Etude de la sensibilité aux antibiotiques

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Caractères antigéniques

Les gonocoques sont constitués de deux systèmes membranaires où logent des antigènes bien caractérisés (cf. figure 2) [44, 60]. De l’extérieur à l’intérieur :
-Les pili : Ils sont portés par les types T1 et T2 de Kellogg et jouent un rôle dans les phénomènes d’adhérence au niveau de la muqueuse génitale empêchant l’expulsion du germe par le flux urinaire [25]. Ils sont formés de polymères protéiquesprésentant une grande variation immunologique. Leur présence est liée à l’aspect des colonies à la surface de la gélose, à la compétence pour la transformation et à la virulence [14, 25].
– La capsule : elle est constituée de polysaccharide. Elle joue un rôle dans la pathogénicité en protégeant le germe contre la phagocytose [75].
– Les Lipopolysaccharides: jouent un rôle toxique dû à la partie lipide et interviennent dans l’expulsion des cellules ciliées de la muqueuse.
– Les antigènes des enveloppes externes jouent un rôle important dans les phénomènes d’attachement [26, 39]. Il existe 3 protéines principales :
– Protéine I : elle est également appelée « Protéine majeure de Swanson » C’est la protéine la plus abondante. Son poids moléculaire est de 34 kilo dalton. Elle a un rôle de porine, c’est-à-dire qu’elle permet le passage de petites molécules à travers la membrane. Les anticorps anti protéine I sont bactéricides et pourraient conférer une certaine protection.
– Protéine II : protéine mineure ou protéine d’opacité, son poids moléculaire est de 24 kilo-daltons.Elle joue un rôle dans l’adhésion des gonocoques les uns aux autres et également dans l’adhérence aux cellules de l’hôte.

Epidémiologie

L’incidence de la gonococcie a considérablement chuté dans les pays de l’Europe de l’ouestaprès un pic dans les années 70, et les nouveaux cas sont le plus souvent importés [55, 56, 62].
Dans tous les pays du monde, l’incidence de l’infection à gonocoque a augmenté ces dernières années et est, évaluée périodiquement par l’OMS, est passée de 62 millions de cas en 1999 à 106 millions en 2010 par an [29, 55, 56]. Ces données ne reflétaient certainement que partiellement la réalité, en raison d’un diagnostic fréquent de l’infection (particulièrement) dans les zones à forte prévalence et de l’absence de déclaration dans certains pays [55, 62].
La distribution de l’infection est très inégale entre les pays ; dans les régions les plus affectées telles que l’Afrique subsaharienne, l’Asie du sud-est, les Caraïbes, l’Amérique latine.Lestaux d’incidences dans ces régions sont souvent dix fois supérieurs à ceux des pays industrialisés (Cf. figure 3).
En Afrique, la prévalence de l’infection à gonocoque chez les sujets symptomatiques en 2006 est comprise entre 5,7 et 17,7% [9].
Globalement les pays en développement paient le plus lourd tribut, ils ont des taux d’incidence significativement supérieurs à ceux des pays développés [9, 55, 83], et la distribution au sein de ces pays diffère aussi en fonction de l’environnement socio-économique des populations.
En Guinée-Bissau en 2001 une étude portant sur 231 personnes dont 200 femmes et 31 hommes, a montré que 17% des femmes étaient infectées 38,7% des hommes étaient infectés par Neisseria gonorrhoeae [7].
Au Sénégal, en 2004 la prévalence des infections à Neisseria gonorrhoeae était estimée à 5,4% chez les prostitués dans le cadre d’une enquête nationale et surveillance combinée [13]. En 2007, cette prévalence était de 2,6% [83].
Le gonocoque est actuellement reconnu dans la plupart des pays développés comme la seconde infection sexuellement transmissible [12, 21], (IST) d’origine bactérienne après l’infection à Chlamydia trachomatis.

