Ethnobotanique et herboristerie paysanne en France

Contexte juridique et évolutions historiques

   De 1803 à 1941, la profession d’herboriste était encadrée par la loi du  germinal an XI (11 avril 1803). La loi autorisait l’herboriste à délivrer des plantes médicinales indigènes fraîches ou sèches. L’article trente-sept du titre IV de cette loi, avant tout destinée à réglementer l’exercice de la profession de pharmacien, créait également le certificat d’herboriste. L’obtention de ce certificat, conditionnée à l’admission à un examen, était indispensable pour s’enregistrer auprès des services publics afin d’exercer le métier d’herboriste. En supprimant le certificat d’herboriste, la loi n°3890 du 11 septembre 1941 a donc entraîné dans le même temps la disparition de la profession d’herboriste. Les herboristes diplômés avant 1941 ont toutefois conservé le droit de continuer à exercer leur vie durant. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette loi a été confirmée par l’ordonnance n°45-1014 du 23 mai 1945. L’ordonnance n°45-1976 du 1er septembre 1945 a également porté application de la loi du 11 septembre 1941 et de l’ordonnance du 23 mai 1945 aux départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et Moselle. À partir de 1941, seuls les herboristes diplômés avant la suppression du certificat et les pharmaciens ont pu légalement vendre des plantes médicinales et conseiller les personnes sur leurs utilisations. Depuis les années 1970, de nouveaux acteurs se sont néanmoins positionnés sur le secteur. Certains revendiquent une forme de filiation envers les anciens herboristes certifiés, d’autres s’inscrivent dans une relation de filiation avec les praticiens d’une tradition herboristique jugée pluriséculaire. Le renouveau de la profession s’accompagne d’ailleurs d’une relance plus générale de la médecine végétale populaire dont témoigne un ensemble d’initiatives : proposition au parlement de plusieurs lois ayant pour enjeu de recréer le diplôme d’herboriste, parution d’enquêtes sur la médecine populaire végétale, organisation de foires, salons, marchés, destinés à vendre les produits de l’herboristerie, création de labels permettant de certifier la production, création de syndicats et d’associations engagés pour défendre les intérêts de la profession, création d’écoles de plantes médicinales, etc

Les sources bibliographiques

   Cette thèse fait appel à différents domaines disciplinaires entrelacés. Elle s’inscrit dans le champ de l’anthropologie des relations humains/non-humains et mobilise à la fois les outils et travaux des ethnoécologues et des anthropologues de la nature. L’étude des savoirs et savoir-faire des paysans-herboristes ne va pas sans l’analyse de leurs pratiques agricoles. En cela, cette thèse s’inscrit également dans le champ de l’anthropologie des savoirs et, de façon plus marginale, dans celui de l’anthropologie des techniques et de l’anthropologie de la santé. Plusieurs mémoires de master et thèses de doctorat ont été rédigés sur le thème de l’herboristerie. Dans sa thèse de pharmacie soutenue en 1993, Isabelle Aubry a étudié la formation des herboristes et les conditions d’exercice de leur activité depuis le Moyen Âge jusqu’aux années 1990 (Aubry, 1993). Cette recherche a le mérite de dresser un panorama élémentaire de l’état de l’activité à la veille des années 2000. Le mémoire de Master de Laurent Rébillard est également consacré à l’histoire de l’herboristerie (Rébillard, 2002). Concernant l’herboristerie contemporaine, la thèse publiée en 2007 par Raphaële Garreta constitue le travail le plus abouti sur la situation de l’herboristerie citadine. Dans sa recherche intitulée Des simples à l’essentiel : de l’herboristerie à l’aromathérapie, pratiques et représentations des plantes médicinales, l’ethnologue a choisi d’enquêter auprès des herboristes d’officine et étudiants en école d’herboristerie. C’est également l’angle d’approche adopté par Ida Bost qui a soutenu en janvier 2016 sa thèse d’anthropologie intitulée Herbaria : Ethnologie des herboristeries en France, de l’instauration du certification en 1803 à aujourd’hui. Cette recherche, qui traite essentiellement de l’histoire de l’herboristerie, ne mentionne, pour la partie contemporaine, que très rapidement le rôle des producteurs cueilleurs de plantes médicinales. Seul le mémoire de Master de Sophie-Anne Sauvegrain (Sauvegrain, 2002-2003) et les différentes contributions que l’ethnologue a publiée avec Yildiz Aumeeruddy-Thomas concernent spécifiquement l’herboristerie paysanne (Sauvegrain et Aumeeruddy-Thomas, 2004, 2006).

