Étude comparée de récits de vie professionnelle d’enseignants d’EPS

Le cheminement aboutissant à cette recherche 

Ayant été formée à l’université plus précisément à l’unité de formation et de recherche en sciences et techniques des activités physiques et sportive (UFR STAPS) de Nanterre pour devenir professeur d’éducation physique et sportive, je n’avais pas imaginé que je travaillerais avec des collègues ayant eu une formation différente de la mienne. Bien que des cours m’aient été dispensés sur l’histoire de la discipline éducation physique et sportive (EPS), ces connaissances étaient totalement abstraites jusqu’à ce que cela surgisse dans mon quotidien professionnel à La Réunion. Le concours pour l’obtention du certificat d’aptitude au professorat d’EPS (CAPEPS) que j’ai passé (fin des années quatre-vingt-dix) étant national, il était alors à mon sens le garant d’une formation unique quel que soit l’âge ou le sexe de l’enseignant. Mes premières années d’enseignement en Seine Saint Denis n’ont pas ébranlé ce sentiment. Dans l’un des établissements dans lequel j’ai enseigné durant 7 ans (Pierre Brossolette à Bondy), mes collègues et moi avions à peu près le même âge. Nous avions tous passé un concours d’entrée en formation et ce, quelle que soit notre académie d’origine, mais n’étions pas tous titulaires du CAPEPS. Pour ma part, j’ai été dans cet établissement, maître auxiliaire deuxième catégorie (M.A 2) avant de réussir le concours interne, d’y être stagiaire puis certifiée. Il n’y avait pour autant pas de ségrégation ou de remarques à ce sujet. Si ce n’est une fois où, une collègue de mathématiques à qui je faisais part de la chance d’être maîtresse auxiliaire et non contractuelle comme deux de mes collègues d’EPS, me fit remarquer sans aucun mépris qu’à son époque être maître auxiliaire n’était pas valorisant. Mes collègues d’EPS contractuelles plus exactement vacataires ne pouvaient enseigner que 200 heures années et n’étaient pas payées durant les vacances (me semble-t-il) tandis que moi, j’avais un temps complet (20 heures hebdomadaires : 17h d’enseignement + 3 heures d’animation dans l’association sportive). En somme une « prof » comme toutes les autres qui avaient les mêmes tâches. La seule différence pour moi, et pas des moindres, était (et c’est en cela que j’ai à mon sens eu de la chance) un contrat annuel. Néanmoins, une interrogation planait sur mon devenir pour chaque nouvelle rentrée. La grille indiciaire était différente, ce qui avait pour conséquence une différence de salaire mais ce n’était pas ma préoccupation première. Dans ce même établissement, je découvris que les collègues qui m’entouraient, avaient d’autres statuts que j’ignorais comme celui de professeur d’enseignement général de collège (PEGC) ou encore d’agrégé.

L’histoire, choix incontournable pour cette recherche

Pour alimenter ces réflexions la circonscription de l’objet de recherche dans un champ scientifique a été nécessaire. Le champ retenu est celui des sciences humaines et sociales. La discipline retenue, l’histoire et plus exactement, la micro-histoire . Pour faire de l’histoire, il ne suffit pas de collecter des informations, des données, il faut pouvoir les replacer dans leur contexte. Cette nécessité est complexe. Il ne s’agit pas, comme l’a écrit Marc Ferro à propos du passé « se contenter de le reconstituer » mais le « reconstruire ». Ce n’est pas une photo à deux dimensions qu’il faut présenter mais mettre en scène des récits de vie. Bien que l’approche par les histoires ouvertes sur la vie, ait suscité notre curiosité en mettant à jour une autre facette de l’histoire, un tour d’horizon des divers courants a été nécessaire pour savoir où situer notre objet de recherche. C’est par les récits de vie que s’est esquissé l’objet de notre recherche, l’historiographie a permis de positionner la microhistoire dans un courant.