La gonococcie

Neisseria gonorrhoeae est responsable d’une IST dénommée gonococcie, communément appelée la blennorragie ou chaude de pisse [19, 39].
L’incubation de l’infection dure en principe moins de cinq jours mais peut dépasser quinze jours [1, 19, 20].
Chez l’homme, la forme bruyante peut se manifester sous forme d’un écoulement purulent, de coloration jaunâtre s’accompagnant de brulures à la miction. Il existe chez certains patients une balanite (inflammation du gland) [11, 21, 65].
Chez la femme, le plus souvent il s’agit d’une forme asymptomatique. Dans ce cas, la gonococcie débute par une phase aigüe se caractérisant par une urétro-cervicite avec des symptômes discrets à type pollakiurie, de brûlures, de pertes contenant de pus [28]. La cervicite est la manifestation la plus courante et elle se traduit par des leucorrhées, jaunes ou blanches, parfois peu différentes en quantité des pertes physiologiques. Elle est dans 50 à 90% descas totalement asymptomatique [28]. L’examen au spéculum montre une fragilité du col de l’utérus, des secrétions mucopurulentes. Une urétrite est souvent associée à une cervicite [11].
Chezle nouveau-né, il y a risque de contamination mère-enfant qui se traduit par une ophtalmie néonatale pouvant aller jusqu’à la cécité.

Les complications et les formes extra génitales

Une infection par le gonocoque non diagnostiquée et donc non traitée, est susceptible de se compliquer et d’entraîner une orchi-épididymite.
L’inflammation de l’épididyme, (l’épididymite), est presque toujours associée avec une inflammation du testicule dans le cadre d’une orchi-épididymite [4, 25]. Parfois les deux épididymes sont atteints, ce qui provoque une obstruction des canaux évacuateurs et une hypofertilité.L’évolution peut se faire vers l’inflammation de la prostate [1, 11], ou des vésicules séminales qui sont alors affectées par la suite. Chez certains patients, la survenue d’une conjonctivite gonococcique, due à la transmission du germe par l’intermédiaire des mains peut être observée.Une septicémie gonococcique peut être également mal observée [12] Chez la femme, les complications de l’infection gonococcique non diagnostiquée peuvent être particulièrement sévères. En, effet, il peut survenir des maladies pelviennes inflammatoires, avec comme conséquences, des séquelles à long terme telles que des douleurs pelviennes, unegrossesseectopique et une infertilité [63, 65]. Autres complications après l’infection
Lescomplicationspossibles pouvant survenir après une gonococcie sont [19, 20]:l’arthrite gonococcique, la gonococcie cutanée, la péri hépatite, la kératodermie gonococcique, l’endocardite infectieuse, la méningite gonococcique, la poly chondrite gonococcique.
La vulvo-vaginite de la fille se caractérise par la présence de rougeur, d’œdème de la vulve, pertes vaginales contenant du pus[8].L’infection se transmet par contact direct soit par des objets souillés soit par des secrétions provenant des adultes[4, 12].
La gonococcie du nouveau-né et plus particulièrement l’ophtalmie à gonocoque :La conjonctivite va se manifester dès la première semaine de la vie et se compliquer quelquefois d’ulcérations susceptibles d’aboutir à une cécité visuelle [11, 25]. Cette pathologie est quelque fois confondue à une infection à chlamydia trachomatis.

Immunité et réponse immunitaire

Immunité

Il n’y a depasprotection contre une réinfection chez l’homme et les récidives sont fréquentes ; la raison en est inconnue. Il faut noter la liaison des infections gonococciques disséminées avec une déficience en certains composants du complément, en particulier en C6, C7, C8[60] ; celle-ci a été rendue responsable d’une certaine prédisposition aux infections à Neisseria.

