Être traversé par la frontière : l’individuation de la frontière une nouvelle approche des migrations en classe de seconde 

Le corps comme espace : individus et spatialités des frontières contemporaines

Les corps migrants sont au cœur des circulations individuelles, leurs déplacements impliquent le franchissement de plusieurs frontières, l’expérience migratoire est de plus en plus risquée alors même que la frontière est envisagée comme une refuge pour les corps, elle les meurtri.
Le corps est un point de rencontre des rapports du social, du spatial et du sujet aux frontières comme un lieu d’interaction avec un autre
La frontière est synonyme de passage, de relation, de la reconnaissance de l’autre . Elle est symbolique : « mon identité, c’est de l’altérité », Michel Agier interroge ici le rôle de médiateur et de générateur d’espace des corps aux frontières par leur capacité à se mouvoir.
Ainsi, les interactions des individus dans l’espace social de la frontière amène une structuration sociale de l’espace, comme nous pouvons le voir ci-dessous .
Cette photographie donne à voir la solidarité apportée dans la Vallée de la Roya par Cédric Herrou, un agriculteur, aux migrants traversant la frontière italienne. Elle représente un espace de dialogue des corps aux cœur d’installations sommaires à la frontière. Des chaises et tables (au premier plan), un repas est en cours de préparation (second plan) et des hommes d’origine africaine assis sur ses chaises à la frontière franco-italienne. La frontière politique est ici matérialisée par une zone d’attente, d’immobilité des corps. Cette photographie illustre une solidarité opérée par les frontaliers aux frontières européennes : ils relient les hommes autour d’installations parfois sommaires, mais ils font corps avec eux dans un esprit de fraternité.
C’est un espace de la frontière qui est l’objet d’une territorialité spécifique. Cet exemple permet d’interroger la notion de solidarité. En effet, un procès a été intenté contre cet agriculteur pour l’aide qu’il a apportée à des migrants illégaux dans leur franchissement de la frontière.
Néanmoins il a été relaxé par la Cour de cassation. Il permet de penser dans une perspective civique les corps migrants aux frontières européennes. Ainsi, la solidarité en lien avec une des valeurs républicaine fondamentale la fraternité : entendue ici comme un lien de solidarité, d’égalité et de tolérance qui vient du latin fraternitatus (frère) et qui renvoie aux rapport de tolérance et de respect qui unissent les hommes et les peuples. Cette façon solidaire d’agir dont à fait preuve cet agriculteur permet d’infléchir une certaine forme d’hostilité à l’œuvre en Europe. Il y a donc un moyen d’agir en commun et de faire corps ensemble autour de la fraternité aux frontières.

Les frontières sont-elles alors le lieu d’une hostilité de l’autre ou d’une hospitalité ?

