Étude de la toxicité de l’association BRAF et MEK

Depuis l’année 2011, deux avancées majeures dans le traitement du mélanome métastatique ont rendu obsolète les chimiothérapies, révolutionnant la prise en charge et le pronostic des patients.

La première révolution, l’immunothérapie (IT), ou inhibiteurs de « check‐points », a permis de freiner certains blocages physiologiques de la réponse immunitaire, stimulant ainsi l’immunité anti‐tumorale du patient. Initialement, grâce à l’Ipilimumab (anti‐CTLA4) avec un taux de réponse de l’ordre de 10‐15% (1,2), qui agit indirectement au niveau ganglionnaire entre la cellule présentatrice d’antigène et le lymphocyte T (phase d’initiation). Puis, les anti‐PD1 se sont rapidement imposés (Nivolumab et Pembrolizumab notamment), anticorps monoclonaux dirigés contre la protéine programmed‐death protein (PD‐1) agissant directement entre le lymphocyte T et la cellule tumorale (phase effectrice) avec un taux de réponse de 30 à 40% (3 5). La supériorité des anti‐PD1 par rapport à l’Ipilimumab a clairement été démontrée dans plusieurs études que ce soit pour le Pembrolizumab (6) ou le Nivolumab (7).

L’association d’un anti‐CTLA4 et d’un anti‐PD1 s’est révélée être encore plus efficace que leur utilisation en monothérapie ; un essai de phase III retrouve un taux de réponse de 61% pour la combinaison contre 52% pour le Nivolumab seul et 16% pour l’Ipilimumab seul chez des patients naïfs de traitement (7). Depuis Octobre 2016, la « combinaison » Ipilimumab + Nivolumab dispose d’une AMM aux Etats Unis, et a obtenu en France un avis favorable de la commission de transparence en Juillet 2017, en première ligne chez les patients BRAF non mutés.

En parallèle sont apparues les thérapies ciblées (TC) BRAF/MEK inhibiteurs (inh), capables d’inhiber sélectivement la croissance des cellules de mélanome porteuses d’une mutation oncogénique activatrice du gène BRAF (environ 45‐50% des mélanomes, dont 80% de mutation V600E), décrite pour la première fois dans le mélanome en 2002 (8). Cette mutation entraine une activation du gène BRAF qui code pour une sérine‐thréonine‐ kinase au sein de la voie des MAP Kinases, entrainant une cascade de signalisation aboutissant à l’activation des MAPK ERK ½ qui contrôlent les processus de migration, de survie et de prolifération cellulaire. Initialement prescrits en monothérapie, les BRAF inh ont rapidement été associés à un anti‐ MEK, protéine située en aval dans la voie des MAPK, pour augmenter l’efficacité et la durabilité de la réponse, permettant d’obtenir un taux de réponse globale entre 64% et 70% (9–12), malheureusement limité dans le temps avec une résistance apparaissant après un délai médian d’environ 12 mois de traitement. Les résultats sont similaires, quelles que soient les molécules disposant d’une AMM : Dabrafenib (anti‐BRAF) et Trametinib (anti‐MEK) ou Vémurafenib (anti‐BRAF) et Cobimetinib (anti‐MEK).

En l’absence de comparaison directe, les places respectives des anti‐PD1 et des thérapies ciblées dans la stratégie thérapeutique chez les patients présentant une mutation du gène BRAF ne sont pas établies. Le schéma recommandé jusqu’à récemment en France était d’utiliser en première ligne une association de TC puis un anti‐PD1 en deuxième ligne en cas de progression (par acquisition de résistances aux BRAF et MEK inhibiteurs).

Aujourd’hui, du fait des changements de pratique dans le mélanome métastatique, plusieurs situations cliniques peuvent aboutir à la prescription séquentielle d’anti‐PD1 puis de TC chez les patients BRAF‐mutés. La première situation, que l’on peut appeler « de retraitement », concerne les patients qui après avoir reçu un traitement par TC en première ligne, ont ensuite été traités par immunothérapie en raison d’une progression ou d’une toxicité sévère de la TC) et chez qui l’on décide de tenter à nouveau un traitement par TC (séquence TC → anti PD1 → TC). La seconde situation correspond aux patients BRAF‐mutés ayant reçu une immunothérapie en 1ère ligne (souvent dans le cadre d’essais thérapeutiques) et qui reçoivent ensuite une TC lors de la progression. Cette situation, encore rare, risque de devenir plus fréquente puisqu’il est maintenant possible de prescrire les anti‐PD1 en première ligne également chez les patients BRAF‐mutés.

