Étude de prévalence du diabète de type 2 chez les patientes ayant eu un diabète gestationnel précoce

Introduction

   Le diabète est défini par l’organisation mondiale de la santé comme étant une maladie chronique qui altère la capacité du corps à produire ou utiliser de l’insuline. Le résultat est une élévation chronique de la concentration de glucose dans le sang (hyperglycémie chronique) qui va alors entrainer des complications. Le diabète est défini par une glycémie supérieure ou égale à 1,26 g/l (7,0 mmol/l) après un jeûne de 8 heures et vérifiée à 2 reprises. (1) Il regroupe plusieurs entités dont les deux plus importantes :
-le diabète de type 1 d’origine auto-immune représentant 10% des patients diabétiques
-le diabète de type 2 est acquis et associe, à des degrés différents, une insulino-resistance à un déficit insulino-sécrétoire. Il représente environ 90% des patients diabétiques.
Le diabète de type 2 (DT2) est un problème majeur de santé publique. En France, malgré un taux de croissance annuel moyen qui est en baisse, à 2,3% sur la période 2009-2013 Vs 5,4% sur la période 2006-2009, la prévalence globale du diabète est en augmentation constante, estimée à 5 % de la population en 2015 (2) (3). Il représente à lui seul 3 millions de patients pour un coût évalué à 9 milliards (4). C’est une maladie silencieuse qui peut évoluer sans symptôme durant plusieurs années et générer des complications sans avoir été diagnostiquée (5). Ce sont ces complications qui font la gravité du diabète et entrainent une augmentation de la morbi mortalité mais aussi un important coût économique pour la société. Cette maladie est donc un enjeu capital de santé publique, en termes d’identification de populations à risque pour cibler au mieux les actions de prévention et le dépistage précoce du DT2, qui seuls permettront de réduire les complications dégénératives. Le diabète de type 2 est le résultat d’une disposition génétique mais aussi d’interactions environnementales lors de la vie intra-utérine ou adulte. Ces paramètres conduiraient à une insulino-résistance présente toute au long de la vie qui jouera un rôle dans la sécrétion d’insuline. En effet l’insulino-résistance forcerait les cellules béta à modifier leur sécrétion d’insuline, que ce soit au niveau du rythme ou de la quantité produite. Ainsi, après un certain temps d’évolution les cellules béta sont dépassées et l’hyperglycémie chronique s’installe conduisant au diabète (6) (7). Le diabète gestationnel est un type de diabète dont les connaissances et la prise en charge ne cessent d’évoluer. Les recommandations WHO 2013, NICE 2015 et ADA 2016 et 2017 en sont un parfait exemple. Le diabète gestationnel est défini par l’Organisation Mondiale de la Santé comme étant un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable. Ce trouble est mis en évidence pour la première fois pendant la grossesse, et ce, quel que soit le traitement nécessaire et/ou l’évolution dans le post-partum. C’est une définition inchangée depuis 1964 (8). En fait ce diagnostic regroupe 2 entités assez distinctes :
– une intolérance au glucose réellement apparue lors de la grossesse et qui disparaît au moins temporairement en période de post partum
– un réel diabète préexistant à la grossesse et révélé par les modifications métaboliques induites par celle-ci (9).
Le diabète gestationnel est diagnostiqué selon le référentiel établi conjointement par le Collège des Gynécologues Obstétriciens Français et la Société Francophone du diabète (10) :
-soit par une glycémie à jeun au premier trimestre (si présence de facteurs de risques) supérieure ou égale à 0,92g/l et inférieure ou égale à 1,25g/l.
-soit par une Hyperglycémie provoquée orale (HGPO) 75g réalisée lors du 2ème trimestre entre la 24SA et la 28SA pour toutes les patientes enceintes ayant des glycémies à jeun normales mais ayant des facteurs de risques.

