Estimation des risques de maladies dues à des mutations génétique à partir de données familiales

L’épidémiologie génétique s’intéresse à la mise en évidence des facteurs de risque et, plus particulièrement ceux d’origine génétique, dans les maladies humaines. Les premiers facteurs génétiques ont été découverts pour des maladies dites monogéniques ou mendéliennes, qui sont des maladies dues à une mutation délétère rare dans un seul gène. Pour ces maladies, une agrégation familiale a été démontrée grâce à l’analyse de ségrégation, et la ségrégation du trait a été expliquée par un mode génétique simple, récessif ou dominant.

Aujourd’hui, les études en épidémiologie génétique portent également sur des maladies dites multifactorielles, qui résultent de la combinaison complexe de facteurs multiples aussi bien génétiques qu’environnementaux. Parmi ces maladies complexes, certaines possèdent des sousentités mendéliennes, c’est-à-dire des formes rares, dues à une ou plusieurs mutation(s) dans un seul gène. Ces sous entités, que l’on peut aussi appeler monogéniques, sont caractérisées par un risque beaucoup plus élevé et/ou un âge d’apparition plus jeune que celui de la maladie en population générale. Pour ces sous-entités aussi bien que pour les maladies mendéliennes, l’estimation du risque morbide associée à une mutation génétique (que l’on appelle fonction de pénétrance) en fonction de l’âge, est un défi majeur en santé publique car il permet non seulement une prise en charge adaptée mais également de mieux comprendre la maladie.

L’estimation des risques se fait presque toujours à partir de données familiales. Ces familles ne sont pas recensées aléatoirement dans la population mais à partir d’individus atteints dont les apparentés sont susceptibles de porter le ou les génotypes à risque. L’estimation de la pénétrance se fait donc à partir de l’information phénotypique et éventuellement génotypique de ces familles, recensées sous certains critères.

L’analyse de ségrégation

L’analyse de ségrégation vise à détecter l’existence et à spécifier la nature d’un facteur génétique susceptible d’expliquer les distributions familiales observées d’un phénotype donné. Elle utilise comme unité d’échantillonnage un groupe de sujets apparentés, la famille. Il s’agit de la première étape nécessaire pour déterminer, à partir de données familiales, le mode de transmission d’un phénotype, avec comme but principal, l’identification d’un gène ayant un effet fort que nous appellerons gène « majeur ». Classiquement, la méthode d’analyse de ségrégation dite « simple » consistait à tester si la transmission du caractère dans les familles était en accord avec les lois de l’hérédité mendélienne monogénique. Or, dans de nombreux cas, un tel mécanisme simple ne permet pas d’expliquer les concentrations familiales observées. Dans cette situation, on peut chercher s’il existe un « gène majeur », c’est-à-dire un gène qui explique une partie importante de la variabilité du caractère, parmi l’ensemble des facteurs qui déterminent ce caractère. Des méthodes d’analyse de ségrégation dites « complexes » ont été développées dans ce but .

Généralement, pour que les observations apportent suffisamment d’information sur la ségrégation du trait, les familles sont recensées à partir de la population d’étude, non pas aléatoirement, mais en fonction de certaines considérations portant sur le phénotype étudié. Ces familles ne sont pas détectées « en bloc » mais par l’intermédiaire d’un (ou plusieurs) de ses membres ayant un phénotype particulier. La première étape consiste à recueillir un échantillon de malades par les méthodes classiques, en s’adressant aux secteurs susceptibles de voir de tels malade : services hospitaliers, instituts spécialisés, etc. La deuxième étape consiste à contacter la famille de chaque malade et à établir un diagnostic pour les membres de la famille que l’on peut étendre plus ou moins loin. On a alors un échantillon de familles.

Les méthodes dites « simples »

Les méthodes d’analyse de ségrégation « simples » testent si la transmission du caractère dans les familles est en accord avec les lois de l’hérédité mendélienne monogénique. Lorsque les caractères étudiés sont des maladies, les familles sont recensées par l’intermédiaire de malades et l’étude de la répartition des individus atteints dans ces familles doit tenir compte du mode de recensement. Différentes méthodes ont été développées pour prendre en compte le biais de recensement. Nous en citons trois.

– La « méthode du proposant » de Weinberg [47, 14]. Il s’agit d’une méthode intuitive basée sur le constat qu’un proposant (c’est-à-dire un individu atteint et recensé) fournit l’information que ses parents sont capables d’engendrer un enfant malade. Le reste des individus de la fratrie, sans le proposant, fournit alors une estimation sans biais du rapport entre individus malades et individus sains. Dans le cas de plusieurs proposants par familles, l’auteur propose de dupliquer les familles autant de fois qu’il y a de proposants. Crow a montré que « la méthode du proposant » de Weinberg fournissait une estimation consistante du ratio de ségrégation [14].

– Morton a développé un modèle de recensement [33] qui s’applique à des familles nucléaires et qui a été très utilisé à cause de sa simplicité dans la procédure de correction. Il introduit la probabilité π qu’un cas, choisi aléatoirement dans la population, soit sélectionné comme étant un proposant. Dans la situation où π = 1 (que l’on appelle sélection tronquée), toutes les familles avec au moins un cas seront incluses dans l’analyse. Dans la situation contraire où π → 0 (que l’on appelle sélection unique), la probabilité qu’une famille soit recensée est proportionnelle au nombre d’atteints dans la famille. Dans ce cas, les familles avec plusieurs atteints seront sur-représentées. Dans les situations intermédiaires où 0 < π < 1 (que l’on appelle sélection multiple), les familles possédant plusieurs proposants sont très probables.

