Etude de l’evolution historique de la laïcite

Dans le prolongement de notre réflexion portant sur la problématique spinoziste du droit naturel, nous nous proposons, dans ce mémoire, de nous intéresser à la théorie de la laïcité telle qu’elle est articulée dans la pensée de spinoza. Le choix de ce sujet n’est par fortuit. Il est motivé par son actualité même. En effet, la question de la laïcité est aujourd’hui doublement réactivée : par l’ampleur inédite de travaux sur le statut de la modernité occidentale et sur la question du rapport entre le pouvoir et le sacré qu’il induit ; par l’effet de mondialisation qui retentit sur les identités politiques et religieuses.

Par ailleurs, l’importance prise actuellement par la religion dans beaucoup de pays invite à s’interroger sur sa place et son rôle dans la vie sociale et politique. Précisons quand même que ce fait ne date pas d’aujourd’hui. En effet, ce problème s’est déjà posé, dans le passé, aux pays occidentaux de tradition chrétienne, qui lui ont apporté des solutions différentes. Mais elle revêt de nos jours des formes nouvelles, en raison du retour, voir de l’irruption, du religieux, qui prend parfois un caractère radical et remet en cause des équilibres anciens. C’est le cas, en particulier, en France, où cette question paraissait définitivement réglée après de rudes conflits, mais où elle resurgit brusquement, provoquant à la fois la surprise, l’inquiétude et même le désarroi.

Au lieu de refouler ce problème en s’accrochant à des positions rigides, il convient de l’examiner sérieusement et sérieusement, ce qui suppose un renouvellement et un approfondissement de la réflexion sur ce sujet, qui peuvent conduire à des solutions originales. Il s’agit donc de repenser la présence de la religion dans la société et son articulation avec l’Etat. C’est précisément ce qu’a fait Spinoza. Ce dernier, animé d’un souci d’égalité, d’équité, de justice, de stabilité politique et d’une paix sociale durable, décide, dans une période particulièrement trouble, marquée par l’obscurantisme, la suprématie de l’Eglise et le règne de la monarchie absolue, de prendre ses responsabilités et entreprend de réfléchir et d’apporter sa contribution aux problèmes politiques, économiques et religieux de son pays. Ainsi, en vient-il à étudier les rapports entre le politique et le religieux. Bien avant même Spinoza des penseurs comme saint Augustin, Hobbes…, s’étaient donnés pour tâche de restituer les moments, les traditions et les conditions en vertu de quoi le théologique et le politique s’étaient entrés en « compromis » et d’analyser les métamorphoses que leur relation a connues dans l’histoire occidentale.

Il s’agit là d’un point crucial et extrêmement complexe dont il faut pourtant solutionner pour éviter toute dérive. C’est pourquoi l’intérêt philosophique de ce mémoire ne peut nullement se réduire à sa seule actualité mais aussi et surtout à sa capacité de se donner les moyens de construire un concept fécond et subjectif. Pour ce faire, nous devons mener une critique de l’usage qui en est fait jusqu’ici. C’est cet impératif de repenser la question de la laïcité qu’a senti Spinoza. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la rédaction du Traité théologico-politique, ce « livre explosif » paru anonymement en 1670 et dans lequel il expose ses points de vue. Et, la première chose qu’il fait est d’affronter les Ecritures. Il commence donc par interroger les Ecritures Saintes ; interrogations qui débouchent sur une critique acerbe et sans précédent de ce qui était jusqu’ici considéré comme la parole de Dieu. Point par point, il les analysa rigoureusement. Une analyse qui lui a permis de déceler les failles, les manquements, les contradictions, les rajouts et restrictions ; bref, l’origine humaine de la Bible. Il montre même que cette dernière, telle que nous l’avons héritée n’est pas écrite de la main d’un seul homme mais de plusieurs. Ce qui montre clairement qu’elle ne peut en aucune façon être l’œuvre de Dieu. Mais si elle n’est pas l’œuvre de Dieu, comment alors est-ce possible qu’elle puisse donner à la religion une place si importante dans le fonctionnement de l’Etat. Cela s’explique par le fait qu’elle peut devenir un instrument redoutable au service du pouvoir politique. Selon Spinoza, les détenteurs du pouvoir ainsi que ceux qui aspirent à le devenir sont portés à utiliser les clergés pour se donner une assise idéologique qui intériorise le principe d’obéissance. Il sait que les princes ont le plus souvent tendance à justifier leurs crimes par le droit divin. C’est pourquoi les princes, surtout monarchiques, ne méprisent jamais la religion.