Réponse immunitaire

In vivo, la souche infectante essaie d’échapper aux défenses anti infectieuses de l’hôte en modifiant régulièrement la structure de ses déterminants de virulence (pili et protéine P2). Ces constituants sont immunogènes et l’hôte développe par exemple vis-à-vis d’une protéine P2 de structure définie, une réaction immunitaire à l’humorale et cellulaire. Les gonocoques élaborent alors une nouvelle protéine P2 jusque-là inconnue du système immunitaire, et le phénomène peut se répéter plusieurs fois [60, 66].
Ainsi par ce mécanisme raffiné, les gonocoques peuvent persister dans les tissus en dépit de la mise en œuvre d’une réponse immunitaire de l’hôte. Cette hétérogénéité antigénique dans l’espèce Neisseria gonorrhoeae est un obstacle majeur à l’élaboration d’un vaccin anti gonococcique et explique les récidives chez un même sujet [60, 78].

Diagnostic bactériologique de la gonococcie

Le diagnostic est généralement direct reposant sur la mise en évidence du germe. Le prélèvement se fait à l’aide d’un écouvillon [1, 25, 75]. La qualité du prélèvement, la nature de l’écouvillon et le respect des conditions de transport sont primordiaux.

Prélèvements

Chez l’homme, on effectue un prélèvement urétral par écouvillonnage. L’écouvillon est introduit dans le canal urétral sur 2 à 3 cm (ampoule urétrale) en lui imprimant un mouvement de rotation pendant 5 à 10 secondes pour lui permettre de s’imprégner des sécrétions, puis retiré lentement avec un angle incliné doux [19, 25]. Ce prélèvement est réalisé préférentiellement le matin avant toute miction ou toilette intime ou à défaut, après une abstention mictionnelle d’au moins 2 heures. En cas de difficulté de réaliser le prélèvement urétral, le recueil des premiers jets des urines peut permettre la culture de la bactérie [40, 43].
Chez la femme le prélèvement se fait aussi par écouvillonnage endocervical puisque le gonocoque présente un tropisme préférentiel pour l’endocol [19, 27]. Au niveau de l’urètre : s’il n’y a pas d’écoulement visible, l’urètre est pressé vers l’orifice externe pour faire apparaitre l’exsudat ; si aucune sécrétion n’est obtenue il faut alors introduire un écouvillon dans le canal urétral et le tourner pendant 5 secondes en prenant le soin de masser d’abord l’urètre contre la symphyse pubienne [19, 25].
Autres types de prélèvements
En fonction du contexte clinique, divers prélèvements peuvent être effectués :
– Un écouvillonnage est effectué en insistant sur les cryptes amygdaliennes au niveau du pharynx à l’aide d’un abaisse-langue et d’une bonne source de lumière, un écouvillonnage est effectué en insistant sur les cryptes amygdaliennes [1, 63].
-Un écouvillonnage au niveau du rectum à l’aide d’une anuscopie ou d’un rectoscope lubrifié à la vaseline chez les homosexuels
– Le recueil du 1er jetdes urines.

Examen microscopique direct

Les sécrétions sont étalées en couche mince sur une lame. Le frottis est séché à l’air, fixé puis coloré au Gram [1, 19]. L’observation au microscope en immersion permet la détection des diplocoques à Gram négatif intra ou extracellulaire en « grain de café » [20, 25].

Culture

La culture reste le gold standard pour le diagnostic de l’infection gonococcique chez un patient symptomatique [1].
La culture exige le respect des conditions de conservation et de transport des prélèvements pour assurer la vitalité du gonocoque [1, 4, 19], ce qui est parfois difficile compte tenu des conditions et contraintes locales.
La culture s’effectue sur des milieux spéciaux : une gélose chocolat, contenant des suppléments vitaminiques, un mélange d’antibiotiques (Vancomycine, Colistine, Nystatine) permettant l’inhibition des bactéries commensales. L’incubation des géloses ensemencées s’effectue immédiatement dans une étuve enrichie CO2, à 37 °C[19].Les colonies apparaissent sous forme de petite taille surélevées, grises ou beiges, brillantes, opaques et translucides après 24 à 48 heures d’incubation [25].
L’identification bactérienne se fait sur la base des caractères morphologiques, culturaux et biochimiques.
La culture permet égalementd’évaluer l’efficacité du traitement d’une infection gonococcique en cas d’échec thérapeutique ou chez un patient ayant desrapports sexuels avec une personne infectée non traitée [4, 19].