La population de l’étude

   Il s’agit d’une étude de cohorte historique avec inclusions dynamiques portant sur les patientes suivies pour un DG à la maternité de niveau 3 du CHU de la Conception à Marseille en 2013 et 2014. Le diagnostic de DG a été posé sur une GAJ pathologique au premier trimestre ou, en cas de normalité de cette GAJ, sur une HGPO pathologique réalisée après 24SA. Les patientes incluses présentaient toutes une GAJ réalisée avant 24 SA. On distingue alors les patientes ayant eu une GAJ pathologique avant 24 SA (DG précoce) de celles ayant été diagnostiquées sur l’HGPO après 24 SA (DG tardif). Les critères de non inclusion étaient le diabète connu préexistant à la grossesse et l’absence de GAJ réalisée avant 24 SA. Les patientes étaient issues d’une part du milieu ambulatoire où elles étaient directement adressées par leur médecin traitant ou leur gynécologue, ou du milieu hospitalier. Après avoir posé le diagnostic de DG, les patientes étaient prises en charge par une équipe pluridisciplinaire (ETIC) et intégrées dans un programme d’éducation thérapeutique autorisé et financé par l’ARS. Le consentement éclairé était recueilli lors de la première consultation. Un suivi et une prise en charge pluridisciplinaire par des médecins, infirmières, diététiciennes et psychologique étaient mis en place en accord avec la patiente. Ainsi, elles ont pu recevoir une éducation sur les mesures hygiéno-diététiques, sur la surveillance glycémique et le traitement à mettre en place (régime seul, insulinothérapie). Des consultations de suivi étaient organisées en fonction des résultats glycémique de la patiente. Un délai minimum de 2 semaines entre chaque consultation était respecté. Une information était systématiquement délivrée concernant les risques ultérieurs de DT2 et l’existence de moyens de prévention justifiant un dépistage régulier par leur médecin traitant. Un dossier d’éducation thérapeutique standardisé servait de support de recueil, et était complété lors de chaque séance. Outre les données d’éducation, il permettait de renseigner l’ensemble des caractéristiques médicales et sociales de la patiente. Grâce à ce dossier, une grande partie des caractéristiques médicales et sociales de la cohorte ont été recueillies. Ces caractéristiques sont : l’âge de la patiente au moment du diagnostic, l’ethnie, la précarité, la profession, l’IMC avant la grossesse, la prise de poids pendant la grossesse, les antécédents personnels de DG ou de macrosomie, les antécédents familiaux de diabète de type 2 et de DG, la date de début de grossesse, la date d’accouchement, le poids de naissance du nouveau-né, le terme d’accouchement et enfin le traitement du DG. Dans le cadre du programme d’ETP, une consultation à 3 mois du post-partum était proposée à l’ensemble des patientes suivi pour un DG (Annexe 1). Les patientes rapportaient alors leurs résultats de GAJ. Des conseils sur l’importance de la poursuite des RHD ainsi qu’une information sur le DT2 leur étaient délivrés. On leur proposait à ce moment-là un nouveau programme d’ETP avec différents ateliers pour les aider dans cette démarche de prévention du DT2 (selon les besoins, cuisine thérapeutique, entretien diététique, prise en charge psychologique, activité physique adaptée).