Pour répondre à cette interrogation, nous pouvons nous pencher sur la définition de la frontière à travers une cartographie de scène vécues aux frontières (Annexe II) et reprendre le lexique de la frontière à travers l’analyse de Jacques Lévy.
Tout d’abord ce document est le résultat d’un travail collaboratif entre l’agence Frontex, Global Détention, Projet, l’HCR , et le Sénat français. Ainsi, il nous indique la multiplicité des acteurs à l’œuvre dans la définition de la place des corps aux frontières. En effet, ce document pouvant être qualifié de récit cartographique, représente les acceptions que l’on peut faire des frontières européennes. Elle sont ainsi remparts et meurtrières (Bulgarie, Grèce), humanitaires (Macédoine), circulaires (Serbie, Hongrie), biométriques (Croatie), historiques (Italie), physiques (vallée de la Roya entre la France et l’Italie), répressives mais aussi refuge urbain (Calais vers le Royaume-Uni). Les frontières des états non-membres et les frontières des États membres de l’UE n’ont pas recours au même traitement des flux. Les deuxièmes ont recours aux technologies de contrôle des corps avec la prise d’empreinte biométrique dans la base de donnée Eurodac (par exemple entre France et l’Italie avec une citation évocatrice « dans mon corps comme un doigt dans mes doigts comme une donnée alphanumérique ». Cette citation révèle la confrontation de ces corps à une frontière informatisée, dans une perspective plus large nous pouvons reprendre les interrogations suivantes pour interroger l’individualisation de la frontière contemporaine :
La frontière : Où est-elle ? À quoi sert t-elle ? Pour qui est la frontière ? À qui profite-t-elle ? Et s’il n’y avait pas la frontière ?
Mais de quelle frontière parle-t-on ici ? Qui crée les conditions d’une interaction spécifique entre les corps, conditions du rapport du social (la condition), du spatial (l’espace) et du sujet (l’individualisation de la frontière) ?
Une réflexion lexicale est nécessaire pour penser ces trois dimensions. Jacques Lévy, souligne que le succès du mot « frontière » réside dans le fait que nous ressentons le besoin de découper le monde en objects séparables. Mais en réalité la frontière stimule notre propension à saisir que « l’immatériel et le matériel cohabitent dans ces espaces ». En interrogeant la topographie et la topologie des frontières, on s’aperçoit que les frontières ne sont pas là où on les attend, ce qui fait frontière, c’est une limitation brutale. Pendant le siège de Sarajevo, ce graffiti interroge l’objet géographique frontière : « les projets des cartographes se paient en vies humaines ». Cette citation répond parfaitement à la carte ci-dessus, cette carte est le contre-pied de la cartographie politique des frontières européennes, elle rend compte de ceux qui l’habitent (en ocre), la contrôlent (en marron) et à la franchissent (en orange), elle donne la parole au phénomène d’individuation de la frontière contemporaine où « l’habiter » à toute sa place.
On ne parle que d’une limite linéaire en français alors que dans les langues latines, le terme de frontière renvoie à un vocabulaire militaire qui fait penser au face-à-face violent en anglais « boundary» puis « to blind» signifie « relier » et en allemand « grenze» signifie « la borne » donc un ancrage matériel pour obtenir une ligne propres à une construction mentale. Le rapport entre cet entité spatiale et le social est établi par Etienne Balibar. Il définit la frontière comme le lieu du « point de fixation institutionnelle des identités politiques, et le point où ces même identités redeviennent incertaines » (1997). Bien que la ligne est la forme dominante de représentations des frontières ; elles ne sont nées que d’une condition visuelle : alors, la ligne est un appareil de notre imaginaire. De ce fait, la frontière et son traçage met de la distance dans la proximité des corps, elle nous permet de nous définir par rapport à un autre : les dyades qui s’ouvrent autour de tronçons (Michel Foucher), s’opposent aux fermetures dans lesquelles les flux de personnes sont traités de manières différenciées par rapport aux flux de capitaux. Le corps est un point de rencontre à la frontière, « processus » et non lieu, qui repose sur un déploiement de ces foncions en amont et aval comme le montre la carte (Annexe III). Elle se situe en amont « derrière le mur » en mer Méditerranée et en aval avec 32 526 détentions dans les centres de détentions britanniques.
Les mouvements des corps observés aux frontières européennes sont au cœur de « l’action individuelle et collective, un analyseur d’une grande portée pour une meilleure saisie du présent » (David Le Breton 1980) ainsi, une des modalités pour saisir les frontières contemporaines viendrait de l’analyse des postures du corps, des interactions entre les individus qui s’y jouent. Les postures des corps mettent face-à-face les individus, les obligeant à établir une prise en considération : c’est à la frontière dans son acception large (réticulaire et mobile) que se confronte les migrants et les habitants de celle-ci. Nous pouvons prendre l’exemple de Calais, une ville qui est devenue ville-frontière, un point de passage vers le Royaume-Uni.
Enfin, cette carte donne une large place aux corps des hommes et des femmes qui, bien que peu cartographiés, sont acteurs essentiels car il y a du corps et de l’esprit dans les migrations, c’est le point de départ de ma réflexion dans ce mémoire.
S’interroger sur les corps aux frontières européennes et comprendre le basculement qui s’opère entre le désir d’Europe et l’Europe hostile, c’est confronter ces corps en cet espace. Les corps s’inscrivent dans une logique d’individualisation de la frontière, ils épousent le monde technique mais se singularisent dans les pratiques et les expriment dans les espaces géographiques. Ainsi, l’espace est parcouru différemment, ces corps migrants remettent en cause le paradigme du territoire classique des lieux contigus et un espace continu, s’efface devant les réseaux des migrants, la mobilité crée des territoires « virtuels ».

Les corps migrants au cœur d’un nouvel espace politique ?