Etude de la sensibilité aux antibiotiques

Lasensibilité du gonocoque aux antibiotiques varie selon les types d’antibiotiques. Actuellement les antibiotiques les plus actifs sont : Les céphalosporines de la troisième génération, les aminosides et les macrolides [3, 16, 29]. L’étude de la sensibilité ou de la résistance aux antimicrobiens est évaluée en fonction de l’antibiogramme.

Diagnostic moléculaire

C’est une technique d’hybridation moléculaire qui peut être réalisée à partir d’urines. L’ARNr est détecté par l’utilisation d’une sonde ADN spécifique [14, 73, 74]. C’est la méthode de choix des techniques de la biologie moléculaire. Elle peut être pratiquée sur un simple jet d’urine chez l’homme ouchez la femme, prélèvement au niveau de l’endocol chez la femme ou de l’urètre chez l’homme [43, 79].
La biologie moléculaire n’est pas recommandée pour un contrôle de l’efficacité du traitement [43]. Si elle est la seule option offerte, elle doit être effectué trois semaines ou beaucoup plus tard après le traitement pour éviter les résultats faussement positifs due à la présence résiduelle de micro-organismes non viables ou débris de gènes d’ADN [7, 10].

Traitement et prévention

Si la symptomatologie est évocatrice d’une gonococcie, un traitement probabiliste est instauré en fonction des recommandations en vigueur et permet d’éviter la contamination des autres [3, 59].Les schémas conseillés pour le traitement des urétrites et cervicaux-vaginites utilisent : les aminosides (spectinomycine) et les céphalosporines de troisième génération avec la ceftriaxone et la céfotaxime qui restent encore efficaces [36, 28, 57].
En l’absence de vaccin sur le marché, la seule prévention efficace demeure l’éducation sexuelle en insistant sur :
-la Fidélité des partenaires
– la Prévention (préservatifs)
– l’utilisation du gel gonococcique
Chez le nouveau-né, l’ophtalmie purulente peut-être prévenue par l’instillation d’un collyre à l’érythromycine à 0,5% ou à la tétracycline à 1% [63, 65].

Résistance du gonocoqueaux antibiotiques

Un antibiotique est défini comme un composé chimique, naturellement produit par un microorganisme ou, produit de synthèse dont l’activité thérapeutique se manifeste à faible dose et d’une manière spécifique [22,69, 80]. Il a le pouvoir d’inhiber la croissance voire détruire d’autres bactéries.
L’antibiorésistance est la capacité d’un micro-organisme à résister aux effets des antibiotiques [52, 58, 67]. Cette résistance confère donc à celui-ci un avantage sélectif qui lui permet de se multiplier en présence de l’antibiotique.
Actuellement nous avons deux types de résistances des gonocoques aux antibiotiques [16, 48, 45]. Lepremier mode de résistanceporte sur l’ADN chromosomiqueet le second concerne l’ADN extra chromosomique [46, 71, 76].

Mécanismes de résistance

N. gonorrhoeae a une capacité à modifier son matériel génétique, étant donné qu’il est naturellement compétent pour la transformation [33, 69, 70] (transfert de gènes partiels ou entiers) pendant tout son cycle de vie et peut modifier son génome par des mutations. La plupart des déterminants génétiqueschezN.gonorrhoeae sont situés au niveau chromosomique, et seuls les gènesblaTEM1 [18, 24, 26] et tetM [85, 89] qui aboutissent à une résistance élevée à la pénicilline et à la tétracycline sont connus pour être portés par un plasmide et hébergé par la bactérie [6, 34, 61].
En outre, le transfert horizontal de gènes est un processus par lequel des fragments d’ADN et des éléments génétiques mobiles peuvent être transférés entre les bactéries de même ou de différentes espèces [64, 68, 69]. Ces éléments comprennent entre autres les transposons (éléments d’intégration et de conjugaison : (ICE) les intégrons, les ilots génomiques, intégrés dans les chromosomes [18, 68, 79].