Ce n’est pas dans le courant positiviste (XIXe siècle) que sera située cette thèse mais davantage dans celui de l’École des Annales . Elle introduit les sciences sociales et se place en opposition au courant positiviste pour lequel les sources écrites avaient plus de valeur que les sources orales et, souvent associées au folklore. En effet, succinctement et caricaturalement, le premier pourrait être représenté par le proverbe : les paroles s’envolent, les écrits restent. Pour le second,
dans les années 1980, les discussions entre sociologues et historiens ont fait redécouvrir les travaux de Maurice Halbwachs sur la mémoire. Ils mettent en exergue la pertinence de faire de l’histoire orale. Philippe Joutard , historien, s’est essayé à cette pratique de confronter des témoignages oraux à des sources écrites. Il déclare que l’histoire écrite s’est construite sur la «solidité d’un document écrit » en opposition avec l’histoire orale. « L’histoire est celle des puissants [le roi, les ecclésiastiques]. Pour certains [Langlois et Seignobos], l’écrit est fidèle tandis que la transmission orale est altérée ». Or tout le monde n’a pas les moyens de pouvoir écrire. De prime abord et de façon triviale, présenter une évolution, faire de l’histoire, résident dans l’étude de documents écrits (archives, ouvrages, textes officiels…). Mais tout n’a pas été conservé comme l’a écrit Henri-Irénée Marrou. Ajoutons que les écrits sont partiaux et ne donnent la vision que d’un aspect des acteurs comme l’écrit Chinua Achebe. « Si l’Histoire n’a retenu que les exploits du chasseur, c’est parce que le lion n’a pas d’historiens » comme l’écrit aussi Jean-Yves Le Naour . Les sources orales seront alors l’un des éléments essentiels de notre objet de recherche. Elles permettent de réinterpréter les documents écrits à l’instar du travail sur les camisards de Philippe Joutard, ce qui est nouveau dans son travail.

L’histoire n’est pas figée, elle est vivante. C’est une science humaine. Cependant, elle ne peut laisser place à une totale subjectivité.

Ainsi, s’essayer à devenir historien, c’est prendre de la distance avec les documents recueillis mais aussi avec nos préjugés. L’ouvrage d’Henri-Irénée Marrou indique les précautions à prendre. Malgré la volonté d’être la plus objective possible (l’histoire ne peut l’être totalement contrairement à ce qu’écrivaient Langlois et Seignobos ), il y aura de la subjectivité pour la rendre la plus intelligible possible. Il ne faut pas l’occulter, et en avoir pleinement conscience, ce que nous verrons ultérieurement.

L’histoire orale comme méthode scientifique 

L’histoire n’est certes pas une science qui peut reproduire des expériences comme les sciences expérimentales, mais elle nécessite tout autant de la rigueur comme mettre en place un protocole, recueillir des données et les traiter pour les interpréter. La rigueur en histoire orale exige de s’appuyer sur des concepts théoriques, ce qui est un préalable en sciences humaines et sociales. La rigueur permet de valider un concept. En histoire, elle est la collecte des sources et leur traitement qui conduit à une interprétation. Nicole Demouge et Guy Olivier s’appuyant sur l’exposé de Philippe Joutard, traduisent cela en ces termes : « la seule méthode scientifique consiste à adopter totalement la subjectivité de la constitution du document, c’est-à dire, indiquer les conditions de chaque entreprise, la perspective générale recherchée, le guide implicite ou explicite de l’entretien, des circonstances précises de chaque rencontre. La déontologie rejoint ici, à terme, l’efficacité. (…) Une enquête fructueuse suppose d’abord une information sur le sujet afin de poser les questions pertinentes et avoir quelques connaissances préalables sur ce qui a fait l’essentiel d’une vie est une première forme de respect à l’égard de son interlocuteur… ».