« L’école » de Salagon

   Mon premier terrain de recherche a été consacré à la réalisation d’une ethnographie du séminaire d’ethnobotanique organisé par le musée de Salagon. Dans un premier temps, j’ai travaillé sur les archives du séminaire. Analyser ces documents et proposer une indexation des différentes boîtes d’archives m’a permis de prendre connaissance de la généalogie de la manifestation et des différents moments de bascule qui ont contribué à sa progressive académisation. Un premier dispositif de recension a été établi à partir de l’analyse des programmes des treize éditions du séminaire données entre 2001 et 2013. Une base de données a été constituée pour identifier les caractéristiques principales des relations hommes-plantes dépistées dans les deux-cent-cinq conférences proposées. Ce répertoire a notamment permis d’identifier les aires géographiques (région française, France, Europe, zone méditerranéenne, Monde) et les périodes historiques concernées (histoire longue, histoire récente, temps présent), le type de populations impliquées (urbaines ou rurales), ainsi que les cinq registres thématiques abordés :
 Les usages matériels des végétaux,
 Les usages immatériels des végétaux,
 Les monographies de plante,
 Les conditions de la production et de la transmission des savoirs sur les plantes,
 L’épistémologie et la méthodologie de l’ethnobotanique.
À partir des fiches d’inscription remplies par les participants au séminaire, j’ai également pu réaliser deux bases de données comprenant différentes informations : nom, prénom, région d’origine, profession et motivations des participants dans le domaine de l’ethnobotanique.
 La première base de données répertorie le profil de la totalité des participants et des intervenants ayant participé, entre 1997 et 2013, à une édition du séminaire de Salagon : elle comprend mille-quatre-vingt-trois participants. De 2001 à 2006, les séminaires étaient organisés sur plusieurs sessions. Toutefois, sur chaque séminaire annuel, le public est calculé en personnes et non en participants.
 La seconde base de données a été établie en ne comptant plus qu’une fois chaque personne venue au séminaire : elle comptabilise cinq-centsoixante-quatorze personnes. Pour construire cette seconde base de données, la règle a été de retenir la région, la profession et la catégorie professionnelle mentionnées le plus grand nombre de fois sur les fiches d’inscription. Lorsque l’application de cette consigne n’a pas permis de dégager une région et une profession uniques, j’ai choisi de conserver les renseignements les plus récents. Évaluer la fidélité des personnes à l’aide d’un gradient d’assiduité (une participation, deux participations, trois participations, entre quatre et huit participations, entre neuf et quatorze participations) a permis d’identifier les membres les plus actifs du séminaire. Durant l’été 2013, vingt-six entretiens semi-directifs, tous intégralement enregistrés et retranscrits, ont été réalisés auprès des organisateurs, des intervenants et des participants les plus assidus. Au cours de ces entretiens, de nombreux participants ont évoqué l’importance que revêtait pour eux la participation de l’ethnobotaniste Pierre Lieutaghi à l’événement. Tantôt qualifié de « mentor » ou de « père spirituel », sa présence occasionne la venue de nombreux participants et contribue au succès rencontré par la manifestation. Les filiations et héritages qu’elle implique sont conjugués à une forte reproductivité des savoirs. L’analyse des thématiques abordées au cours des différents séminaires a en effet permis de souligner l’existence d’une focale sur les aspects immatériels de la relation flore-société. Ces différents éléments m’ont donné le sentiment qu’au-delà du moment particulier que pouvait représenter le séminaire dans l’agenda de l’ethnobotanique, mon ethnographie devait se consacrer plus largement à l’analyse d’une véritable « école de Salagon ». Les extraits d’entretiens et observations relatifs à « l’école de Salagon » sont présentés dans le chapitre quatre.