– Cannings et Thompson [8] ont proposé une stratégie pour reconstruire la généalogie une fois le proposant identifié. Ils ont montré qu’en adoptant leur stratégie, le fait de corriger uniquement pour le recensement initial, permet de s’affranchir du biais de recensement de l’analyse.

Données génétiques familiales pour l’estimation de la pénétrance

L’analyse de ségrégation utilise uniquement l’information phénotypique. Avec l’introduction de l’information génotypique des individus, certains auteurs, confondant biais de recensement et manque d’information, ont cru que cet apport de l’information génotypique leur permettrait de s’affranchir du biais de recensement [25]. Dans leur article [10], Carayol et al. ont montré que le biais de recensement demeurait si le recensement des familles n’était pas pris en compte dans la vraisemblance. Une fois le modèle génétique connu, le problème est donc de parvenir à une estimation la plus précise possible de la fonction de pénétrance en tenant compte du recensement des familles. Les données familiales pour l’estimation de la fonction de pénétrance sont toujours recueillies au travers d’un ou de plusieurs proposants. Cependant, les conditions de sélection des proposants dépendent du protocole sous jacent. Dans le cadre d’un protocole de recherche, les critères de recensement des familles seront définis par le responsable de l’étude. Ces critères dépendent, en général, du modèle génétique de la maladie. Ainsi, dans le cas de maladies mendéliennes, le fait de recenser les familles sur l’existence d’un atteint (c’est-à-dire indépendamment de l’histoire familiale) fournira des familles comportant des individus porteurs d’une mutation prédisposante et permettra l’estimation de la pénétrance. Par contre, dans le cas de maladies complexes à sous-entités monogéniques, un tel recensement impliquerait la sélection de nombreuses familles dans lesquelles la mutation sera absente. On utilisera donc, en général, des critères familiaux pour augmenter la probabilité de trouver une mutation prédisposante dans les familles. Par ailleurs, les données peuvent parfois avoir été recueillies dans le cadre d’une prise en charge. Dans ce cas, il n’y a pas véritablement de critères de recensement mais les membres des familles sont vus en consultation de génétique à la suite de recommandations médicales plus ou moins bien suivies. Dans une telle situation, le recensement n’est pas contrôlé.

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Table des matières

Introduction
1 État de l’Art
1.1 L’analyse de ségrégation
1.1.1 Les méthodes dites « simples »
1.1.2 Les méthodes dites « complexes »
1.1.2.1 Vraisemblance du modèle pour les généalogies
1.1.2.2 Les modèles généraux
1.1.2.3 Prise en compte des âges de début variable
1.2 Données génétiques familiales pour l’estimation de la pénétrance
1.2.1 Recensement sur critères indépendants de l’histoire familiale
1.2.2 Recensement sur critères familiaux
1.3 Les méthodes d’estimation de la pénétrance
1.3.1 La méthode « kin-cohort »
1.3.2 Les vraisemblances proposées par Kraft et Thomas
1.3.3 La vraisemblance prospective
1.3.4 La vraisemblance rétrospective
1.3.5 La Genotype Restricted Likelihood (ou GRL)
1.3.6 Récapitulatif
2 Approche méthodologique du problème
2.1 Écriture d’une vraisemblance à partir de données familiales
2.2 Modélisation de la fonction de pénétrance et contribution des individus à la
vraisemblance
2.3 Principe de simulation des familles
2.4 Conclusion
3 Etude de la Genotype Restricted Likelihood (ou GRL)
3.1 La Genotype Restricted Likelihood (ou GRL)
3.1.1 Ecriture de la vraisemblance
3.2 Etude de la GRL et de son efficacité relative
3.2.1 Simulations
3.2.2 Calcul de l’efficacité
3.2.3 Résultats
3.3 Conclusion et discussion
4 Recensement sur critères indépendants de l’histoire familiale
4.1 La méthode prospective
4.1.1 Ecriture de la vraisemblance prospective
4.1.1.1 Estimation du paramètre π
4.1.1.2 Prise en compte d’un critère d’âge
4.1.2 Étude de la méthode prospective
4.1.2.1 Simulations
4.1.2.2 Calcul du biais relatif
4.1.2.3 Calcul de l’efficacité
4.1.2.4 Résultats de l’étude de biais et d’efficacité de la vraisemblance prospective
4.2 La Proband’s phenotype Exclusion Likelihood (ou PEL)
4.2.1 Ecriture de la PEL
4.2.2 Etude de la PEL
4.2.2.1 Étude de la PEL en termes de biais relatif et d’efficacité, et comparaison avec la vraisemblance Prospective
4.2.2.2 Etude de la PEL à une erreur sur l’identification des proposants
4.2.2.3 Impact d’une mauvaise spécification des paramètres du modèle génétique
4.2.2.4 Intérêt du modèle de Weibull étendu
4.3 Application à la NAH et au cancer du sein
4.3.1 Calcul des intervalles de confiance
4.3.2 Les données de neuropathie amyloïde héréditaire (NAH)
4.3.3 Résultats de l’application à la NAH
4.3.4 Les données de cancer du sein
4.3.5 Résultats de l’application au cancer du sein
4.4 Étude de l’hétérogénéité de la pénétrance de la NAH dans la population suédoise
4.4.1 Description des données
4.4.2 Résultats
4.5 Conclusion et Discussion
5 Estimation de la pénétrance par une méthode non paramétrique
Conclusion

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