En paraphrasant les auteurs cités précédemment la méthode des récits de vie permet au cours d’un entretien, par le questionnement d’explorer un objet, une histoire choisie, de mettre en lumière non pas des parts d’ombre mais des parties oubliées ou plus discrètes. « Cela signifie que le chercheur doit être préparé à entendre l’inattendu et à revoir le cadre de ses informations [et de ses connaissances]. L’intérêt présenté par ces histoires vécues est de permettre, à partir d’un petit nombre de cas, de découvrir de nouvelles interprétations, de nouvelles logiques sociales ». C’est ce que soulignent ces auteurs en s’appuyant sur les travaux de Daniel Bertaux . Pour notre thèse, nous avons procédé toujours de la même manière pour leurs collectes : prise de contact téléphonique, entretien(s) enregistré selon un guide chez le témoin, fiche bilan  de l’entretien puis transcription verbatim. Ce référencement est l’héritage du travail d’archivage d’Antoine Court né à la fin du XVIIe, voulant construire une histoire critique (ces textes sont relatifs à l’univers des prophètes). « Il faut attendre les principes de l’érudition moderne pour que l’indication des sources utilisées avec des références précises devienne une règle qui, dans les enquêtes orales, n’est même pas toujours respecté aujourd’hui » selon Joutard dans les années 1980. Tout comme l’a fait aussi Paul Thompson (1970) avec ses études sur l’époque Édouardienne, nous avons utilisés des sources écrites pour traiter nos sources orales transformées en verbatim. Plus que l’idée de publier des récits de vie, c’est l’interprétation et la confrontation avec des sources écrites qui est retenue. Ainsi, pour valider la source orale et sa véracité, il apparaît nécessaire de la confronter à d’autres sources mais aussi de les croiser, tout comme l’a fait l’anthropologue Oscar Lewis dans son ouvrage Les enfants de Sanchez (1963). L’objectif étant moins une recherche de vérité qu’une façon de situer le récit par rapport à d’autres sources, (que la mémoire aurait pu transformer et/ou occulter) de façon à identifier les hiatus et de les expliquer.