Les corps migrants sont des formes génératrices d’espaces, les migrants sont des acteurs d’une nouvelle production spatiale, la frontière individualisée. Ils sont à l’œuvre d’un processus de construction politique, la frontière est le lieu de domination du corps et d’une souveraineté politique intense mais c’est aussi le lieu de re-création de l’espace politique. Celle-ci à une géométrie variable (points, lignes, zones) .
C’est en se sens, que Michel Agier, souligne que les réfugiés sont des acteurs d’une nouvelle production spatiale. En effet, il étudie ce qu’il qualifie de « culture du réfugié », à partir d’entretiens avec des personnes habitants des camps depuis plusieurs années, il met en lumière la création d’une organisation sociale nouvelle. Les êtres humains sont des êtres sociaux et un « certain ordre social se développe dans les camps ». Sa conclusion est la suivante : « si la guerre génère ses propres espaces d’exception, certains de ceux-ci lui survivent et se transforment en processus durable de peuplement, voire d’urbanisation précaire, imprévue, hybride. Les réfugiés sont devenus, plus encore que des défricheurs, les inventeurs de nouveaux espaces ». Les camps sont des enclaves qui concentrent tous les enjeux politiques aux frontières contemporaines, tout le rejet et le contrôle que l’on externalise au-delà de la frontière. Des enclaves au cœur et en dehors de la guerre contre les migrants. De ce fait, les corps migrants sont mis à l’écart des territoires, ils sont dans ces espaces entre deux, des « espaces d’exceptions ». Mais nous pouvons dès lors interroger dans quelle mesure ces espaces sont-il encore « d’exception » dans la mesure où ils se constituent partout dans le monde comme le montre David Lagarde dans sa carte Donner à voir le monde des camps.
Lorsque que l’on garde à l’esprit que la majorité des camps installés sur le continent africain sont auto-installés par les réfugiés car ils n’ont aucun autre endroit où trouver « refuge », ces enclaves redonnent à la frontière une fonction refuge mais redéfinissent aussi les contours de celle-ci, dans un processus d’individuation de la frontière.
On peut ainsi retenir le concept d’incorporation (embobinent) présenté par Liz Bondi et Joyce Davidson dans une approche de la géographie par les émotions en 2005 « Some important studies in cultural géographe have argued that people and place are embodied (…) Radically intertwined with each other ». Le corps est un centre d’un amalgame complexe entre esprit, matière biologique, espace et lieux, culture, sexe, genre, identité, caractéristique physiques et morales, ayant tout autant une légitimé existentielle et une intentionnalité. Ainsi, le concept d’ « embodiment» permet de souligner le caractère intentionnel et performatif des corps migrants en quête d’une autre vie (une vie matérielle, et idéelle) qu’ils projettent en Europe comme espace politique de liberté et des droits de l’Homme.
Les migrants sont acteurs et pas seulement pas indifférent, ce sont des corps résistants politiques et créateurs spatiaux. Le combat des Freed Voices illustre la prise de position des migrants non plus comme victimes mais comme experts de la question de la migration par expérience. En 2013, une groupe d’une dizaine de migrants se constitue pour dénoncer les conditions de détention inhumaines et le déni des droits civiques dont sont victimes les migrants en prenant l’exemple des centres de détention en Grande-Bretagne. Une majorité d’entre eux sont restés vingts ans en prison. Ils cherchent par la réalisation d’articles, des plaidoyers et des émissions à informer les politiques. Les migrants deviennent des personnes politiques et plus seulement politisés, ils cherchent à prendre part au débat politique. Les corps migrants sont abordés comme des objets d’étude ou d’intérêts alors que le but ici, c’est de leur redonner un point de vue, en tant que corps pensant.
Leurs actions ont notamment permis de mettre fin à la procédure accélérée en GrandeBretagne (Detained Fast Track) qui constituait à garder enfermés des demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur dossier. Puis, ils ont permis la mise en place d’une instruction parlementaire sur les détentions et permettre le contrôle judiciaire des lieux de détention. Les corps migrants envisagés comme maltraités et victimisés doivent aussi être placés comme des acteurs des migrations décideurs d’un nouvel espace politique européen « hors des murs ».
Nous pouvons également prendre l’exemple des villes-refuge espagnoles comme symbole de cette résistance des corps et comme territorialités alternatives aux frontières. Ce réseau de villes-refuge fait de l’Espagne une exception dans sa politique d’accueil aux migrants. Cette initiative est celle d’Ada Colau, maire de Barcelone en 2015. Madrid et les gouvernements régionaux comme La Corogne suivent ce mouvement. Ce réseau de villesrefuge est le produit d’un investissement aux échelles locales et régionales dans un domaine réservés au gouvernement central, par cet investissement humain et financier en lien avec des familles d’accueil, les autorités locales interpellent les gouvernements sur leur devoir d’accueil des réfugiés. Cette campagne a un slogan très fort : « Casa Nostra, Casa Vostra » incarnant la part importante que prend la société civile dans cette initiative. Néanmoins, pour que de telles initiatives aient un impact fort à l’échelle nationale et européenne, il faut que les états se saisissent de l’enjeu de définir une place aux corps migrants sur leur territoire et osent repousser les frontières politiques pour créer un nouvel espace européen d’accueil.

