État de l’art sur les méthodes de calcul multi-échelles / multi-modèles

Méthodes basées sur l’utilisation de modèles multi-échelles

Méthodes d’homogénéisation

L’objectif des méthodes d’homogénéisation est la prise en compte d’une microstructure dans le modèle de calcul mécanique à l’échelle macroscopique. Ces méthodes reposent sur une hypothèse de périodicité de l’échelle microscopique (e.g. prise en compte de la structure cristalline d’un métal par exemple). Le principe des méthodes d’homogénéisation est d’intégrer la relation de comportement à l’échelle micro sur un volume élémentaire représentatif (VER) périodique avant de résoudre le problème à l’échelle macro. Le comportement microscopique peut être pris en compte de manière analytique via un développement asymptotique par exemple [Devries et al., 1989], ou encore de manière numérique en utilisant la méthode des éléments finis à l’échelle micro [Feyel et Chaboche, 2000]. Dans ce dernier cas, une procédure itérative permet le passage de l’échelle macro à l’échelle micro (localisation) et de l’échelle micro à l’échelle macro (homogénéisation) :
— la résolution d’un problème micro permet de calculer un champ de contrainte moyen sur le volume ω (σM = R ω σmdω) qui est alors utilisé pour calculer l’opérateur tangent homogénéisé KM à l’échelle macro
— la déformation aux points de Gauss issue de la résolution du problème macro est alors utilisée comme chargement des problèmes micro

Les méthodes d’homogénéisation sont basées sur l’hypothèse de périodicité du domaine étudié, et sont donc particulièrement bien adaptées à la prise en compte de microstructures. Aussi, lorsque le caractère multi-échelle du modèle n’intervient pas au niveau du matériau, mais d’un phénomène localisé à l’échelle macro (par exemple dans le cas de la fissuration), on pourra utiliser des méthodes d’enrichissement local.

Méthodes d’enrichissement

Les méthodes d’enrichissement n’ont, quant à elles, pas vocation à la prise en compte de l’échelle micro au niveau du modèle de comportement mécanique, mais au niveau de la solution elle-même. L’objet de ces méthodes est d’enrichir la cinématique globale avec de l’information issue des calculs à l’échelle locale. On citera ici les méthodes d’enrichissement hiérarchique micro/macro, les méthodes basées sur la partition de l’unité et les méthodes multigrilles.

Enrichissement multi-échelles micro/macro

Les méthodes d’enrichissement multi-échelles sont basées sur le principe des modèles micro/macro. L’objectif est de calculer la solution u comme une combinaison de la solution à l’échelle macro u M et de la solution à l’échelle micro u m, de sorte que u = u M + u m. Dans ce cas, la solution issue de l’échelle micro agit comme une correction sur la solution globale, tout en s’assurant de la continuité des quantités mécaniques à l’interface entre les échelles micro et macro [Ladevèze et al., 2001 ; Guidault et al., 2008]. Il existe une grande variété de méthodes d’enrichissement micro/macro. En effet, le modèle micro peut être résolu de manière entièrement analytique comme c’est la cas dans la Variational MultiScale Method [Hughes, 1995], ou encore en utilisant les éléments finis comme dans la Strong Coupling Method [Ibrahimbegović et Markovič, 2003]. Dans le premier cas, l’information issue de l’échelle micro sera condensée sur les interfaces au niveau macro, alors que, dans le second cas, c’est par le biais d’une procédure itérative que l’équilibre entre les échelles micro/macro sera atteint. Aussi, lors du traitement de modèles fortement hétérogènes, le domaine macro peut être entièrement recouvert de modèles micro, comme c’est le cas dans la Dirichlet Projection Method [Zohdi et al., 1996 ; Oden et al., 1999].

Méthodes multigrilles 

Les méthodes présentées précédemment sont capables de traiter des problèmes multi-échelles en agissant sur la correction d’une solution globale ou encore en enrichissant la base éléments finis dans laquelle celle-ci est calculée. Cependant, la nature multi-échelle d’un problème physique impacte également sa résolution lors de l’utilisation de certaines méthodes numériques itératives (e.g. les méthodes de type Krylov). En effet, les méthodes itératives ont la particularité de rapidement capter les modes à hautes fréquences de la solution recherchée, alors que les modes à basses fréquences demanderont plus d’itérations avant d’être correctement approchés (on parle de la propriété de lissage de tels solveurs). Pour pallier cela, l’idée des méthodes multigrilles [Briggs et al., 2000 ; Rannou et al., 2009 ; Passieux et al., 2011; Gerstenberger et Tuminaro, 2013] est alors d’alterner l’utilisation de grilles (maillages éléments finis imbriqués) de finesses différentes lors de la résolution itérative du problème (on parle de méthode multigrille géométrique). On prend ici l’exemple d’un problème mécanique discrétisé sous l’équation Ku = f.
— Le problème est tout d’abord résolu de manière approchée sur la grille la plus fine par l’algorithme itératif considéré afin de capter les modes à hautes fréquences de la solution uh ≈ K−1 hfh.
— Après une étape de projection (restriction), la solution uh est corrigée sur une grille plus grossière à partir de la donnée du résidu rh = fh−Khuh, de sorte que e2h ≈ K−1 2h rh.
— Selon la stratégie adoptée (V-cycle, W-cycle, …), le procédé peut-être réitéré sur une grille encore plus grossière (la résolution sur la grille la plus grossière est effectuée de manière directe). Sinon, la correction est reportée par prolongement sur la grille plus fine uh := uh + e2h.