Les profils de tolérance de ces deux grandes classes thérapeutiques sont différents et liés à leur mécanisme d’action anti‐tumoral. Les effets secondaires des anti‐PD1, en lien avec leur effet de stimulation de l’immunité, sont de type « immuns » : les principaux sont les rashs cutanés, les dysthyroïdies, les colites, les hépatites et les pneumopathies (13,14). Le taux d’EI immuns grade 3‐4 sous anti‐PD1 varie entre 5 et 10% (5,7). Les effets secondaires des thérapies ciblés BRAF et MEK inhibiteurs sont multiples, en lien avec l’inhibition de la voie des MAP Kinases. Les essais de phase III des associations de BRAF et MEK inh rapportent des taux d’évènements indésirables (EI) tous grades de 98% avec un taux d’EI grade ≥ 3 de 56,9% pour l’association Dabrafenib + Trametinib et de 71,3% pour l’association Vémurafenib + Cobimetinib (9–12, 15‐ 16). Les toxicités diffèrent entre les deux associations : surtout de la fièvre, des frissons, des diarrhées et des nausées pour l’association Dabrafenib et Trametinib (DT) et surtout des rashs cutanés, des réactions de photosensibilité, des cytolyses hépatiques et des diarrhées pour l’association Vemurafenib + Cobimetinib (VC).

Si la toxicité des TC en première ligne est bien connue, celle après anti‐PD1 n’a jamais été étudiée dans les essais. L’observation de plusieurs cas de toxicité inhabituellement sévère lors de la séquence thérapeutique anti‐PD1 → TC au sein de notre centre et de plusieurs autres centres français appartenant au Groupe de Cancérologie Cutanée nous a conduit à interroger une éventuelle sur‐toxicité liée à cette séquence spécifique de traitement.

L’objectif principal de cette étude rétrospective multicentrique menée de Juillet 2014 à Mai 2017 dans 11 centres appartenant au Groupe de Cancérologie Cutanée (GCC) était d’étudier l’incidence et le type d’évènements indésirables sévères (grade ≥ 3) chez les patients traités par une association de BRAF et MEK inhibiteurs dans les suites immédiates d’un traitement par anti‐PD1.

MATERIEL ET METHODES 

Population
Étaient inclus tous les patients répondant aux critères d’inclusion suivants :
● Mélanome métastatique stade IIIC non résécable ou IV
● Patients BRAF‐mutés
● Traitement par BRAF et MEK inh prescrit dans les 2 mois suivant l’arrêt d’un traitement par immunothérapie de type anti‐PD1 (Nivolumab ou Pembrolizumab). Le moment du passage entre les deux classes thérapeutiques sera par convention appelé « switch » .

Recueil de données
Les données cliniques étaient recueillies entre Mars et Juin 2017 à partir des dossiers médicaux informatisés ou papiers des centres participants à l’aide d’un questionnaire standardisé (annexe). Les effets secondaires liés à la TC étaient gradés en accord avec le CTCAE 4.0 (National Cancer Institute Common Terminology Criteria for Adverse Events) et tous les grades 3, 4 et 5 (décès) étaient recensés. La durée sans traitement entre l’IT et la TC était calculée à partir du jour de la dernière cure de l’anti‐PD1 et le premier jour de prise de la TC.

Les variables suivantes étaient également recueillies :
● Caractéristiques initiales du mélanome : stade, type de mutation BRAF, sites métastatiques
● Antécédents de maladie auto‐immune
● Données en lien avec le traitement par anti‐PD1 : molécule administrée, durée du traitement, ECOG et LDH en fin de traitement.
● Causes du passage des TC aux anti‐PD1 : progression métastatique ou survenue d’un effet secondaire
● Données en lien avec le traitement par TC : molécules administrées, durée du traitement
● Exposition antérieure à une TC par BRAF/MEK inh et survenue antérieure d’évènement indésirable sévère
● Conséquences de l’EI grade ≥ 3 en distinguant 3 sous‐groupes : reprise de la même TC à pleine dose, reprise de la même TC à plus faible dose, arrêt de la TC/changement de classe thérapeutique .

Analyse statistique

Les analyses statistiques étaient réalisées à l’aide du logiciel IBM SPSS Statistics version 20.0 (Inc., IL., USA). Les variables continues sont présentées sous forme de moyennes +/‐ écart type, ou sous forme de médiane avec l’étendue (minimum, maximum). Les variables qualitatives sont présentées sous forme d’effectifs et de pourcentages. La comparaison des pourcentages était évaluée à l’aide du test du chi deux de Pearson ou le test exact de Fisher si les effectifs théoriques étaient inférieurs à 5. La comparaison des moyennes entre deux groupes était évaluée à l’aide du test de Student ou le test de Mann Whitney si la distribution des variables quantitatives n’était pas normale. Pour tous les tests, la signification statistique est fixée à p < 0,05.