ETUDE DE L’EVOLUTION HISTORIQUE DE LA LAÏCITE 

L’usage du mot laïcité nous est si familier au point qu’il n’y a presque personne qui ne soit convaincu au-dedans de lui-même que la chose lui est évidemment connue. Pourtant la notion de laïcité joue un rôle fondamental dans l’histoire de la pensée politico-religieuse. Dans les sociétés occidentales, il est devenu presque inimaginable de remettre en question la valeur de la laïcité et de la démocratie. Nos chefs politiques et spirituels nous rappellent régulièrement leur attachement a la laïcité , et , dans la même foulée, se permettent de fustiger les dirigeants des pays qui se montrent intransigeants face à cette même laïcité tantôt demandant, tantôt refusant le devoir d’ingérence, dans un univers qui se mondialise. Ainsi, les notions de laïcité et de démocratie semblent devenues naturelles dans nos sociétés et même banales ; elles ne sont cependant pas sans poser de nombreux problèmes de cadre et de définitions. Il faut donc avoir le courage de « s’interroger sur la banalisation d’une procédure longtemps considérée avec méfiance par les tenants de la démocratie, en raison de ses relents autoritaristes » . Pour cela il est nécessaire de reprendre les choses de haut, et de ne rien avancer qui ne soit évident. C’est la raison pour laquelle nous articulons cette première partie autour de deux chapitres majeurs. A un premier niveau, nous parlerons des problèmes des origines historiques de la laïcité. Pour mieux traiter notre point de vue, nous essayerons de voir les différentes connotations que ce cette notion a pu revêtir au fur des âges. Dans le second chapitre, il s’agira pour nous d’étudier les conséquences politicoreligieuses engendrées par l’évolution historique de cette notion.

LE PROBLEME DES ORIGINES DE LA LAÏCITE

La laïcité est le « principe de la séparation de la société civile et de la société religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et l’Eglise aucun pouvoir politique». D’après Le Petit Robert .

Pour une meilleure appréhension de la notion de laïcité, nous jugeons nécessaire de prendre en compte tous éléments qui nous paraissent utiles. C’est pourquoi, dans le premier chapitre de cette première partie nous nous intéressons aux moments historiques les plus marquants et les plus déterminants de la genèse et de l’évolution de ce concept. Cela nous permettra de voir comment Spinoza a pu, à partir d’un concept ancien, fonder une théorie de la séparation des pouvoirs qui est plus que jamais actuelle. Dans un premier temps, nous allons chercher à connaître le lieu d’où est née la laïcité et à quoi renvoyait-elle. Le problème de la signification ou des significations sera donc au cœur de ce chapitre. Après que nous aurons établi cela, il nous sera beaucoup plus facile de découvrir les doctrines et courants de pensée qui ont eu à prendre part dans le débat suscité par la laïcité. C’est cette question qui constituera l’objet de la seconde section de ce chapitre où nous verrons combien l’avènement du christianisme a été déterminant pour le renforcement de la laïcité.

