Esthétique de la mise en scène

L’écriture littéraire, fondée sur des règles précises, évolue en fonction de l’époque, des événements et des bouleversements sociaux qui concourent à son influence, et progressivement à sa forme changeante. En effet, cette écriture du texte littéraire est souvent considérée comme une réponse idéologique et esthétique du sujet écrivain. Elle semblait devenir sans conteste, chez les écrivains, une marge de manœuvre, un domaine de libération mais aussi d’exaltation des sentiments. C’est fort de ce constat que le statut de l’autobiographie s’est codifié et illustré dans la littérature occidentale notamment avec Saint Augustin qui rédige ses Confessions entre 397 et 401 en relatant chronologiquement les étapes de sa vie : « je veux me souvenir de mes hontes passées et des impuretés charnelles de mon âme. Non que je les aime mais afin de vous aimer, mon Dieu » . Son discours est beaucoup plus orienté dans le sens de l’histoire d’une vocation, c’est-à-dire vers la coïncidence avec Dieu que vers la construction du sujet propre « moi ».

Si certains journaux et récits de conversions ont été largement diffusés dans les milieux piétistes après Saint Augustin à des fins d’édification, c’est seulement en un sens faible que ce genre d’écriture peut être considéré comme un genre « littéraire ». Mais la sécularisation de cette écriture contribuera de façon essentielle à la naissance de la psychologie lorsque s’autonomisera l’espace de cette intériorité du moi. Cette écriture connaîtra ses lettres de noblesse à la suite des travaux remarquables sur la psychanalyse de Freud, sur l’inconscient, etc. On remarque que ces efforts ont fait évoluer l’autobiographie en se penchant sur une écriture approfondie sur le vécu du sujet écrivain et retrace la genèse d’une individualité en se démarquant de l’aspect religieux. Ce qu’il y a de remarquable ici, c’est que, c’est à l’intérieur même du monde « enchanté » que se développe une écriture de soi. Mais cela signifie-t-il que le geste autobiographique ne puisse être pensé que dans le cadre d’une alternative entre une écriture de soi qui vise en salut religieux et une écriture de soi qui prend la forme d’une œuvre littéraire dont la finalité reste à interroger ? Le XXe siècle répond incontestablement à cette question au moment où on note une sorte de libération de l’écriture notamment de l’écriture autobiographique.

Esthétique de la mise en scène

L’autobiographie s’établit dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et représente un phénomène particulier de l’histoire d’un roman. Cette nouvelle esthétique représente pour chaque autobiographe, une expérience seconde, c’est-à-dire un phénomène de « reconversion » au sein même de l’écriture. Pour écrire son autobiographie, il faut non seulement avoir déjà vécu, mais surtout, il faut déjà avoir fait quelque chose dans sa vie pour réaliser sa personnalité, à savoir sur le plan intellectuel, moral ou artistique. Ainsi écrire son autobiographie devient en quelque sorte une manière de saisir sa personnalité dans sa totalité, mais surtout dans un mouvement récapitulatif de synthèse du moi.

Il est remarqué alors que ce fait conduit à un isolement de l’homme qui tend à infléchir le déroulement des événements à sa guise tout en donnant une crédibilité aux valeurs dont il est porteur. Cependant, après un premier temps important de projection et d’élan créateur, vient le moment du retour sur soi. Valery disait dans ce sens : « on commence par écrire ses désirs et l’on finit par écrire ses mémoires »  . Ces caractéristiques donnent toute leur pertinence à l’apparition d’une esthétique de mise en scène. Cette esthétique représente un aspect particulier qui établit une relation constante entre le passé et le présent et change profondément la nature de la communication littéraire puis qu’elle la transforme en une communication personnelle. Ainsi est notée une rupture avec l’esthétique classique qui dans sa conception aristotélicienne des genres, avait limité le génie créateur des auteurs. C’est ce que Camus nomme « de la vie absurde » .

Cependant, le genre a connu un nouveau critère, cette fois plus personnel, et implique une esthétique de la mise en scène. Ce n’est plus un récit où prédominent les souvenirs intimes, elle implique plutôt un effort pour ordonner ses souvenirs et en faire une histoire de la personnalité de l’auteur. Cet état de cause nous conduit à faire ces remarques dans Les mots de Jean Paul Sartre et dans L’enfant noir de Camara Laye. En effet, ces deux auteurs montrent déjà dans leurs œuvres respectives un souci de recherche et de prise de conscience que l’autobiographie telle qu’elle était conçue par les Rousseau, Goethe et autres appartenait au passé. Toutefois, cette nouvelle esthétique se fonde sur l’homme et donne comme trait pertinent, une situation de l’enfance qui s’élargit par la suite à la destinée de cet enfant dans l’univers. Lejeune dit ainsi que « la personne ne s’explique que par son histoire, et en particulier par sa genèse dans l’enfance et l’adolescence »  . Ce projet sincère de se ressaisir et de comprendre sa vie n’échappe pas à l’œil du lecteur des mots de Jean Paul Sartre et de L’enfant noir de Camara Laye.

