Etat des lieux des recherches effectuées sur les enfants ayant vécu un parcours migratoire

Etat des lieux des recherches effectuées sur les enfants ayant vécu un
parcours migratoire 

En sciences sociales les recherches contemporaines sur la thématique de la migration et des populations d’immigrés sont nombreuses. Au début du XXème siècle, les premières recherches relatives aux enfants issus de l’immigration sont réalisées aux Etats-Unis. L’intérêt principal de ces chercheurs était de comprendreles modalités d’intégration des mineurs ayant migré dans ce nouveau pays d’accueil. Suite au nombre croissant d’enfants ayant vécu un parcours migratoire, les chercheurs se sont orientés sur la thématique de l’accessibilité à l’école et au marché du travail pour ces jeunes. De plus, les sujets tels que l’intégration au groupe ethnique et les rapports de ces enfants avec leur pays d’origine ont suscité un intérêt majeur (Potvin, Eid et Venel, 2007, cité par Lahrizi, 2014).

Parmi les nombreuses recherches effectuées, certaines se sont penchées sur le thème de l’identité et des sentiments d’appartenance des enfants ayant vécu une expérience de migration. Parmi les nombreux chercheurs, en Amérique, Waters (1994) a mené une étude qualitative sur 83 adolescents noirs américains originaires des Caraïbes, dont le but était «to explore the processes of immigrant adaptation and accommodation to the United States, to trace generational changes in adaptation and identification (…)» (Waters, 1994, p.797). Grâce aux données obtenues, la chercheuse a établi que le sentiment d’identité de ces jeunes est influencé par plusieurs facteurs. Parmi ces facteurs, elle identifie ceux qui, à son avis, jouent un rôle primordial dans la construction de l’identité : «the social class background of the parents, the social networks the parents were involved in, the type of school the child attended, and the family structure» (Waters, 1994, p. 803).

En France, plusieurs recherches ont été menées sur la thématique des enfants d’immigrants. Les premières recherches se focalisent sur les difficultés rencontrées par ces jeunes migrants lors de leur arrivée dans le pays d’accueil : difficultés linguistiques, d’acceptation dans le nouvel établissement scolaire et la construction de nouvelles amitiés. Successivement, les travaux se sont diversifiés et de nouveaux thèmes de recherche ont été traités. Dans un article paru en1988, Boulot et Boyzon-Fradet mentionnent le terme d’identité. Ils mettent en évidence comment, chez les enfants ayant migré, il peut y avoir une identité multiple, dont l’école doit tenir compte afin de faciliter l’intégration de ces jeunes dans la société. Selon les auteurs, les enfants immigrés basent leurs envies/choix d’appartenance en faisant référence à deux cultures différentes : celle du pays d’origine et celle du pays d’accueil. Les deux considèrent que l’acte de «faire référence à …» n’est pas figé, mais varie en fonction de l’âge de l’individu et de son histoire (migration, famille, école et amis). Plus précisément, ils expliquent que l’adolescent développe une appartenance multiple et contextuelle plutôt que celle de devoir faire un choix entre appartenir au pays d’origine ou au pays où il vit maintenant. Chez les jeunes ayant vécu une expérience migratoire, il y a donc un élargissement de la notion d’identité, laquelle devient alors additionnelle (Boulot et Boyzon-Fradet, 1988).

Plus récemment, Richard (2004) soutient l’idée d’une construction incessante de l’identité chez ces personnes évoquées. L’auteur donne beaucoup d’importance aux phénomènes de départ et/ou de stabilisation dans un pays étranger qui caractérisent l’histoire de l’individu. Il explique que les identités des jeunes venus d’une immigration ne doivent pas être considérées comme un résultat mais plutôt en tant qu’un processus en perpétuel changement. Ces identités peuvent permettre au sujet de s’identifier personnellement, on parle alors d’identité individuelle, ou de se sentir appartenir à une collectivité, c’est l’identité collective. Richard (2004) ajoute qu’«il s’agit ici de ne pas considérer les individus comme dépouillés de leurs appartenances à des communautés culturelles, nationales, familiales, ou autres, mais au contraire, de considérer ces appartenances, leurs évolutions, et leur interrelations avec les comportements et les situations individuelles» (p.10). L’auteur est conscient de la diversité et de la complexité des parcours migratoires qui amènent à une négociation identitaire et continue de ces individus .