Gènes de résistance aux antibiotiques

Bétalactamines

Jusqu’au milieu des années 1980, la pénicilline G était utilisée en première intention dans le traitement des gonococcies [37, 53]. Mais la pression de sélection de cet antibiotique a provoqué l’émergence de souches de gonocoques résistantes à la pénicilline G, obligeant l’arrêt de son utilisation. Les deux mécanismes de résistance décrits sont les mutations chromosomiques et l’acquisition d’une pénicillinase plasmidique [34, 42, 84].La résistance à la pénicilline à médiation chromosomique chez les gonocoques est due à des mutations qui modifient les protéines liant les pénicillines (PLP) [6, 53, 72]. Cette résistance transmise verticalement à la descendance touche aujourd’hui près de 95% des souches de N. gonorrhoeae [24]. Le gène pilQ entraine des mutations de la sécrétine, ponA entraine des mutations de la protéine liant la pénicilline PBP1, porB à l’origine d’une imperméabilité par mutation au niveau de la porine PIA ou PIB code pour les tétracyclines, TEM-1 gène plasmidique code une pénicillinase[31]. Le gène penA code la résistance au ceftriaxone par mutation au niveau de la protéine liant la pénicilline PBP2, la résistance multiple transférable (mtrR code une protéine répresseur transcriptionnel qui module l’expression de l’opéron d’une pompe à efflux)[51, 81, 82].
Les pénicillinases sont des enzymes portées par des plasmides, éléments génétiques mobiles à transmission verticale et horizontale (à une autre souche de la même espèce)[33, 34, 58], parfois même entre espèces différentes (notamment les Neisseria de la flore commensale).Les pénicillinases confèrent un haut niveau à la pénicilline G (CMI entre 1 à plus de 64mg/L) [62]. Cette enzyme hydrolyse la liaison amide cyclique des pénicillines sensibles à la -lactamase, ouvrant ainsi le cycle -lactame et rendant inactif la pénicilline [26, 37, 89].

Quinolones

Le développement des résistances aux pénicillines et aux cyclines a entrainé une modification du traitement de première intention des gonococcies en faveur des fluoroquinolones [2, 23, 30]. Cependant, l’utilisation de ces molécules a provoqué une émergence de souches résistantes en Afrique, en Asie et dans de nombreux pays européens [38, 47, 49]. Les cibles d’action des quinolones sont les enzymes bactériennes ADN gyrase et topo- isomérase IV. Les sous-unités de l’ADN gyrase sont codées par les gènes gyrA et gyrB, celles du topo isomérase IV par les gènes par Cet parE [80, 86, 87]. La résistance acquise aux quinolones implique surtout des mutations chromosomiques par substitution d’acides aminés dans une région des sous-unités des gyrA ou parC [41, 50, 73]. La résistance aux quinolones peut également être médiée par des plasmides produisant une protéine codée par les qnr qui protège les cibles des quinolones [23, 32, 35].

Cyclines

La résistance à la tétracycline est médiée par un plasmide [22]. Les tétracyclines inhibent la synthèse des protéines qui aboutit à un effet bactériostatique [69]. Elles ont été utilisées dans le passé pour le traitement des gonococcies mais ne sont actuellement plus recommandées car des résistances se sont développées avec ces molécules [22, 75]. La proportion de souches résistantes aux tétracyclines est très importante [57]. Deux mécanismes sont impliqués : la résistance d’origine chromosomique et celle plasmidique : la résistance chromosomique due à la modification de la cible des -lactamines que sont les PLP (protéines liant la pénicilline)[73].La résistance plasmidique confère un haut niveau de résistance (CMI de la tétracycline entre 16 et 64 mg/L)[57, 69] elle est due au transfert de gène à partir des souches de streptocoques, du gène TetM codant pour la protéine tetM qui protège la cible ribosomale de l’action des cyclines[57, 80, 84].

