Etat de lieux des financements de recherche sur la thématique du PPR

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Méthode de construction du projet scientifique du PPR

Le projet scientifique présenté dans ce document repose, à partir d’un cadre initial proposé par le MESRI, sur une réflexion conduite d’octobre à décembre 2018 par un comité d’animation composé de 19 personnes d’origines institutionnelles diverses : des scientifiques (INRA, Universités et Etablissements d’enseignement supérieur agronomique, CNRS, INRIA, IRSTEA) et des professionnels (ACTA, UFS, Agrauxine, ITAB), sous la coordination de Florence Jacquet et de Christian Huyghe. Des experts extérieurs au comité ont également été consultés et la réflexion s’est nourrie d’interactions avec différentes instances de réflexion et d’action concernées par le sujet des pesticides.
Le travail de construction collective a été organisé de deux manières, d’une part par une réflexion approfondie en petits groupes autour d’objectifs appelés « défis » et identifiés comme les leviers permettant la transition visée et d’autre part par des discussions au sein du comité dans son ensemble sur les transversalités et interactions entre ces défis pour dégager les priorités de recherche.
Les six défis qui ont structuré la discussion sont les suivants :
• Connaître l’exposome chimique
• Favoriser la transition des systèmes de culture pour renforcer la prophylaxie, réduire l’impact des bioagresseurs et l’utilisation des pesticides
• Développer des espèces et variétés permettant la reconception des systèmes et la transition agro-écologique
• Accélérer le développement de solutions de biocontrôle et leur déploiement par l’acquisition de connaissances nouvelles
• Mobiliser l’agriculture numérique et les agroéquipements pour l’agroécologie et la réduction de l’usage des pesticides
• Encourager le changement en mobilisant les leviers économiques et réglementaires, privés et publics.
Le comité s’est réuni à quatre reprises, le 1er octobre, 6 novembre, 28 novembre 2018 et 9 janvier 2019.
La réflexion a été appuyée également par une analyse des projets de recherche financés ces dix dernières années sur les thématiques du futur PPR, à la fois au niveau national (par l’ANR, Ecophyto et le CASDAR) et au niveau européen (FP7 et H2020)

Etat de lieux des financements de recherche sur les thématiques du PPR

De nombreux dispositifs de financement de la recherche existent déjà qui soutiennent des projets de recherche en lien avec les thématiques du futur PPR.
Au niveau national, l’ANR a financé depuis 2008, 148 projets4 en lien plus ou moins étroit avec les défis du PPR, pour un budget total de 66 millions d’euros. Ces projets ont été financés jusqu’en 2013 dans le cadre des appels à projets thématiques (Systerra, Agrobiosphere, CESA,etc.) et dans le cadre des appels à projets BLANC , puis à partir de 2014 dans le cadre de l’Appel à Projets Générique et d’appels internationaux. Il s’agit le plus souvent de projets visant à produire des connaissances fondamentales mais aussi de projets ciblés et finalisés sur la résolution de problèmes et de projets en partenariat avec des entreprises.
Le Plan Ecophyto, via son axe Recherche, a financé depuis 2010, 158 projets directement liés à l’objectif de réduction des usages des pesticides, pour un montant total de 21 millions d’euros sur des appels dédiés ou en cofinancement d’appels lancés par d’autres organismes : ANSES, Ministère de l’écologie, etc. Ce sont des projets de recherche finalisés dont les thématiques répondent aux priorités définies dans Programme scientifique Recherche et Innovation du plan Ecophyto I puis dans la Stratégie Recherche et Innovation du plan Ecophyto II . Le budget Ecophyto Recherche a été en moyenne de 2,6 millions par an sur la période 2010-2017.
Par ailleurs, le programme Ecophyto a recensé (données accessibles en ligne) les projets financés dans le cadre des appels à projet du Compte d’Affectation Spéciale du «Développement Agricole et Rural » (CASDAR) sur les thématiques en lien avec le Plan Ecophyto, et on dénombre au total 84 projets depuis 2010 pour un budget total de 23 millions d’euros.
A ces financements, il conviendrait d’ajouter pour l’Innovation et la Recherche-Développement, les financements attribués par le Programme des Investissements d’Avenir (PIA) avec des montants importants consacrés à des projets de sélection variétale et au secteur du biocontrôle, ainsi que les financements attribués par le Fonds Unique Interministeriel (FUI) aux projets d’innovations, et les financements du Crédit Impôt Recherche (CIR) .
Au niveau européen, en lien avec les thématiques du futur PPR, on a pu identifier dans le FP7 et H2020 (soit entre 2008 et 2018) 125 projets de recherche5 avec participation d’équipes françaises, pour un budget total de 64 millions attribués à ces équipes. Ce montant concerne tous les instruments du FP7 (projets collaboratifs, partenariat PME, bourses individuelles, etc.) et de H2020. Dans H2020, on note l’importance des projets qui s’inscrivent dans le Programme Européen d’Innovation Agriculture (PEI-Agri) sous la forme de projets de type « multi-actor approach » incitant à une participation d’acteurs non-académiques (entreprises, agriculteurs,…)
Finalement, ce sont environ une cinquantaine de projets par an pour 15 millions d’euros environ qui ont depuis 10 ans produit des connaissances mobilisables.

