Étude des anomalies vitréo-rétiniennes

La neurofibromatose de type 2 [NF2] est une maladie congénitale héréditaire autosomique dominante affectant 1 sur 25 000 à 40 000 naissances (1)(2). La NF2 est causée par la mutation du gène NF2, un gène suppresseur de tumeur localisé sur le bras long du chromosome 22, codant pour une protéine appelée Merlin, impliquée dans le contrôle du cycle cellulaire. Du fait de la perte de fonction de la protéine, le dérèglement de la prolifération cellulaire conduit à la formation de multiples tumeurs développées au détriment des tissus dérivés de l’ectoderme, et plus particulièrement du système central et périphérique. Sur le plan ophtalmologique, la NF2 est connue pour provoquer un spectre bien défini d’anomalies : cataracte de type cortical ou sous-capsulaire postérieur le plus souvent, membranes épirétiniennes [MER], hamartome combiné de la rétine et de l’épithélium pigmentaire rétinien [CHRRPE] et méningiome de la gaine du nerf optique. Historiquement, 2 phénotypes principaux (3) de la maladie ont été décrits en fonction de l’âge d’apparition des premières tumeurs : le phénotype modéré Gardner où les tumeurs se développent à l’âge adulte, contre le phénotype sévère Wishart où l’apparition des tumeurs débute dans la période péripubertaire, provoquant une évolution plus sévère de la maladie avec une diminution de l’espérance de vie (4). Plus tard, la gravité de la maladie a été liée au type de mutation du gène NF2 (5). Cependant, un facteur de risque majeur de décès reste l’âge du diagnostic de la maladie et un seuil classique est de 20 ans pour distinguer une NF2 d’apparition précoce d’une NF2 d’apparition tardive (4). Des rapports antérieurs ont indiqué que les MER suggéreraient un phénotype sévère de la maladie (6)(7) et il a été démontré que la morbidité ophtalmologique était plus élevée dans le type génétique plus sévère de la maladie (8). Cependant, ces rapports consistent en des séries de cas avec un nombre limité de patients inclus. Le but de l’étude est de déterminer si les anomalies vitréo-rétiniennes et rétiniennes sont associées à un phénotype sévère de NF2. De plus, nous avons l’intention de décrire la prévalence et l’aspect à travers l’imagerie multimodale des anomalies rétiniennes et vitréorétiniennes dans une cohorte de patients NF2.

MÉTHODES

Dans cette étude de cohorte monocentrique observationnelle, nous avons successivement inclus les patients avec un diagnostic de NF2 suivis par le service de neurochirurgie de l’Hôpital de la Timone, Marseille, France. Le diagnostic de NF2 a été fait selon les critères retenus au moment du diagnostic : les critères de Manchester (9), puis les critères de diagnostic pédiatrique NF2 Baser Criteria (10) révisés en 2018 (11). Les patients ont été exclus s’ils ne répondaient pas aux critères diagnostiques les plus récents de la NF2 ou s’ils n’étaient pas disposés à participer à l’étude. Tous les patients ont été invités à passer un examen ophtalmologique dans le cadre de cette étude, comprenant une évaluation de l’acuité visuelle, un examen à la lampe à fente, un examen du fond d’œil dilaté, un OCT et un examen d’OCTangiographie. Les examens OCT ont été collectés avec un SD-OCT de haute définition : HDOCT Cirrus modèle 6000, Carl Zeiss Meditec Inc, Dublin, CA (modules HD 21 lines et macular cube) et OCT-angiographie (module AngioPlex, zone de balayage 6*6). Lorsque la réalisation de Cirrus OCT était impossible ou non disponible, nous avons utilisé l’OCT Spectralis (Heidelberg®, Allemagne). Les yeux pour lesquels l’examen OCT n’a pas pu être effectué en raison d’opacités cornéennes denses ont été exclus du dépistage rétinien. Toutes les images ont été revues par 2 ophtalmologistes spécialisés dans la rétine et si une anomalie vitréorétinienne ou rétinienne était présente, elle était classée selon des patterns remarquables retrouvés dans notre cohorte et ceux décrits dans les études précédentes. Une attention particulière dans le dossier médical de chaque patient a été réalisée pour rechercher la présence d’une mutation du gène NF2 et l’âge de début de la pathologie, déterminé en fonction d’une date d’intervention chirurgicale pour tumeur d’origine nerveuse ou de la première réunion pluridisciplinaire pour neurofibromatose de type 2. Nous avons effectué un test exact de Fisher pour rechercher une association entre la présence d’anomalies rétiniennes et les groupes d’apparition de la maladie. Une valeur de p inférieure à 0,05 était considérée comme statistiquement significative. Microsoft Excel a été utilisé pour compiler les données et exécuter le test. La conception de l’étude a été approuvée par le comité d’éthique des Hôpitaux Universitaires de Marseille et était conforme aux principes de la Déclaration d’Helsinki. Les consentements écrits des patients désireux de participer à l’étude ont été obtenus.

