la mortalité serait beaucoup plus élevée qu’en Jamaïque. Dans certaines zones, les estimations tirées de la structure par âge des populations se rendant dans les établissements de soins font penser que la moitié des drépanocytaires meurent avant l’âge de cinq ans. Le décès étant généralement provoqué soit par la drépanocytose ellemême, soit par des affections telles que le paludisme et la septicémie à pneumocoques (26,48). On distingue la drépanocytose hétérozygote ou trait drépanocytaire, qui est typiquement asymptomatique, des syndromes drépanocytaires majeurs (SDM) qui regroupent la drépanocytose (SS) et les hétérozygoties composites par association de l’hémoglobine S à une autre hémoglobine anormale (C, D, O-Arab) ou une β thalassémie. Les doubles hétérozygoties composites SC sont retrouvées surtout en Afrique Noire dans le bassin de la Volta (Mali, Niger, Burkina Faso) (24), du fait de la fréquence de l’hémoglobine C dans ces populations. Quant à la Sβ thalassémie, elle est essentiellement observée dans le bassin méditerranéen où la β thalassémie est particulièrement fréquente (4,14). Au Sénégal, une étude a pu mettre en en évidence que 95,7% des patients étaient homozygotes SS, 3,6% SC et 0,7% Sβ thalassémie (55). Au moins cinq haplotypes différents ont été identifiés : quatre en Afrique sont dits de type : Bénin, Bantou, Sénégal et Cameroun ; le cinquième décrit en Inde, est observé également en Arabie Saoudite (26). Les études génotypiques ont mis en évidence un contexte génétique variable distinguant 3 foyers majeurs nettement distincts et génétiquement homogènes :
– l’extrême ouest Atlantique centré sur Dakar, où la maladie est moins sévère,
– l’ensemble des pays du golfe du Bénin,
– l’Afrique centrale Bantou, où la maladie est plus grave.

De façon constante, les drépanocytaires α thalassémiques sont moins anémiques avec un taux d’hémoglobine et un hématocrite plus élevés.

Le rôle protecteur de l’hémoglobine fœtale (HbF) est bien illustré chez les enfants drépanocytaires qui naissent avec un taux d’hémoglobine fœtale largement supérieur à celui de l’hémoglobine S et ne deviennent malades que lorsque le taux d’hémoglobine S est supérieur à celui de l’hémoglobine fœtale (56,57). Statistiquement, les sujets homozygotes pour les haplotypes sénégalais et indien ont un taux d’hémoglobine fœtale plus élevé que les autres. Bien qu’il n’y ait pas de corrélation absolue entre le taux circulant d’hémoglobine fœtale et chaque haplotype, certaines configurations constituent un élément favorisant mais non suffisant à lui seul pour avoir une hémoglobine fœtale élevée.

Diagnostic

L’histoire naturelle de la drépanocytose peut être divisée en 4 étapes:
• la période néonatale : entre 0 et 3 mois, où le nourrisson ne fait pas de crise, car encore porteur de l’hémoglobine fœtale ;
• la petite enfance : période très critique durant les 5 premières années de vie (dès 3 mois), où les manifestations peuvent être graves, avec parfois un pronostic vital engagé. Il y a un risque majeur d’infection, de séquestration splénique, de syndrome thoracique aigu (STA) et d’atteinte neurologique comme l’accident vasculaire cérébral (AVC) ;
• l’adolescence : période surtout marquée par les crises vaso-occlusives (CVO) hyperalgiques. Les AVC et STA sont plus rares mais le pronostic plus sévère ;
• l’âge adulte : période marquée par l’apparition des complications chroniques. La prévention et le dépistage des complications chroniques sont importantes à cette période. Les infections et les épisodes d’anémie aiguë sont plus rares (14).

Le diagnostic clinique chez l’enfant est fait souvent tardivement lors d’une complication dans les pays en voie de développement, retardant donc la prise en charge (1,9,44,55). Le tableau clinique de la drépanocytose est essentiellement marqué par :
– les crises vaso-occlusives ; ce sont des accidents aigus douloureux, manifestations les plus fréquentes de la maladie. Elles durent 3 à 4 jours et disparaissent spontanément ou sous traitement ;
– une anémie d’intensité variable, un ictère plus ou moins franc ;
– une splénomégalie observée surtout chez les moins de cinq ans et qui a tendance à disparaître au-delà de cet âge ;
– des manifestations osseuses qui réalisent le syndrome «pied–main» ou dactylite avec œdème inflammatoire du dos des pieds et des mains, souvent bilatéral et symétrique chez le nourrisson entre 6 et 18 mois.