Les structures d’accueil de l’herboristerie

   Parallèlement à mon ethnographie de « l’école de Salagon », j’ai consacré l’année 2013 à la réalisation d’un terrain multi-sites relatif à l’herboristerie. En 2011- 2012, un travail de pré-terrain m’avait déjà permis d’entrer en relation avec deux producteurs limousins de plantes médicinales : Jean Maison et Thierry Thévenin. Dès 2012, j’ai accompagné le producteur corrézien Jean Maison sur les salons Marjolaine et Vivre Autrement. Ces événements, à visée essentiellement commerciale, organisés à Paris sur le thème du bien-être et de la production écologique, brassent une dense population d’urbains aux profils sociographiques très hétérogènes. De 2012 à 2015, sur six salons différents, installée comme vendeuse sur le stand du producteur,j’ai pu étudier, en observation participante, les interactions herboristes-clients. Les  observations conduites sur ces salons m’ont amenée à m’interroger sur une éventuelle institutionnalisation économique de l’herboristerie. Les dimensions consensuelle et marchande de ces salons tranchent avec les caractéristiques tout à fait différentes de la fête des SIMPLES. Cette manifestation, en partie commerciale, consacrée à l’herboristerie, que l’on pourrait décrire comme plus authentique et plus politique, est organisée depuis 2006 par le syndicat SIMPLES. À l’occasion de la fête des SIMPLES de 2011, organisée en région Limousin, j’ai rencontré le producteur creusois Thierry Thévenin, qui est également porte-parole du syndicat. En 2012 et 2013, j’ai renouvelé ma participation à la manifestation, qui a lieu chaque année à proximité de la ferme d’un producteur du syndicat. En participant aux différentes activités organisées à l’occasion des fêtes (promenades botaniques, conférences, ateliers, marché de producteurs) j’ai pu rencontrer des paysans-herboristes et comprendre les spécificités de leur profession. Des entretiens informels, parfois enregistrés et toujours pris en note, ont été réalisés à chaque fête.

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Table des matières

Résumé
Remerciements
Note au lecteur
Liste des acronymes et abréviations utilisés
Glossaire des termes scientifiques et techniques
Prologue
Introduction
Le recueil des données et les caractéristiques de l’enquête
1. Les sources bibliographiques
2. Les terrains consacrés à l’ethnobotanique et à l’herboristerie
3. Les observations participantes chez les paysans-herboristes
4. Les matériaux archivistiques
5. Les parcours de vie des paysans-herboristes
Première partie. L’ethnobotanique – de laboratoire, de terrain et de Salagon
Le végétal médicinal comme objet muséal
Chapitre 1. L’ethnobotanique au laboratoire
Les rapports hommes-plantes sous le microscope
1. L’ethnobotanique, terra incognita
2. Les concepts et les outils de l’anthropologie des rapports flore-société
Chapitre 2. L’ethnobotanique de terrain
Les collections et les pratiques de collecte d’objets à caractère végétal
1. Les caractéristiques des collections ethnobotaniques
2. Les pratiques de collecte des ethnologues de terrain
Chapitre 3. Le berceau d’une nouvelle forme d’ethnobotanique
Le séminaire du musée de Salagon
1. Un lieu de savoir consacré aux relations flore-société
2. L’ethnobotanique salagonnaise
Chapitre 4. L’entrelacs des savoirs et de la sociabilité
L’école de Salagon
1. La communauté des participants au séminaire
2. Le cercle et la lignée
Deuxième partie. L’herboristerie paysanne
Le végétal médicinal comme partenaire de production
Chapitre 5. Un siècle d’herboristerie paysanne
De l’agonie à la relance
1. L’herboristerie paysanne au XXe
siècle
2. Un syndicat pour les producteurs-cueilleurs de plantes médicinales
Chapitre 6. Mille ans d’herboristerie paysanne
L’appropriation du passé
1. Herboriste certifié et thérapeute populaire : la construction généalogique
2. Pharmacopée locale et plantes exotiques : la construction  géographique
Chapitre 7. Deux types d’herboristerie paysanne
La matérialité des modes de production
1. L’appropriation matérielle de la nature
2. L’appropriation sociale des rapports de production
Troisième partie. Pouvoirs des plantes, savoirs sur les plantes
Le végétal médicinal comme sujet intentionnel
Chapitre 8. Les usages et mésusages de la règlementation
L’herboriste engagé
1. Le paysan-herboriste hors-la-loi
2. La reconnaissance par l’étiquette
3. Les différentes formes d’engagement
Chapitre 9. Les savoirs sur le végétal soignant
L’herboriste en herbe
1. Apprendre les usages médicinaux des plantes
2. Prouver les usages médicinaux des plantes
3. Mobiliser les savoirs sur les usages médicinaux des plantes
Chapitre 10. Le dialogue avec le végétal
Les plantes soignantes comme êtres relationnels
1. Les plantes, êtres intentionnels
2. Les plantes, êtres relationnels
Conclusion
Épilogue
Bibliographie
Archives
Index des noms scientifiques des plantes
Index des noms populaires des plantes
Table des illustrations
Table des tableaux
Table des figures
Table des cartes

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