Les défis scientifiques posés par l’objectif « zéro pesticides »

Les textes présentés dans cette partie sont issus du travail du comité d’animation, avec l’objectif d’identifier, pour chacun : l’ambition du défi, l’état des lieux des connaissances et des dispositifs de financement de la recherche existants (en utilisant notamment le recensement des projets présenté dans la partie précédente), les thématiques à approfondir et des suggestions sur les modalités d’actions à lancer. Ils sont de ce fait porteurs d’idées pour le PPR et au-delà.
Chaque partie a été rédigée par trois ou quatre membres du comité et a bénéficié des interactions avec les autres membres et avec des personnes extérieures.

Positionnement par rapport à la situation actuelle

L’étude des relations causales entre maladies et facteurs environnementaux basées sur l’évaluation des niveaux d’exposition a pris un essor important au cours des dernières années avec l’apparition récente du concept d’exposome. Ce terme, désormais inscrit dans la loi de santé publique française (LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016), regroupe toutes les atteintes à la santé qui ne sont pas d’origine génétique. Il comprend toutes les expositions environnementales, de la période prénatale (in utero) à la fin de vie, en sachant que contrairement au génome, l’exposome est une entité très variable et dynamique qui évolue tout au long de l’existence de l’individu (Wild, Cancer Epidemiology, 2005). Il prend en compte les nuisances de nature physique, chimique, biologique, radiologique ou psychologique et comprend les facteurs liés au mode de vie (activité physique, comportement alimentaire, déterminants sociétaux, stress, etc…). Rappaport et Smith (2010) et le rapport du NRC (2012) définissent l’exposome comme la surveillance de toutes les expositions internes (imprégnation) et externes (eco-exposome) auxquelles les individus sont soumis au cours de leur vie. L’ambition est ici de découvrir de nouvelles associations entre exposition et maladies. Ce concept offre une vision multidimensionnelle et intégrée de la santé qui va bien au-delà de l’exposition aux contaminants chimiques. Il ouvre des perspectives de recherches considérables dans de nombreux champs disciplinaires parmi lesquels, la biologie, la chimie, la biochimie, la bioinformatique, les statistiques, les mathématiques, la toxicologie, ou encore l’épidémiologie. La caractérisation de l’exposome nécessite de multiples méthodologies d’évaluation de l’exposition, comprenant non seulement des analyses d’échantillons biologiques, mais également la mesure de l’environnement de chaque individu, en utilisant par exemple des capteurs connectés, complémentaires des questionnaires quelquefois inadaptés ou insuffisamment précis (Ntzani et al., 2013).
La composante chimique de l’exposome constitue néanmoins une pièce essentielle du jeu de données qu’il faut pouvoir assembler pour appréhender les causes environnementales des maladies chroniques, au-delà des liens de causalité connus entre ces maladies et la consommation de tabac et d’alcool, l’inactivité physique, une alimentation excessive ou déséquilibrée ou encore la pollution atmosphérique en milieu urbain.
Trois projets ont été financés par le programme-cadre 7 de l’UE afin de faire progresser la connaissance de l’exposome au cours de plusieurs fenêtres de temps, grâce à la mise au point de méthodes d’évaluation et d’analyse de l’exposition, et reliant l’exposome avec un certain nombre de paramètres de santé. Ces 3 projets ont opté pour des approches sensiblement différentes. Les efforts du projet HELIX portent principalement sur l’exposome de la période périnatale en se concentrant sur des cohortes européennes mères-enfants. Le consortium du projet EXPOsOMICS s’est intéressé en premier lieu à l’impact de la pollution de l’air et de l’eau sur les maladies chroniques, en privilégiant les approches « omiques », en particulier transcriptomiques et métabolomiques alors que HEALS, coordonné par l’Université Pierre et Marie Curie couvre un éventail important de tranches d’âge et de substances chimiques et propose différentes approches pour étudier le lien exposome-santé, notamment dans le cas des maladies métaboliques, des maladies neurodégénératives et de l’allergie.
A ces projets, il convient d’ajouter l’initiative européenne HBM4EU (programme cadre H2020, 2017-2021) qui a pour objectif d’évaluer l’exposition humaine aux substances chimiques en Europe (incluant les pesticides), afin de mieux comprendre leurs effets et d’améliorer l’évaluation des risques chimiques.
