Interprétation qualitative des caractéristiques cinétiques de la réaction

Actuellement, les émissions anthropiques de dioxyde de carbone, gaz à effet de serre, sont considérées comme les principales causes du réchauffement climatique. De ce fait, la réduction des rejets industriels de CO2 se présente comme un objectif environnemental capital. Trois techniques sont exploitées afin de capter le dioxyde de carbone sur des sources industrielles fixes : le captage en précombustion, le captage en oxycombustion et le captage en postcombustion. Parmi les procédés en postcombustion, l’un permet la séparation mais également le captage du dioxyde de carbone par divers types de solides (appelées masses de captage) au cours de nombreux cycles de carbonatation/décarbonatation. L’oxyde de calcium CaO se révèle être une masse de captage appropriée car il réagit avec le dioxyde de carbone selon la réaction solide-gaz suivante :

Réaction 1
CaO (s) + CO2(g) = CaCO3(s)

Or, CaO présente l’inconvénient de voir sa capacité de captage du dioxyde de carbone diminuer au cours des cycles. Actuellement, les travaux sont très focalisés sur l’étude de la diminution de la capacité de captage de CaO au cours des cycles. Des études texturales et morphologiques ont ainsi conclues que ce phénomène serait imputé à une diminution de la surface spécifique au cours du procédé et pourrait être modélisé à partir de lois de frittage. Néanmoins, très peu d’auteurs se sont intéressés au mécanisme de la réaction de carbonatation d’un point de vue fondamental et à la modélisation de cette réaction. L’effet de paramètres expérimentaux sur la carbonatation a été étudié mais pour la plupart sur des cycles avancés de carbonatation/décarbonatation. De plus, les rares modèles proposés pour la carbonatation de CaO sont basés essentiellement sur le modèle du cœur rétrécissant sans que les hypothèses correspondant à ce modèle soient réellement validées. Dans l’optique d’approfondir la compréhension des processus mis en jeu dans la carbonatation de CaO, nous avons entrepris une étude cinétique par analyse thermogravimétrique associée à des caractérisations texturales et morphologiques du solide initial et à différents stades de la transformation.

Remarques préliminaires 

Il est important de définir, de prime abord, certaines notions qui seront nécessaires lors de la lecture de cette thèse.

Dénomination des particules selon leur taille 

Nous nommerons dans ce manuscrit :
– grains : les particules dont le rayon est de l’ordre du micromètre. Ces grains sont considérés comme denses et non poreux. Ils sont séparés par de la porosité intergrains ou intra-agrégat ;
– agrégats : ces particules sont constituées de grains denses et leur rayon est compris entre 10 et 50 µm. Ces agrégats sont séparés par de la porosité interagrégats.

Contexte de l’étude

Cette première partie est consacrée à la présentation du contexte dans lequel se place l’étude de la carbonatation de CaO. Nous verrons ainsi que l’oxyde de calcium s’avère être une masse de captage appropriée pour diminuer les rejets industriels de CO2 avec néanmoins certaines limites qui seront présentées.

Enjeux environnementaux

Le réchauffement climatique correspond à l’augmentation de la température moyenne à la surface de la planète. Ce phénomène trouve son origine dans l’augmentation de l’effet de serre, processus dû à la fine couche de gaz qui enveloppe la Terre et retient à sa surface une partie du rayonnement solaire [1].

Les principaux gaz à effet de serre (GES) sont :
– la vapeur d’eau (H2O) ;
– le gaz carbonique (CO2) ;
– le méthane (CH4) ;
– le protoxyde d’azote (N2O) ;
– l’ozone (O3).

Depuis la période pré-industrielle, les émissions anthropiques globales de GES ont fortement augmenté. Ainsi, le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) a mis en évidence la forte corrélation au cours des milliers d’années passées entre la température moyenne à la surface de la Terre et la concentration moyenne en CO2 dans l’atmosphère. Sur la période 2000-2030, si rien n’est fait pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et en particulier de CO2 , le GIEC anticipe alors une augmentation de ces émissions comprise entre 25 et 90%, correspondant à une augmentation de température de 0,2 °C par décennie jusqu’en 2030 [1; 2]. La limitation des émissions de CO2 est ainsi nécessaire. Les stratégies de réduction des émissions de ce gaz à effet de serre peuvent alors être classées en cinq grandes catégories [1; 3] :

– la maîtrise des consommations d’énergie ;
– les énergies renouvelables ;
– le renforcement des puits naturels de CO2 ;
– l’énergie nucléaire ;
– la gestion des énergies fossiles, dont :
o l’évolution de la part d’énergies fossiles ;
o le captage et stockage du dioxyde de carbone.

