Etat de l’art sur les fibres optiques dopées terres rares et leurs procédés de fabrication

Depuis la première démonstration d’une émission laser par T. Maiman [1] en 1960, les lasers jouent un rôle majeur dans le monde de la photonique. Ils ont permis l’essor d’un certain nombre d’applications technologiques dans des domaines variés: la découpe de matériaux [2] , la médecine [3] , l’armement [4] ou encore depuis plus récemment les voitures autonomes [5] . L’apport du laser à fibre (laser solide) à l’évolution des systèmes laser est indéniable. Leurs principaux avantages résident dans la solidité du système, la possibilité d’accroitre les puissances, l’efficacité de conversion électro-optique, et l’absence de miroirs pour créer la cavité résonante (qui est alors créée par des réseaux de Bragg) [6] . L’utilisation d’une fibre optique, dont le rapport surface/volume est élevé, offre un certain nombre d’avantages en comparaison aux autres milieux amplificateurs, comme par exemple une meilleure dissipation thermique, une excellente qualité de faisceau et de faibles pertes optiques.

Les fibres optiques ont été initialement développées pour le domaine des télécommunications [7] dans le but de transmettre des données sur de grandes distances avec une faible atténuation. Ce n’est qu’à partir de la démonstration d’une première fibre active en silice dopée néodyme à basse atténuation en 1985 [8] qu’elles ont été utilisées dans des systèmes laser. Dès lors, la course aux puissances émises est lancée et celles-ci ont augmenté d’environ trois ordres de grandeur depuis près de trente ans (figure 1). En 2010, des puissances de près de 10kW [9] ont été obtenues en mode continu, et d’environ 1kW en mode pulsé [10] . L’évolution de la puissance des lasers à fibre résulte d’efforts importants réalisés à la fois sur la composition du cœur de la fibre optique, son design et son procédé de fabrication.

La volonté d’accroître les puissances se traduit également par une augmentation de la concentration en ions terres rares au sein de la silice, ce qui a engendré l’apparition de nouveaux phénomènes nuisibles. Si la silice est un excellent matériau en termes d’atténuation optique, la structure de son réseau vitreux n’est pas adaptée à l’incorporation d’ions Yb3+ , qui, en raison de leur force de champ élevée, ont tendance à clusteriser* même pour des faibles concentrations, en accord avec les diagrammes de phase Yb2O3-SiO2 qui montrent une très forte tendance à la démixtion même pour de faibles teneurs en Yb2O3 [12] . La matrice aluminosilicatée, est la plus utilisée pour disperser les ions terres rares au sein des cœurs des fibres de forte puissance [13] . Cependant, ces cœurs sont sujets au phénomène de photonoircissement [14] , terme générique qui renvoie à une augmentation temporelle des pertes de transmission à certaines longueurs d’onde dans un milieu actif, causée par une irradiation (production de centres colorés sous l’effet de l’irradiation de pompage dans notre cas). Le photonoircissement nuit considérablement à l’efficacité du laser puisqu’il engendre une perte de la puissance de sortie au cours de son utilisation. Bien que l’origine de ce phénomène soit toujours sujette à discussion dans la littérature, il a été montré que l’utilisation d’un autre dopant en même temps que l’ytterbium, en l’occurrence le cérium, est favorable à l’atténuer [15] .

Etat de l’art sur les fibres optiques dopées terres rares et leurs procédés de fabrication

Afin de mieux cerner le contexte de ces travaux de thèse, nous présentons dans ce premier chapitre l’intérêt de la silice pour la fabrication de fibres optiques amplificatrices. Ses faibles atténuations théoriques en font un excellent candidat de l’ultraviolet au proche infrarouge. Une revue des nombreux dopants qui y sont ajoutés permet de mieux cerner l’utilité de chaque élément sur les propriétés optiques ou structurales du matériau. Un intérêt particulier est porté aux divers procédés de fabrication de fibres optiques en silice dopée terres rares utilisés. La difficulté d’une insertion homogène des terres rares dans la silice vitreuse génère des recherches très intenses depuis plusieurs dizaines d’années et l’apparition de la méthode dite Modified Chemical Vapor Deposition (MCVD) en 1974 [1]. Si cette méthode est toujours la plus utilisée industriellement, de nombreuses variantes sont apparues au fil des années, chacune présentant des avantages, des inconvénients et des contraintes de fabrication différents. Ce chapitre bibliographique permet de mettre en avant les motivations qui ont incitées la société iXblue photonics à mettre au point une méthode de fabrication innovante, nommée Surface Plasma Chemical Vapor Deposition (SPCVD), présentée dans le chapitre 2 et qui fait l’objet de notre travail de thèse.