Au Québec, les premières recherches effectuées sur la population considérant les enfants des migrants étayent des thématiques telles que la discrimination raciale, les difficultés rencontrées lors d’une insertion sociale ou scolaire, etc. Par la suite, les chercheurs se sont intéressés aux différentes stratégies d’insertion sociale, développées à partir de ces jeunes gens concernés, en se focalisant sur l’aménagement des différents sentiments d’appartenance ressentis par ces derniers cités (Eid, 2007, cité par Lahrizi, 2014). Dans une récente recherche, Magnan, Darchinian et Larouche (2016) se sont intéressés à étudier «le processus de construction identitaire des jeunes issus de l’immigration à Montréal au fil de leurs transitions scolaires, de la primaire jusqu’à l’université» (p.97). Cette étude diffère des recherches précédentes et permet de suivre la construction identitaire établie au fil du temps. Une caractéristique des participants à cette recherche est qu’ils ont vécu une transition linguistique, c’est-à-dire du français à l’anglais et vice-versa, lors du début du passage du postsecondaire au début de l’université. A partir de l’analyse des récits autobiographiques de ces jeunes, les chercheurs ont relevé que de nouvelles appartenances surgissent une fois terminée l’école secondaire et ils en déduisent que les jeunes migrants possèdent des identités multiples. Les entretiens montrent un partage de valeurs et d’expériences communes parmi les jeunes issus de l’immigration. De plus, les données montrent comment le parcours identitaire change en fonction de la langue utilisée pour enseigner à l’université, le français ou l’anglais.

Comme dans d’autres pays, tels que la Suisse, la migration est devenue une thématique actuelle. Plusieurs médias, chercheurs, certaines ONG suisses et des politiciens ont développé des préoccupations au sujet du nombre croissant des migrants et surtout des mineurs migrants débarquant sur le territoire suisse. Au cours de ces dernières années, plusieurs recherches ont été menées sur le thème de la migration et de ses enjeux. Les principaux sujets traités s’orientent vers les difficultés d’insertion sociale (société, école et travail). Au milieu des années 1970, les premières études concernant les femmes et les enfants d’immigrants ont été menées. L’intérêt portait sur les difficultés scolaires et d’insertion rencontrées par ces personnes mineures dans leur pays d’accueil. Dans les années 1980, les recherches se sont plutôt orientées vers une perspective sociologique, en analysant les «modalités d’insertion socio-professionnelle» des jeunes migrants et les moyens mis à leur disposition pour faciliter le passage de l’école au monde du travail (Fibbi, 1989).

Des thématiques telles que les caractéristiques du parcours migratoire, les motifs qui poussent à abandonner leur propre maison et peut être leur famille, les récits autobiographiques, le «sentiment d’appartenance» ou la construction d’une nouvelle identité n’ont été pas étudiées en Suisse. Fibbi (1989) donne une explication possible à ce manque, en remarquant que «les recherches du type non strictement pédagogique, sont le fruit d’une conjonction plus ou moins fortuite de facteurs, tels qu’une thèse, un travail de mémoire à l’université ou aux instituts d’études sociales (…)» (p.148).

C’est grâce à l’intérêt croissant des étudiants d’aujourd’hui que des «thèmes plus personnels» concernant l’expérience migratoire ont émergé. Plusieurs recherches et travaux de mémoire se sont ainsi orientés sur «l’histoire de l’individu migrant», en mettant l’accent sur le vécu de la personne et les difficultés auxquelles elle a été exposée. Par ce biais, la parole des migrants est mise en valeur. Durant ces dernières années, une attention croissante de la part des étudiants universitaires s’est concentrée sur les enfants dont les droits reconnus par la Convention relative aux droits de l’enfant (1989) n’ont pas été garantis. La prise en charge et la perspective d’avenir de ces mineurs non accompagnés, leur protection, la participation de ces enfants dans la prise des décisions les concernant, l’intégration des enfants porteurs d’un handicap, la vision des enfant en tant qu’acteurs sociaux, sont quelques exemples parmi les nombreux sujets traités par les universitaires dans leurs travaux de mémoire.