Les frontières UE sont des espaces de lien corps et esprit, lieu des blessures physiques et émotionnelles des corps

Les frontières européennes méditerranéennes restent au cœur d’un processus de reborderingcomme en témoignent les collaborations civiles et militaires visant à l’arrestation des personnes migrantes en situation irrégulière. Le dispositif Frontex est un exemple d’un contrôle pré-frontières avec le système Eurosur depuis 2013. Ce constat fait, il est évident que la Méditerranée est un lieu de blessure et de fracture des corps migrants , l’agence Frontex n’est pas une agence qui vise au sauvetage des corps migrants mais au contrôle de ceux-ci.
Ainsi, les sauvetages sont le résultat d’interventions de marines nationales et de navires marchands dans la plupart des cas. Le statut de cette agence est ambigu : elle a une responsabilité juridique, elle peut ainsi agir en mer et sur terre, mais elle n’est pas tenue responsable des cas de violations des droits de l’Homme, c’est l’État qui l’est. Cette agence déploie 100 000 gardes-frontières, elle symbolise donc une conception sécuritaire de la frontière. La fracture qui s’opère en mer Méditerranée est celle d’une surveillance des migrants qui n’assure pas leur protection comme le rappelle la campagne Frontexit « Surveiller n’est pas veiller sur ». Ainsi, les acteurs étatiques reportent la responsabilité sur les passeurs qui surchargent leurs bateaux mais c’est en réalité une forme de violence politique sur les corps qui s’exerce dans cet espace.