Dans chacun de ces programmes, les acteurs de la recherche sur l’exposome soulignent d’une part le manque d’infrastructures permettant de prendre en charge la mesure de l’exposome et d’autre part la nécessité de développer les méthodologies analytiques, bioinformatiques et statistiques permettant de produire, traiter, intégrer et analyser les données massives produites par ces approches (Stingone et al., 2017)
Bien que les progrès accomplis au cours des 10 dernières années en chimie analytique aient été considérables, il reste des obstacles importants à surmonter pour accéder à l’exposome chimique. Accéder à plusieurs centaines de molécules (ou à leurs métabolites), dans des échantillons biologiques de faible volume, et à un coût et dans un délai raisonnables, nécessite des approches nouvelles, des développements méthodologiques importants et des infrastructures performantes. La mesure des expositions par le biomonitoring doit non seulement s’appuyer sur la quantification de traces de résidus chimiques, mais également sur la recherche de biomarqueurs d’exposition qui peuvent être des métabolites de substances chimiques ou d’adduits à des macromolecules. Une grande partie de ces biomarqueurs est pour l’instant inconnue.
Pour les polluants organiques tels que les pesticides, il convient d’adopter une stratégie donnant accès à un nombre toujours plus élevé d’analytes dont certains ne sont pas forcément connus. Les développements récents proposent une combinaison d’approches non ciblées et ciblées, généralement basées sur des analyses en spectrométrie de masse (Andra et al., 2017)
Les méthodes non ciblées consistent en la détection et l’identification des contaminants ou de leurs métabolites dans les matrices biologiques, par des techniques spectrométriques haut-débit. Elles permettent de détecter un contaminant (ou un biomarqueur associé) sans qu’il ait été préalablement listé parmi les substances à rechercher. Ce type d’approche permet de renseigner l’exposition à des polluants émergents à partir des signaux spectrométriques déjà collectés, sans avoir à renouveler l’analyse. La limite de cette approche lorsqu’elle est utilisée seule est qu’elle aboutit à une quantification moins juste que celle produite par des méthodes ciblées.
Les méthodes ciblées permettent l’analyse quantitative des contaminants ou de leurs métabolites dans des matrices biologique (plasma, urine, cheveux, placenta, méconium, etc…). Elles ne sont possibles qu’à partir d’une liste pré-établie de substances recherchées.
L’objectif de la caractérisation de l’exposome chimique étant la determination des liens entre l’exposition à des xénobiotiques et les troubles de la santé, certaines techniques analytiques, telles que la métabolomique, sont prometteuses pour caractériser les relations exposition-maladie. La métabolomique mesure quantitativement le changement dynamique des métabolites de faible poids moléculaire et leurs intermédiaires dans les organismes vivants en réponse à des stimuli externes ou à une modification génétique. Il donc envisageable, à partir de l’analyse d’un même échantillon de déterminer à la fois des biomarqueurs d’exposition et d’effet et de ce fait permettre d’établir un lien entre une dose interne et un effet. Il faudra alors être en mesure de différencier la variation physiologique normale des modifications induites par l’environnement et d’évaluer si l’effet biologique observé indique un dysfonctionnement capable d’entrainer une maladie.
Les analyses, à haut débit, d’analytes multiples extraits de matrices biologiques complexes et variées conduit à la production de données massives qu’il convient de traiter, d’interpréter, de représenter et de stocker de façon appropriée. Il s’agit là d’un autre défi, bio-informatique cette fois, dont il faut tenir compte à la fois en matière d’infrastructure et de compétences.
Appréhender l’exposome chimique, et de ce fait la multi-exposition, revient à caractériser l’exposition des individus à l’échelle populationnelle et individuelle, et à considérer la composante temporelle (différents stades de la vie) et spatiale (zone géographique, milieu de vie) de la contamination. S’agissant de la population générale cela nécessite de disposer de cohortes dont les caractéristiques (suivi dans le temps, répartition géographique, bio-banques) permettent de couvrir cette dimension spatio-temporelle.
Afin d’établir le lien entre environnement et santé humaine, l’objectif de l’acquisition de données sur l’exposome est de determiner la quantité/concentration d’une substance ou d’un metabolite à son site de toxicité chez un individu afin de la comparer à des valeurs toxicologiques de reference et d’en évaluer le risque. Il est rarement possible d’obtenir des échantillons prélevés à partir de tissus cibles. Il y a donc lieu de disposer des modèles toxicocinétiques qui permettent d’établir le lien entre la concentration à la cible et celle mesurée dans un échantillon biologique accessible au prélèvement.