La silice et ses dopants 

Cette partie s’attache tout d’abord à présenter des généralités sur la silice vitreuse, ainsi que sur les différents dopants qui y sont incorporés dans les domaines d’application des fibres optiques. Enfin, un intérêt particulier est porté sur l’ytterbium, qui nous concerne directement pour ces travaux de thèse.

La silice vitreuse
Le dioxyde de silicium, de formule chimique SiO2, est un minéral très abondant naturellement sur Terre. Sous forme cristalline, il est constitué d’un arrangement périodique de tétraèdres SiO4 liés par les atomes d’oxygène (figure 1.a). Chaque atome d’oxygène connecte deux tétraèdres SiO4 et est appelé atome d’oxygène pontant. Suivant les conditions de température et de pression, différentes variétés allotropiques (même composition chimique mais arrangements atomiques différents de la silice cristalline) existent. Ainsi, à pression atmosphérique, on a la succession avec la température des formes quartz (la forme la plus commune et la plus stable), tridymite et cristobalite. Sous forme vitreuse, c’est un solide non cristallisé qui n’a pas d’ordre à grande distance (≥ 10 Å), et qui présente le phénomène de transition vitreuse : c’est le verre de silice. Dans ce cas, la structure est constituée d’un enchainement continu aléatoire de tétraèdres SiO4 reliés, comme c’est le cas pour la silice cristalline, par des atomes d’oxygène pontants (figure 1.b). Le dioxyde de silicium est un oxyde formateur de verre, au même titre que l’oxyde de bore (B2O3), l’oxyde de phosphore (P2O5) et l’oxyde de germanium (GeO2), ce qui signifie qu’il est possible d’obtenir facilement un verre par fusion puis trempe à partir de ces différents oxydes purs. Ses propriétés physiques et chimiques, notamment son faible indice de réfraction, sa transmission dans l’ultraviolet, sa résistance mécanique et son faible coefficient d’expansion thermique, en font un matériau très adapté pour des applications laser. Pour qu’il y ait amplification laser, certains éléments, optiquement actifs ou non, sont insérés en faible proportion dans la matrice, ce qui en modifie ses propriétés. Au sein de la structure vitreuse, ces éléments jouent le rôle de modificateurs, d’intermédiaires ou de formateurs. En effet, l’addition d’éléments au verre de silice joue un rôle primordial dans les propriétés optiques et physico-chimiques d’une fibre optique. Ainsi, des éléments tels que le bore, l’aluminium ou le phosphore vont permettre de modifier soit l’indice de réfraction du verre, soit la température de fusion de la silice, ou encore la solubilité d’autres éléments tels que les lanthanides par exemple. Ces derniers, en raison de leur structure électronique, sont responsables de propriétés d’absorption et de luminescence optiques particulières.

L’indice de réfraction dépend de la densité électronique et de la polarisabilité des ions présents dans le verre. Par conséquent, les ions à faible numéro atomique tels que le fluor ou le bore, très peu polarisables, diminuent l’indice de réfraction du verre, comme représenté sur la figure 2 [2]. Le germanium et le phosphore, de densités électroniques supérieures au silicium, vont l’augmenter. L’aluminium possède un numéro atomique plus faible que le silicium, mais augmente néanmoins l’indice de réfraction de la silice. L’incorporation d’aluminium au sein du réseau de silice vitreuse engendre une augmentation de la densité du matériau ainsi que du nombre d’atomes par unité de volume, notamment par la formation d’aluminium en coordinence 5 (espèces AlO5) dont la concentration augmente avec la teneur en aluminium insérée dans le verre [3]. L’indice de réfraction de référence utilisé dans la figure 2 est celui de la silice vitreuse pure soit 1,4585 [4] .

En fonction du matériau désiré, plusieurs de ces dopants sont incorporés dans le cœur de la fibre. Il faut donc tenir compte de l’influence de chacun pour obtenir l’indice souhaité. Néanmoins, il faut se méfier de certains co-dopages dont les réfractivités molaires ne sont pas additives, notamment pour le co-dopage en aluminium et en phosphore, présenté dans la section suivante. L’ajout d’une ou plusieurs terres rares dans la matrice est nécessaire pour obtenir une amplification de signal, ces dernières, insérées en faibles quantités ne modifient que faiblement l’indice de réfraction. Néanmoins, la faible solubilité de ces éléments dans la matrice de silice, due à la fois à leur charge ionique élevée, leur rayon ionique important et à la structure compacte de la silice (absence d’atomes d’oxygène non-pontants), impose des ajouts supplémentaires. L’aluminium, le phosphore ou le germanium par exemple, favorisent l’insertion des ions terres rares, en créant des défauts dans le réseau silicaté dans lesquels ils pourront s’insérer [5]. En théorie, cela permet d’éviter la formation d’un agrégat (« clustering ») des ions terres rares entre eux, phénomène limitant fortement les propriétés d’une fibre amplificatrice, qui intervient pour des concentrations élevées[6] .