Macrolides

Les macrolides sont peu utilisés pour le traitement des gonococcies car ils ont une activité modérée sur Neisseria gonorrhoeae, à l’exception de l’azithromycine (CMI la plus basse), efficace à une dose élevée de 2g mais responsable de fréquents effets secondaires digestifs [16]. Des souches de sensibilité diminuée ou résistante à l’azithromycine ont été décrites en 2003 en Espagne et au Royaume-Uni, et sont de plus en plus fréquemment observées dans certains pays d’Europe [69, 73].
Ce développement de résistance peut s’expliquer par le fait que l’azithromycine est un antibiotique à demi-vie longue communément prescrit par les cliniciens dans diverses infections et notamment en cas d’infection à C. trachomatis [10], or si un patient atteint de chlamydiose présente une co-infection à gonocoque, l’azithromycine pourrait présenter une pression de sélection sur le gonocoque [41, 65].

Aminosides

La spectinomycine, un aminoside réservé au traitement de la gonococcie, est utilisé en cas d’allergie aux C3G chez l’adulte de plus de 15 ans [28, 52, 54] (sauf chez la femme enceinte). Actuellement, la résistance à la spectinomycine, à haut niveau, est extrêmement rare chez les souches de gonocoques [52, 77, 88].

Souches bactériennes

Notre étude a été réalisée sur 86 souches de Neisseria gonorrhoeae dont 57 isolats identifiés entre 2014 et 2015 conservés au LBM et 29 entre Aout 2016 et Octobre 2017.

Prélèvement

Les patients ne doiventavoir de rapport sexuel la veille du prélèvement.L’homme doit adopter une position assise avec jambesécartées.
Les écoulements urétraux sont prélevés au niveau du méat à l’aide de deux écouvillons en alginate dont l’un est réservé pour étalement sur lame et l’autre à ensemencerimmédiatementsur les géloses (GSO, GSC + Poly Vitex ou Poly Vitex + VCN).

Isolement

Les géloses ensemencées étaient incubées à l’étuve à 37°C en présence de CO2 en 24h.
Les souches ont été identifiées sur la base des caractères morphologiques (diplocoque à gram négatif), culturaux (aspect des colonies) et biochimiques à (l’aide de la galerie Api NH).

Conservation des souches

Les souches isolées et identifiées étaient conservées à – 80°C dans des Cryotubes Nunc contenant du lait écrémé.

Etude du profil de sensibilité aux antibiotiques

L’antibiogramme a été réalisé par la méthode de diffusion sur milieu gélose selon les recommandations du CASFM (EUCAST) version 2017. La sensibilité ou la résistance était évaluée en fonction du diamètre de la zone d’inhibition suivant les valeurs définies(Cf. tableau II).La suspension bactérienne était réaliséeà partir d’une culture pure de 24-48 heures et ajuster de 0,5 Mc Farland dans de l’eau physiologique à 0,85% de Na cl puis ensemencée sur la gélose chocolat sans VCN par inondation puis incubé à 5% CO2 à 24h et à 37°C.
La production d’une -lactamase était recherchée à l’aide d’un disque de céfinase (Bio Mérieux). La céfinase est une céphalosporine chromogène dégradée par la -lactamase produite par la bactérie, entrainant ainsi une coloration rouge.

L’extraction de l’ADN bactérien

L’ADN bactérien était extrait par le Quick-DNA™ Miniprep Plus (Cf. annexe 2).
Sa pureté était évaluée à l’aide d’un spectrophotomètre à microvolume (Nanodrop) par mesure de l’absorbance à 260 nm (Cf. annexe 3).

Détection des gènes de résistance

Les gènes de résistance aux -lactamines (pilQ, ponA, blaTEM-1, porB, penA, mtrR) et aux fluoroquinolones (gyrA) ont été réalisés par PCR en fonction du profil de résistance aux antibiotiques en utilisant des amorces spécifiques (Cf. Tableau III).L’étude moléculaire a été réalisée sur 29 souches de N. gonorrhoeae.