Objectif et priorités pour le projet de PPR:

L’objectif est de caractériser au mieux l’exposome chimique de la population française à différents stades de la vie (incluant la période in utero) en ciblant en priorité les produits phytopharmaceutiques.
Pour atteindre cet objectif, il conviendrait de doter la France d’une infrastructure de référence sur l’exposome chimique, capable de répondre aux multiples défis de la problématique et visible au niveau Européen. Cette infrastructure mettra la France en capacité de répondre aux questions complexes de la multiexposition aux produits phytosanitaires et plus généralement aux contaminants environnementaux. Elle permettra de franchir un pas déterminant en matière de lien environnement-santé et pourra donner à terme, aux équipes de recherches françaises, la possibilité de revendiquer le leadership européen dans ce domaine.
Les développements méthodologiques qui auront été entrepris en matière de biomonitoring chez l’Homme et les bases de données qui auront été constituées sur la caractérisation des résidus de pesticides dans les matrices biologiques pourront à moyen terme servir à la mise en place d’une surveillance des milieux et des écosystèmes.
Sont concernés : les établissements de recherche publique : INSERM, EHESP (IRSET), ANSES, INRA, CEA, CNRS, universités, écoles, etc., les industriels concepteurs des outils analytiques, le Ministère en charge de la santé (gestion et exploitation des cohortes, épidémiosurveillance Santé Publique France), le Ministère en charge de l’agriculture et de l’alimentation (plateforme d’épidémiosurveillance de la sécurité sanitaire de la chaine alimentaire).