Ses différents dopants 

Cette partie présente succinctement le rôle de chaque élément ajouté à la silice, brièvement évoqué dans le paragraphe précédent, aussi bien dans des fibres actives que passives. Si certains ont plutôt un rôle structural favorisant la dissolution des ions terres rares (aluminium, phosphore), d’autres impactent préférentiellement les propriétés optiques du matériau et permettent d’ajuster l’indice de réfraction (bore, fluor). La majorité des terres rares optiquement actives (ce qui n’est pas le cas des ions La3+, Lu3+ et Y3+ par exemple) ont un rôle amplificateur. Néanmoins, certaines sont parfois utilisées en co-dopage : l’une facilite le pompage par absorption à une longueur d’onde facilement accessible avant de transférer son énergie à l’autre terre rare qui pourra se désexciter par émission stimulée (co-dopages erbium/ytterbium ou holmium/thulium).

L’aluminium

Il est utilisé dans les fibres de spécialité comme élévateur d’indice de réfraction et permet d’insérer des concentrations en terre rare suffisantes dans un verre de silice pour créer une fibre laser. Il a permis notamment d’atteindre des concentrations importantes en erbium dans la silice pour des applications laser à forte puissance dès 1991 [7]. Ces résultats sont le fruit des travaux d’Arai et al. [8] un peu plus tôt, qui ont démontré que l’aluminium améliorait grandement les propriétés fluorescentes de verres de silice dopée au néodyme, en dissolvant les clusters de terres rares, et en les dispersant de manière homogène. Des études spectroscopiques EXAFS (Extended X-Ray Absorption Fine Structure) ont montré que l’insertion d’aluminium engendrait la création de liaisons Nd-O-Al et augmentait le nombre de liaisons Nd-O Si aux dépends des liaisons Nd-O-Nd [9], [10]. Arai et al. [8] ont montré qu’un ratio molaire Al/Nd de 10 était suffisant pour obtenir une fibre utilisable en configuration laser. En 1996, Tanabe et al. ont montré que l’ajout d’ions Al3+ et donc la création de liaisons Al-O-Si dans une matrice en silice dopée erbium, permet d’augmenter la section efficace d’émission de l’erbium [11]. Le rôle principal de l’aluminium est donc d’éviter le regroupement des ions terres rares, qui limite fortement les propriétés laser de la fibre. Des taux variant de 0,3% poids à 3,5% en poids d’oxyde d’aluminium sont généralement insérés dans les fibres actives.