Discussion

Cette étude rétro prospective portantsur le profil de résistance aux antibiotiques et sur les mécanismes moléculaires de résistance aux -lactamines et aux fluoroquinolones des souches de gonocoque isolées au LBM de l’Institut Pasteur de Dakar a été réalisée entre août 2016 et octobre 2017.
L’étude du profil de sensibilité a concerné 86 souches alors que la détection des gènes de résistance a été réalisée sur 29 isolats.
L’étude de la sensibilité des souches de gonocoque aux antibiotiques a montré des résistances élevées à la pénicilline (81,4%), à l’oxacilline (68,6%), à la tétracycline (63,9%) à l’acide nalidixique (60,5%). La résistance à la ciprofloxacine était de 43%. Des résistances faibles ont été observées avec la rifampicine (7%) et le chloramphénicol (4,6%). Aucune souche résistante n’a été observée avec la céfotaxime, la ceftriaxone, la spiramycine, l’érythromycine, la spectinomycine(molécule de choix pour le traitement de la gonococcie).Des taux de résistancedifférents ont été rapportés au Mali (Souleymane et al. 2010) [75] avec 44% pour la pénicilline et 93% pour la tétracycline, en Guinée Bissau (Birgitta et al. 2008)[7] 68% pour la pénicilline et 74% pour la tétracycline, et au Nord-Ouest de l’Ethiopie (Martha et al. 2013)[50] avec 85,2% de résistance à la pénicilline et un taux moyen de résistance à la tétracycline (29,6%).
Dans ces trois pays, aucune résistance n’a été observée avec la spectinomycine, la ceftriaxone, et la céfotaxime comme c’est le cas dans notre étude.
En Europe, les résultats de la surveillance de la résistance des souches de gonocoque isolées sur 21 pays en 2013 ont montré un taux de résistance de 4,7% (93/1994) au céfixime associée à la ciprofloxacine dont 17,2% des isolats étaient aussi résistants à l’azithromycine (Cole et al., 2015)[15].
Dans notre étude la production de -lactamase était de 51,2% (n=44).Alors qu’un taux de 68% de souches productrices de -lactamase a été décrit en Guinée Bissau(par Birgitta et al. 2008) [7]. Cette étude montre que les céphalosporines de 3ème génération, les aminosides et les macrolides doivent être privilégiés dans le traitement de première de ligne d’une gonococcie chez les patients adultes à Dakar.
Dans notre étude, nous n’avons pas réalisé de séquençage pour rechercher les mutations au niveau de ces différents gènes.
Les gènes de résistance pilQ (100%), PonA (93,1%)et TEM-1 (48,3%)ont été détectés respectivementdans nos isolats.
Zhao et al.2018[88] ont trouvé le gène pilQ sur les 28 isolats testés, mais aucune mutation n’a été observée sur ces souches isoléesen Chine.
Une étude réalisée au Canada en a montré la présence du gène ponA sur la totalité des souches (n=155) avec présence d’une altération L421P (Martin et al 2010)[51]. Les travaux réalisés par Lee et al. (Lee et al. 2010)[72]en Séoul, ont décrit la présence de ce gène sur les 48 isolats testés avec une mutation chez 91,6% des isolats (seuls 4 souches étaient de type sauvage).
Le gène TEM-1 a été détecté chez 48,3% de nos isolats. Une étude menée au Guangzhou en Chine entre 2002 et 2012 a montré la présence du gène TEM-1 chez 77,5% des souches analysées (1068/1378) (Zheng et al)[89]. Un taux de 79,4% (96/121) a été décrit sur les isolats de gonocoque de Bangkok, dont le séquençage du gène a montré la présence du variant TEM-135[53].
Dans notre étude, le gène penA n’a pas été détecté sur les 29 souches analysées. Ceci est en accord avec le profil de sensibilité de nos souches, toutes sensibles au ceftriaxone. Ailleurs, des isolats résistants à cette molécule ont décrits :60% (93/155) des souches étudiées par Martin et al.[51] au Canada contenaient l’allèle mosaïque de ce gène ; alors que 100% (n=28) des isolats analysés par Zhao et al. (Zhao et al. 2018)[88] hébergeaient ce gène (dont 2 souches avec l’allèle mosaïque et 26 avec l’allèle non mosaïque).L’étude menée par Lee et al. [72] a montré la présence de ce gène la totalité des souches (n=48) avec une mutation de la PBP2.
Le gène gyrA a été trouvé chez 100% des isolats testés. Ce même taux a été décrit par Bhatti et al.[2] sur 110 souches de gonocoque dont 44% avaient une mutation au niveau du gène gyrA et 56% étaient de type sauvage. Une étude menée à Taïwan sur 107 gonocoques résistants à la ciprofloxacine a décrit la présence du gène gyrA sur la totalité des souches avec au moins une mutation (Ser91Phe) (Zhao et al. 2013) [87].L’étude menée par Hermarajata et al. [35] sur 100 souches de gonocoques dont 23 souches sensibles à la ciprofloxacine et 77 résistantes à cette molécule ont montré la présence du gène gyrA sur la totalité des isolats avec le type sauvage identifié sur les souches sensibles et la mutation Ser 91 sur celles résistantes.
Le gène porB a été détecté chez 41,3% des souches alors que Lee et al.[72] ont trouvé ce gène chez 100% de leurs isolats dont 97,9% avec une mutation, seule une souche était de type sauvage.
Le gène mtrR n’a pas été détecté sur les 29 souches analysées.Des études ont rapporté la présence de ce gène sur la totalité des souches étudiées. Ainsi, Lee et al.[72] ont trouvé ce gène sur toutes les souches de gonocoque analysées avec présence d’une délétion au niveau du nucléotide A (83,3%) ou d’un gène tronqué ou d’une substitution. Zhao et ses coll., [88] ont également décrits ce gène sur la totalité des isolats analysés avec une substitution L421P au niveau de PBP1.
Vu l’émergence de la résistance des souches de gonocoque à travers le monde surtout avec la recrudescence des IST dues à ce germe chez les populations jeunes, il est important de sensibiliser les populations pour pré venir cette infection mais aussi de mettre en place une surveillance de la résistance aux antibiotiques.