Mise à part la solution de captage et stockage du dioxyde de carbone, la mise en œuvre des autres solutions ne saurait être massive ou rapide. Ainsi, afin de limiter les émissions de CO2 à l’atmosphère liées à l’exploitation des énergies fossiles, le recours au captage et au stockage géologique de ce gaz s’avère aujourd’hui prometteur. Son principe consiste à capter le dioxyde de carbone au niveau des sources potentielles de grande taille telles que : les raffineries, les industries métallurgiques et pétrochimiques, les cimenteries, les centrales électriques et les usines de production d’énergie (ces activités représentent près de 50 % des émissions de CO2 [4]). Le stockage se fera par la suite dans des réservoirs géologiques tels que les sous-sols, la végétation ou encore l’océan, là où le gaz carbonique ne pourra plus contribuer au réchauffement climatique .

Cette solution, en permettant de réduire massivement et immédiatement les émissions de CO2 , est une filière de transition. Elle autorise donc un passage graduel vers de nouvelles formes d’énergie tout en continuant à utiliser les combustibles fossiles dans l’intervalle de temps nécessaire au développement de ces nouvelles formes d’énergie [5].

Le captage du CO2

La première étape consiste donc à capter et à purifier le dioxyde de carbone présent dans les gaz d’échappement. Le coût du stockage du dioxyde de carbone est tel qu’il est nécessaire de le concentrer au maximum avant de le stocker. Les technologies de captage étudiées actuellement  visent à capter le dioxyde de carbone sur des sources fixes industrielles. Trois grandes approches sont envisageables :

– Le captage en précombustion : cette technique consiste à récupérer le dioxyde de carbone à la source en transformant le combustible initial (pétrole, gaz, charbon, biomasse) en un mélange H2 + CO2 et, après extraction du dioxyde de carbone, à brûler l’hydrogène dans une installation thermique adaptée. L’énergie et la chaleur sont générées à partir du dihydrogène produit.
– Le captage en oxycombustion : il consiste à faire une combustion soit à l’oxygène, soit à l’aide d’un oxyde. Les fumées produites contiennent essentiellement du CO2 et de l’eau et sont pratiquement dépourvues d’azote.
– Le captage en postcombustion : cette technique consiste à capter le CO2 directement dans les fumées en sortie de l’installation de combustion ou industrielle. Le combustible est mélangé à l’air. Après combustion, les gaz (dont une faible proportion de CO2 ) sont refroidis, puis filtrés et enfin passés sur une colonne d’adsorption ou dans un système utilisant des cycles thermiques avec des masses de captage telles que l’oxyde de calcium (CaO + CO2 = CaCO3 ). En chauffant, la réaction inverse libère le dioxyde de carbone et régénère CaO. Un traitement thermique final permet de récupérer les gaz [1].

Masse de captage appropriée : CaO

Principe général 

C’est dans ce contexte que s’est développée une stratégie de captage de dioxyde de carbone en postcombustion utilisant des cycles thermiques de carbonatation/décarbonatation avec un solide adapté, tel que l’oxyde de calcium (CaO). Le dioxyde de carbone est séparé des gaz de combustion grâce à une réaction solide-gaz, la carbonatation de CaO entre 600 et 700°C, pour obtenir du carbonate de calcium (CaCO3 ).

L’oxyde de calcium est alors régénéré par décarbonatation de CaCO3 dans un autre réacteur opérant à plus haute température (800-900°C). D’autres solides ont également été testés, comme la dolomite [6]. Les principaux critères de choix de ces solides sont le coût et la capacité à maintenir une efficacité de captage à haute température tout au long des cycles pour minimiser la consommation du solide par le système.

Avantages et inconvénients de CaO 

Les avantages que présente ce système sont les suivants :
– une bonne sélectivité de la réaction. En effet, contrairement à d’autres solides, seul CO2 sera capté par CaO. Néanmoins, Ca(OH)2 ou encore des sulfates peuvent éventuellement être formés. Concernant les hydroxydes, ces derniers peuvent avoir des effets bénéfiques sur la réaction (nous verrons ces effets au paragraphe I.4.2.D) et techniquement, la séparation de CO2 et H2O est réalisable ;
– le faible prix du composé. C’est la plus abordable des masses de captage de CO2.