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Table des matières

Introduction générale
Références bibliographiques
Chapitre 1 Etat de l’art sur les fibres optiques dopées terres rares et leurs procédés de fabrication
1. La silice et ses dopants
a. La silice vitreuse
b. Ses différents dopants
c. Cas de l’ytterbium
2. Principe d’une fibre optique amplificatrice
a. Propagation du signal
b. Amplification optique dans un verre de silice
3. Les différentes familles de fibres
a. Les fibres conventionnelles
b. Les fibres optiques microstructurées (FOM)
i. Brève description des FOM à cœur solide
ii. Brève description des FOM à cœur creux
iii. Brève description de la fabrication des FOM
4. Atténuations dans la silice vitreuse
a. Atténuations intrinsèques à la silice vitreuse
i. Absorption ultraviolette
ii. Absorption infrarouge
iii. La diffusion Rayleigh
b. Atténuations extrinsèques à la silice vitreuse
i. Atténuation due à la présence d’ions métalliques
ii. Atténuation due à la présence de groupes hydroxyles
iii. Les autres origines des pertes dans une fibre optique
5. Les procédés de fabrication de préformes de fibres optiques dopées terres rares
a. Les procédés internes
i. La méthode Modified Chemical Vapor Deposition
ii. Les procédés plasma
1. Plasma-enhanced modified chemical vapor deposition
2. Plasma chemical vapor deposition
3. Plasma Impulsed Chemical Vapor Deposition
b. Les procédés externes
i. Outside vapor deposition
ii. Vapor axial deposition
c. Le dopage en terres rares
i. Le dopage en solution
ii. Le dopage en phase vapeur
d. Autres moyens de fabrication
i. Méthodes poudres
1. Par fusion classique
2. Le procédé REPUSIL
3. La méthode Powder-in-tube
ii. La voie sol-gel
iii. Direct Nanoparticle Deposition
e. La tour de fibrage
6. Vers un procédé innovant
7. Conclusion du chapitre
8. Références bibliographiques
Chapitre 2 Le procédé Surface Plasma Chemical Vapor Deposition (SPCVD)
Chapitre 3 Etude des cœurs de préformes du système Yb2O3-Al2O3-SiO2 (AlYb) élaborés par la méthode SPCVD
1. Introduction
2. Etude de l’incorporation de l’aluminium au sein des cœurs de silice vitreuse élaborés par la méthode SPCVD
a. Rappels sur l’élaboration de cœur de préformes contenant de l’aluminium par la méthode SPCVD
b. Etude de l’incorporation radiale de l’aluminium
i. Suivi du dépôt
ii. Caractérisations physicochimiques
iii. Détermination de la réfractivité molaire de l’aluminium au sein des cœurs synthétisés par la méthode SPCVD
c. Etude de l’incorporation longitudinale de l’aluminium
d. Impact des conditions d’évaporation du précurseur AlCl3 sur l’indice de réfraction du cœur
e. Conclusion de l’étude de l’incorporation de l’aluminium au sein de cœurs de préformes du système Al2O3-SiO2 élaborés par la méthode SPCVD
3. Etude de l’incorporation simultanée d’aluminium et d’ytterbium au sein des cœurs de silice vitreuse élaborés par la méthode SPCVD
a. Rappels sur l’élaboration de cœurs de préforme contenant de l’ytterbium par la méthode SPCVD
b. Etude de l’incorporation radiale de l’ytterbium
i. Suivi du dépôt
ii. Caractérisations physicochimiques
c. Etude de l’incorporation longitudinale de l’ytterbium
d. Impact des conditions d’évaporation du précurseur YbCl3 sur l’indice de réfraction du cœur
e. Conclusion de l’étude de l’incorporation simultanée de l’aluminium et de l’ytterbium au sein des cœurs de préforme du système Yb2O3-Al2O3-SiO2 élaborés par la méthode SPCVD
4. Caractérisations structurales du réseau vitreux et de l’incorporation des ions ytterbium au sein des cœurs AlYb
a. Etude bibliographique sur la structure du réseau vitreux aluminosilicaté des systèmes Al2O3-SiO2 et TR2O3-Al2O3-SiO2
i. Etude bibliographique sur la structure du réseau vitreux du système Al2O3-SiO2
ii. Etude bibliographique sur la structure du réseau vitreux du système TR2O3-Al2O3- SiO2
b. Etude bibliographique de l’environnement et de la dispersion des ions terres rares au sein du réseau vitreux aluminosilicaté
c. Etude du réseau vitreux des cœurs de préformes élaborés par la méthode SPCVD
i. Etude du réseau vitreux par spectroscopie Raman
ii. Etude du réseau vitreux par spectroscopie RMN
iii. Discussion sur la structure du réseau vitreux
d. Insertion de l’ytterbium au sein du réseau vitreux aluminosilicaté des cœurs de préformes élaborés par la méthode SPCVD
i. Etude de l’insertion de l’ytterbium par spectroscopie optique
ii. Etude de l’insertion de l’ytterbium par RPE pulsée
iii. Bilan concernant l’incorporation et la dispersion des ions ytterbium au sein des cœurs de préformes aluminosilicatés élaborés par la méthode SPCVD
e. Conclusion sur les études structurales du réseau vitreux et de l’incorporation des ions ytterbium au sein de la matrice AlYb
5. Conclusion du chapitre
6. Références bibliographiques
Chapitre 4 De la matrice AlYb aux cœurs multi-composants pour la fabrication de fibres à grande aire effective
1. Introduction
2. Etude de l’élaboration de cœurs du système F-SiO2 par la méthode SPCVD
a. Incorporation du fluor au sein de la couche vitreuse durant le dépôt SPCVD
b. Etude de l’incorporation du fluor par la méthode SPCVD en fonction des paramètres expérimentaux
3. Les différentes matrices à grande aire effective envisagées
a. Les cœurs Yb2O3-P2O5-Al2O3-SiO2
b. Les cœurs Yb2O3-B2O3-Al2O3-SiO2
c. Les cœurs Yb2O3-Al2O3-SiO2-F
d. Conclusions et choix de la matrice
4. Stratégies de correction des profils d’indice de réfraction
a. Homogénéisation des profils d’indice par traitements thermiques
b. Correction des profils d’indice de réfraction par modification temporelle des débits de réactifs
c. Impact de l’atmosphère lors de l’étape de rétreint
d. Conclusion sur les stratégies de correction des profils d’indice de réfraction
Conclusion

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