Les méthodes multigrilles n’ont pas pour unique but de servir à la résolution de problèmes multi-échelles. Elles sont également employées à des fins d’accélération des solveurs itératifs (Gauss-Seidel, Jacobi, gradient conjugué…). Les méthodes multigrilles géométriques impliquent la construction explicite de maillages de finesses différentes. On parlera de méthode multigrille algébrique lorsque la détermination des opérateurs de restriction et de projection se base sur l’analyse de la matrice de rigidité (et de la connectivité entre les degrés de libertés), sans nécessiter la construction de maillages physiques intermédiaires.

Méthodes basées sur le couplage de modèles

Les méthodes présentées précédemment ont un point commun : la prise en compte des différentes échelles se fait au sein d’un seul modèle. Pour des raisons pratiques (principalement le traitement de problèmes multi-échelles par des codes ou logiciels commerciaux) il peut être parfois plus simple d’utiliser des méthodes de couplage de modèles. Dans ce cas, chaque modèle est dédié au traitement d’une échelle qui lui est propre. L’interaction entre les différentes échelles est alors assurée par le couplage de ces modèles.

Méthodes de couplage faible 

La méthode de couplage la plus fréquemment utilisées dans les bureaux d’études en calcul de structure est l’approche descendante (souvent appelée submodelling). Cette dernière est très présente dans les logiciels industriels. Le principe de l’analyse descendante est le suivant :
— Un calcul complet est effectué sur la structure dans son ensemble. Le plus souvent, le modèle est suffisamment précis pour capter les phénomènes globaux (e.g. modes de déformation à grande longueur d’onde), mais pas assez pour permettre la prise en compte de phénomènes localisés (e.g. concentration de containte, fissure…).
— Le résultat de l’analyse globale est utilisé pour imposer des conditions limites à une ou plusieurs analyses locales sur les zones d’intérêt pour lesquelles le modèle global n’est pas assez précis. Il peut s’agir des déplacements [Kelley, 1982] ou encore de la rigidité globale [Jara-Almonte et Knight, 1988].
— Une analyse fine est menée sur ces zones d’intérêt en utilisant un modèle adapté (maillage raffiné, comportement mécanique spécifique…).

Cette méthode présente l’avantage de concentrer l’effort de calcul sur les zones qui le nécessitent. Toutefois, elle est majoritairement réservée aux cas pour lesquels le détail local a peu ou pas d’influence à l’échelle globale sur le reste de la structure. En effet, comme leur nom l’indique, les méthodes descendantes ne permettent pas de faire remonter l’information locale à l’échelle supérieure. Cependant, dans certaines situations pratiques, la zone d’intérêt ne peut avoir qu’une faible influence sur l’échelle globale. C’est la raison pour laquelle cette méthode reste aujourd’hui très utilisée compte tenu de son rapport précision / coût de calcul.

Méthodes de couplage fort

Dans le cas où l’influence du modèle local s’étend au delà de son domaine de définition, on comprend aisément que les méthodes de couplage faible vont produire une solution plus ou moins erronée selon la situation [Cresta, 2008 ; Gendre, 2009]. Aussi, le seul moyen de construire une solution couplée exacte est de faire remonter l’information issue de la résolution du problème local au niveau global. C’est le principe des méthodes de couplage fort.

Méthodes directes de couplage
Ces méthodes tirent leur nom du fait que la prise en compte du couplage entre deux modèles se fait par le biais d’un calcul direct, i.e. sans faire appel à des procédés itératifs. On peut les classer en deux catégories principales :
— les méthodes de réanalyse structurale,
— les méthodes de condensation statique.