Les corps aux frontières : une identité, des identités

La frontière fait partie de « l’iconographie » que se donne un groupe pour constituer et défendre son identité. Pour Jean Gottmann, c’est un élément « des systèmes différents de symboles en lesquels on a foi » (1952). Ainsi, les frontières s’envisagent par ses acteurs, ses représentations et ses pratiques : « La frontière est une pratique et une institution » (A.-L Amilhat Szary) constitutives des identités.
Pour Catherine Wihtol de Wenden , la frontière construit une identité, ou plutôt pourrons-nous dire de « nouvelles identités ». En effet, comme le souligne Régis Debray « admettre la frontière, c’est faire acte de modestie et refuser de réduire le monde à soi. La frontière est le meilleur ami du cosmopolitisme : elle reconnaît qu’il y a plusieurs mondes et que je m’y inscris à ma place ». Comme nous l’avons précédemment évoqué les corps aux frontières définissent un « nous » en confrontation avec « un autre », cette confrontation peut être source de violence aux corps, néanmoins elle peut ici être envisagée comme une source de richesse collective. On ne peut pas réellement construire de nouvelles identités dans les catégorisations encore fragile de réfugiés, demandeurs d’asile, clandestins, sans-papiers, mais on peut construire des identités multiples avec ce regard « autre » qui se développe aux frontières. Dans cette perspective Anne-Laure Amilhat-Szary fait état de cette force créatrice aux frontières qui s’exprime dans un art des corps, qui nous permet de penser les corps migrants en trois dimensions. Leur identité, les catégories qui les enferment dans de nouvelles identités, et l’identité effective qui se produit dans la mobilité migratoire et qui est créatrice de nouveaux territoires de la migration. Les frontières sont alors des espaces de performances, de mises en scènes et sont productrices d’art : Laurent Grison parle de « figure fertile ».
Le corps nous amène à penser ses interactions sensibles aux frontières, les artistes font ressentir la frontières autrement par les œuvres. Néanmoins, l’art aux frontières connaît une certaine ambiguïté, en esthétisant ce que l’on dénonce, ce qui parfois annule les oppositions politiques et les résistances qui s’y jouent. Mais dans un autre sens, les arts visuels que je choisis en particulier d’aborder ici détournent l’ordre imposé par les certains traitements médiatiques, les murs sont des supports d’images qui sont utilisés par les gouvernements comme des dispositifs de contrôle mais ils sont aussi le lieu de la naissance de nouvelles identités lors du passage des corps, l’art contemporain s’implique comme contre-pouvoir. On peut parler « d’art de la frontière » rendant compte des dynamiques locales et mondiales des espaces frontaliers. Le lien entre art et géographie se fait comme un tournant spatial, l’espace est utilisé, on interroge l’espace en exprimant ses caractéristiques donc on intervient de fait sur son fonctionnement. La frontière est performative, le mot « frontière » se transforme en acte dans l’art. La frontière devient le lieu d’expression d’identité des corps.
Nous pouvons citer le travail des deux collectifs qui diffusent l’image d’une frontière mobile, en mouvement avec les corps. Le collectif AntiAtlas des frontières (2012), qui détourne des images émanant des agents de contrôles des frontières pour en faire des installations artistiques aux frontières du Texas par Joana Moll en 2010. Cet exemple nous permet de mettre en perspective ce travail sur les cours aux frontières de l’Europe avec d’autres frontières dans le monde. Ainsi, les frontières sont toutes génératrices d’identités nouvelles, et l’art est une des modalités culturelles constitutives de celles-ci.
Ensuite, le collectif Watch the Med, porté par des architectes et des professionnels d’arts plastiques, mobilise des traces des navires circulant en Méditerranée près des embarcations de migrant pour dénoncer les non-assistances à personnes en danger, cœur des violences des corps migrants. C’est un projet artistique très intéressant car il permet d’aborder la dimension artistique et politique, donc des enjeux d’éducation civique et d’histoire des arts dans une perpective enseignante par exemple. Comme le souligne Jacques Rancière, l’expérience esthétique permet par la réaction à l’œuvre de renégocier la distance au réel et donc de s’éloigner des messages propagés pour formuler une pensée critique. La liminalité des frontières y est propice car elles s’opposent à des corps mobiles : la frontière lieu du malentendu.
Les frontières sont au cœur d’un nouvel intérêt qui questionne l’humain dans ses identités plurielles. Ainsi, s’interroger sur l’individualisation de la frontière, c’est penser la limite dans sa complexité : « la limite est un invariant structurel sinon morphologique dont la construction est conditionnée par l’interface des physio-éco socio-logiques », Claude Raffestin (1986). Néanmoins, les corps portent les marques d’une limite de différenciation, ils portent en eux une forme de discontinuité en même tant qu’ils portent en eux la continuité des flux de personnes caractéristiques de la mondialisation.
Nous nous sommes placés ici dans un point de vue de l’art sur les migrants, sur les corps aux frontières au cœur d’une re-création des identités. Mais ce sont aussi les témoignages des migrants qui nous permettent d’appréhender les identités qu’ils constituent ou préservent aux frontières. Ainsi, Camille Schmoll constitue une histoire de Julienne en 2019 basée sur 47 des entretiens qu’elle a réalisée avec elle durant son parcours (Sicile 2016, 2017, puis en France entre 2018, 2019 où elle vit maintenant). Dans son récit, elle propose la notion « d’autonomie en tension » qui permet de souligner le caractère réflexif du processus migratoire, avec cette idée que de nouvelles subjectivités se construisent dans et par la frontière.
Les nouvelles subjectivités se forment à différentes échelles. Dans cette réflexion sur les échelles, nous pouvons évoquer le travail de Sabine Planel. elles ne sont pas fixes mais des bien des constructions sociales évolutives variables dans le temps et l’espace, ainsi, se penser à l’échelle des corps comme un « microlieux » permet de comprendre l’inscription spatiale des pouvoirs (frontières) et ses contournements par les migrants et cette échelle à autant de légitimité que celle de la région ou de l’État. Par exemple dans leur rocher d’autonomie, se placent à l’échelle du corps, à l’échelle de l’espace domestique, à l’échelle mondiale. Le corps est le centre de la création de nouvelles identités des corps migrants aux frontières car il est un lieu politique de contrôle et d’appropriation. Ainsi, pour traduire l’individualisation de la frontière contemporaine, les corps nous donnent les moyens en les articulant à d’autres échelles de donner à voir cette subjectivité et ces identités en mouvement dans les migrations entre Afrique et Europe, par la mer Méditerranée. Camille Schmoll nous offre une réflexion sur une approche « transpolaire » pour traduire à quel point les échelles sont emboitées, c’est-à-dire que des transformations politiques des frontières (par exemple leur fermeture temporaires) à l’échelle des États ont des impacts à l’échelle des corps, leurs fermetures vulnérabilise les corps migrants même si ces corps peuvent être renforcés dans la migration. Dans ces créations de nouvelles identités, il y a une force créatrice du corps, il devient ressource, échappatoire, lieu de guérison. Le corps est le lieu de la maîtrise de son identité à travers différentes « techniques des corps » recomposant les frontières. Par exemple Camille Schmoll fait le récit d’un rite de passage qu’elle a observé au centre de Balzan à Malte, au printemps 2011. Une femmes somalienne Nasrin, apprend qu’elle se réinstalle de manière définitive aux États-Unis, sa séparation avec les autres pensionnaires du camp est l’objet d’un rituel. Sa dernière journée est consacrée au soin de son corps (elle s’habille, se coiffe), son mari est en charge des formalités de départ et ses amies s’occupent de ses enfants. Puis elle part, dans la nuit, le corps est en quelque sorte « guérit », son identité en voie de ré-appropriation.