Discussion

   Notre étude a été menée avec pour principal objectif de déterminer si les femmes ayant un DG diagnostiqué précocement avant 24 SA sont plus à risque de développer un DT2 ou une HGMJ en post-partum que les patientes ayant été diagnostiquées à partir de 24SA. Nous avons décidé d’explorer cette nouvelle donnée car la plupart des études décrivent une prévalence globale de l’ensemble des patientes ayant eu un diabète gestationnel sans faire de distinction entre les 2 entités que sont le diabète gestationnel précoce et tardif alors qu’elles existent et sont reconnues dans différentes recommandations (1) (12). Dans notre centre, entre 2013 et 2014, la prévalence du DG était de 13%, prévalence supérieure à celle de la population française (8,6% en 2017) et supérieure à la population résidant en PACA 7,1% en 2017 (30). Cette différence s’explique par le fait que notre cohorte ait plus de facteurs de risque et diffère ainsi de la population française :
– la prédominance de patientes d’origine non européenne qui représentent 80% de notre population étudiée. Cela est bien supérieur à la population résidante en France qui ne comprend que 26,9 % d’habitants étrangers ou immigrés (31)
– deuxièmement, l’IMC moyen dans notre étude est de 28,7 +/- 0,33 kg/m² contre 25,4 +/- 4,9 kg/m² dans la population française en 2012 d’après l’étude ObEpi (32). 71,10 % des patientes de notre étude présentaient un IMC 25 kg/m² (dont 37%  30 kg/m²) contre 47,3 % dans la population française. Dans notre étude la prévalence du DG précoce sur l’ensemble des 5746 grossesses était de 3,4% et la part des DG précoces représentait 26% de l’ensemble des diabètes gestationnels (ayant bénéficié du dépistage avant 24SA). La prévalence du DG précoce varie beaucoup entre les études allant de 0,8% à 24% des DG dans les différentes populations étudiées. Vambergue A et al (33) va même trouver que 39% des patientes diagnostiquées, sur la totalité des 1077 diabètes gestationnel du CHRU de Lille entre février 2011 et juillet 2013 avaient un DG diagnostiqué par glycémie à jeun avant la 24ème SA. Tous ces chiffres sont donc à interpréter avec prudence car les prévalences dépendent énormément des populations étudiées ainsi que des modalités de dépistage. Dans notre étude, la prévalence du diabète de type 2 pour l’ensemble des patientes est de 4,9%. Ce qui est sensiblement plus important que la prévalence du diabète de type 2 chez les femmes françaises, environ 4,1% en 2013. Ce chiffre devrait vraisemblablement être plus faible pour la population qui nous intéresse, c’est-à-dire le groupe d’âge des femmes en âge de procréer. En effet, la prévalence décrite chez les femmes françaises concernent l’ensemble des femmes sans tenir compte de l’âge et nous savons que la prévalence du diabètede type 2 augmente avec l’âge : elle avoisine les 10% à partir de 65 ans pour atteindre 15% à 75 ans (30). Concernant le groupe DG « précoce » la prévalence du DT2 est de 7,1% ce qui est plus important que la prévalence du DT2 dans le groupe DG « tardif » qui est seulement de 2,1%. D’autres études retrouvent des prévalences beaucoup plus élevées que les nôtres comme par exemple Gunderson et al qui ont une prévalence de DT2 de 11,8% à 2 ans dans une population californienne (34).
Nous expliquons cela par 3 facteurs :
– premièrement, la population californienne fait partie d’une population pour laquelle la prévalence du DT2 est plus importante. En effet, les Etats-Unis ont une prévalence du DT 2 chez les femmes de 9,2% (35),
– deuxièmement, notre étude a un nombre important de perdues de vue avec seulement 156 (46%) glycémies récentes,
– troisièmement, nous sommes à une durée de suivi relativement courte, le maximum étant à 5 ans et le minimum à 3 ans.
Nous avons rencontré des difficultés lors de notre étude sur la constitution de notre cohorte. Premièrement, nous avons eu beaucoup de patientes qui ont eu un diabète gestationnel en 2013- 2014 mais qui n’ont pas été incluses car elles n’avaient pas réalisé de glycémie à jeun au premier trimestre. Ce dosage était encore trop souvent non pratiqué lors de cette période car très proche des nouvelles recommandations sur le diabète gestationnel (10) et sans ce dosage il nous était impossible de classer de façon certaine les patientes. Dans un second temps, nous avons eu des difficultés quant au contact des patientes et à leur suivi. Sur notre population, 139 (40,8%) patientes n’étaient pas joignables dont 30 (21,5%) avaient changé de numéro de téléphone, 45 (32,3%) étaient directement sur répondeur et 69 (49,6%) avaient un faux numéro. Parmi les 344 courriers envoyés au domicile des patientes, 72 (20,9%) nous étaient revenus pour cause de mauvaise adresse. Mais nous avons réussi à diminuer ce chiffre en renvoyant 51 lettres grâce aux adresses que nous avons récupérées lors des appels téléphoniques. Sur l’ensemble des patientes uniquement 37 (10,7%) avaient consulté leur médecin traitant au moins une fois concernant la prévention de DT2 depuis leur accouchement. Un autre exemple parlant est la faible participation des patientes aux séances d’éducation thérapeutique (ETP) à 3 mois post partum malgré l’invitation systématique à leur sortie de maternité, environ 32 (9,3%) patientes avaient assisté aux ateliers. D’autres études retrouvent cette difficulté de suivi en post partum des patientes ayant eu un DG (26). Plusieurs auteurs comme Bernstein et al ou Nielsen et al (36) (37) expliquent ce manque de suivi par différentes raisons qui concernent :