RÉSULTATS

D’octobre 2020 à juillet 2021, 19 patients atteints de NF2 admis dans le service de neurochirurgie de la Timone étaient éligibles pour participer à l’étude. 17 patients ont accepté de participer. 17 patients répondaient aux critères d’inclusion et 31 sur 34 yeux ont pu effectuer un examen approfondi. Chez 3 patients, l’accès du segment postérieur est possible sur un seul œil : 1 patient à cause d’une précédente énucléation et 2 patients à cause d’opacités cornéennes denses liées à une kératite neurotrophique et d’exposition, empêchant les examens du fond et de l’OCT.

Le sex-ratio était de 1,7 homme/femme. L’âge moyen au moment de l’examen était de 35,47 ans (extrêmes de 16 à 57 ans et écart type de 13,75 ans). Des anomalies de la rétine et de l’interface rétinienne ont été retrouvées chez 11 sur 17 patients (64,7 %), correspondant à 18 yeux.

Quatre catégories d’anomalies vitréorétiniennes et rétiniennes ont émergé :
– La première catégorie correspond aux membranes épirétiniennes simples où une subtile une ligne hyperréflective se situe entre la membrane limitante interne [MLI] et la hyaloïde postérieure. Comme dans les membranes idiopathiques ou secondaires apparaissant après une séparation postérieure du vitré, une inflammation, un traumatisme ou tout processus pathologique oculaire, la rétine pouvait être légèrement ondulée ou inchangée. La MER pouvait être partiellement attachée à la rétine. (Figure 1)
– La deuxième catégorie regroupe les « Tufts » ou lésions en touffe, où il existe une protrusion de la couche de fibres nerveuses rétiniennes [RNFL] à travers la MLI, au-dessus du plan rétinien. La réaction vitreuse en regard à ces lésions est nulle ou minime. (Figure 2)
– La troisième catégorie est représentée par les « flame-shape » qui sont des lésions pathognomoniques spiculées à bords recourbés se projetant vers le vitré prenant un aspect classique en forme de flamme. La densité de telles lésions allait de formations fines à peine plus denses que le vitré à d’épaisses ondulations, toutes deux rattachées à la rétine. Une désorganisation architecturale minime, avec enroulement de la rétine autour de la membrane pouvait être observée. (Figure 3)
– La dernière catégorie est représentée par les hamartomes combiné de la rétine et de l’épithélium pigmentaire rétinien, tels que décrits au fond d’œil par Gass (- lésion gris foncé légèrement surélevée affectant la rétine, l’épithélium pigmentaire rétinien et le vitré environnant ; – expansion vers la périphérie ; – connexion à l’épithélium pigmentaire rétinien ; – entouré d’une rétine gris-blanc dense ; – montrant une compression de la surface interne ; – sans épithélium pigmentaire rétinien périphérique ni atrophie choroïdienne ; – pas de décollement de rétine, d’hémorragie, ni d’épanchement du vitré) (12). À l’examen OCT, ces lésions ont montré divers degrés d’altérations rétiniennes : épaississement des couches rétiniennes internes, contours fovéaux irréguliers, perte de la dépression fovéale ou encore un roulement de la rétine sur elle-même.

Un œil pouvait présenter une ou plusieurs lésions des différentes catégories précédentes.