FORMULATION ET SIGNIFICATIONS DU CONCEPT DE LAÏCITE

Considérée comme l’un des concepts fondamentaux de la vie politique des Etats démocratiques modernes, la laïcité continue d’animer les débats. Et, pour bien prendre part à ces discussions plus ou moins passionnantes qu’elle suscite, il serait mieux d’être suffisamment éclairé de ce qu’elle peut bien vouloir dire et de ce qu’elle englobe. Pour ce faire, l’étude de l’archéologie du concept de laïcité ainsi que la prise en compte des principaux glissements qui ont affecté sa valeur sémantique nous parait être d’une importance capitale. Telle que nous l’entendons aujourd’hui, la laïcité est une idée neuve qui n’existait pas dans l’Antiquité. Ce terme (de son étymologique Laïos) signifie le peuple, par opposition à la foule (adamos ou demos, ou encore oi polloi). Et, le laïc (le substantif laicus) est mis en parallèle avec klêros ou clerus. Il s’agit de quelqu’un qui appartient au peuple : celui qui n’appartient pas au clergé, par opposition aux clercs (ceux qui ont quitté l’état laïc pour l’état ecclésiastique, se consacrant ainsi au service d’une Eglise). Dans la tradition terminologique occidentale ou chrétienne, les laïcs forment la foule des baptisés, le peuple, la plèbe comme disent aussi certains textes. Pleb, plebeius donneront en Italie pieve, plou en pays breton, désignant aussi une communauté territoriale chrétienne. Certes aucune date précise ne peut être attribuée à l’apparition de cette notion. Toutefois, elle est abondamment utilisée dans la littérature grecque, depuis Homère, en passant par Hérodote ou Eschyle, jusqu’à un auteur classique comme Platon. C’est donc la succession de dispositions juridiques relayée par des courants de pensée qui, petit à petit, a façonné la laïcité et lui a donné son sens. C’est pourquoi dans son évolution historique, elle a été affectée par diverses significations. Au VIIIe siècle par exemple, ce terme était employé pour permettre de faire la distinction entre « dirigés » et « dirigeants ». Il désignait ceux qui étaient « dirigés ». Des études philologiques menées par d’éminents philologues et historiens de la philosophie tel que le Professeur D. SAMB ont pu montrer que « le mot laïcité ne dérive pas immédiatement du substantif laos, mais plutôt de l’adjectif laïkos » . Ce qui veut dire que nous devrions, en toute logique, rencontrer l’adjectif laïkos dans la littérature du Ve siècle. Or, ce n’est nullement le cas. Ce n’est qu’à la fin du IIe siècle qu’on le rencontra dans un papyrus grec de Strasbourg . Il désignait à cette époque « ce qui appartient à la population des campagnes, distinguée de l’administration officielle ». Au IIIe siècle déjà il désignait chez Symmaque le domaine « public », « commun », par opposition à ce qui est réservé aux prêtres, aux lévites, bref aux gents du culte en général.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : ETUDE DE L’EVOLUTION HISTORIQUE DE LA LAÏCITE
INTRODUCTION
CHAPITRE I LE PROBLEME DES ORIGINES DE LA LAÏCITE
SECTION I : FORMULATION ET SIGNIFICATIONS DU CONCE¨PT DE LAICITE
SECTION II L’AVENEMENT DU CHRISTIANISME OU LA NAISSANCE DE L’ESPRIT LAÏC
CHAPITRE II : LAÏCITE ET MODERNITE POLITIQUE
SECTION I : LAICITE FACE A LA LEGITIMITE DE DROIT DIVIN
SECTION II : SECULARISATION ET CONQUETE DES LIBERTES
CONCLUSION
DEUXIEME PARTIE : LA CONCEPTION SPINOZISTE DE LA LAÏCITE : PROBLEMES, ENJEUX ET PERSPECTIVES
INTRODUCTION
CHAPITRE I :LA REFORMULATION DU CONCEPT DE LAÏCITE PAR SPINOZA
SECTION I :LES PREMISSES DES LA LAÏCITE : LA SEPARATION DE LA FOIE ET DE LA RAISON
SECTION II LA DISTINCTION DU POLITIQUE ET DU RELIGIEUX
CHAPITRE II :SCHEMA D’UNE CONCILIATION MODERNE ENTRE POLITIQUE ET RELIGION
SECTION I : LA LAÏCITE COMME EXIGENCE DE LA DEMOCRATIE
SECTION II : LA LAÏCITE AUJOUR’HUI ET SES MULTIPLES DEFIS
CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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