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Table des matières

Première partie : Revue de la littérature
I. Généralités sur Neisseria gonorrhoeae
I.1. Historique
I.2. Taxonomie
I.3. Caractères bactériologiques
I.3.1. Morphologie
I.3.2. Caractères culturaux
I.3.3. Caractères biochimiques
I.3.4. Caractères antigéniques
I.3.5. Habitat
I.3.6. Mode de transmission
I.3.7. Pouvoir pathogène
I.4. Epidémiologie
I.5. La gonococcie
I.5.1. Les complications et les formes extra génitales
I.6. Immunité et réponse immunitaire
I.6.1. Immunité
I.6.2. Réponse immunitaire
I.7. Diagnostic bactériologique de la gonococcie
I.7.1. Prélèvements
I.7.2. Examen microscopique direct
I.7.3. Culture
I.7.4. Etude de la sensibilité aux antibiotiques
I.7.5. Diagnostic moléculaire
I.8. Traitement et prévention
II. Résistance du gonocoque aux antibiotiques
II.1. Mécanismes de résistance
II.2. Gènes de résistance aux antibiotiques
II.2.1. Bétalactamines
II.2.2. Quinolones
II.2.3. Cyclines
II.2.4. Macrolides
II.2.5. Aminosides
Deuxième Partie : Travail Expérimental
I. Objectif
II. Cadre de l’étude
III. Matériel et méthode
III.1. Matériels et réactifs
III.2. Méthodologie
III.2.1. Souches bactériennes
III.2.2. Prélèvement
III.2.3. Isolement
III.2.4. Conservation des souches
III.2.5. Etude du profil de sensibilité aux antibiotiques
III. 2.6. L’extraction de l’ADN bactérien
III. 2.7. Détection des gènes de résistance
IV. Résultats
IV.1. Profil de résistance aux antibiotiques
IV.2. Détection des gènes de résistance aux antibiotiques
V. Discussion
Conclusion
Références bibliographiques

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