Le principe de la réanalyse structurale est de calculer la réponse d’une structure après une modification (souvent localisée) à partir de la connaissance de la réponse avant modification. La plupart du temps, la procédure consiste à évaluer la réponse du système initial sous différentes sollicitations élémentaires (au nombre de m par exemple) représentatives de la modification apportée à la structure. Cela revient ensuite à corriger l’opérateur de raideur initial par une matrice de rang m. Cette correction peut alors s’effectuer de manière non-intrusive vis-à-vis de l’opérateur au travers des formules de Sherman-Morrison et de Woodbury [Akgün et al., 2001].

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Table des matières

Introduction générale
I Le couplage non-intrusif en calcul de structures : prise en compte de défauts localisés et couplage de codes éléments finis
1 État de l’art sur les méthodes de calcul multi-échelles / multi-modèles
1.1 Méthodes basées sur l’utilisation de modèles multi-échelles
1.1.1 Méthodes d’homogénéisation
1.1.2 Méthodes d’enrichissement
1.1.3 Méthodes multigrilles
1.2 Méthodes basées sur le couplage de modèles
1.2.1 Méthodes de couplage faible
1.2.2 Méthodes de couplage fort
1.2.3 Couplage non-intrusif
2 Algorithme de couplage non-intrusif : une méthode flexible et universelle
2.1 Présentation de la méthode
2.1.1 Algorithme de couplage, formulation non-intrusive incrémentale
2.1.2 Propriétés de convergence
2.2 Exemples numériques
2.2.1 Propagation de fissure
2.2.2 Modifications structurales, conditions aux bords
2.2.3 Gestion des patchs multiples et interactions
2.3 Implémentation, caractéristiques techniques
2.3.1 Raccord de modèles éléments finis
2.3.2 Communications standardisées, couplage de codes et parallélisme
II Méthode de décomposition de domaine non-intrusive pour le calcul de structures non-linéaires de grandes dimensions
3 Le parallélisme en calcul de structures : un état de l’art
3.1 Méthodes de décomposition de domaine linéaires pour le calcul de structure
3.1.1 Approches primales et duales de la décomposition de domaine
3.1.2 Préconditionnement du problème d’interface, problème grossier
3.1.3 Méthodes mixtes
3.2 Extension des méthodes de décomposition de domaine aux problèmes non-linéaires
3.2.1 Méthodes Newton-Krylov-Schur
3.2.2 Stratégie de relocalisation non-linéaire
4 Décomposition de domaine non-intrusive pour le calcul non-linéaire
4.1 Présentation de l’algorithme de décomposition de domaine
4.1.1 Relocalisation non-linéaire à déplacement imposé
4.1.2 Problème d’interface – Approximation de l’opérateur tangent
4.1.3 Non-intrusivité de la méthode – utilisation de codes séquentiels fermés
4.2 Un exemple d’application : élastoplasticité
4.2.1 Présentation du cas test : porte-satellite en torsion
4.2.2 Propriétés de convergence
4.2.3 Déploiement sur le supercalculateur CALMIP
4.2.4 Temps de calcul – extensibilité
4.2.5 Stratégie incrémentale de la méthode de Newton globale
4.3 Non-linéarité géométrique
4.3.1 Présentation du cas-test
4.3.2 Résultats et propriétés de convergence
4.3.3 Limitations de la méthode – Perspectives d’évolution
III Algorithme de couplage : contrôle de la solution et adaptation de maillage
5 Le contrôle de l’erreur en éléments finis
5.1 Estimateurs d’erreur globale
5.1.1 Estimation de l’erreur par lissage des contraintes
5.1.2 Estimation de l’erreur en résidu d’équilibre
5.1.3 Estimation de l’erreur en relation de comportement
5.2 Estimateurs d’erreur locale
5.2.1 Estimation de l’erreur de pollution
5.2.2 Estimation de l’erreur en quantité d’intérêt
6 Raffinement de maillage non-intrusif : un estimateur d’erreur adapté à l’algorithme de couplage
6.1 Couplage non-intrusif et méthode du « patch »
6.1.1 Le problème de l’élasticité linéaire en dimension deux
6.1.2 La méthode du « patch »
6.1.3 Résolution non-intrusive
6.2 Estimateur a posteriori pour l’algorithme du « patch »
6.2.1 Opérateur d’interpolation et propriétés de base
6.2.2 Borne supérieure de l’erreur
6.3 Application au raffinement de maillage adaptatif
6.3.1 Un indicateur d’erreur local
6.3.2 Erreur de référence
6.3.3 Raffinement de maillage par patch d’éléments finis
6.3.4 Patchs multiples et raffinement h-p
6.4 L’estimation d’erreur a posteriori comme critère d’arrêt
6.4.1 Erreur de convergence versus erreur éléments finis
6.4.2 Cas d’application
Conclusion

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