En revanche, le choix de ce système présente quelques inconvénients :
– Le coût de l’opération. Effectivement, la réaction de décarbonatation de CaCO3 pour obtenir CaO est endothermique et donc de l’énergie doit être fournie lors de la régénération. Cependant, la recarbonatation de CaO est exothermique et une partie de la dépense d’énergie peut être couverte.
– La désactivation du solide. Il a été démontré que la recarbonatation de CaO n’atteignait jamais 100% d’efficacité et que la réactivité de CaO décroissait au cours des cycles de carbonatation/décarbonatation (seulement 5-15% de CaO reste réactif au bout de 100 cycles). Des différences ont été observées entre des échantillons de carbonate de calcium d’origines diverses. Néanmoins, de nombreux travaux sont menés depuis une dizaine  d’années pour permettre l’amélioration de la capacité de captage de CaO par l’ajout d’additifs ou encore par des traitements thermiques.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I. Synthèse bibliographique
I.1 Remarques préliminaires
I.1.1 Dénomination des particules selon leur taille
I.1.2 Coefficient d’expansion volumique z
I.2 Contexte de l’étude
I.2.1 Enjeux environnementaux
I.2.2 Le captage du CO2
I.2.3 Masse de captage appropriée : CaO
A. Principe général
B. Avantages et inconvénients de CaO
I.2.4 Cycles de carbonatation/décarbonatation
A. Effet du nombre de cycles sur la capacité de captage du CO2
B. Modification de la morphologie au cours des cycles
C. Modélisation
I.2.5 Conclusion
I.3 Modélisation des réactions solide-gaz
I.3.1 Notions de cinétique hétérogène
A. Les réactions solide-gaz
B. Grandeurs caractéristiques
C. Courbes cinétiques et courbes de vitesse
D. Influence de paramètres expérimentaux
E. Echelle de modélisation
I.3.2 Modélisation à l’échelle du grain dense
A. Les deux processus
B. Les principaux modèles cinétiques
C. Exemple de modèle de cas limite : Modèle du cœur rétrécissant
I.3.3 Modélisation à l’échelle de l’agrégat poreux
A. Modèle de grains
B. Modèle de pores
C. Modèle Boulet
I.3.4 Conclusion
I.4 La réaction de carbonatation de CaO
I.4.1 Les différentes étapes
I.4.2 Effets des paramètres expérimentaux sur la réaction
A. Pression partielle de CO2
B. Température de carbonatation
C. Taille des agrégats
D. Vapeur d’eau
E. Décarbonatation
I.4.3 Modélisation de la carbonatation de CaO
A. Modèle du cœur rétrécissant
B. Modèle de pores
C. Modèle de grains et modèle de pores
I.4.4 Conclusion des études sur la carbonatation de CaO
I.5 Démarche expérimentale
A. Caractérisation
B. Obtention des courbes cinétiques expérimentales
C. Modélisation de la réaction de carbonatation
Chapitre II. Résultats expérimentaux
II.1 Caractérisation du système CaO/CaCO3
II.1.1 Choix du solide initial
II.1.2 Granulométrie
II.1.3 Etude diffractométrique
II.1.4 Surface spécifique
II.1.5 Morphologie
II.1.6 Récapitulatif
II.2 Obtention des courbes cinétiques : analyses thermogravimétriques
II.2.1 Choix des conditions expérimentales
II.2.2 Conditions d’analyse
A. Protocole opératoire
B. Détermination de la masse de l’échantillon – Reproductibilité
C. Allure des courbes cinétiques
II.2.3 Résultats expérimentaux : effets des variables intensives
A. Pression partielle de CO2
B. Température de carbonatation
II.2.4 Conclusion
II.3 Observation des modifications morphologiques au cours de la transformation
II.3.1 Protocole opératoire
II.3.2 Suivi de l’évolution de la surface spécifique au cours de la transformation
A. Evolution de la surface spécifique de CaO (CaCO3 décarbonaté) à 800°C
B. Etape de carbonatation
II.3.3 Observation au microscope à balayage électronique
A. Changements morphologiques au cours de la carbonatation
B. Effet de la température de carbonatation
II.3.4 Etude de la porosité
A. Etude de la microporosité par la méthode αs
B. Etude de la mésoporosité par la méthode BJH
II.3.5 Conclusion
II.4 Conclusion des résultats expérimentaux
Chapitre III. Exploitation des résultats et modélisation
III.1 Interprétation qualitative des caractéristiques cinétiques de la réaction
III.1.1 Temps de latence
A. Effet de la pression partielle de CO2
B. Effet de la température de carbonatation
C. Loi d’évolution du temps de latence en fonction de la température et de la pression partielle de CO2
III.1.2 Freinage cinétique (αfrein)
A. Evolution de αfrein avec la pression partielle de CO2
B. Evolution de αfrein avec la température de carbonatation
III.1.3 Interprétation
III.2 Modélisation
III.2.1 Hypothèses de modélisation et vérifications expérimentales
A. Hypothèse de pseudo-stationnarité
B. Hypothèse de l’étape limitante (test du Sm)
III.2.2 Interprétations
A. Interprétation qualitative de l’effet anti-Arrhenius
B. Conclusion
III.2.3 Choix d’un modèle à l’échelle du grain dense
A. Choix du modèle
B. Description du modèle de croissance isotrope à un germe par grain
C. Comparaison modèle-expérience
III.2.4 Modélisation à l’échelle de l’agrégat
A. Hypothèses de modélisation
B. Evolution de la porosité avec le degré d’avancement de la réaction
C. Expression du rayon des pores en fonction de la porosité et du degré d’avancement
D. Diffusion du CO2 au sein de l’agrégat
E. Conductivité thermique du milieu granulaire
III.2.5 Résultats de la modélisation à l’échelle de l’agrégat
A. Comparaison modèle-expérience
B. Evolution de la pression partielle de CO2 au sein d’un agrégat
III.3 Conclusion
Conclusion

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