Positionnement par rapport à la situation actuelle

Mettre au point des systèmes sans pesticides, à haute productivité, avec des marges économiques satisfaisantes, suppose des changements en profondeur des itinéraires techniques, des rotations et des mosaïques paysagères. Dans l’état actuel des connaissances et étant donné la diversité des situations agricoles, on ne sait pas définir les caractéristiques techniques d’une culture, d’un itinéraire technique ou d’un système de culture, conduit sans pesticides. D’ailleurs, ces caractéristiques diffèreront selon les traits de la situation agricole et les objectifs de l’agriculteur. Mettre au point de tels systèmes en rupture demande donc de mettre en place, à grande échelle, des processus de conception innovante (Hatchuel et Weil, 2002 ; Prost et al., 2017), c’est-à-dire des processus au cours desquels l’identité et les propriétés de l’objet en construction se définissent progressivement, ainsi que les critères de son évaluation. De tels processus peuvent viser à inventer des systèmes de culture cibles, en rupture par rapport à l’existant, vers lesquels l’agriculteur va tendre, par un processus de conception de novo. Ils peuvent également viser à accompagner l’évolution progressive de systèmes existants, par un processus de conception pas-à-pas, favorisant l’apprentissage progressif du pilote (Meynard et al., 2012). Pour mettre en oeuvre la conception innovante, on mobilise et on pourra valoriser les connaissances déjà disponibles (cf infra) sur les processus biologiques naturels permettant de maitriser les bioagresseurs, et les techniques susceptibles de favoriser ces régulations naturelles. Mais les ruptures exigées par les systèmes sans pesticides, et la diversité des situations agricoles, exigeront également de produire des connaissances supplémentaires, qui font aujourd’hui défaut pour poursuivre le processus de conception jusqu’à la production d’une innovation opérationnelle. S’il est difficile, et souvent impossible, de les identifier avant d’engager des processus de conception, elles peuvent, en revanche, se révéler au cours de ce processus, permettant ainsi de le mener à bien (Toffolini et al., 2018). Ceci nécessite des dispositifs de recherche-action adéquats pour raisonner et mener à bien, de manière conjointe, l’invention des systèmes en rupture, l’identification et la production des connaissances nécessaires à la conception et la mise en oeuvre de ces systèmes, ainsi que leur test et leur amélioration, dans les conditions de la réalité agricole.
Les enjeux de recherche pour des systèmes « 0 pesticide » sont donc de trois grands types, qui devront être étroitement articulés entre eux pour espérer produire à la fois des solutions opérationnelles, des connaissances génériques, et des méthodes de travail robustes :
(a) Produire des connaissances sur des processus peu étudiés, nécessaires à la mise en oeuvre de leviers techniques et stratégies efficaces pour une prophylaxie maximale des systèmes agricoles ;
(b) Proposer et mettre à l’épreuve des innovations techniques permettant la suppression des pesticides, en caractérisant leur robustesse vis-à-vis de la diversité des contextes de leur mise en oeuvre, et leurs conditions de réussite ;
(c) Produire des dispositifs, méthodes, outils pour accompagner la reconception et la mise en oeuvre des systèmes de culture vers le 0 pesticides, impliquant les différents acteurs de la production à la consommation.
C’est sur ces 3 enjeux que se positionne le défi 2 du PPR, en ayant pour ambition de les combiner, dans des boucles de rétroactions : concevoir, avec les acteurs de la transition vers le 0 pesticide, des systèmes permettant un contrôle en amont des bioagresseurs, en mobilisant les connaissances génériques disponibles ; mettre à l’épreuve les systèmes envisagés ; identifier, par la mise en oeuvre et les retours d’expériences, les connaissances manquantes à produire, et les produire.
De nombreux projets de recherche existent (ou sont déjà terminés pour certains) et contribuent à l’ambition de ce défi. Mais quasiment aucun n’a pour objectif de viser des systèmes sans pesticides et travaillant sur la combinaison de leviers et donc la conception de véritables stratégies prophylactiques. De ce fait, les connaissances disponibles et les solutions proposées dans ces projets ne suffiront pas à atteindre cette cible ambitieuse.

Développer des espèces et variétés permettant la reconception des systèmes et la transition agro-écologique

Tendre vers une disparition des pesticides pour la préservation de l’environnement tout en assurant une bonne production et une stabilité des rendements dans le temps et l’espace sous la pression du changement climatique constitue un objectif majeur de l’agriculture. La définition de solutions et innovations permettant de relever ce défi ne peut s’entreprendre sans coordonner toutes les composantes de gestion, en particulier les leviers indissociables de l’amélioration génétique et des pratiques culturales. Sur le plan biotechnique, il s’agit de développer le continuum entre la physiologie, la génétique, l’agronomie et l’écologie pour reconcevoir les systèmes de culture de demain et assurer leur protection. Dans le paysage actuel, la production de connaissances et d’innovations génétiques est le plus souvent travaillée indépendamment de celle relative à l’agronomie des systèmes de culture. Ce découplage est visible à l’échelle des projets nationaux mais aussi internationaux. Aussi il est important de replacer l’innovation variétale au coeur de la réflexion des nouveaux systèmes de cultures via une protection intégrée associant génétique végétale et pratiques culturales afin de contribuer efficacement au contrôle durable des maladies des plantes.
La mise en place de systèmes intégrés de protection des cultures nécessitera de connaitre les mécanismes biologiques et écologiques ainsi que le déterminisme génétique à l’origine des défenses des plantes mais aussi des structures plus complexes qui pourront être introduites dans le cadre de la diversification des cultures. La caractérisation et la valorisation de la diversité, l’optimisation des interactions positives entre les plantes et organismes associés et la prise en compte des dynamiques évolutives seront des points à développer pour des innovations de rupture. Le renforcement et l’approfondissement des stratégies déjà maitrisées, via la recherche de nouvelles sources de résistance, l’analyse de leur durabilité ou encore la combinaison de différents mécanismes/gènes de résistance soit par pyramidage, soit par une organisation raisonnée à l’échelle du paysage seront à coupler pour optimiser conjointement l’innovation variétale et les systèmes de production.
La mobilisation des outils de biotechnologie et de phénotypage haut débit permettra d’avancer dans les connaissances à acquérir pour la création variétale en interaction avec les pratiques culturales tendant à limiter l’incidence des maladies sur les systèmes de production.
Ainsi les objectifs de ce défi sont de, (i) rendre les espèces cultivées plus résistantes à leurs pathogènes et ravageurs et plus compétitives vis-à-vis de leurs adventices via la création variétale, (ii) adapter les variétés à un plus grand niveau de complexité des couverts et de nouvelles pratiques palliant l’usage des pesticides (iii) lancer des processus d’amélioration de nouvelles espèces pour de nouveaux services afin de se mettre en capacité de construire de nouvelles filières. Les cibles prioritaires seront les espèces cultivées majeures ainsi que les espèces fruitières, la vigne et les espèces tropicales. Toutefois, les espèces listées ci avant ne constituent pas une liste restrictive car il est important de considérer aussi les espèces susceptibles d’engendrer une augmentation de la diversité fonctionnelle dans les systèmes de cultures pour atteindre l’ambition de ce défi.
Parmi les orientations de recherche proposées, certaines reposent sur la mobilisation des connaissances actuelles et une focalisation des efforts sur les preuves de concept afin de permettre la mise en place d’innovations à court-moyen terme (i.e. durée du PPR) ; d’autres sur l’acquisition de connaissances académiques qui reste une priorité pour la mise en oeuvre à moyen-long terme de solutions (Tab. 1). Pour chacune des pistes de recherche identifiées, il est mentionné l’état de l’art et le degré d’opérationnalité que l’on peut en attendre à court et long terme.