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Table des matières

INTRODUCTION
Le cheminement aboutissant à cette recherche
PREMIERE PARTIE
1 DES CONCEPTS A LA DEMARCHE OU ANCRAGE SCIENTIFIQUE DE LA RECHERCHE
2 LES LIMITES DES SOURCES ORALES
3 LE CORPUS CHOISI ET LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE
3.1 La conduite de la recherche
3.2 Les éléments qui composent notre corpus
DEUXIEME PARTIE : LES RESULTATS
4 AVANT L’UNIVERSITARISATION
4.1 Les prérequis scolaires pour prétendre à l’enseignement
4.1.1 L’itinéraire de formation vers le métier d’enseignant d’EPS pour les bacheliers
4.1.1.1 Les prérequis pour enseigner, en tant qu’homme
4.1.1.2 Les prérequis pour enseigner en tant que femme
4.1.2 L’itinéraire de formation vers le métier d’enseignant d’EPS pour les non-bacheliers
4.2 Les prérequis autres que scolaires pour prétendre à l’enseignement
4.2.1 Des compétences physiques et pédagogiques acquises avant la formation initiale
4.2.1.1 Quelles sont-elles chez les hommes ?
4.2.1.2 Quelles sont les compétences requises chez les femmes ?
4.3 Ces compétences acquises précédemment se retrouvent-elle dans l’exercice du métier de professeur ?
4.3.1 Des compétences physiques
4.3.2 Des compétences pédagogiques acquises avant la formation initiale
4.4 Quelles compétences acquises par les maîtres d’EPS avant la formation initiale, peuvent se retrouver dans le métier ?
5 APRES L’UNIVERSITARISATION
5.1 L’itinéraire de formation vers le métier d’enseignant d’EPS pour les bacheliers
5.1.1 Les prérequis pour enseigner en tant que femme
5.1.2 Les prérequis pour enseigner en tant qu’homme
5.1.3 Des compétences physiques ou sportives acquises avant la formation initiale
5.1.3.1 Quelles sont-elles chez les hommes ?
5.1.3.2 Quelles sont les compétences requises pour les femmes ?
5.2 Ces compétences acquises antérieurement sont-elles réinvesties dans le métier de professeur ?
5.2.1 Un certain niveau de compétences physiques pour le métier
5.2.2 Des compétences pédagogiques acquises avant la formation initiale
6 DES DIFFERENCES MAIS AUSSI DES SIMILITUDES DANS LE PARCOURS POUR DEVENIR ENSEIGNANT D’EPS, AVANT ET APRES L’UNIVERSITARISATION
6.1 Les prérequis scolaires pour prétendre à l’enseignement
6.1.1 Qu’en est-il des compétences physiques acquises avant la formation initiale ?
6.1.2 Et en ce qui concerne les compétences pédagogiques acquises avant la formation initiale ?
7 UNE VOCATION PRECOCE OU UNE OPPORTUNITE ?
7.1 Le rôle de l’environnement familial
7.1.1 Un métier souvent méconnu par la famille
7.1.2 Ou un métier (re)connu par la famille ?
7.2 L’environnement autre que celui de la famille
7.2.1 L’institution scolaire comme vecteur d’orientation
7.2.2 L’enseignant (d’EPS) comme agent d’orientation privilégié
7.2.2.1 Pour les enseignants issus d’un autre milieu que celui de l’enseignement
7.2.2.2 Pour les enseignants issus du milieu de l’enseignement
7.2.3 Conclusion
8 LES CONTENUS DE LA FORMATION INITIALE
8.1 Avant l’universitarisation, différentes formations et de multiples structures sont à l’œuvre
8.1.1 Une formation unique pour les maîtres en EPS
8.1.2 Différentes structures pour former des professeurs d’EPS et les préparer à la première partie du CAPEPS : P1
8.1.2.1 Le CREPS
8.1.2.2 Dans les lycées : les classes « P1 »
8.1.3 Les structures de formation pour préparer la seconde partie du CAPEPS : de « P2A à P3 »
8.1.3.1 L’ENSEPS
8.1.3.2 Une formation à l’IREPS
8.1.4 Des structures différentes selon le genre
8.1.5 Les « sciences d’appui » dans la formation
8.1.6 Les activités physiques enseignées dans la formation
8.1.6.1 Les activités physiques enseignées aux femmes
8.1.6.2 Les activités physiques enseignées aux hommes
8.1.6.3 Les interprétations possibles de ces différences entre femmes et hommes
8.1.6.4 Un autre enseignement : la pédagogie
8.1.7 Le concours de recrutement pour les maîtres et les professeurs d’EPS
8.2 Une fois l’universitarisation établie
8.2.1 Une seule structure de formation
8.2.2 Des cycles de formation : du DEUG STAPS à la Licence STAPS
8.2.2.1 Les sciences d’appui (les sciences humaines et sociales et les sciences de la vie)
8.2.3 Les activités physiques enseignées durant la formation
8.2.3.1 Les activités physiques enseignées aux femmes
8.2.3.2 Les activités physiques enseignées aux hommes
8.2.4 Le concours du CAPEPS à partir de la session de 1989
9 PERMANENCES ET EVOLUTION DE LA FORMATION AU METIER D’ENSEIGNANT AVANT ET APRES L’UNIVERSITARISATION
9.1 Les contenus, les structures et la durée de formation
9.2 Le genre dans la formation
10 L’APPRENTISSAGE ET L’EXERCICE DU METIER
10.1 Une empreinte de la qualité de la formation
10.2 La conception du métier
10.2.1 Pour ceux nés avant l’universitarisation
10.2.2 Pour ceux nés après l’universitarisation
10.2.3 Une comparaison de la conception du métier chez ces deux générations
10.3 La relation aux pairs
10.3.1 Pour ceux qui ont suivi la formation avant l’universitarisation
10.3.2 Pour ceux qui ont suivi la formation après l’universitarisation
10.3.3 Des générations différentes au sein des équipes EPS
11 LES MOBILITES
11.1 Les mobilités dites « horizontales »
11.1.1 La mutation : choisie ou subie ?
11.1.2 L’investissement professionnel
11.1.3 Comparer le métier d’enseignant d’EPS entre deux générations à travers le filtre de l’investissement professionnel
11.2 Les mobilités verticales
12 CONCLUSION

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