Si l’on prend en considération ces principes, on voit que cette esthétique devient chez Sartre et Camara un art qui ne peut passer que pour une reconquête même du style, où l’activité de se présenter devient de plus en plus diversifiée avec un ornement, mais surtout une parodie de soi qui se manifeste sous les couleurs de la satire et celle d’une autocensure faisant voir au lecteur une dimension de la réalité et aussi de la fiction. Malgré les transformions multiples et les divergences notées chez ces deux écrivains, tout ne change pas, mais nous constatons une révolution de sens nouveau, une rupture avec les classiques et la restitution d’un nouvel ordre. Cette évocation de la mise en scène impose une recherche de profit pour tout écrivain voulant se distinguer dans cette entreprise en remontant et en élargissant son champ .

PARODIE DE SOI

Si la parodie se conçoit comme grotesque, il faut préciser les différentes facettes qu’elle recouvre dont la première acception sera sans doute, la plus métaphysique si on se limite à analyser la représentation de la vie de l’écrivain qui ne manque pas de politique pour évoquer sa vie avec souvent des mots ou voix modalisés par l’énonciation, mais contrainte par l’évènementiel parfois émotive et corporelle de soi-même (de l’auteur). D’une subjectivité qui ne cherche des propriétés sensibles, des modalités du sentir, du percevoir et du dire de la médiation énonciative du texte qu’au niveau du moi énonciatif. Car il s’agit dans bien de cas, du récit d’un procès identitaire, d’un accès au statut d’agent, obtenu par l’auto perception du moi et même de l’autre parce que l’on comprend que c’est l’autre qui nous permet de parler de soi par l’opposition du regard et de la parole comme on le remarque chez quelques écrivains autobiographes notamment Jean Paul Sartre dans Les mots qui présuppose des prises de consciences et des épreuves d’ordre esthétique ou contestataire, déclencheur de transformations successives.

D’autre part, l’autobiographe se montre inclue dans la situation sans autant s’opposer parfaitement aux réalités même si par moment il se démarque pour laisser au lecteur le soin d’apprécier et Camara Laye contrairement à Sartre se donne la voix dans cette mesure en chantant son enfance de manière à ne pas voir que la douceur et la tendresse qui définissent l’image de l’enfant représenté dans un espace. Mais, la spécificité de l’espace dans cette ouvrage dépend du souci de l’auteur à manifester et à construire cet espace au tour du « je », c’est bien ce qui permet à Sartre et Camara de parodier leur enfance pour rejoindre Patrice Pavis qui considère la mise en scène de soi comme un discours à côté de la lecture «parodique » permettant à l’écrivain de saisir son enfance à sa manière. Cette mise en texte du « je » devient donc sous nos yeux une parodie de l’individu.

Satire de soi

A l’écriture des faits passés, les écrivains substituent les récits de souvenirs, à des fantasmes. Ce jeu parait ludique, mais donne une certaine possibilité à l’auteur de se délivrer des éléments de son enfance qui peuvent par moment gâcher son image. De son côté, Sartre se resaisit en montrant que la vérité du moi s’exprime mieux dans le fantasme avec une certaine raillerie. Cette reconstruction de l’enfance, Sartre en affirme, dès lors, la nécessité à travers la description de cet état distinct de la condition adulte en donnant comme alternative une thèse éthique qui dit la moralité de son enfance et celle psychologique qui par moment montre un enfant dans tout son être et aussi dans tous ses états :

« c’est l’enfance qui façonne des préjugés indésirables, c’est elle qui ressentit , dans les violences du dressage et l’égarement de la bête dressée, l’appartenance au milieu comme un évènement singulier » .

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Table des matières

Introduction
Première partie : Esthétique de la mise en scène
Chapitre1 : Parodie de soi
1-1 Satire de soi
1-2 Autocensure
Chap2 : Entre réalité et fiction
2-1 : Fragmentation de soi
2-2 : Imagination du passé
Deuxième partie : Hybridité narrative
Chapitre3 : Diversité scripturaire
3-1 : Ambiguïté générique
3-2 : Désarticulation de l’écriture autobiographique
Chapitre4 : Apport de l’écriture
4-1 : Réinvention de soi
4-2 : Réécriture de saga familiale
Conclusion
Bibliographie

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