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Table des matières
Introduction 
Première partie : Les frontières mobiles et les corps à leur épreuve : quand migrer en Europe produit un nouvel espace européen
1. Le corps mobile : migrer entre mobilité et immobilité
Les mouvements du vécu du corps migrants : territoires, environnements, et paysages des migrations européennes
Imaginaires et projections dans la corps migrants : la frontière les traverse
Les routes migratoires se réadaptent aux technologies de la frontière : régimes de fermeture et d’ouverture des frontières contemporaines de la médiatisation à l’économie de la surveillance des corps
2. Le corps comme espace : individus et spatialités des frontières contemporaines
Le corps est un point de rencontre des rapports du social, du spatial et du sujet aux frontières comme un lieu d’interaction avec un autre
Les corps migrants au cœur d’un nouvel espace politique ?
Les frontières UE sont des espaces de lien corps et esprit, lieu des blessures physiques et émotionnelles des corps
3. Le corps identitaire : image de soi et projection de l’altérité dans l’espace
Distinction sociale embodiment du social, du sexe, du genre aux frontières
Les corps aux frontières : une identité, des identités
Violence aux frontières : des corps en tensions à l’utopie d’une liberté de circulation
Deuxième partie : Être traversé par la frontière : l’individuation de la frontière une nouvelle approche des migrations en classe de seconde 
A.1. Le corps dans la géographie scolaire : renouveau de l’approche des frontières et des
migrations
C.Le corps est un enjeu politique et un enjeu géographique essentiel pour aborder les migrations dans le secondaire en lien avec le phénomène frontalier
D.Enseigner les migrations internationales dans le cadre européen en seconde : lieu des subjectivités
E.Les corps sont des espaces sociaux qui témoignent des écarts socio-économiques entre les
hommes aux frontières dans les manuels de l’enseignement secondaire
2. La mise en œuvre de la séquence : Les mobilités généralisées en seconde
La question migratoire est une question d’actualité, au cœur des programmes et des imaginaires des élèves : intérêt et construction de la séquence
Repenser les mobilités du monde par les mobilités subies ou choisies à partir du web documentaire Humanité clandestine en séance introductive
Travailler en groupe sur les témoignages de migrants pour prendre conscience de la diversité des vécus et du caractère subjectif de la mobilité
3. La liberté en question des corps migrants aux frontières : une question socialement vive pour la formation des citoyens : résultats et ouvertures de la séquence en enseignement moral et civique
Les droits des migrants : aborder les frontières comme des limites parfois sociales en Enseignement civique et moral en seconde : du droit d’asile au « délit de solidarité »
Les frontières comme limites aux libertés des corps migrants : de la classe de seconde à la première générale des libertés en question au lien social
Conclusion générale 
Bibliographie
Annexes
Première partie
Deuxième partie 

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