RESULTATS 

Caractéristiques de la population
Soixante et un patients, dont les caractéristiques détaillées sont présentes dans le tableau 1, répondaient aux critères d’inclusion de notre étude. L’âge médian des patients était de 59 ans. 39,3% étaient des femmes et 60,7% des hommes. 93,9% (46/49 données recueillies) étaient porteurs d’une mutation BRAF V600E. 84% (37/44 données recueillies) des patients présentaient un ECOG entre 0 et 1 et 16% (7/44) un ECOG ≥2. 49,2% (30/61) des patients étaient traités par Pembrolizumab, 45,9% (28/61) par Nivolumab et 4,9% (3/61) par une combinaison associant Nivolumab + Ipilimumab. La durée médiane sous traitement par anti‐PD1 était de 127 jours (minimum 1 jour (1 cure) et maximum 727 jours). Dix patients étaient inclus dans un essai thérapeutique au moment de l’introduction des TC. Le motif du switch vers une TC était une progression de la maladie dans 98,4% des cas et une toxicité dans 1,6% des cas (1 patient présentait une colite auto‐immune grade III sous combinaison Ipilimumab + Nivolumab). Dix patients (16,4%) présentaient un EI immuns sous IT : colite auto‐immune (n=7), hypothyroïdie (n=2) et thrombopénie auto‐immune (n=1). Le délai médian d’introduction des TC était de 21 jours (minimum 2 jours et maximum 57 jours) après l’arrêt des anti‐PD1. 50,8% des patients (31/61) recevaient une association de Dabrafenib + Trametinib (DT) et 49,2% une association de Vémurafénib + Cobimetinib (VC).

Quinze patients (24,6%) étaient naïfs de traitement par TC (séquence anti‐PD1 ‐> TC) tandis que 46 patients (75,4%) avaient déjà reçu des BRAF‐MEK inh avant la mise sous IT (séquence TC ‐> IT) : D (n=4), V (n=13), associations DT (n=20) et VC (n=9) (Figure 1). Neuf (19,6%) de ces 46 patients déjà traités par TC avaient présenté un EI ≥ grade 3 lors de la première introduction des TC.

Evènements indésirables sévères
Des effets indésirables (EI) de grade ≥3 (sévère) étaient observés chez 33 patients (54%). Vingt‐sept patients (44,2%) présentaient un EI grade 3 ; 4 (6,6%) un EI grade 4 et deux un EI grade 5 (3,3%) (décès). Le délai médian d’apparition de l’EI grade ≥3 après l’introduction était de 12 jours (minimum 5 jours et maximum 120 jours). La proportion d’EI de grade ≥3 était similaire, quel que soit le délai séparant l’arrêt des anti‐ PD1 de l’introduction des TC, sans aucune tendance en faveur d’une augmentation de la toxicité sévère en cas de switch plus rapide, sous réserve du petit nombre d’évènements : délai moyen de 23 jours pour les patients avec EI grade ≥ 3 et de 25 jours pour les patients n’ayant pas eu d’EI sévère (p= 0,457) (Tableau 2 et 3, Figure 4). La proportion d’EI grade 4 était également similaire quelle que soit la durée sans traitement entre l’anti‐PD1 et la TC (délai moyen de 23 jours).

Des EI grade ≥3 étaient observés chez 23 (50%) des 46 patients déjà traités par BRAF inh. Cinq patients avaient déjà présenté un EI grade ≥3 lors de la première introduction : 4 récidivaient selon le même type de toxicité (2 hépatites aigues, 1 hyperlipasémie et 1 toxidermie). Parmi ces 4, trois patients (75%) avaient reçu la même association, avant et après les anti‐PD1 (VC pour les 3). Les EI sévères les plus fréquents étaient : les rashs cutanés (tout confondus) (29,5%), l’hyperthermie (18%), les syndromes d’hypersensibilité médicamenteuse (SHM) (9,8%), l’insuffisance rénale aigue et les cholestases (8,2%), les hépatites aigües 6,6%). Suivaient les rhabdomyolyses, myalgies et arthralgies pour 4,9 % des patients .

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Table des matières

INTRODUCTION
1) MATERIEL ET METHODES
a. Population
b. Recueil de données
c. Analyse statistique
2) RESULTATS
a. Caractéristiques de la population
b. Evènements indésirables sévères
c. Atteintes multi‐systémiques ou inhabituellement sévères
d. Conséquences du switch
3) DISCUSSION
4) CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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