– le corps médical : le manque d’information sur la nécessité de faire des tests de dépistage, le manque de coordination entre les différents acteurs du suivi des femmes (gynécologues, endocrinologues, médecins généralistes, sages-femmes), le fait de ne pas tenir compte des différents besoins et préférences individuelles, le manque d’information et d’insistance quant à la nécessité de réaliser un dépistage régulier du DT2,
– les patientes : difficultés liées à la réalisation du test comme se rendre au laboratoire ou encore les contraintes liées à l’allaitement.
Des pistes pour améliorer le suivi seraient une meilleure information dans la période post partum et l’envoie de rappel aux patientes. Le médecin traitant joue également un rôle primordial dans le suivi de ces patientes comme le montre Clarke et al. En effet, 100% des patientes ayant reçu la prescription d’un contrôle glycémique de la part de leur médecin l’ont réalisé contre 78% lorsque la prescription était hospitalière (p<0,05). Cela montre bien qu’une collaboration renforcée entre la maternité et le médecin généraliste permettrait d’augmenter l’adhésion au dépistage et d’optimiser la prévention primaire du diabète de type 2 (28). Ces résultats nous amènent à nous interroger sur la meilleure stratégie de dépistage de DT2 post partum :
– la 1ère séance d’éducation de groupe après le diagnostic de DG aborde la connaissance de la pathologie et ses complications à court, moyen en long terme. Les patientes ne sont probablement pas réceptives aux données post-partum à cette période. Il semblerait qu’elles entendent surtout les notions de risques pour leur enfant et retiennent essentiellement que dans la plupart des cas le DG disparaît après l’accouchement. Leur remettre un document écrit en accompagnement de la prescription de dosage de glycémie à jeun post partum pourrait être utile ?
– un courrier est systématiquement remis aux patientes pour leur médecin traitant, mais nous avons vu que la majorité ne le revoie pas. Nous pourrions envoyer un courrier en parallèle aux médecins traitants et nous pourrions bien spécifier aux patientes de le revoir systématiquement avec le résultat. Cette visite pourrait coïncider avec la 1 ère visite pour l’enfant par exemple
– l’atelier post partum à 3 mois est proposé à toutes, mais là aussi, peu de venues. Le délai de 3 mois ne doit pas être adapté compte tenu, entre autres, des contraintes de l’allaitement et de la thématique centrée sur la santé maternelle ne correspond pas à leur préoccupation principale. Proposer un atelier après l’allaitement, qui aborderait, en plus des notions de prévention du DT2, la santé de l’enfant, par exemple lors de la diversification alimentaire pourrait être plus adapté ?
Le résultat principal de notre étude est que la probabilité de développer un diabète de type 2 ainsi qu’une HGMJ après un DG précoce est significativement plus importante que celle après un DG diagnostiqué après 24 SA sur l’HGPO. Ce résultat est concordant avec la littérature. Rayanagoudar et al ont évalué dans une méta-analyse récente le risque d’anomalies de la tolérance au glucose en post partum chez les femmes ayant un diabète gestationnel. Elle portait sur 39 études dont 8 qui s’intéressaient au diabète gestationnel précoce. Au final, le diabète gestationnel précoce était associé à un sur-risque de développer un diabète de type 2 de façon statistiquement significative. A noter que les critères diagnostiques du DG étaient variables selon les études (11). Du fait d’un nombre insuffisant de résultats récents, nous observons une différence significative quant au délai d’apparition d’un DT2 entre les groupes « DG précoce » et « DG tardif » avec un test statistique du Log Rank mais pas avec le modèle de Cox. Et inversement, pour le délai d’apparition d’une HGMJ, où l’on retrouve un résultat significatif avec le modèle de Cox, mais pas avec le test du Log Rank. Avec l’apparition des nouveaux critères de diagnostic du diabète gestationnel introduit par l’étude HAPO, le nombre de cas de diabètes gestationnels  augmenté entraînant une augmentation du nombre de patientes prises en charge et logiquement une augmentation des coûts de santé (15) qui devraient théoriquement être compensés d’une part par une meilleure prévention de la macrosomie et de ses complications, et d’autre part par le dépistage précoce, dès le début de grossesse des « DT2 méconnus ». Pourtant, de nombreuses études remettent en cause les critères diagnostiques car de nombreuses femmes ayant un diabète gestationnel dépisté au premier trimestre n’ont pas de preuves d’hyperglycémies à 24-28SA. En effet, une étude italienne montre que 55% des patientes ayant une glycémie pathologique au premier trimestre (c’est-à-dire ≥ à 0,92g/l) avaient une HGPO normale après 24 semaines (38). Une autre étude chinoise montre que seulement 1/3 des patientes ayant eu une glycémie ≥ à 0,92 g/L au premier trimestre ont une glycémie à jeun pathologique jusqu’à la fin du 2eme trimestre. Alors que les deux tiers restantes ont des glycémies qui redeviennent normales (33).

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Table des matières

1/ Introduction
2/ Matériel et méthodes
2.1. Inclusion
2.2. Caractéristiques de la cohorte
2.3. Recueil des résultats biologiques
3/ Résultats
3.1. Inclusion
3.2. Caractéristiques de la cohorte
3.3. Recueil des résultats biologiques
4/ Discussion
5/ Conclusion
6/ Bibliographie
7/ Annexes
8/ Abréviations
9/ Serment d’Hippocrate

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