Parmi les 18 yeux : 1 œil a été classé dans la première catégorie, 4 yeux avaient des touffes, 11 avaient une condensation en forme de flamme et 8 avaient un CHRRPE. Les membranes simples et le CHRPPE pouvaient être reconnus au fond d’œil sans connaître le statut OCT du patient. Les lésions des deuxième et troisième catégories étaient difficilement identifiables au seul examen du fond d’œil en lampe à fente.

Dans notre étude, les patients atteints de NF2 présentant des anomalies rétiniennes et vitréorétiniennes avaient un risque plus élevé de présenter un phénotype sévère de NF2. En effet, les anomalies vitréo-rétiniennes étaient significativement associées à une apparition précoce de NF2, odds ratio 17,3403 [IC 1,1529 ; 1165.3287] valeur de p à 0,035. 10 patients sur 17 (58,8%) ont présenté une NF2 d’apparition précoce. Parmi ces 10 patients, 9 patients (90 %) présentaient des anomalies rétiniennes et vitréo-rétiniennes et 1 patient (10%) n’avait aucun signe de telles anomalies. Le groupe NF2 d’apparition tardive était composé de 7 patients (41,2 %). Parmi ces 7 patients 5 (71,4%) n’avaient pas d’anomalie rétinienne et vitréo-rétiniennes et 2 (29,6%) présentaient ces anomalies.

4 patients avaient déjà été préalablement suivis dans le service d’ophtalmologie et il existait pour eux un suivi OCT s’échelonnant sur les 4 à 8 dernières années. Les lésions ont montré peu ou pas de signe d’évolution.

DISCUSSION

Datant des années 1990, plusieurs auteurs ont suggéré que les MER appartenaient au spectre de la NF2, après avoir trouvé dans différentes cohortes que 66,6% à 80% des patients NF2 (13)(14)(15) présentaient des caractéristiques de MER au fond d’œil. Plus récemment, Waisberg & al. (16) ont été les premiers à évaluer par examen OCT la fréquence des anomalies rétiniennes et vitréo-rétiniennes et à les décrire dans une cohorte de 9 patients NF2. Ils ont trouvé 5 patients présentant une membrane et 3 patients parmi eux présentaient un hamartome, résultant en 55,6% de patients avec des anomalies rétiniennes et vitréo-rétiniennes. Notre étude est la plus importante décrivant les résultats OCT chez les patients NF2, avec 64,7% des patients présentant des anomalies de la rétine et de son interface, corroborant les résultats précédents. En comparaison, ces anomalies étaient retrouvées à une fréquence semblable à celles des lésions cutanées (68 % des patients) ou des méningiomes (50 à 75 % des patients) (17) dans la NF2. Dans notre cohorte, la présence d’anomalies rétiniennes et de son interface était statistiquement associée à une forme sévère de la maladie, définie par un âge de moins de 20 ans au moment du diagnostic, OR de 17,34 (p<0,05). Comme nous n’avons pas pu trouver d’âge consensuel pour délimiter le groupe à début précoce avec un phénotype sévère de NF2 (forme Wishart), nous avons répété la même analyse en choisissant un âge de 25 ans au moment du diagnostic pour différencier la NF2 à début précoce et tardif. Cela n’a pas changé les résultats précédents car aucun de nos patients du groupe à début tardif n’a été diagnostiqué entre 20 et 25 ans. En effet, de telles lésions rétiniennes et vitréo-rétiniennes semblent apparaître très tôt au cours de la maladie : Ruggieri & al. dans une série de cas de 3 patients atteints de NF2 avec un début de la maladie avant l’âge de 1 an, ont trouvé des anomalies de la rétine et son interface chez chacun d’eux au cours du quatrième premier mois de vie (18). Dans notre cohorte, 4 patients ont eu un suivi OCT de 4 à 8 ans. Tous appartenaient au groupe sévère et remarquablement, les lésions chez chaque patient sont restées stables dans le temps. Ces éléments suggèrent que les lésions vitréo-rétiniennes de la NF2 seraient congénitales et non ou peu évolutives, comme cela avait déjà été spéculé (15)(16). Dans l’idée, ces anomalies seraientt un marqueur d’une maladie grave, où la rétine agirait comme le reflet d’un système nerveux plus enclin à développer de multiples tumeurs.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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