Le diagnostic biologique de la drépanocytose repose sur (1,2,6,31) :
▪ un hémogramme qui montre une anémie constante avec un taux d’hémoglobine de base qui varie d’un patient à un autre. Il est en moyenne de 7 à 8 g/dℓ.
▪ Le frottis sanguin met en évidence les drépanocytes et des corps de Jolly témoins de l’hyposplénie.
▪ les tests de dépistage sont :
o le test d’Emmel (test de falciformation) : ce test est disponible dans la totalité des structures de santé du Sénégal (centres de santé et hôpitaux)
o le test d’Itano (test de solubilité) : il n’est disponible que dans le laboratoire du centre de référence de la prise en charge de la drépanocytose (CHNEAR). Ce test est très rarement utilisé.
▪ les tests de confirmation :
o l’électrophorèse de l’hémoglobine permet de confirmer le diagnostic. Jusqu’en 2013, ce test n’était disponible que dans certains hôpitaux surtout de la capitale rendant ainsi le diagnostic de confirmation de la drépanocytose tardif et onéreux. Depuis 2014, ce test est disponible dans tous les hôpitaux.
o Isoélectrofocalisation qui est une variante électrophorétique peut remplacer les électrophorèses à différents pH ainsi qu’une partie des tests complémentaires nécessaires à l’identification d’un variant de l’hémoglobine. Ce test n’est disponible que dans le laboratoire du CHNEAR. C’est une technique de choix avec un excellent niveau de sensibilité et de spécificité pour détecter les hémoglobines anormales pendant la période néonatale. Dans la forme homozygote SS, seules sont présentes:
– l’hémoglobine S majoritaire (75 – 95%) ;
– l’hémoglobine A 2 sensiblement normale (2 – 4%) ;
– et l’hémoglobine F de taux variable (0 – 20%).
Dans la double hétérozygotie composite SC, on a approximativement 50% d’hémoglobine C et 50% d’hémoglobine S. En cas de double hétérozygotie composite Sβ thalassémie, on a deux formes :
– Sβ° : présence d’hémoglobines S, F et A2.
– Sβ + : présence d’hémoglobines S, F, A1 et A 2.
▪ La biologie moléculaire permet de mettre en évidence le gène muté par polymérase chain reaction (PCR) et de préciser l’haplotype. Cette technique est utilisée dans le diagnostic anténatal à partir de la 10ème semaine d’aménorrhée.

Prévention

La drépanocytose peut être évitée. Les couples susceptibles de donner naissance à des enfants drépanocytaires peuvent être repérés au moyen de tests sanguins fiables et peu coûteux : le test d’Emmel. Malheureusement, le conseil et le dépistage prénuptiaux ne sont pas de pratique courante dans notre pays. Le diagnostic prénatal est possible à partir de la 10ème semaine de grossesse par l’analyse d’une biopsie de trophoblaste. Cependant sa pratique dans notre pays est rare sinon inexistante comme dans la plupart des pays en voie de développement. Le conseil génétique associé à la proposition d’un diagnostic prénatal, peut conduire à réduire sur une grande échelle le nombre de naissances d’enfants drépanocytaires. Le risque d’avoir un tel enfant peut être détecté avant le mariage ou la grossesse ; mais cela suppose l’existence d’un programme de dépistage des porteurs du trait drépanocytaire. Le diagnostic néonatal permet des mesures de protection simples, notamment l’information des parents, l’administration à titre prophylactique de pénicilline et d’un traitement antipaludique, qui tous assurent une meilleure qualité de vie aux enfants concernés. Le diagnostic néonatal n’est utile que s’il existe un conseil approprié pour les parents et des soins primaires suffisants pour les sujets touchés (3,19,26,28). Beaucoup de ces programmes ont été développés dans les pays à faibles revenus comme dans les pays à revenus élevés. Ainsi, dans le cas de la prévention de la thalassémie, les célibataires de Montréal (Canada) et des Maldives se voient proposer un dépistage ; et le dépistage prénuptial est une politique nationale à Chypre ainsi qu’en République Islamique d’Iran, alors que la Grèce et l’Italie mettent l’accent sur le dépistage avant Procréation. L’existence d’un diagnostic et d’un traitement conduit inévitablement à une hausse cumulée du nombre de personnes ayant besoin de soins puisque les malades vivent plus longtemps. L’autre conséquence habituelle est une augmentation du coût annuel des soins par patient qui peut avoir des répercussions sérieuses au niveau national, notamment dans les pays dont les ressources sont limitées.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. PROBLEMATIQUE
1. Exposé du problème
2. Cadre conceptuel
3. Questions de recherche
4. But de l’étude
5. Objectifs de l’étude
II. CADRE D’ETUDE
III. METHODOLOGIE
IV. RESULTATS
1. Profil de la population étudiée
2. Résultats de l’analyse
V. DISCUSSIONS
1. Profil de la population étudiée
2. Données relatives à la létalité
3. Facteurs pronostiques de décès
VI. RECOMMANDATIONS
VII. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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