A partir de ce bilan scientifique établi grâce aux recherches menées sur la thématique des enfants d’immigrants, nous pouvons constater que les notions d’identité et d’appartenance sont ressorties plusieurs fois. De manière générale, les différents auteurs constatent que l’identité est un concept assez dynamique et influencé par l’appartenance multiple de ces jeunes à leur société, leur culture, leurs différents lieux de vie et leurs expériences vécues (p.ex. parcours migratoire). Nous trouvons qu’il est intéressant de percevoir si les mêmes constats, concernant le sentiment d’appartenance et la construction de l’identité, ressortent aussi dans les résultats finaux de cette recherche.

Les enfants migrant en Suisse et au Tessin : un bref aperçu

En ce qui concerne la migration en Suisse, Piguet (2013) explique qu’aujourd’hui, les deux tiers de la population totale en Suisse sont issus, de manière directe ou par l’un des parents, de la migration. Parmi cette portion, un quart de ces personnes sont nées hors des confins de la Suisse.

De manière générale, l’histoire migratoire suisse récente peut être répartie sur trois grandes périodes : les années entre deux-guerres, les années 1980 à 1990 et finalement, les années 2000. Durant les années qui ont suivis les deux guerres mondiales, nous pouvons constater une influence des besoins économiques du territoire suisse sur la politique de l’immigration. Au cours du temps, nous remarquons une diminution du lien entre l’économie de pays et le flux migratoire (Piguet 2013, p.65). Dans la première période, la migration en Suisse se caractérisait principalement par des gens provenant des pays limitrophes, comme la France, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et l’Autriche. Piguet (2013) parle d’«immigration de travail» ou «économique» : les personnes venaient en Suisse pour trouver du travail et fuir un chômage assez présent dans leur pays respectif. Ces migrants travaillent dans les secteurs de la main d’œuvre, tels que les entreprises métallurgiques et l’agriculture. Un afflux croissant des femmes venant de l’Allemagne et de l’Autriche caractérise les premières années suivant les deux guerres mondiales. L’expansion du secteur textile et de l’industrie alimentaire demandent une augmentation de la main d’œuvre féminine. En vue de ce motif, dans ces années-là, nous pouvons constater un nombre d’entrées des femmes, très jeunes et célibataires, plus élevé que celui des hommes, en Suisse. Au cours des années 1980 à 1990, la Suisse est exposée à un nouveau flux migratoire. Les migrants venant en Suisse ne viennent plus exclusivement des pays limitrophes, mais ils arrivent aussi de pays plus éloignés, comme la Yougoslavie, la Romanie ou le Portugal. Remarquées aussi au cours des années précédentes, ces migrations sont principalement guidées par un intérêt économique et par la curiosité de découvrir un nouveau territoire européen (Bucur, 2006). Les caractéristiques des migrants restent presque les mêmes : peu qualifiés et peu formés. Les migrants travaillent principalement dans les branches économiques nécessitant une faible qualification et proposant des postes médiocres. Efionay et Piguet (1999), cités par Bolzman (2001), repèrent que «deux personnes sur trois se retrouvent dans l’hôtellerie-restauration» (p.145). Au début des années 1990, la Suisse est confrontée à une forte diminution du PIB (produit intérieur brut), laquelle cause un ralentissement de l’«immigration du travail». Cependant, la population des étrangers continue à s’agrandir, à cause de l’intensification de l’immigration que Piguet (2013) désigne sous l’appellation «immigration non active» (p.44). Elle peut aussi être définie comme une «immigration d’asile» et se caractérise principalement par la volonté des familles de se regrouper pour reconstituer le noyau familial. Si auparavant, l’immigration comprenait principalement des hommes travailleurs, dans les années 1990, la Suisse est confrontée à une migration plutôt familiale qui comptait de nombreux enfants (Santelli, 2004). Dans les années 2000, les caractéristiques définissant la population de migrants ont beaucoup évolué. La grande différence qui apparaît, comprend principalement les motifs qui conduisent les gens à abandonner leur pays d’origine. Si, au courant des années précédentes, les personnes sont venues en Suisse surtout pour trouver un meilleur travail, aujourd’hui, nous pouvons identifier deux grands groupes de migrants. D’une part, il y a les migrants des pays limitrophes qui, comme dans les années précédentes, viennent sur le territoire suisse principalement pour travailler. Pourtant, au contraire des années passées, ces personnes sont aujourd’hui très qualifiées et compétentes et elles peuvent donc proposer leurs habilités dans des secteurs plus ambitieux qui étaient précédemment réservés exclusivement aux personnes originaires de la Suisse (Piguet, 2013). De l’autre côté, il y a un nombre plus important de migrants qui, durant ces dernières années, s’est établit en Suisse. Ces migrants provenant de pays plus éloignés, tels que la Syrie, l’Ethiopie ou encore l’Afrique s’expatrient à la recherche d’un pays d’accueil qui leur donne une certaine protection. Dapsens (2005) éclaircit le fait que les motifs poussant ces personnes à fuir leur pays d’origine et à s’engager dans un voyage qui n’est pas toujours évident, sont liés aux conditions inhumaines de vie auxquelles ils sont quotidiennement confrontés (répercussions, violence, guerres, etc.).