Les priorités thématiques identifiées

Piste prioritaire 1 : Identification de nouvelles sources et nouveaux mécanismes de résistances (traits et zones génomiques) dans les ressources génétiques disponibles et dans de nouvelles ressources à prospecter – Introduction dans les programmes de sélection – mécanismes physiologiques et génétiques de l’immunité.
Le progrès génétique est conditionné par la disponibilité de diversité génétique dans le matériel d’intérêt. Il est donc indispensable de valoriser le plein potentiel des collections de ressources en vue de produire des variétés adaptées aux multiples enjeux des agricultures de demain en limitant l’impact des bioagresseurs de cultures. La valorisation des collections génétiques des espèces cultivées, de leurs apparentées sauvages et de nouvelles espèces d’intérêt, passe par une caractérisation et un criblage adaptés de leur diversité, via l’utilisation des outils de génotypage et de phénotypage. Les centres de ressources génétiques devront alors structurer l’accès aux données disponibles, y compris pour les espèces orphelines. La valorisation des collections permettra d’identifier des traits d’intérêt, de nouvelles sources de résistances et des voies plus durables de résistance. Dans ce cadre, et par exemple quand il n’existe pas de diversité naturelle utilisable chez une espèce, les biotechnologies et notamment l’édition du génome pourraient permettre d’éditer des caractères simples de résistance aux maladies, en reproduisant la diversité sous-jacente à la résistance observée chez certaines espèces (Thomazella et al. 2016). Les développements méthodologiques acquis dans le cadre des PIA, en particulier concernant le phénotypage, le séquençage haut débit et la sélection génomique, permettent d’envisager la mise en oeuvre de schémas de pre-breeding et de sélection novateurs et efficaces via l’identification des zones génomiques impliquées dans les résistances. Ces développements méthodologiques permettent d’envisager l’accès aux caractères plus complexes ou encore mal connus, impliqués dans la résistance/tolérance des plantes, notamment les résistances de type « non-hôte ».
Il est clair que l’identification de sources de résistance est une étape préalable à la mise en place de stratégies de protection comme la stratégie de pyramidage de gènes. Certains résultats suggèrent que le pyramidage est une stratégie plus intéressante en termes de durabilité que l’utilisation séparée des gènes de résistance (Rex Consortium Members 2016 ; Mundt 2016). Mais d’autres études suggèrent le contraire (Djidjou-Demasse et al. 2017). Aussi tester l’efficacité de ces deux stratégies selon le type de résistances, selon les situations environnementales et agronomiques dans lesquelles elles sont mises en place sont des pistes prioritaires à explorer à différentes échelles spatio-temporelles pour définir des stratégies adaptées de déploiement de résistances.
Enfin, il est nécessaire de renforcer l’analyse des mécanismes de résistance et d’immunité et des voies de signalisation. Il conviendra d’élargir les champs de recherche concernant les résistances, en ciblant des mécanismes différents des résistances contrôlées par gènes majeurs de type R. Ceci inclut l’étude des composantes de l’immunité ainsi que de la sensibilité des plantes, donnant lieu, à terme, à des approches de modifications géniques par la voie des biotechnologies ou de recherche de variants dans les ressources génétiques disponibles.
Piste prioritaire 2 : Analyse de la durabilité des résistances – Comprendre l’évolution des résistances en lien avec la gestion de la diversité in situ – programme complémentaire de la conservation ex situ et interface avec l’identification de nouvelles ressources.
L’intérêt des collections des ressources génétiques pour identifier de nouvelles résistances à introduire en amélioration des plantes a été largement prouvé au cours des dernières années. Ces collections de ressources génétiques constituent un levier majeur pour l’amélioration et l’innovation variétale et poursuivre leur caractérisation et valorisation avec les outils modernes de la génétique et amélioration des plantes est nécessaire (piste 1). D’autres approches complémentaires doivent également être envisagées. Dans une agriculture à faibles intrants et dans un contexte d’aléas climatiques, les fluctuations environnementales locales sont accentuées et impactent les dynamiques et l’évolution des populations de bioagresseurs. Ainsi une réflexion et des actions doivent être conduites sur le maintien des ressources génétiques adaptées ou capables de s’adapter à ces variations locales et temporelles de l’environnement. Le développement de la conservation et la gestion de ressources in situ à travers une « gestion dynamique » qui consiste à construire des populations à base génétique large et à gérer ces populations dans des dispositifs multi-sites peut être une solution complémentaire à la conservation ex situ des ressources. Ces populations hétérogènes sont soumises aux pressions de sélection locales, notamment celles issues des populations de multiples bioagresseurs. Ces pressions sont variables au cours du temps, et l’évolution des populations de plantes se fait sous sélection et sous différents mécanismes de l’évolution tels que la mutation, la recombinaison, la dérive génétique…. L’objectif est de maintenir un potentiel adaptatif au sein de ces réseaux de populations et d’orienter l’évolution de ces populations vers des formes adaptées aux conditions climatiques et aux pratiques agronomiques.