Nous pouvons donc constater comment la Suisse, dans son histoire de migration, est passée «d’une immigration de recrutement de main-d’œuvre voulue (…) par l’Etat, à une immigration beaucoup moins contrôlable, encouragée par une multitude de facteurs liés au pays de départ (mauvaises conditions économiques, fuite face à des situations de détresse, violence endémique, etc.) qu’au pays d’accueil (meilleures conditions de vie, présence de membres de la famille, etc.)» (Piguet, 2013, p.50).

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Table des matières

1 Introduction 
2 Problématique et question de recherche 
3 Cadre théorique 
3.1 La migration et ses raisons
3.1.1 Expérience migratoire : le moment de rupture
3.2 Etat des lieux des recherches effectuées sur les enfants ayant vécu un parcours
migratoire
3.2.1 Les enfants migrant en Suisse et au Tessin : un bref aperçu
3.2.2 Notion d’enfant de «première» et «deuxième» génération
3.3 La théorie constructiviste
3.3.1 L’enfant : acteur social et détenteur de droits
3.4 Le sentiment d’appartenance
3.4.1 Quels critères le définissent ?
3.4.2 Le sentiment d’appartenance et la migration
3.4.3 Le lien subtil entre le sentiment d’appartenance et l’identité
3.5 La notion d’identité
3.5.1 Identité personnelle
3.5.2 Identité sociale
3.5.3 Stratégies identitaires
4 Méthodologie
4.1 Prémisse épistémologique
4.2 Ethique de la recherche
4.3 Méthode
4.4 Population
4.5 Procédure
4.6 Récolte des données
4.6.1 Enregistrement et transcription
4.6.2 Analyse par thématique grâce au logiciel NVivo
5 Analyse 
5.1 Récits autobiographiques
5.2 Le sentiment d’appartenance : quels critères ressortent majoritairement pour le
définir ?
5.2.1 La famille
5.2.2 Loisirs
5.2.3 Ecole et/ou travail
5.2.4 Espace géographique
5.2.5 Culture et religion
5.2.6 Autres critères
5.2.7 Conclusion intermédiaire concernant le sentiment d’appartenance
5.3 La construction de l’identité : quelle est l’influence du sentiment
d’appartenance ?
5.3.1 Conclusion intermédiaire concernant l’identité
6 Conclusion

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