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Table des matières

1. Contexte et ambitions du PPR
2. Méthode pour la construction du PPR
3. Etat de lieux des financements de recherche sur la thématique du PPR
4. Les défis scientifiques posés par l’objectif « zéro pesticides »
4.1 Connaître l’exposome chimique
4.2 Favoriser la transition des systèmes de culture pour renforcer la prophylaxie, réduire l’impact des bioagresseurs et l’utilisation des pesticides
4.3 Développer des espèces et variétés permettant la reconception des systèmes et la transition agro-écologique
4.4 Accélérer le développement de solutions de biocontrôle et leur déploiement par l’acquisition de connaissances nouvelles
4.5 Mobiliser l’agriculture numérique et les agroéquipements pour l’agroécologie et la réduction de l’usage des pesticides
4.6 Encourager le changement en mobilisant les leviers économiques et réglementaires, privés et publics
5. Priorités pour le PPR
5.1. Animation scientifique
5.1.1. Gouvernance générale
5.1.2. Prospective « Agriculture européenne sans pesticides »
5.1.3. Colloques internationaux et rencontres « terrain » autour des thématiques du PPR
5.1.4. Synthèses des connaissances
5.2 Appels à projets « fronts de science »
5.2.1. Couverts végétaux à forte diversité fonctionnelle, microbiome et résistances des plantes pour des systèmes de cultures sans pesticides.
5.2.2. Conception innovante des systèmes de cultures, déploiement du biocontrôle et leviers socio-économiques de la transition.
5.3 Appels à projets « outils structurants »
5.3.1. Epidémiosurveillance pour la prophylaxie
5.3.2. Infrastructure dédiée à la caractérisation de l’exposome chimique
5.3.3. Recherches en articulation avec les dispositifs expérimentaux et d’innovation « zéro pesticides »
6. Dimension européenne et internationale
7. Calendrier, retombées et impacts in itinere
7.1 Livrables
7.2. Impacts du programme, évaluation en temps réel
8. Conclusion
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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